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Décisions

CA Angers, ch. prud'homale, 18 avril 2024, n° 21/00338

ANGERS

Arrêt

Autre

CA Angers n° 21/00338

18 avril 2024

COUR D'APPEL

d'ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00338 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E27B.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGERS, décision attaquée en date du 14 Mai 2021, enregistrée sous le n° F21/00032

ARRÊT DU 18 Avril 2024

APPELANTES :

S.E.L.A.R.L. ATHENA - prise en la personne de Maître [O] [H], ès-qualité d'administrateur ad hoc de la Société F.DCAPI

[Adresse 2]

[Localité 7]

S.A.S. F.DCAPI représentée par son Président, Monsieur [M] [U], domicilié es qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 5]

représentées par Me Aurélien GOGUET de la SELARL ASTROLABE AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS - N° du dossier 20210052

INTIMES :

Monsieur [D] [F]

[Adresse 1]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/006285 du 13/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS)

représenté par Me Baptiste FAUCHER de la SCP UPSILON AVOCATS, avocat au barreau d'ANGERS

UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 9]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Bertrand CREN de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau D'ANGERS, substitué par Me Aurélien TOUZET, avocat au barreau d'ANGERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Février 2024 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Madame Clarisse PORTMANN

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Conseiller : Madame Rose CHAMBEAUD

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 18 Avril 2024, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Clarisse PORTMANN, président, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Sas F.Dcapi était spécialisée dans le secteur d'activité des travaux de couverture. Elle employait habituellement moins de cinq salariés et appliquait dans ses rapports avec eux la convention collective nationale du bâtiment (ETAM). Elle était dirigée par M. [U], frère de M. [F].

Le 15 avril 2020, la société F.Dcapi a engagé M. [D] [F] en qualité d'employé administratif, niveau A, catégorie employé, dans le cadre d'un contrat à durée déterminée à temps partiel (24 heures hebdomadaires), motivé par un accroissement temporaire d'activité, pour une durée de six mois soit jusqu'au 15 octobre 2020, moyennant un salaire mensuel brut de 1 058,80 euros.

Le 23 juin 2020, M. [F] a saisi la formation des référés du conseil de prud'hommes d'Angers aux fins d'obtenir le paiement de ses salaires.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 16 septembre 2020, la société F.Dcapi a engagé une procédure de rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée pour faute en convoquant M. [F] à un entretien préalable fixé au 21 septembre suivant.

Puis par courrier du 29 septembre 2020, la société F.Dcapi a notifié à M. [F] la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute lourde en lui reprochant en substance son absence à son poste de travail malgré des relances, le fait de n'avoir fourni aucun travail depuis le 19 juin 2020 malgré des demandes de justification, l'utilisation frauduleuse et à des fins personnelles de la boîte mail de l'entreprise, le fait d'avoir directement menacé le gérant de la société F.Dcapi de le dénoncer pour de prétendus abus de biens sociaux faute de paiement des salaires, la violation des dispositions de son contrat de travail lui imposant d'observer de la discrétion dans l'exercice de ses fonctions, le fait d'avoir tenu des propos diffamatoires dans le cadre de sa requête devant le conseil de prud'hommes, ainsi que d'avoir tenté de se faire payer des heures complémentaires et d'avoir formulé des demandes inappropriées auprès de la conseillère bancaire de la société F.Dcapi.

Par ordonnance de référé du 20 octobre 2020, le conseil de prud'hommes d'Angers a dit n'y avoir lieu à référé en raison de contestations sérieuses et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond.

Ainsi, par requête du 14 janvier 2021, M. [F] a saisi la même juridiction au fond aux fins d'obtenir la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et subséquemment, la condamnation de la société F.Dcapi à lui verser un rappel de salaire et les congés payés afférents, le solde de l'indemnité de congés payés, une indemnité de requalification, des dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de rupture de son contrat de travail, des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail intervenue dans des conditions vexatoires, des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi qu'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société F.Dcapi n'a pas comparu et ne s'est pas fait représenter devant le conseil de prud'hommes.

Par jugement en date du 14 mai 2021 le conseil de prud'hommes d'Angers a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. [D] [F] en un contrat de travail à durée indéterminée ;

- condamné la société F.Dcapi à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 4 117,61 euros à titre de salaires nets ;

- 411,76 euros au titre des congés payés ;

- 238,80 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de la rupture du contrat de travail ;

- 1 500 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société F.Dcapi la transmission de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail, du document de fin de contrat, du solde de tout compte et des bulletins de paie régularisés sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement ;

- s'est réservé l'éventuelle liquidation de l'astreinte ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant des salaires en application des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaires, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil a évalué à 1 058,80 euros brut ;

- débouté la partie demanderesse de ses autres demandes ;

- condamné la société F.Dcapi aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'exécution.

La société F.Dcapi a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 15 juin 2021, son appel portant sur l'ensemble des dispositions lui faisant grief, énoncées dans sa déclaration.

M. [F] a constitué avocat en qualité de partie intimée le 29 juillet 2021.

Par jugement du 29 septembre 2021 rendu par le tribunal de commerce d'Angers, la société F.Dcapi a été placée en redressement judiciaire lequel a été converti en liquidation judiciaire le 27 octobre 2021 par jugement du même tribunal. La Selarl Athena prise en la personne de Me [O] [H] a été nommée en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier des 14 décembre 2021 et 26 janvier 2022, M. [F] a assigné en intervention forcée le CGEA de [Localité 9], unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, et le mandataire liquidateur.

Le CGEA de [Localité 9], unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS a constitué avocat en qualité de partie intimée le 21 décembre 2021.

Par jugement du 9 novembre 2022, la liquidation judiciaire de la société F.Dcapi a été clôturée pour insuffisance d'actif .

Par ordonnance du 22 décembre 2023, le président du tribunal de commerce d'Angers a nommé la Selarl Athena, prise en la personne de Me [O] [H], en qualité de mandataire ad hoc de la société F.Dcapi, laquelle a constitué avocat le 19 janvier 2024.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 janvier 2024 et l'affaire fixée à l'audience du conseiller rapporteur du 6 février 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La Selarl Athena prise en la personne de Me [O] [H], en qualité de mandataire ad hoc de la Sas F.Dcapi, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 24 janvier 2024 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de lui donner acte de son intervention volontaire et de ce qu'elle fait pleine et entière adjonction à l'argumentation et aux demandes formulées précédemment dans la procédure par la société F.Dcapi, et de la juger recevable et bien fondée en son appel ;

En conséquence :

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en date du 14 mai 2021 (RG n° F 21/00032) en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. [D] [F] en un contrat de travail à durée indéterminée ;

- condamné la société F.Dcapi à payer à M. [F] [D] les sommes suivantes :

- 4 117,61 euros à titre de salaires nets ;

- 411,76 euros à titre de congés payés ;

- 238,80 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de la rupture du contrat de travail ;

- 1 500,00 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné à la société F.Dcapi la transmission de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail, du document de fin de contrat, du solde de tout compte et des bulletins de paie régularisés sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement ;

- réservé l'éventuelle liquidation de l'astreinte ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit s'agissant des salaires en application des articles R.1454-28 et R.1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mois de salaires, calculée sur la moyenne des trois derniers mois que le conseil évalue à 1 058,80 euros brut ;

- condamné la société F.Dcapi aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'exécution ;

Statuant à nouveau :

- juger que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de M. [F] pour faute lourde est justifiée ;

- débouter M. [D] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [D] [F] à lui verser une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [D] [F] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Me [H] ès-qualités affirme d'abord que l'augmentation temporaire d'activité est liée à la crise du coronavirus qui a désorganisé l'entreprise, et à l'absence d'un salarié que le chef d'entreprise, M. [U], a dû remplacer.

Elle prétend ensuite que l'intégralité des salaires et congés payés a été réglée, ce jusqu'au 19 juin 2020, date à laquelle M. [F] a cessé de travailler malgré les relances de son employeur.

Enfin, elle assure que les nombreux griefs reprochés à M. [F] justifient la rupture anticipée de son contrat de travail, ajoutant s'agissant de la procédure suivie, que le formalisme prévu pour l'entretien préalable au licenciement n'est pas transposable à la rupture anticipée du contrat à durée déterminée et que la société F.Dcapi n'a commis aucun manquement à ce titre.

* Le CGEA de [Localité 9], unité déconcentrée de l'Unedic, association agissant en qualité de gestionnaire de l'AGS, dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 22 janvier 2024 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de lui donner acte de son intervention, et de :

- dire irrecevables les demandes de fixation de créances au passif de la liquidation judiciaire de la société F.Dcapi ;

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- requalifié le contrat de travail à durée déterminée de M. [F] en contrat de travail à durée indéterminée,

- condamné la société F. Dcapi à payer à M. [F] les sommes suivantes :

- 4 117,61 euros à titre de salaires nets, outre 411,76 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 238,80 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de la rupture du contrat de travail ;

- 1 500 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau :

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- juger que les sommes éventuellement allouées à M. [F] ne seront garanties par l'AGS que dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code ;

- condamner M. [F] aux entiers dépens.

Le CGEA de [Localité 9] fait d'abord valoir que la clôture de la liquidation ayant mis fin au traitement collectif du passif, les demandes de M. [F] ne peuvent tendre qu'à la condamnation de la société F.Dcapi désormais représentée par son mandataire ad hoc. Il en déduit qu'elles doivent être déclarées irrecevables en ce qu'il sollicite de voir fixer ses créances au passif de la procédure collective.

Sur le fond, il se joint aux explications développées par Me [H] ès-qualités.

* M. [F], par conclusions régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 24 janvier 2024, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :

- le déclarer recevable et bien fondé en son appel en intervention forcée de la Selarl Athena en la personne de Me [O] [H] et de l'AGS/CGEA de [Localité 9] ;

Sur l'appel principal de la société F.Dcapi :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes d'Angers en ce qu'il :

- condamne la société F.Dcapi à lui payer :

- 4.117,61 euros à titre de salaires nets ;

- 411,76 euros à titre de congés payés ;

- 238,80 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- 1 058,80 euros à titre de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de la rupture du contrat de travail ;

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonne à la société F.Dcapi la transmission de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail, du solde de tout compte et des bulletins de paie sous astreinte de 10 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement ;

- se réserve l'éventuelle liquidation de l'astreinte ;

En conséquence :

- débouter la société F.Dcapi, représentée par la Selarl Athena, en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de mandataire ad hoc de ladite société de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- fixer sa créance au passif de la liquidation avec garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 9] aux sommes suivantes :

- 4 117,61 euros à titre de salaires nets ;

- 411,76 euros à titre de congés payés ;

- 238,80 euros à titre d'indemnité de congés payés ;

- 1 058,80 euros à titre de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité pour irrégularité de procédure de la rupture du contrat de travail ;

- 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA de [Localité 9] qui devra sa garantie dans les plafonds et limites prévues par la loi ;

Sur son appel incident :

- infirmer le jugement en ce qu'il condamne la société F.Dcapi à lui verser la somme de 1 500 euros à titre d'indemnité pour exécution déloyale de son contrat de travail et le déboute de ses autres demandes ;

En conséquence :

- fixer sa créance au passif de la liquidation de la société F.Dcapi représentée par la Selarl Athena, en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de mandataire ad hoc, avec garantie de l'AGS-CGEA de [Localité 9] aux sommes suivantes :

- 2 500 euros au titre d'une rupture abusive et fautive du contrat de travail par la société F.Dcapi, intervenue dans des conditions vexatoires ;

- 2 500 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable au CGEA de [Localité 9] qui devra sa garantie dans les plafonds et limites prévues par la loi ;

En tout état de cause :

- ordonner la délivrance de bulletins de paie régularisés ainsi que de documents de fin de contrat rectifiés, à savoir :

- certificat de travail ;

- solde de tout compte ;

- attestation Pôle emploi ;

- dire que cette obligation sera assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard passé le délai de 10 jours à compter de la notification du 'jugement' à intervenir ;

- allouer les intérêts de droit à compter du jour de la demande pour les sommes ayant une nature salariale et à compter du jour du jugement pour les sommes ayant une nature indemnitaire, lesdits intérêts portant capitalisation ;

- condamner la société F.Dcapi, représentée par la Selarl Athena ès-qualités de mandataire ad hoc, à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance, dont distraction sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile ;

- débouter la Selarl Athena de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter le CGEA de [Localité 9] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

M. [F] prétend d'abord que ses demandes sont recevables en ce qu'il sollicite la fixation de ses créances au passif de la société F.Dcapi et qu'aucune condamnation de la société F.Dcapi ne peut être prononcée du fait de la clôture de la liquidation judiciaire.

Il soutient ensuite que son contrat de travail à durée déterminée doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée dans la mesure où l'employeur ne justifie d'aucun accroissement d'activité à l'époque où il a été engagé. Il ajoute qu'en tout état de cause, le poste d'employé administratif qu'il occupait était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

Il affirme ne pas avoir été payé de ses salaires depuis mai 2020, précisant qu'il a réalisé les tâches qui lui étaient confiées, qu'il s'est tenu à la disposition de la société F.Dcapi qui a manqué à son obligation de lui fournir du travail à compter de juillet 2020 et qu'il s'est trouvé privé de lieu de travail durant toute la durée de son contrat, devant travailler à son domicile.

Il réclame de la même manière le paiement de ses congés payés, affirmant que ceux-ci n'ont pu lui être versés, faute par l'entreprise d'avoir payé les cotisations afférentes à la caisse de congés payés du bâtiment.

Enfin, il conteste le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail et souligne que le délai requis entre la convocation à l'entretien préalable et ledit entretien n'a pas été respecté.

MOTIVATION

Sur la recevabilité des demandes de M. [F]

Le CGEA de [Localité 9] soulève l'irrecevabilité des demandes de M. [F] en ce qu'elles consistent en une fixation de créances au passif de la liquidation de la société F.Dcapi alors que la clôture de la liquidation judiciaire intervenue le 9 novembre 2022 a mis fin au traitement collectif du passif.

M. [F] soutient que ses demandes sont correctement formulées et se prévaut à cet égard des dispositions de l'article L.3253-15 alinéa 4 du code du travail en application desquelles les sommes allouées par une décision de justice portant fixation de créance salariale rendue après la clôture de la liquidation sont portées sur un relevé complémentaire établi par le greffier du tribunal de la procédure collective qui l'adresse à l'AGS pour obtenir l'avance des fonds.

Il ressort de l'article L.625-1 alinéa 2 du code de commerce, que le salarié dont la créance, née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, ne figure pas en tout ou partie sur un relevé des créances, peut saisir à peine de forclusion le conseil de prud'hommes qui doit se borner à déterminer le montant des sommes à inscrire sur l'état des créances déposé au greffe du tribunal de la procédure collective.

L'article L.625-6 du même code poursuit en énonçant que les relevés des créances résultant d'un contrat de travail visés par le juge-commissaire ainsi que les décisions rendues par les juridictions prud'homales sont portés sur l'état des créances déposé au greffe.

Par ailleurs, aux termes de l'article L.3253-8 1° du code du travail, l'AGS couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

L'article L.3253-15 du même code énonce que l'AGS avance les sommes correspondant à des créances établies par décision de justice exécutoire, même si les délais de garantie sont expirés et, lorsque le mandataire judiciaire a cessé ses fonctions, le greffier du tribunal adresse un relevé complémentaire à l'AGS à charge pour lui de reverser les sommes aux salariés et organismes concernés.

Il résulte de la combinaison de ces textes que l'AGS doit garantir les sommes dues au salarié portées sur le relevé complémentaire établi à la suite d'une décision de la juridiction prud'homale rendue après la clôture de la liquidation judiciaire.

Ainsi, contrairement à la thèse développée par le CGEA de [Localité 9], aucune condamnation de la société F.Dcapi représentée par Me [H] en qualité de mandataire ad hoc ne peut être prononcée du fait de la clôture de la liquidation judiciaire.

En conséquence, le moyen soulevé par le CGEA de [Localité 9] tiré de l'irrecevabilité des demandes de M. [F] est rejeté et ses demandes seront déclarées recevables.

Sur la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

M. [F] soutient que l'employeur ne justifie pas du prétendu accroissement d'activité fondant le recours au contrat à durée déterminée, soulignant qu'il a été engagé en plein confinement. Il conteste le fait que son recrutement serait motivé par l'arrêt de travail d'un salarié, M. [G], imposant à M. [U] de se rendre sur les chantiers, dans la mesure où d'une part, l'arrêt de travail de M. [G] n'est pas versé aux débats et d'autre part, M. [U] était déjà présent sur les chantiers de manière habituelle avant le mois d'avril 2020. Il assure ensuite que le poste d'employé administratif est lié à l'activité normale et permanente de la société F.Dcapi. Il affirme enfin que la véritable raison de son recrutement est la condamnation de M. [U] pour violences conjugales, lequel ne pouvait plus entrer en contact avec sa compagne qui effectuait antérieurement les tâches administratives de la société.

Me [H] ès-qualités affirme que l'augmentation temporaire d'activité est liée à la crise du coronavirus dans la mesure où la société F.Dcapi a dû suspendre l'ensemble des chantiers jusqu'à la mi-avril 2020 et qu'il a fallu ensuite gérer le retard pris sur ces chantiers et assurer les prestations sur les nouveaux chantiers. Elle ajoute qu'un autre salarié, M. [G], s'est blessé à l'époque et que de ce fait, M. [U] a été contraint d'intervenir sur les chantiers et n'a plus été en mesure d'assurer la gestion administrative de l'entreprise qu'il assumait seul auparavant.

En application de l'article L.1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4 du même code.

Selon l'article L.1242-2, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent notamment le remplacement d'un salarié (1°) ce, en particulier, en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail, ou l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°).

Il revient à l'employeur d'établir la réalité du motif du recours au contrat à durée déterminée qu'il invoque. (Soc 21 novembre 2018, n° 17-21803)

En l'espèce, Me [H] ès-qualités ne communique aucun élément établissant l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise motivant le recours au contrat à durée déterminée de M. [F], étant rappelé de surcroît qu'il a été engagé le 15 avril 2020 et que le confinement a duré jusqu'au 11 mai 2020. Elle ne justifie pas davantage de l'arrêt de travail du salarié dont elle fait état ni de ce que M. [U] aurait dû le remplacer.

Par conséquent, le contrat de travail de M. [F] doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Selon l'article L.1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

Par conséquent, il y a lieu d'allouer à M. [F] la somme de 1 058,80 euros correspondant à un mois de salaire à titre d'indemnité de requalification.

Le jugement est toutefois infirmé de ce chef en ce que la somme précitée doit être fixée au passif de la liquidation de la société F.Dcapi.

Sur l'exécution du contrat de travail

1. Sur le rappel de salaire

M. [F] fait valoir que dès le mois de mai 2020, la société F.Dcapi a cessé de régler les salaires alors qu'il a réalisé les tâches qui lui ont été demandées et qu'il s'est tenu à la disposition de son employeur, lequel a manqué à son obligation de lui fournir du travail à compter du mois de juillet 2020. Il ajoute qu'il a été privé de lieu de travail durant toute la durée d'exécution du contrat de travail et a réalisé ses missions depuis son domicile.

Il fait observer que la société F.Dcapi s'est engagée à lui verser ses salaires en mai, juin et juillet 2020, puis lui a proposé une somme de 7 000 euros pour régler amiablement ce différend. Il souligne qu'il ne se base pas sur un unique SMS mais sur des engagements réitérés et jamais tenus.

Me [H] ès-qualités expose que la société F.Dcapi justifie avoir procédé au paiement des salaires de M. [F] de mai et juin 2020 mais qu'à compter du 19 juin 2020 celui-ci a cessé de travailler. Elle conteste l'authenticité du SMS sur lequel M. [F] fonde sa demande.

M. [F] établit par de nombreux échanges de SMS que ses salaires de mai et juin 2020 ne lui ont pas été réglés en temps et en heure, qu'il les a réclamés à de nombreuses reprises et que l'employeur a reconnu cette absence de paiement, en annonçant à chaque fois une régularisation rapide, laquelle n'était toujours pas intervenue le 21 juillet 2020. (pièces 3, 11, 13, 15 et 16)

Il ressort des relevés bancaires et des bulletins de paie de mai et juin 2020 communiqués par Me [H] ès-qualités que le salaire de mai a été réglé le 20 août 2020, et le salaire du 1er au 19 juin, le 1er août 2020. (pièce 2 mandataire ad hoc)

S'agissant des salaires postérieurs au 19 juin 2020, il apparaît que le 29 juin 2020, M. [F] s'est inquiété de ne plus avoir de nouvelle de son employeur depuis le 19 juin, précisant que tous les mots de passe professionnels ayant été changés, il ne pouvait plus accomplir aucune tâche depuis cette date. Il a réitéré son inquiétude le 30 juin 2020 dans les mêmes termes et interrogé son employeur sur son sort 'que comptez-vous faire de moi'' (pièce 10). Le 3 juillet 2020, M. [F] a envoyé un nouveau message 'vous avez changé tous les mots de passe le vendredi 19 juin, donc à ce jour, je ne sais plus si je fais partie encore de la société. Je reste dans le flou total' (pièce 12). Il sera précisé que M. [F] exerçait son activité professionnelle en télétravail, les locaux n'étant pas aménagés pour accueillir un employé administratif (pièce 24).

L'employeur lui a répondu le 4 juillet 2020 qu'il avait effectivement changé tous les mots de passe au motif d'utilisation personnelle de la boîte mail professionnelle et en le considérant comme absent depuis le 19 juin 2020, puis en lui demandant par un second mail du même jour de lui restituer au plus vite 'tous ce ticket facture et tous les autres documents de l'entreprise', en lui confirmant une nouvelle fois que le mot de passe avait été changé et qu'il 'n'aurait plus accès jusqu'à nouvel ordre'. Il ajoute le 16 juillet 2020, 'je vous rappelle que vous êtes en télétravail depuis le 1er juillet 2020 en attendant l'adresse de notre nouveau siège social', puis 'quand vous dites que vous n'avez pas internet, me semble-t-il, vous vivez avec Mme [P] et que celle-ci a bien internet à son domicile avec un ordinateur'. Le 17 juillet 2020, il lui demande de 'trier les tickets que vous avez en votre possession pour la TVA à envoyer au comptable'. Le 21 juillet 2020, il l'interroge sur les tickets de TVA et il lui communique l'adresse du nouveau siège social, puis le 11 août 2020, il réitère sa demande au sujet des tickets de TVA, il lui rappelle qu'il est en télétravail depuis le 1er juillet et lui demande de lui rendre compte de son activité sur les dernières semaines.

Le 12 août 2020, M. [F] lui répond qu'il a joint le cabinet comptable le 17 juillet notamment pour les tickets de TVA, lequel lui a fait savoir qu'il ne voulait avoir affaire qu'avec le dirigeant, ce qui est confirmé par un mail du même jour en ces termes 'vous êtes le gérant de votre entreprise et c'est vous mon seul interlocuteur'.

En dernier lieu, le 21 août 2020, M. [U] reproche à M. [F] de ne jamais l'avoir vu dans les nouveaux locaux de l'entreprise, de même que le 29 août 2020.

Enfin, le dirigeant annonce à plusieurs reprises dans ses mails adresser un avertissement à M. [F] qu'il n'a, au demeurant, jamais envoyé, pas davantage qu'il ne lui a envoyé de mise en demeure de reprendre le travail. (pièce 4 mandataire ad hoc constituée d'une série de mails)

Il ressort de ces éléments que M. [F] a toujours été placé en situation de télétravail, d'abord du fait du confinement et parce que les anciens locaux n'avaient pas de bureau pour l'accueillir, puis par la volonté du dirigeant à compter du 1er juillet 2020 confirmée encore le 11 août 2020. Pour autant, il est établi que le 19 juin 2020, l'employeur lui a retiré tout accès aux données de l'entreprise, étant précisé que les échanges de mails précités sont envoyés sur la boîte mail personnelle de M. [F], [Courriel 10], que ce dernier s'est toujours tenu à sa disposition à compter du 19 juin 2020, qu'il n'a jamais manifesté de refus de travailler, et que la seule tâche qui lui a été confiée est le tri des tickets de TVA qu'il a fait puisque le comptable a indiqué qu'il ne voulait traiter qu'avec le dirigeant et non avec lui. Dès lors, il importe peu qu'il n'ait pas rendu compte de son activité sur les dernières semaines dans la mesure où il n'apparaît pas que l'employeur lui ait fourni du travail.

Par conséquent, M. [F] est en droit de percevoir les salaires du 19 juin 2020 jusqu'à la rupture de son contrat de travail le 29 septembre 2020, soit la somme de 4 177,61 euros dont il sera précisé qu'il s'agit d'une somme brute, et les congés payés afférents d'un montant de 411,76 euros brut.

Le jugement est infirmé de ces chefs en ce que les sommes précitées doivent être fixées au passif de la liquidation de la société F.Dcapi.

2. Sur les congés payés

M. [F] fait valoir qu'il n'a pas pu être réglé de son indemnité compensatrice de congés payés dans la mesure où la société F.Dcapi n'a pas réglé ses cotisations auprès de la caisse de congés payés du bâtiment.

Me [H] ès-qualités et le CGEA de [Localité 9] ne concluent pas sur ce point.

L'indemnité compensatrice de congés payés est due lorsque le salarié n'a pas pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit. Il s'agit donc d'une indemnité de rupture. S'agissant des entreprises du bâtiment, lorsque les cotisations n'ont pas été réglées à la caisse des congés payés du bâtiment, cette créance est fixée au passif de la société en liquidation. L'AGS doit alors régler l'indemnité de congés payés afférentes si celle-ci répond aux conditions de garantie légales et réglementaires.

Il est établi que les cotisations n'ont pas été réglées à la caisse de congés payés compétente (pièce 26 salarié). Par conséquent, M. [F] est fondé à percevoir une indemnité compensatrice de congés payés sur la période du 15 avril au 19 juin 2020, soit la somme de 238,80 euros brut, étant rappelé que les congés payés afférents à la période postérieure lui ont précédemment été alloués.

Le jugement est infirmé de ce chef en ce que la somme précitée doit être fixée au passif de la liquidation de la société F.Dcapi.

3. Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [F] conteste le quantum alloué par le conseil de prud'hommes au titre des dommages et intérêts. Il soutient que l'absence de paiement des salaires l'a mis dans une situation précaire, ne pouvant régler son loyer et ses factures, et qu'il a dû revenir au domicile de sa mère, son électricité lui ayant été coupée. Il ajoute que sa prime d'activité et ses droits au chômage ont été impactés par l'attitude de son employeur.

Me [H] ès-qualités fait valoir que c'est M. [F] qui a exécuté le contrat de travail de mauvaise foi.

Aux termes de l'article L.3242-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de payer le salaire une fois par mois. Il a été vu précédemment que tel n'a pas été le cas à compter du mois de mai 2020, celui-ci ainsi que celui du mois de juin 2020 ayant été payés en août 2020.

M. [F] justifie d'une relance d'EDF pour une facture impayée, et d'une relance de ses bailleurs au sujet du paiement du loyer le 3 août 2020.

Il est donc établi que le manquement de la société F.Dcapi à son obligation de payer le salaire, lequel caractérise une exécution déloyale du contrat de travail en ce que le paiement a été annoncé à de nombreuses reprises restées sans suite, lui a causé un préjudice que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 1 000 euros qui sera fixée au passif de la liquidation.

Par conséquent, il convient d'infirmer le jugement de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail

A titre liminaire, il sera rappelé que le contrat de travail ayant été requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, les règles applicables sont celles afférentes à la rupture d'un tel contrat.

La lettre de rupture pour faute lourde du 29 septembre 2020 reproche à M. [F] :

- son absence à son poste de travail malgré des relances des 4 et 21 juillet, 11 et 29 août ;

- le fait de n'avoir fourni aucun travail depuis le 19 juin 2020 malgré des demandes de justification en date des 17 juillet et 19 août ;

- l'utilisation frauduleuse et à des fins personnelles de la boîte mail de l'entreprise ;

- le fait d'avoir directement menacé le gérant de la société F.Dcapi de le dénoncer pour de prétendus abus de biens sociaux faute de paiement des salaires ;

- la violation des dispositions de son contrat de travail lui imposant d'observer de la discrétion dans l'exercice de ses fonctions ;

- le fait d'avoir tenu des propos diffamatoires dans le cadre de sa requête devant le conseil de prud'hommes ;

- le fait d'avoir tenté de se faire payer des heures complémentaires et d'avoir formulé des demandes inappropriées auprès de la conseillère bancaire de la société F.Dcapi.

M. [F] conteste l'ensemble des griefs invoqués.

Me [H] ès-qualités considère que ceux-ci sont établis.

1. Sur le bien fondé de la rupture

La faute lourde est celle qui, comme la faute grave, résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Elle suppose en outre l'intention de nuire du salarié.

La faute lourde est ainsi caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute lourde pour licencier doit en rapporter la preuve. Il doit notamment prouver :

- l'existence matérielle des faits reprochés,

- leur incidence grave pour le bon fonctionnement de l'entreprise,

- le caractère intentionnel de la faute du salarié et sa volonté délibérée de porter atteinte aux intérêts de l'entreprise.

Lorsque le licenciement est motivé par une faute lourde, le salarié est privé du droit au préavis et à l'indemnité de licenciement.

Pour justifier de l'ensemble des griefs invoqués, Me [H] ès-qualités s'appuie sur les mails précités, lesquels émanent tous de M. [U], signataire de la lettre de rupture, et ne sont corroborés par aucun élément extérieur. Ils sont donc insuffisants à établir la matérialité de l'utilisation frauduleuse et à des fins personnelles de la boîte mail de l'entreprise, des menaces de dénonciation, de la violation de l'obligation de discrétion, des propos diffamatoires et des demandes inappropriées auprès de la conseillère bancaire, ces griefs ne résultant que des propos de M. [U].

Il sera en outre rappelé que dès le 19 juin 2020, l'employeur a privé M. [F] de ses moyens de travail et ne lui a plus fourni de travail à l'exception d'une tâche unique que ce dernier n'a pu exécuter au vu de l'opposition du comptable, ce qui rend sans objet les griefs d'absence à son poste de travail et d'absence de travail à compter du 19 juin 2010.

Enfin, si M. [F] ne nie pas avoir sollicité le paiement d'heures 'supplémentaires' pour le travail effectué au début de sa période de travail, alléguant avoir dû remettre de l'ordre dans la situation administrative de l'entreprise, ce fait ne constitue pas une violation de ses obligations contractuelles, mais l'exposait au seul refus de l'employeur qui lui a d'ailleurs été opposé.

Aucun des griefs invoqués n'étant retenu, le licenciement de M. [F] est sans cause réelle et sérieuse.

2. Sur les dommages et intérêts consécutifs à la rupture

M. [F] fait valoir que la rupture de son contrat de travail est abusive, et est intervenue dans des conditions vexatoires. Il formule une demande unique de dommages et intérêts réparant l'abus lié à la rupture et les circonstances vexatoires ayant entouré celle-ci.

Me [H] ès-qualités conteste en tout état de cause le caractère vexatoire de la rupture et considère que M. [F] ne justifie d'aucun préjudice.

Selon l'article L.1235-3 du code du travail, le salarié peut prétendre, pour une ancienneté inférieure à un an, à une indemnité maximale d'un mois de salaire.

Pour justifier des circonstances vexatoires, M. [F] s'appuie sur une attestation du 6 septembre 2023 aux termes de laquelle M. [U] avoue ne pas avoir fait la part des choses entre sa vie privée et professionnelle, et reconnaît ne pas avoir eu le comportement digne d'un patron et s'en excuse (pièce 41 salarié). Pour autant, ce dernier s'exprime selon une formule générale sans évoquer les circonstances ayant entouré le licenciement. En l'absence d'autre élément présenté par M. [F], le caractère vexatoire de celles-ci ne sera pas retenu.

M. [F] justifie avoir trouvé un emploi d'employé polyvalent en restauration du 5 juillet au 31 août 2021. Il ne donne cependant aucun élément relatif à la période ayant immédiatement suivi la rupture, ni à la période postérieure au 31 août 2021.

Par conséquent, la cour est en mesure d'évaluer son préjudice à la somme de 1 000 euros qui lui sera allouée à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et qui sera fixée au passif de la liquidation judiciaire de la société F.Dcapi.

Le jugement est infirmé de ce chef.

2. Sur la procédure de licenciement

M. [F] fait valoir que la procédure de licenciement est irrégulière en raison de l'absence de mention de la possibilité d'être assisté dans la lettre de convocation à l'entretien préalable et du délai insuffisant entre la convocation et l'entretien préalable.

Me [H] ès-qualités soutient que la procédure de rupture est régulière dans la mesure où le contrat de travail à durée déterminée n'a pas lieu d'être requalifié.

Aux termes de l'article L.1235-2 dernier alinéa du code du travail, 'lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.'

Le licenciement de M. [F] ayant été déclaré sans cause réelle et sérieuse, il n'est pas fondé à solliciter une indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Par conséquent, il doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure et le jugement infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

En application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'égard de la société F.Dcapi a arrêté le cours des intérêts légaux.

La capitalisation de ceux-ci n'a donc pas lieu d'être ordonnée.

Sur l'opposabilité de l'arrêt au CGEA de [Localité 9]

Le présent arrêt doit être déclaré commun et opposable au CGEA de [Localité 9] dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code.

Sur les documents sociaux

Afin de permettre à M. [F] de faire valoir ses droits, il convient d'enjoindre à Me [H] ès-qualités de lui remettre les bulletins de paie, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi (France Travail) conformes au présent arrêt, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte.

Le jugement est infirmé de ces chefs.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M.[F]. Me [H] ès-qualités est condamnée à lui payer la somme de 2 500 euros à ce titre qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Me [H] ès-qualités qui succombe à l'instance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement par mise à disposition au greffe,

DECLARE recevables les demandes de M. [D] [F] ;

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes d'Angers le 14 mai 2021 sauf en ce qu'il a requalifié le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

DIT que le licenciement de M. [D] [F] est sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE la créance de M. [D] [F] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas F.Dcapi aux sommes suivantes :

- 1 058,80 euros à titre d'indemnité de requalification ;

- 4 117,61 euros brut à titre de salaire ;

- 411,76 euros brut à titre de congés payés afférents ;

- 238,80 euros brut à titre de congés payés ;

- 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 1 000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE M. [D] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de rupture du contrat de travail ;

RAPPELLE qu'en application des articles L.622-28 et L.641-3 du code de commerce le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ;

DIT n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts ;

DECLARE le présent arrêt commun et opposable à l'association UNEDIC délégation AGS-CGEA de [Localité 9] dans les limites prévues par l'article L.3253-8 du code du travail et les plafonds prévus par les articles L.3253-17 et D.3253-5 du même code ;

ENJOINT à la Selarl Athena, en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société F.Dcapi, de remettre à M. [D] [F] des bulletins de paie, un certificat de travail, un solde de tout compte et une attestation Pôle emploi (France Travail) conformes au présent arrêt, sans astreinte ;

CONDAMNE la Selarl Athena, en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société F.Dcapi, à payer à M. [D] [F] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui vaudra pour ses frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

CONDAMNE la Selarl Athena, en la personne de Me [O] [H], ès-qualités de mandataire ad hoc de la société F.Dcapi, aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Viviane BODIN Clarisse PORTMANN