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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 18 avril 2024, n° 22/05647

DOUAI

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

L2G La Générale de Gastronomie (SAS)

Défendeur :

Sodilys (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Barbot

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Soreau

Avocats :

Me Sabos, Me Laforce, Me Benillouche

T. com. Dunkerque, du 19 sept. 2022, n° …

19 septembre 2022

Exposé du litige

****

EXPOSE DES FAITS

La société La Générale de Gastronomie (la société L2G) conçoit, fabrique et distribue du matériel inox et des consommables à l'usage de la distribution des secteurs alimentaires et industriels.

La société Sodilys exploite un magasin Intermarché situé à [Localité 3].

Selon devis n°DEV08413483 du 26 juillet 2019, accepté par courriel le 25 octobre 2019, la société Sodilys a commandé à la société L2G deux étals pour la poissonnerie ainsi que des tablettes de préparation du poisson. Elle a demandé pour ces achats l'établissement de deux factures distinctes, l'une pour les étals, l'autre pour les accessoires.

Le 28 octobre 2020, prenant acte de cette demande, la société L2G, a facturé les deux étals poissons pour la somme de 22 639,56 euros TTC (facture F20080645), séparément des tablettes chiffrées à 600 euros TTC (facture F20102521).

L'installation thermique de l'étal ventilé a été faite par la société Thellia, propre frigoriste de la société Sodilys.

N'ayant pas reçu paiement, la société L2G a sollicité et obtenu du président du tribunal de commerce de Dunkerque, le 2 mars 2021, une ordonnance enjoignant à la société Sodilys de lui verser la somme de 23 239,56 euros avec intérêts au taux légal à compter du même jour.

Le 12 mars 2021, la société Sodilys a formé opposition à cette ordonnance.

Le 19 septembre 2022, le tribunal de commerce de Dunkerque a :

débouté la société L2G de l'ensemble de ses demandes ;

condamné la société L2G à verser à société Sodilys la somme de 2 000 euros d'indemnité procédurale ;

condamné la société L2G aux entiers dépens, incluant ceux afférents à l'ordonnance d'injonction de payer.

Par déclaration du 8 décembre 2022, la société L2G a interjeté appel de ce jugement, sur l'ensemble des chefs la condamnant.

PRETENTIONS des PARTIES

Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 janvier 2024, la société L2G demande à la cour, au visa des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile, de :

déclarer irrecevable la prétention tendant à sa condamnation à payer à la société Sodilys la somme de 15 000 euros, outre les intérêts légaux à compter du 16 septembre 2020, au titre du préjudice subi du fait du défaut d'utilisation de l'étal poisson conformément à sa destination ;

infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions ;

condamner la société Sodilys à lui payer la somme de :

23 239,56 euros en principal ;

80 euros au titre des frais de recouvrement forfaitaire ;

dire que la créance portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 17 octobre 2020 pour la facture F20080645 et à compter du 27 décembre 2020 pour la facture F20102521 ;

condamner la société Sodilys à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2024, la société Sodilys demande à la cour de :

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

débouter la société L2G de l'ensemble de ses demandes ;

Y ajoutant,

condamner la société L2G à lui payer la somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi du défaut d'utilisation de l'étal poisson conformément à sa destination, outre les intérêts légaux à compter du 16 septembre 2020, date de mise en demeure de la société L2G ;

la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

la condamner aux entiers dépens.

Motivation

MOTIVATION

I - Sur la recevabilité de la demande en dommages et intérêts de la société Sodilys

La société L2G fait valoir que cette demande n'est pas recevable :

- en application de l'article 564 du code de procédure civile, puisqu'elle n'avait pas été formulée en première instance ;

- en application de l'article 910-4 du même code, dès lors que la société intimée n'a formulé aucun appel incident dans ses premières conclusions, se contentant de conclure à la confirmation du jugement.

La société Sodilys réplique que :

Les demandes reconventionnelles sont recevables en appel en application de l'article 567 du code de procédure civile et que l'article 564 du même code lui permet de former de nouvelles demandes pour opposer compensation ;

Sa demande indemnitaire n'est pas nouvelle et vise à opposer compensation des sommes indûment sollicitées par l'appelante.

Réponse de la cour

L'article 910-4 du code de procédure civile dispose que : à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Il apparaît, et il n'a pas été contesté, que la demande de dommages et intérêts formulée par la société Sodilys à l'encontre de la société L2G a été présentée, non pas dans ses premières conclusions du 1er juin 2023, qui venaient en réponse aux conclusions adverses du 2 mars 2023, mais pour la première fois par conclusions du 5 janvier 2024.

Cette nouvelle demande ne visait pas à répliquer aux conclusions ou pièces adverses, déposées le 2 mars 2023, ce qu'avaient fait les conclusions de la société Sodilys du 1er juin 2023.

Elle ne visait pas plus à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En conséquence, en application du principe de concentration temporelle des prétentions, la demande en dommages et intérêts présentée pour la première fois par la société Sodilys dans son deuxième jeu de conclusions du 5 janvier 2024 sera déclarée irrecevable.

II ' Sur les demandes en paiement de la société L2G

La société L2G fait valoir que :

- la société Sodylis lui a commandé un « étal neutre » et un « étal poisson froid ventilé » ; qu'il n'existe pas de modèle « standard » d'étal à poissons et que la commande en cause était faite sur mesure pour le client ;

- l'étal neutre, qui permet de poser les poissons sur glace fondante et les maintenir à une température entre 0°C et 2°C, n'a fait l'objet d'aucun grief de la part de la société Sodylis, qui n'en a pourtant pas réglé le prix ;

- l'étal « poisson froid ventilé » n'a pas vocation à accueillir des produits crus non emballés, puisque la ventilation exclut la glace, assèche les produits et ne donne pas une température constante ; que cet étal était destiné à recevoir des bacs comme cela ressort du plan validé par Intermarché lors de cette commande (pièce 4) ; qu'il s'agit d'un meuble réfrigéré traditionnel, comme le qualifie elle-même la société Sodilys qui, selon les normes européennes et françaises NF EN 441 ou ISO23953-2, doit répondre à une température comprise entre -1°C et +5°C ; que la société Sodilys, qui est un professionnel averti, ne peut exiger que ce meuble puisse atteindre une température entre 0°C et 2°C, que si elle souhaitait une température particulière pour ce meuble, il lui appartenait de le spécifier ; que même si la vitrine répondait à la température souhaitée par la société Sodilys, les propres règles internes d'Intermarché interdisent à l'exploitant de placer du poisson ailleurs que sur de la glace fondante, et les bacs en inox gastro empêcheraient de toute façon de placer le poisson dans l'étal réfrigéré traditionnel ;

- les deux étals ont été livrés et installés par le frigoriste de la société Sodilys et sont actuellement utilisés au rayon d'Intermarché de [Localité 3], comme le démontre un reportage photo qu'elle a établi le 10 mars 2022 avec témoin, où l'on peut voir l'étal neutre avec les poissons sur glace fondante et l'étal ventilé pour des olives, des soupes de poissons, des poissons fumés ou des plats préparés ;

- il appartient à Sodilys d'apporter la preuve de l'exception d'inexécution ou du manquement à l'obligation qu'elle allègue, ce qu'elle ne fait pas ; qu'elle produit un extrait d'audit non contradictoire, non communiqué dans son intégralité et qui n'incrimine pas l'étal installé par Sodilys ; que la société Sodilys dispose de son propre frigoriste et qu'elle n'a donc pas à supporter la responsabilité des réglages faits par ce dernier ;

- la société Sodilys n'a jamais sollicité d'expertise judiciaire tendant à démontrer un dysfonctionnement de l'étal ; qu'elle ne démontre ni dysfonctionnement, ni manquement de son vendeur à l'obligation de délivrance ; qu'elle n'a de plus jamais procédé au remplacement de ces étals qu'elle continue d'utiliser ;

- Sur le manquement à une obligation de conseil qui lui est reproché : la sanction n'en est en tout état de cause pas la nullité de la vente, mais une action indemnitaire permettant de réparer le préjudice allégué ; qu'en l'espèce, elle est en relation avec la société Sodilys depuis 2014, que cette société exploite une enseigne Intermarché et doit se soumettre à un guide de bonnes pratiques qui démontrent qu'elle savait ce qu'elle commandait ; que la société Sodilys exploite les étals conformément à leur usage ; que les manquements au devoir de conseil ne sont pas démontrés ;

- les deux factures, pour un montant de 23 239,56 euros sont donc dues ainsi que les intérêts contractuels au taux triple du taux légal.

La société Sodilys réplique que :

L'étal neutre a été commandé et livré, sans qu'il y ait à faire de remarque sur la réalisation de cette prestation ;

l'étal ventilé et réfrigéré en revanche ne correspond pas aux caractéristiques de la commande et encore moins à la destination du produit, plus particulièrement à son usage pour la conservation du poisson, ce pour quoi elle s'est opposée au règlement de la prestation ; qu'elle a alerté la société Sodilys et tenté de résoudre à l'amiable le litige, par courriers du 16 septembre 2020, 17 décembre 2020, 29 janvier 2021, mais cette dernière n'a pas répondu favorablement à ses demandes ;

les courriels de confirmation des devis constatent que les étals commandés avaient pour finalité d'y exposer et de conserver du poisson ; que les factures émises mentionnent bien, comme usage pour les deux étals, qualifiés « étals poisson », celui de « la poissonnerie », et non « la poissonnerie et le poisson cuisiné-traiteur »;

contrairement à ce qu'affirme la société appelante, qui se base sur des reportages photographiques sans force probante, elle a dû faire l'acquisition d'un nouvel étal pour conserver les aliments, en remplacement de l'étal dont elle n'a jamais pu se servir conformément à sa destination, lequel a été remisé ;

Elle n'est pas professionnelle dans le négoce de vitrines réfrigérées et c'était à la société L2G, professionnelle en la matière, de lui apporter les informations sur les étals qu'elle vendait ;

Les seuils de température permettant la conservation du poisson sont issus d'un arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail complété par une annexe I, qui prévoit que la température des produits de la pêche, et précisément le poisson cru, doit être compris entre 0 et 2°C, peu important la méthode de conservation, l'apposition sur glace fondante n'étant pas obligatoire ;

Les étiquettes de leurs produits, qui ne sont pas propres à l'Intermarché de Gorgue, justifient de manière irréfutable la nécessité de maintenir la température en deçà des seuils réglementaires ;

La direction générale de l'alimentation, dans une instruction du 9 avril 2014, détaille les règles applicables à la conservation des produits de la pêche à une température proche de la glace fondante, soit 0-2°C lorsqu'ils sont réfrigérés ;

La société Thélia, spécialisée dans la maîtrise des températures et des taux d'hygrométrie, a relevé et analysé les températures sur l'étal litigieux et a constaté que ce dernier ne permettait pas de conserver les produits sous la température de 5°C, ce qui est supérieur à la température recommandée ;

Si l'étal réfrigéré et ventilé ne pouvait être utilisé pour l'usage prévu par la société Sodilys, il appartenait à la société L2G, en sa qualité de vendeur professionnel, et conformément à l'article 1112-1 du code civil, de lui apporter cette information, essentielle et déterminante à la conclusion du contrat ; que la société L2G n'a jamais apporté l'information selon laquelle la vitrine ventilée et réfrigérée la plus performante doit répondre à une plage de température -1°C/+5°C ; qu'en tout état de cause, dans le rapport [S], une température de 5,1°C a été relevée pour ce meuble, supérieure à la plage de température maximale ;

Le plan de mesures sanitaires d'Intermarché est une recommandation interne, qui n'impose pas de placer tous les produits de la marée sur glace fondante, et d'autres entreprises (sociétés Tournus équipement, Matérielchrpro.com, Arneg par exemple) commercialisent des étals réfrigérés et ventilés, similaires à ceux proposés par la société L2G, et qui garantissent des températures de produits allant de 0 à 2°C ; que la société L2G ne démontre pas, en quoi un professionnel ne pourrait vendre du poisson cru dans une vitrine ventilée ;

Dans la mesure où la société L2G a expressément reconnu que l'étal fourni ne permettait pas une conservation du poisson entre 0°C et 2°C, l'expertise judiciaire est inutile ;

La société L2G ne justifiant pas d'une livraison conforme, sa demande en paiement ne saurait être accueillie.

Réponse de la cour

En application de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'article 1104 du même code ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.

Le vendeur a, selon l'article 1603 du code civil, deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.

L'article 1604 du même code précise que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.

La notion de conformité ou non-conformité est inhérente à l'obligation de délivrance (civ. 3ème, 10 octobre 2012)

Le vendeur est tenu de délivrer un bien conforme à la stipulation de l'acte de vente (Civ.3ème, 25 mai 2005, n°03-20.476 publié).

Sur le paiement de l'étal neutre

Selon devis du 26 juillet 2019, accepté le 25 octobre 2019, et facture F20080645 du 18 août 2020, la société L2G a vendu à la société Sodilys un étal neutre en angle pour la somme de 8 698 euros HT, soit 10 437,60 euros TTC (pièces n°2 et n°6 de la société appelante).

La société Sodilys n'a pas contesté que cet étal avait été livré comme prévu et qu'il était conforme à ses attentes.

En application des articles 1103 et 1104 du code civil, la société Sodilys ne peut donc s'abstenir de régler le prix de cet étal.

La décision entreprise, qui n'avait pas ordonné ce paiement, sera donc infirmée, et la société Sodilys condamnée à verser à la société L2G la somme de 10 437,60 euros en paiement de cet étal neutre.

Conformément au contrat et aux dispositions de l'article L.441-10 du code de commerce, cette somme portera intérêts à un taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 19 octobre 2020 et la société Sodilys sera également redevable de l'indemnité forfaitaire de 40 euros pour retard de paiement.

Sur le paiement de l'étal droit réfrigéré ventilé

En vertu de l'article 1353 du code civil, « celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation »

Le devis « poissonnerie » établi par la société L2G pour un « étal poisson froid ventilé », ainsi que la facture finale du 18 octobre 2020 mentionnant « votre référence : étals poissons » et le courriel de la société Sodilys envoyé à la société L2G le 25 octobre 2019, démontre sans contestation possible que l'étal litigieux était destiné à de la poissonnerie.

Le catalogue de produits de la société L2G et son objet social démontrent par ailleurs que cette dernière est spécialisée dans les équipements de cuisine professionnelle et que chaque secteur alimentaire dispose de produits propres.

Selon l'arrêté du 21 décembre 2009 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d'entreposage et de transport de produits d'origine animale et denrées alimentaires en contenant, dans son annexe I sur les températures maximales des denrées réfrigérées, les « produits de la pêche frais, produits de la pêche non transformés décongelés, produits de crustacés et de mollusques cuits et réfrigérés » ainsi que « les produits de la pêche frais conditionnés » doivent être maintenus à une température de la glace fondante 0 à 2°C maximum.

Ces règles, prises notamment en application du règlement (CE) n°853/2004 du 29 avril 2004 fixant des règles spécifiques d'hygiène applicables aux denrées alimentaires d'origine animale, sont rappelées dans l'instruction technique du 9 avril 2014 de la Direction générale de l'alimentation (pièce n°6 de l'intimée).

La société L2G estime qu'un étal réfrigéré ventilé ne peut accueillir les produits frais de la mer, qui doivent être conservés dans la glace sur l'étal neutre.

Elle estime en effet qu'un « étal poisson froid ventilé », du fait même de la ventilation, ne pourra pas tenir une température constante en tous points, reconnaissant par-là que l'étal ventilé livré ne pourra pas garantir une température de 0-2°C.

Pourtant, la société L2G elle-même, au chapitre « marée » de son catalogue, illustre la rubrique « les étals réfrigérés-froid statique ou ventilé » (bien dissociée d'une autre rubrique intitulée « les étals neutres ») par la photo d'un étal réfrigéré supportant du poisson frais sur lit de glace (pièce n°12 appelante).

Elle produit également la photo d'un étal réfrigéré Mapal accueillant du poisson frais sous vide, alors que, selon la réglementation, ce produit doit être conservé à la température de 0° à 2°C.

Si les instructions d'Intermarché (pièce 3) commandent de placer les poissons frais sur un lit de glace fondante, ceci n'implique pas que le poisson repose uniquement sur un étal neutre.

En outre, d'autres produits que les produits de la pêche frais doivent être maintenus à une température de 0 à 2 degrés et ne sont pas conservés sur lit de glace, tels que les produits de crustacés et de mollusques cuits et réfrigérés, les produits de la pêche frais conditionnés.

La société Sodilys (pièce n°7) verse en exemple aux débats, la photo d'un paquet de crevettes entières cuites réfrigérées sous vide, qui impose un maintien à température comprise entre 0 et 2°C.

Par ailleurs, la société Sodilys verse aux débats le catalogue de la société Tournus (pièce n°8 de l'intimée) qui, dans la rubrique « étals ventilés », précise qu'est garantie « une température à c'ur des produits entre 0 et +2°C », ou une fiche produit de l'enseigne Matériels cuisine.com pour un étal à poissons à froid ventilé prévoyant une température intérieure de 0 à 2° (pièce n°15 intimée). Ces deux pièces, qui émanent de deux sociétés différentes, sont à destination du grand public et ne sont pas des devis spécialement établis pour la société Sodilys. Elles démontrent qu'un étal froid réfrigéré doit permettre le maintien entre 0 et +2°C exigé pour certains produits.

La société LG2 affirme que l'étal commandé ne pouvait en tout état de cause pas accueillir des produits frais en raison de la présence de bacs en inox.

Or, selon les plans transmis, les bacs n'occupent qu'une moitié de l'étal, d'une part. D'autre part, des produits conditionnés ou même des produits frais peuvent être placés dans ces bacs.

Compte tenu des réglementations existantes en matière de produits de la pêche, de la photo présentée par la société L2G elle-même pour illustrer sa rubrique « étal réfrigéré ventilé » au rayon Marée et des pratiques d'autres enseignes, la société Sodilys était en droit d'attendre la livraison d'un étal réfrigéré permettant la conservation des aliments entre 0 et 2°C.

Si elle n'était pas apte à assurer la livraison d'un tel étal, il appartenait à la société L2G, professionnelle en la matière, d'informer son client des raisons pour lesquelles elle ne pouvait tenir cette exigence.

L'article 1217 du code civil prévoit notamment que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté ou l'a été imparfaitement peut notamment refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation.

N'ayant pas livré un étal conforme, la société L2G ne peut imposer à la société Sodilys le paiement de cet étal. L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a débouté la société L2G de ses demandes de paiement de l'étal litigieux.

Sur le paiement des deux tablettes de préparation de poisson pour la somme de 500 euros HT, soit 600 euros TTC

Il ressort des pièces produites que, selon devis n°08413483 accepté le 25 octobre 2019 (pièces de l'appelante n°2 et 3), la société Sodilys a commandé trois tablettes de préparation de poisson 600x400, deux adaptables sur étal neutre ou réfrigéré pour 240 euros HT pièce, la troisième destinée à l'étal froid réfrigéré pour 260 euros HT.

Par courrier recommandé du 16 septembre 2020, la société Sodilys, dénonçant un certain nombre de problèmes affectant les meubles livrés, a précisé, en 5ème point, après avoir énoncé des problèmes de fixation des vitres sur l'étal non réfrigéré, n'avoir pas reçu livraison de la tablette de préparation poisson 600x400.

La facture F20102521 ne comptabilise cependant que deux tablettes, et non trois.

La société Sodilys est donc tenue à paiement de cette facture.

En conséquence, la décision sera infirmée en ce qu'elle a débouté la société L2G du paiement des accessoires, et la société Sodilys sera condamnée à verser à la société L2G la somme de 600 euros TTC.

Conformément au contrat et à l'article L.441-10 du code de commerce, cette somme portera intérêt au taux de trois fois le taux d'intérêt légal à compter du 29 décembre 2020 et se verra appliquer l'indemnité forfaitaire de 40 euros pour retard.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés L2G et Sodilys, succombant chacune pour partie, il y aura lieu d'infirmer la décision déférée, en ce qu'elle a mis les dépens de première instance à la seule charge de la société L2G et en ce qu'elle l'a condamnée au paiement d'une indemnité procédurale à la société Sodilys.

Chacune des parties gardera à sa charge ses propres dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, il n'y aura pas lieu d'allouer des indemnités à l'une ou l'autre des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dispositif

PAR CES MOTIFS

La cour,

DECLARE irrecevable la demande de la société Sodilys visant à la condamnation de la société L2G à lui verser la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, présentée pour la première fois dans son deuxième jeu de conclusions le 5 janvier 2024,

CONFIRME la décision entreprise en ce qu'elle a débouté la société L2G de sa demande de paiement de la somme de 11 698 euros HT, soit 14 037,60 euros TTC en paiement de l'étal froid ventilé ;

L'INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Sodilys à verser à la société L2G la somme de 10 437,60 euros TTC au titre de la facture F20080645 ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 19 octobre 2020 ;

CONDAMNE la société Sodilys à verser à la société L2G la somme de 600 euros TTC en règlement de la facture F20102521 ;

DIT que cette somme portera intérêts au taux de trois fois le taux légal à compter du 29 décembre 2020 ;

CONDAMNE la société Sodilys à verser à la société L2G la somme de 80 euros au titre des indemnités forfaitaires liées aux deux factures, pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des parties en première instance et en appel.