CA Douai, ch. 2 sect. 2, 18 avril 2024, n° 23/00798
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Nova Sources (SAS)
Défendeur :
Prinsen BV (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Barbot
Conseillers :
Mme Cordier, Mme Soreau
Avocats :
Me Danel, Me Laforce, Me Lahaye-Migaud
Exposé des faits
La société Nova Sources a pour objet social « toutes opérations commerciales se rapportant à la commercialisation et à la distribution de tous produits et de tous services ». Elle commercialise notamment des produits pour la grande distribution.
La société Prinsen a une activité de commerce de gros en alimentaire spécialisé.
Le 17 mai 2022, la société Prinsen a assigné la société Nova Sources devant le tribunal de commerce de Lille Métropole aux fins d'obtenir la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 16 961,70 euros en principal, représentant le paiement d'une commande de 2 931 cartons de Cappucino Vanille non réglée malgré plusieurs relances.
Par jugement du 19 janvier 2023, le tribunal de commerce a :
condamné la société Nova Sources à payer à la société Prinsen la somme de 16 961,70 euros, avec intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, à compter du 18 septembre 2020 avec anatocisme des intérêts par année complète ;
condamné la société Nova Sources à payer à la société Prinsen la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Nova Sources aux entiers dépens ;
débouté les parties de leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par déclaration du 16 février 2023, la société Nova Sources a interjeté appel de cette décision sur la totalité de ses chefs (n° RG 23/798). Par erreur, il a été indiqué dans l'acte d'appel que la décision contestée était un jugement de la cour d'appel de Lille Métropole en date du 19 janvier 2023.
La déclaration d'appel a donc été réitérée le 17 février 2023 (n° RG 23/814), précisant que la décision contestée était bien le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole du 19 janvier 2023. L'appel portait sur la totalité des chefs du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 janvier 2024, la société Nova Sources demande au tribunal, vu les dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil :
d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Lille métropole du 19 janvier 2023 et de :
débouter la société Prinsen de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
la condamner à lui verser la somme de 22 337,63 euros à titre reconventionnel ;
la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
la condamner aux entiers dépens.
Elle expose qu'elle entretient des relations commerciales anciennes avec la société Prinsen, dans un cadre contractuel qui n'est pas particulièrement formalisé. Elle explique qu'elle intervient en qualité d'intermédiaire et se charge de livrer des stocks de marchandises, notamment aux enseignes de la grande distribution, et en particulier à l'enseigne Scamark (Leclerc).
Concernant la commande litigieuse, elle fait valoir que :
la société Prinsen ne produit aux débats ni contrat, ni bon de commande, ni bon de livraison validé par la société Novasources, mais seulement une facture qui, à elle seule, ne représente qu'un document unilatéral et ne saurait se substituer à un contrat ; que l'on ignore quelles sont les conditions de la transaction qu'elle évoque ;
selon l'accord ancien des parties, seules les quantités réellement vendues, et en respectant les délais de fraîcheur des denrées, doivent lui être facturées ; que cette organisation des relations commerciales existantes entre les parties ressort notamment d'un mail du 24 janvier 2013 entre M. [S] (pour la société Prinsen) et M. [Y] (pour la société Nova Sources) ;
ceci est rappelé par la société Nova Sources à Atradius, cabinet de recouvrement mandaté par la société Prinsen, dans un courrier dont il ressort qu'en réalité cette dernière lui est redevable, après établissement d'un compte entre les parties, d'une somme de 22 337,63 euros TTC ; que la société Prinsen ne conteste pas la réalité de ces factures, mais uniquement leur fondement contractuel.
Par conclusions notifiées le 13 juillet 2023, la société Prinsen demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1582 du code civil de :
la juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
débouter la société Nova Sources de son appel et de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
confirmer le jugement rendu le 19 janvier 2023 par le tribunal de commerce de Lille Métropole en toutes ses dispositions ;
condamner la société Nova Sources au paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente instance.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que :
sa créance envers Nova Sources ne repose pas sur une seule facture mais est confirmée par un bon de commande du 23 juin 2020 de 2931 colis de Cappucino vanille et une lettre de voiture signée de la société Nova Sources confirmant la livraison ; que le prix se déduit, quant à lui, d'un précédent bon de commande de la société Nova Sources du 19 septembre 2019 pour la même marchandise ;
il y a bien accord sur le prix et sur la chose, ce qui justifie de l'existence d'une obligation contractuelle et du bien-fondé de la créance ;
le courriel du 16 janvier 2013, versé en traduction libre par la société Nova Sources pour prétendre que seules les quantités réellement livrées et respectant les délais de fraîcheur des denrées pouvaient être facturées, est très ancien et ne dit rien sur la facturation ou sur les conditions de délai de la date limite de consommation ;
rien n'est précisé sur la date limite d'utilisation optimale (DLUO), à distinguer de la date limite de consommation (DLC), et ni sur les avoirs faits, dont on ne sait s'ils concernent bien la facture litigieuse ; qu'en application de l'article 7 du contrat, la société Nova Sources aurait dû refuser la livraison et faire une réclamation dans les 8 jours, ce qu'elle n'a pas fait ; que les colis prétendument non vendus n'ont pas été restitués à la société Prinsen ;
la demande reconventionnelle de la société Nova Sources, à hauteur de 22 337,63 euros, ne s'appuie que sur des factures de prétendus frais de stockage, refacturation ou prestations qui ne sont pas convenues entre les parties et dont elle n'est pas redevable ;
elle est recevable à solliciter que la condamnation soit assortie des intérêts sollicités, les dispositions des articles L.441-10 ancien devenu L.441-6 du code de commerce ainsi que l'article 1343-2 du code civil étant des dispositions d'ordre public ; que l'anatocisme s'impose également dès lors qu'il a été demandé et qu'il s'agit d'intérêts dus pour au moins une année entière.
Motivation
MOTIVATION
Sur la jonction
La deuxième déclaration d'appel étant destinée à rectifier la première, elle n'a pas créé un nouveau lien d'instance. Cette instance unique sera donc reprise sous un numéro de rôle unique correspondant à la première déclaration d'appel, soit le numéro RG 23/798.
Sur le fond
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
L'article 1104 du même code ajoute que les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
Par ailleurs, en application de 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
L'article L.110-3 du code de commerce vient préciser qu'à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi.
1/ Sur la demande principale de la société Prinsen :
A l'appui de sa demande en paiement de la somme 16 961,70 euros pour la livraison de 23 palettes de 2 931 cartons de boîtes de « capuccino vanille », la société Prinsen verse aux débats :
un bon de commande adressé à la société Novasources pour une livraison le 30 juin 2020 de 2931 colis de « cappucino vanille » ;
une lettre de voiture signée de la société Mutual Logistics, basée à [Localité 2] le 30 juin 2020, indiquant la réception de « 23 PAL » ;
un duplicata de facture en date du 30 juin 2020 adressé par la société Prinsen à la société Nova Sources, concernant la livraison de 2931 cartons de « capuccino vanille » pour une somme totale de 16 961,70 euros.
La société Nova Sources produit de son côté des factures du stockage effectué par la société Mutual Logistics, ce qui démontre son partenariat avec la société ayant réceptionné les produits.
S'agissant du prix de 16 961,70 euros, s'il n'apparaît pas sur le bon de commande, il n'a cependant pas été contesté par la société Nova Sources lors de la livraison.
Il n'est pas non plus contesté par Mme [U], responsable administratif et financier de la société Nova Sources, dans son courriel du 29 janvier 2021, produit aux débats, dans lequel elle récapitule, à l'attention de sa direction, les sommes dues, selon elle, par la société Prinsen à la société Nova Sources.
Ce courriel propose en effet de déduire de cette facture le coût de colis non vendus et d'opérer une compensation avec des frais de stockage qui seraient dus par la société Prinsen, mais ne remet en cause ni le montant global de la facture, ni le prix unitaire du colis de 5,787 euros.
Dans un courriel du 30 mars 2021, M. [Y], président de la société Nova Sources, précise d'ailleurs à la société Prinsen qu'une compensation doit s'opérer entre la somme de 39 299, 33 euros qu'il estime lui être due, et la facture de 16 961,70 euros de la société Prinsen.
L'ensemble de ces éléments suffit à démontrer la livraison effective, le 30 juin 2020, des 2 931 cartons de « cappucino vanille » par la société Prinsen à la société Nova Sources pour la somme de 16 961,70 euros.
En application de l'article L.441-10 du code de commerce, le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date de règlement figurant sur la facture, est égal, sauf dispositions contraires, au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.
La cour de cassation (Com., 20 décembre 2017 n°16-25.786) a jugé que ces dispositions devaient être appliquées de plein droit nonobstant l'absence de mention dans les conditions générales de vente.
La somme de 16 961,70 euros portera donc intérêts, comme prévu à l'article L.441-10 susvisé. La date de règlement prévue étant le 18 septembre 2020, les intérêts courront donc à compter du 19 septembre 2020 (et non du 18 septembre 2020 comme mentionné dans le jugement).
Par ailleurs, en application de l'article 1342-3 du code civil, les intérêts échus, dus pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.
Ces intérêts sont dus dès lors que la demande en justice en est faite et qu'il s'agit d'intérêts dus pour au moins une année entière (Civ.1ère, 16 avril 1996, n°94-13.803).
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Nova Sources à payer à la société Prinsen la somme de 16 961,70 euros avec intérêts au taux appliqué par la banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage, mais à compter du 19 septembre 2020, et non du 18 septembre 2020.
Le droit à anatocisme sera également confirmé.
2/ Sur les autres demandes de la société Nova Sources
La société Nova Sources sollicite la condamnation de la société Prinsen à lui verser la somme de 22 337,63 euros.
La société Nova Sources verse, à l'appui de cette demande, le courriel de Mme [U] du 29 janvier 2021, ainsi qu'un récapitulatif de factures (pièce 1), selon lesquels la société Prinsen lui serait redevable de la somme de 39 299,33 euros, de laquelle il convient de retirer le coût de la livraison de 16 961,70 euros relative aux palettes de Capuccino.
* Dans ce courriel, la société Nova Sources indique que, selon l'accord des parties, les stocks vendus par la société Nova Sources pour le compte de la société Prinsen n'étaient facturés qu'à hauteur des quantités réellement vendues. 1 215 cartons n'ayant pas été vendus, elle demande donc la restitution de la somme de 7 031,21 euros dont sera déduite un crédit d'impôt 3 515,60 euros, soit 3 515,61 euros ;
La société Nova Sources produit, pour attester de cet accord, un courriel échangé le 16 janvier 2013 entre M. [W] [S] (pour la société Prinsen) et M. [Y], pour la société Nova Sources, précisant notamment :
en 4°/ que le stockage est à mettre au compte de la société Prinsen ;
en 5°/ que le stock est transféré à la société Nova sources, quand nécessaire, une taille minimale de commande, de l'ordre de 10 palettes par transfert, étant à déterminer.
Ce courriel, outre qu'il est fort ancien et révèle déjà certaines incompréhensions entre les sociétés, ne démontre toutefois aucun accord entre les parties sur le fait que seuls les produits effectivement vendus devraient être facturés.
En l'absence d'autres éléments, la réalité de ce prétendu accord n'est pas démontrée et la demande formulée à ce titre sera donc rejetée.
* Par ce même courriel du 29 janvier 2021, la société Nova Sources précise par ailleurs qu'en raison d'une date limite d'utilisation optimale (DLUO) trop courte, trois palettes n'ont pas pu être vendues à la société Scamark qui réclame un avoir de 3 086, 94 euros.
Elle verse, pour en justifier, six notes de débit de la société Scamark des 9,22 et 27 juillet, 15, 20 et 26 août 2020 pour le montant réclamé de 3 086,94 euros, concernant des livraisons de capuccino saveur vanille.
Ces documents indiquent un refus d'acceptation de la livraison pour « DLA non conforme ».
En premier lieu, les notes produites ne permettent pas de s'assurer que les palettes incriminées sont bien celles qui ont été livrées par la société Prinsen le 30 juin 2020.
Par ailleurs, la société Nova Sources ne produit pas le contrat passé avec la société Scamark ou des éléments de nature à déterminer en quoi consiste cette DLA contractuelle, comparée notamment à la DLUO ou la DLC (date limite de consommation) ou la DDM (date de durabilité minimale).
Elle ne démontre surtout pas qu'une date minimale de consommation était à prévoir pour les produits livrés par la société Prinsen, l'achat de produits à prix intéressants dont la date limite de consommation serait proche n'étant pas interdite.
Elle ne justifie par ailleurs d'aucune réclamation auprès de la société Prinsen, consécutive au refus de la société Scamark et ne précise pas ce qu'il est advenu des palettes refusées.
En conséquence, sa demande de remboursement à ce titre ne sera pas retenue.
* La société Nova Sources demande enfin le règlement de diverses autres factures de stockage pour le surplus, soit 15 735,08 euros.
Mais, outre qu'elle n'explique pas son décompte, se contentant de livrer le courriel déjà évoqué de Mme [U] du 29 janvier 2021, annoté, rectifié, raturé, et devenu de ce fait incompréhensible, la société Nova Sources ne verse à l'appui de sa demande qu'un récapitulatif de factures, non validé par un expert-comptable, et une liasse de factures, contestées par la société Prinsen.
Les justificatifs d'envoi de ces factures ne sont pas produits.
Elle ne verse par ailleurs aucun contrat, ni aucun autre élément de nature à justifier les livraisons opérées par la société Prinsen et à connaître le montant des frais de stockage convenu entre elles.
Ce stockage ayant été réalisé par d'autres sociétés (sociétés Mutual Logistic, Kuehne+Nagel notamment), elle ne produit par ailleurs aucun élément sur les accords pris avec ces sociétés, ou encore les paiements qu'elle aurait opérés.
En conséquence, faute pour la société Nova Sources de produire les justificatifs propres à démontrer sa créance, la seule édition d'une facture étant insuffisante, cette demande sera également rejetée.
La société Nova Sources sera donc déboutée de la totalité de ses demandes.
3/ sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
La société Nova Sources, qui succombe, assumera les entiers dépens d'appel.
Elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à verser à la société Prinsen une indemnité de procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
ORDONNE la jonction des procédures n° RG 23/798 et n° RG 23/814 sous une même affaire n° RG 23/798 ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 18 septembre 2020 au lieu du 19 septembre 2020 ;
Y ajoutant,
Rejette la demande nouvelle de la société Nova Sources tendant au paiement de la somme de 22 237,63 euros ;
la condamne aux entiers dépens d'appel ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande d'indemnité procédurale formée par la société Nova Sources et la condamne à verser à la société Printsen la somme de 3 000 euros.