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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 6 septembre 2023, n° 21/04911

BORDEAUX

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

TITE TP (S.A.R.L.)

Défendeur :

ETABLISSEMENTS GUENON (SAS), FAE FRANCE (S.A.S.U.), BPCE LEASE (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. FRANCO

Conseillers :

Mme GOUMILLOUX, Mme MASSON

Avocats :

SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, SELARL AUSONE AVOCATS, Me LABESSAN GAUCHER-PIOLA, SARL AHBL AVOCATS

TC BORDEAUX, du 16 juill. 2021

16 juillet 2021

EXPOSE DU LITIGE :

La société à responsabilité limitée [G] TP, engagée sur le chantier du golf de Geneste, à [Localité 6], s'est rapprochée de la société par actions simplifiée Etablissements Guenon pour l'acquisition d'un broyeur afin de réaliser notamment des travaux de broyage des sols, matériel qu'elle souhaitait coupler avec un tracteur [P] [K] que lui avait vendu la société Guenon le 8 novembre 2012 au prix de 112.000 euros HT.

La société [G] TP a ainsi acquis le 11 juillet 2016 un broyeur fabriqué par la société Fae, de type SFM 225, au prix TTC de 66.000 euros financé, ainsi que d'autres matériels acquis concomitamment, par un contrat de crédit-bail consenti le 30 juin 2016 par Natixis Lease, devenue BPCE Lease.

Lors des travaux, plusieurs pannes de tracteur se sont produites, ce qui a conduit la société Guenon à mettre un autre tracteur à la disposition de la société [G] TP pendant l'immobilisation du tracteur [P] [K].

Ce tracteur de prêt a également été endommagé.

Une expertise amiable a été diligentée par l'assureur de la société [G] TP, qui a ensuite conseillé à son assurée de ne plus utiliser le broyeur Fae, lequel a été entreposé au sein des établissements Guenon, la société [G] TP continuant par ailleurs à régler les loyers dus à la société BPCE Lease.

Faute de solution amiable au litige advenu entre la société [G] TP, la société Etablissements Guenon, fournisseur, et la société Fae France, fabricant, la société [G] TP a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Bordeaux aux fins d'expertise judiciaire.

M. [U], désigné par ordonnance du 5 juin 2018, a déposé le rapport de ses opérations le 22 novembre 2019.

La société [G] TP a, le 27 mai 2020, fait assigner les sociétés Etablissements Guenon, Fae France et BPCE Lease devant le tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de diverses sommes.

Par jugement prononcé le 16 juillet 2021, le tribunal de commerce a statué ainsi qu'il suit :

- prononce la résolution du contrat de vente du broyeur SFM 225 en date du 24 mai 2016 ainsi que la caducité partielle du contrat de crédit-bail mobilier (n° 936687) signé avec la société BPCE Lease le 30 juin 2016 au titre du broyeur en litige ;

- Condamne la société Etablissements Guenon à payer à la société [G] TP la somme de 51.889,50 euros, soit 90 % de la somme de 57.655,00 euros ;

- condamne la société Fae France à payer à la société [G] TP la somme de 5.765,50 euros HT, soit 10 % de la somme, en raison de son préjudice économique ;

- condamne la société [G] TP à payer à la société Etablissements Guenon la somme de 15.151,00 euros HT ;

- condamne la société Etablissements Guenon à rembourser à la société BPCE Lease la somme de 66.000 euros TTC, correspondant au prix d'achat du broyeur financé, suivant la facture du 11 juillet 2016 ;

- condamne la société Etablissements Guenon à payer à la société BPCE Lease la somme de 1.298,42 euros ;

- condamne la société Fae France à payer à la société BPCE Lease la somme de 144,26 euros ;

- déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamne la société Etablissements Guenon et la société Fae France à payer in solidum à la société [G] TP la somme de 5.000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne la société Etablissements Guenon et la société Fae France à payer in solidum à la société BPCE Lease la somme de 8.000 ;

- condamne solidairement la société Etablissements Guenon et la société Fae France aux dépens.

La société [G] TP a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 24 août 2021.

Les sociétés Guenon et Fae France ont formé un appel incident.

***

Par dernières conclusions communiquées le 15 avril 2022 par voie électronique, la société [G] TP demande à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1603, 1604 du code civil, 1224, 1227,1228, 1229 du code civil, 524 du code de procédure civile,

- déclarer recevable et bien fondée la demande que présente la société [G] TP en appel ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 16 juillet 2021 en ce qu'il a retenu la responsabilité des sociétés Etablissements Guenon et Fae France ;

Concernant le contrat de vente du broyeur SFM225 (commande n °15500)

- confirmer à titre principal la résolution du contrat de vente du broyeur SFM225 (commande n°15500) à la date du 24 mai 2016 en raison de sa non-conformité, du manquement au devoir de conseil et de renseignement et subsidiairement sur le fondement des dispositions de l'article 1641 et 1645 du code civil en raison du vice caché affectant le broyeur en litige et le rendant impropre à son usage ;

Concernant le contrat de contrat de crédit-bail mobilier (n°936687), conclu avec la société BPCE Lease,

- confirmer de ce fait la caducité partielle du contrat de crédit-bail mobilier (n°936687), signé avec la société BPCE Lease le 30 JUIN 2016, au titre du broyeur en litige ;

- réformer le jugement et condamner par conséquent la société BPCE Lease à rembourser à la société [G] TP l'ensemble des sommes versées au titre de l'exécution du contrat de crédit-bail

mobilier pour le broyeur ; lesquelles sont arrêtées pour le seul broyeur à la somme de 66.798,74 euros outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation soit le 27 mai 2020, lesquels intérêts produiront eux-mêmes intérêts au terme d'une année entière sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil, et ce jusqu'à parfait paiement ;

Si par extraordinaire, la juridiction refuse de prononcer la caducité de contrat de crédit-bail mobilier,

- condamner in solidum la société Etablissements Guenon et la société Fae France à payer à la société [G] TP la somme de 66.798,74 euros au titre des loyers versés à la société BPCE Lease outre les intérêts au taux légal lesquels intérêts produiront eux-mêmes intérêts au terme d'une année entière sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

Concernant la liquidation des préjudices de la société [G] TP,

- confirmer le jugement en date du 16 juillet 2021 en ce qu'il a considéré que la réparation de l'entier préjudice subi par la société [G] TP comprenait la somme totale de 28.398 euros H.T.

au titre des factures de réparation des tracteurs dont le tracteur [P] [K] ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 16 juillet 2021

en ce qu'il a omis d'intégrer dans la réparation du préjudice de la société [G] TP le remboursement des factures de location de tracteurs réglées par la société [G] TP en raison de l'immobilisation de ses propres matériels cassés par le broyeur en litige, soit la somme complémentaire de 11.045,75 euros HT ;

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce au titre de l'indemnisation du préjudice

économique dont notamment la perte d'exploitation subie par la société [G] TP pendant 5 ans

et condamner in solidum la société Etablissements Guenon & la société Fae France à payer la

somme de 696.774,99 euros HT euros ;

- débouter la société Etablissements Guenon de l'ensemble des demandes qu'elle présente au titre de la dépréciation du broyeur pour un montant de 39.000 euros ;

- débouter la société BPCE Lease de sa demande de paiement d'indemnités mensuelles d'utilisation à compter du 30 juin 2016 à l'encontre de la société [G] TP ;

- dire n'y avoir lieu à compensation des indemnités d'utilisation avec les loyers perçus par BPCE Lease ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a limité le paiement des factures à la somme hors taxes de 15.151 euros au profit de la société Etablissements Guenon ;

- débouter la société Fae France de l'ensemble de ses demandes présentées à l'encontre de la

société [G] TP ;

En toute hypothèse,

- condamner in solidum la société Etablissements Guenon et la société Fae France à payer à la

société [G] TP la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du

code de procédure civile, ce au titre des frais et honoraires exposés en référé et en première instance par l'appelante, ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;

- condamner in solidum les sociétés Etablissements Guenon et Fae France à payer

à la société [G] TP en appel la somme de 6.500 euros en application des dispositions de l'article

700 du code de procédure civile et aux dépens.

***

Par dernières écritures communiquées le 10 mai 2022 par voie électronique, la société Etablissements Guenon demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Guenon au titre de la délivrance non conforme du broyeur SFM 225 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat de vente du broyeur SFM 225 en date du 24 mai 2016 et la caducité partielle du contrat de crédit-bail signé avec la société BPCE Lease ;

- réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la caducité partielle du contrat de crédit-bail mobilier signé avec la société BPCE Lease le 30 juin 201, du fait de la résolution du contrat de vente ;

En conséquence,

- débouter la société [G] TP de l'ensemble de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Etablissements Guenon ;

- débouter la société BPCE Lease ses demandes au titre l'inexécution fautive de la part de la société Etablissements Guenon ;

- débouter la société Fae France de sa demande visant à voir condamner la société Etablissements Guenon à la garantir et la relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées au profit de la société [G] TP ou de la société BPCE Lease ;

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement en ce qu'il a limité la responsabilité de la société Fae France au titre du défaut de conformité à hauteur de 10 % ;

- en conséquence, condamner la société Fae France à relever indemne la société Etablissements Guenon de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;

- à défaut, limiter la responsabilité de la société Etablissements Guenon à hauteur de 50 % ;

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer la date de la résolution du contrat au 26 juin 2017 ;

- réformer le jugement en ce qu'il a fixé le montant du préjudice de la société [G] à la somme de 57.655 euros ;

- réduire le montant des demandes indemnitaires de la société [G] TP en considération des conclusions de l'expert ;

A titre reconventionnel,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de la société [G] TP au paiement de la somme de 15.151 euros HT ;

- condamner la société [G] TP au paiement de la somme de 18.181,20 euros TTC en règlement des factures 21218822 du 11 août 2017 et 21218166 du 11 janvier 2017 avec intérêts au taux contractuel ;

- condamner la société [G] TP au paiement d'une somme de 39.000 euros au titre de la dépréciation du broyeur ;

- condamner la société FAE et la société [G] TP in solidum au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise.

***

Par dernières conclusions communiquées le 9 mai 2023 par voie électronique, la société Fae France demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux en date du 16 juillet 2021 en ce qu'il a :

- condamné la société Fae France à payer à la société [G] TP la somme de 5.765,50 euros HT, soit 10 % de la somme, en raison de son préjudice économique,

- condamné la société Fae France à payer à la société BPCE Lease la somme de 144,26 euros,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société Fae France, in solidum avec la société Etablissements Guenon, à payer à la société [G] TP la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Fae France, in solidum avec la société Etablissements Guenon, à payer à la société BPCE Lease la somme de 8.000 euros,

- condamné solidairement la société Fae France avec la société Etablissements Guenon aux dépens ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter la société [G] TP et la société BPCE Lease de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Fae France ;

- débouter la société Guenon de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Fae France ;

Y ajoutant,

- condamner la société [G] TP et la société BPCE Lease, ou tout succombant, à payer à la société Fae France la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure

civile, ainsi qu'aux dépens ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société Guenon à relever et garantir la société Fae France de toutes condamnations prononcées à son encontre que ce soit au profit de la société [G] TP ou de celui de la société BPCE Lease ;

- débouter la société Guenon de ses demandes dirigées à l'encontre de la société Fae France ;

- condamner la société Guenon à payer à la société Fae France la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

A titre plus subsidiaire,

- débouter la société [G] TP de ses demandes indemnitaires ;

Encore plus subsidiairement,

- les ramener à plus justes proportions en considération notamment du rapport d'expertise et du jugement de première instance ;

En tout état de cause,

- condamner la société [G] TP, ou tout succombant, à payer à la société Fae France la somme de 10.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement pour le surplus.

***

Par dernières écritures communiquées le 31 janvier 2022 par voie électronique, la société Natixis Lease, devenue BPCE Lease, demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 16 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

- débouter la société [G] TP de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la société BPCE Lease ;

A titre subsidiaire,

Si la cour fait droit à la demande de remboursement des loyers formulée par la société [G] TP,

- condamner la société [G] TP au paiement d'indemnités mensuelles d'utilisation à la société BPCE Lease de même montant que le loyer contractuel à compter de la date de mise à disposition du broyeur financé, soit le 30 juin 2016, jusqu'à sa restitution effective ;

- ordonner la compensation de ces indemnités d'utilisation avec les loyers éventuellement perçus par la société BPCE Lease depuis le 5 août 2016 ;

En tout état de cause,

- condamner toute partie succombante à payer à la Société BPCE Lease la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

***

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2023.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.

Motivation

MOTIFS DE LA DÉCISION :

A titre liminaire, la cour observe que l'appelante vise en particulier les articles 1224, 1227,1228, 1229 du code civil dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016.

Ces textes ne sont donc pas applicables au présent litige puisque le contrat de vente et le contrat de crédit bail dont il s'agit ont été conclus respectivement le 11 juillet 2016 et le 30 juin 2016, soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de cette ordonnance.

La cour fondera donc sa décision sur les textes et la jurisprudence antérieurs applicables au litige en matière de résolution et de caducité dans les ensemble contractuels.

1. Sur le contrat de vente du broyeur

M. [U], expert judiciaire, conclut ainsi le rapport de ses opérations d'expertise : « Les éléments recueillis confirment que les pannes des deux tracteurs trouvent leur origine dans l'utilisation d'un broyeur d'une puissance supérieure aux limites admises par les prises de force arrières des tracteurs.»

L'expert précise : « Les conséquences techniques du dépassement des limites mécaniques des prises de force arrières ont été la rupture des élément de transmission des deux tracteurs.»

A la suite des différentes réunions d'expertise, des déclarations des parties et de l'examen des documents qui lui ont été remis, M. [U] a retenu que les sociétés Guenon et Fae avaient été sollicitées conjointement par la société [G] TP préalablement à l'achat du tracteur et du broyeur, afin de pouvoir répondre aux besoins de broyage des sols dans le cadre du chantier du Golf de Geneste. L'expert judiciaire relève à cet égard que, « à aucun moment, que ce soit lors de la démonstration réalisée avec ces matériels ou lors des sinistres survenus, ces deux sociétés n'ont identifié le dépassement des limites d'utilisation de la prise de force arrière indiquées par le constructeur du tracteur ».

Monsieur [T] [C], ancien salarié de la société Guenon, indique dans une attestation établie le 16 février 2018, que la société [G] TP, cliente depuis plusieurs années, a sollicité la société Guenon pour l'acquisition d'un matériel adapté au chantier du Golf de Geneste et compatible avec le tracteur de marque [P] [K] acquis quelques temps auparavant auprès de la société Guenon.

M. [C] indique : « J'ai pris la décision de contacter un commercial de la société Fae compte tenu de la spécificité de la demande, afin que la société Guenon soit en mesure de fournir à la société [G] TP un matériel adapté. Cette réunion s'est tenue dans les locaux de la société [G] en présence de Monsieur [X], représentant et commercial de la société Fae.»

Le témoin conclut en expliquant que la société Fae a donc préconisé d'utiliser un broyeur type SFM 225.

Les termes de cette attestation sont confortés par la production, par l'appelante, d'un message électronique adressé le 8 mars 2016 à la société [G] TP par M. [X], ainsi rédigé : « Suite à notre conversation de ce jour, veuillez trouver ci-joint la documentation du broyeur Fae RSL-225 [nota : devenu SFM-225] que nous vous proposons.»

La cour observe qu'il appartenait aux sociétés Guenon et Fae d'échanger leurs informations relatives aux limites des prises de force du tracteur d'une part et à la puissance du broyeur d'autre part aux fins de vérification des possibilités de couplage des deux matériels.

Par ailleurs, la société Fae ne peut soutenir qu'elle n'avait aucun lien contractuel avec la société [G] TP alors qu'elle avait dépêché un représentant sur le chantier aux fins d'analyse des besoins de celle-ci en vue de lui prodiguer les conseils les plus adaptés.

Il est constant en droit que le professionnel est tenu d'une obligation précontractuelle de conseil y compris à l'égard d'un autre professionnel dans l'hypothèse où la compétence de ce dernier ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques de l'objet du contrat ; que cette obligation porte tout particulièrement sur la recherche de l'adéquation du matériel à l'utilisation qui en était prévue ; que la sanction du manquement à cette obligation est la résiliation du contrat.

L'appelante, qui n'a pas disposé du matériel approprié à l'usage attendu, était donc fondée à réclamer la résiliation du contrat de vente du broyeur litigieux au titre du manquement du fabricant et du fournisseur à leur devoir d'information et de renseignement à l'égard de leur cliente, profane en la matière, et la cour confirmera le jugement déféré à ce titre, y compris, en considération de la nature des interventions respectives des intimées, en ce qui concerne le partage de leur responsabilité, la société Guenon détenant les renseignements nécessaires aux possibilités du tracteur qu'elle avait préalablement vendu à la société [G] TP et se devant de les fournir à la société Fae.

2. Sur la caducité du contrat de crédit-bail

La cour relève que le chef dispositif du jugement du 16 juillet 2021 relatif à la caducité partielle du contrat de crédit bail n'est discuté par aucune des parties en appel.

Toutefois, la société [G] TP fait grief au tribunal de commerce d'avoir ordonné la restitution par la société BPCE Lease à la société Guenon du montant des loyers versés par la société [G] TP ; l'appelante reproche au premier juge de ne pas avoir accueilli sa demande tendant à la condamnation du crédit bailleur à lui restituer les loyers dont elle rappelle qu'il n'est pas discuté qu'elle les a intégralement réglés à hauteur de 66.798,74 euros.

La société BPCE Lease répond que la société [G] TP a utilisé le broyeur litigieux du 30 juin 2016 à décembre 2021 ; que l'incompatibilité du matériel financé avec le tracteur de l'appelante ne remet pas en cause l'efficacité intrinsèque du broyeur ; que, enfin, l'article 5.2 des conditions générales du contrat stipule qu'en cas de résolution du contrat de vente, les loyers versés au bailleur lui resteront acquis.

La cour relève tout d'abord, avec la société [G] TP, que le tribunal de commerce a indiqué dans sa motivation qu'il y avait lieu de condamner la société BPCE Lease à restituer à la société Guenon le montant des loyers objet du contrat de crédit bail, mais ne l'a pas décidé au dispositif de son jugement. Il n'y a donc pas de condamnation à paiement à la charge de la société BPCE Lease.

Il est par ailleurs constant en droit que la disparition du contrat de vente a pour conséquence la caducité du contrat de crédit-bail mobilier accessoire à cette vente, cette caducité constituant une mesure adaptée puisqu'elle n'affecte pas la formation du contrat, peut intervenir à un moment où celui-ci a reçu un commencement d'exécution et ne sanctionne pas une inexécution du contrat de crédit-bail mais la disparition de l'un de ses éléments essentiels, à savoir le contrat principal en considération duquel il a été conclu ; dès lors, la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d'effet de la résolution, du contrat de crédit-bail, de sorte que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat.

Il en résulte que le crédit-bailleur doit restituer au crédit-preneur les loyers perçus en exécution du contrat de crédit-bail à la date d'effet de la résolution, laquelle est ici la date de conclusion du contrat de vente, la société BPCE Lease ne pouvant se prévaloir de l'article 5.1 des conditions générales du contrat.

La cour condamnera en conséquence la société BPCE Lease à payer à la société [G] TP la somme de 66.798,74 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 27 mai 2020 et anatocisme.

3. Sur les demandes accessoires

La cour observe en premier lieu que l'expert a fait les comptes entre les parties en ce qui concerne le montant des réparations du tracteur [P] [K], propriété de la société [G] TP, le montant des factures impayées de l'appelante auprès de la société Etablissements Guenon, et le montant des indemnisations versées par la société Axa en exécution du contrat d'assurance de la société [G] TP ; que c'est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement contestés en cause d'appel et que la cour adopte, que le tribunal de commerce a retenu une indemnisation de 28.398 euros H.T. au bénéfice de la société [G] TP et par ailleurs condamné celle-ci à payer à la société Guenon la somme de 15.151 euros HT au titre des factures non réglées.

L'appelante fait grief au premier juge de ne pas avoir accueilli sa demande en remboursement des frais de location de tracteur en remplacement du tracteur endommagé.

Toutefois, ainsi que l'a relevé M. [U], les trois factures produites au soutien de cette demande ne peuvent être prises en considération puisqu'elles portent sur la location d'un tracteur avec chauffeur - alors même que l'appelante rappelle dans ses écritures qu'elle souhaitait éviter le chômage partiel de ses propres salariés.

La cour confirmera donc le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande en paiement.

C'est également par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement contestés en cause d'appel et que la cour adopte, que le tribunal de commerce a retenu que le préjudice d'exploitation subi par l'appelante en raison des difficultés d'utilisation du broyeur litigieux se valorisait à 57.655 euros HT.

De même, le premier juge a, à juste titre, condamné la société Etablissement Guenon à restituer à la société BPCE Lease le coût d'acquisition du broyeur Fae SFM-225, en conséquence de la résolution du contrat de vente.

La cour confirmera le jugement déféré de ce chef ainsi qu'en ses chefs dispositifs relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens de première instance.

Y ajoutant, la cour déboutera les sociétés Etablissements Guenon, Fae France et BPCE Lease de leurs demandes respectives en indemnisation de leurs frais irrépétibles et condamnera la société Etablissements Guenon à payer une somme de 4.000 euros et la société Fae France une somme de 1.000 euros à la société [G] TP au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Etablissements Guenon et Fae France seront condamnées au paiement in solidum des dépens de l'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,

Infirme le jugement prononcé le 16 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux en ce qu'il a débouté la société [G] TP de sa demande en restitution des loyers versés à la société BPCE Lease.

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société BPCE Lease à payer à la société [G] TP la somme de 66.798,74 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts dus par année entière à compter de l'assignation du 27 mai 2020.

Confirme pour le surplus le jugement prononcé le 16 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Bordeaux.

Y ajoutant,

Déboute les sociétés Etablissements Guenon, Fae France et BPCE Lease de leurs demandes respectives en indemnisation de leurs frais irrépétibles.

Condamne la société Etablissements Guenon à payer à la société [G] TP la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Fae France à payer à la société [G] TP la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Etablissements Guenon et la société Fae France à payer in solidum les dépens de l'appel.