Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 12, 24 avril 2024, n° 24/00228
PARIS
Ordonnance
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 24 AVRIL 2024
(n°228, 3 pages)
N° du répertoire général : N° RG 24/00228 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJH6V
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2024 -Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01446
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 22 Avril 2024
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision
APPELANT
Monsieur [P] [C] (Personne faisant l'objet de soins)
né le 11 Juillet 1999 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
Actuellement hospitalisé à l'hôpital [3]
comparant, assisté de Me Laure KARAM, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DU VAL DE MARNE
demeurant [Adresse 4]
non comparant, non représenté,
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte AUGIER DE MOUSSAC, avocate générale,
Comparante,
DÉCISION
M. [P] [C] a été interpellé le 7 février 2024 pour des faits de vols et d'agression d'un agent de la sécurité d'un magasin de prêt à porter à [Localité 6], placé en garde en vue puis, le 9 février 2024, sous contrôle judiciaire.
Une expertise psychiatrique a été réalisée le 10 mars 2024, qui a conclu à une abolition de son discernement. L'expertise a révélé :
- un trouble de la série schizophrénique marqué par un axe délirant, de thème persécutif, de mécanisme hallucinatoire,
- un trouble de l'usage de substances, cannabis, cocaïne (prise pluriquoditienne à la date de l'examen),
- des troubles du caractère.
Par un jugement corectionnel du 22 mars 2024, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré M. [P] [C] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, commis le 7 février 2024, consistant en un vol d'une paire de claquettes au préjudice du magasin GO SPORT et de violences sans incapactité de travail et menace de mort à l'égard d'un personnel de surveillance.
Une ordonnance rendue le 22 mars 2024 par la présidente de cette même juridiction a ordonné l'admission en soins psychiatriques contraints de M. [P] [C] sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des articles 706-133, 706-135 et D. 47-29 du code de procédure pénale.
M. [P] [C] a été maintenu en hospitalisation complète depuis lors.
Par requête reçue le 3 avril 2024, il a sollicité la mainlevée de la mesure.
Le juge des libertés et de la détention a rejeté cette requête par une ordonnance du 12 avril 2024.
Par courrier parvenu au greffe de la cour d'appel le 16 avril 2024, M. [P] [C] a interjeté appel de cette ordonnance.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 22 avril 2024.
L'avocate de M. [P] [C] a adressé un courriel le 20 avril 2024, soit dans le délai d'appel, afin de compléter la déclaration d'appel. A l'audience, elle a retenu deux points :
- En premier lieu, le certificat médical de situation, daté par mention manuscrite du 19 mars, est en réalité un copier-coller du certificat médical du 10 mars. Il y a donc lieu de considérer que la procédure n'a pas été suivie et qu'il manque un certificat actualisé. Au demeurant, dans le CMS ne figure aucun élément clinique permettant de caractériser une dangerosité.
- En second lieu, les dispositions de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique ne sont pas respecté en raison de l'absence d'avis du collège prévu au II de cet article. Cette absence d'avis fait nécessairement grief à M. [P] [C].
Elle demande à titre principal une mainlevée totale de la mesure et, à titre subsidiaire la mise en place d'un programme de soins.
Le ministère public a requis oralement la poursuite de la mesure en précisant que les dispositions retenues par l'avocat de M. [P] [C] au soutien de l'irrégularité de la procédure ne permettaient pas la remise en liberté en l'absence de deux expertises. Il est demandé de maintenir la mesure telle qu'elle est actuellement, le médecin ne préconisant pas une évolution à ce stade, il est seulement indiqué qu'un programme ambulatoire pourra être mis en place utérieurement.
Le préfet, ni présent ni représenté, n'a pas adressé de conclusions.
MOTIVATION,
Selon l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV [du titre Ier sur les modalités de soins psychiatriques] ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
1 Sur les dispositions applicables en cas d'hospitalisation complète en conséquence de l'irresponsabilité pénale
L'article 706-135 du code de procédure pénale dispose que, sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'Etat dans le département ou, à [Localité 6], le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du même code, c'est-à-dire les admissions en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État.
Selon le II. De larticle L. 3211-12, invoqué par l'appelant, 'le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.
Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.'
Aux termes de l'article D. 47-29-3 du code de procédure pénale, le régime de l'hospitalisation d'office ordonnée par une juridiction en application de l'article 706-135 est, s'agissant des conditions de levée et de prolongation de cette mesure, identique à celui de l'hospitalisation ordonnée par le représentant de l'Etat en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique à l'égard d'une personne déclarée pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental. En particulier, il ne peut être mis fin à cette hospitalisation que selon les modalités prévues par l'article L. 3213-8 du code de la santé publique, et les dispositions de l'article L. 3213-4 de ce code exigeant, sous peine de mainlevée automatique de l'hospitalisation, le maintien de cette mesure par le représentant de l'Etat à l'issue des délais prévus par cet article ne sont par conséquent pas applicables.
En cas d'appel, l'article L. 3211-12-4 prévoit en outre la production d'un avis d'un psychiatre se prononçant sur la nécessité du maintien de la mesure d'hospitalisation complète.
Il peut être précisé que le Conseil constitutionnel avait admis, tout en censurant certaines dispositions relatives notamment aux personnes placées en unités pour malades difficiles, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, que « en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en 'uvre de ce régime particulier » (Décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, cons. 25).
A la suite de cette décision, la loi n°2013-869 du 27 septembre 2013 a précisé que le régime dérogatoire ne s'appliquait que si la personne avait été déclarée irresponsable de faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
La Cour de cassation a rappelé que la mainlevée ne pouvait être ordonnée par le juge, dans ces situations dérogatoires résultant d'une irresponsabilité pénale, sans que le juge ait recueilli deux expertises établies par des experts inscrits conformément aux textes précités, qu'il s'agisse de la mainlevée de l'hospitalisation complète (1re Civ., 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-50.073, publié) ou de la mainlevée du programme de soins (1re Civ., 6 juillet 2022, pourvoi n° 20-50.040, publié).
Il se déduit de ces dispositions que, pour les personnes déclarées irresponsables pénalement, qui sont soumises au régime renforcé de levée des soins, un dispositif spécifique est prévu. Ce dispositif impose :
- une double expertise avant toute décision de mainlevée de la mesure par le juge. Il est d'ores et déja relevé qu'en l'espèce aucune expertise n'a été sollicitée, ni ne l'est à ce stade de la procédure.
- des règles spécifiques lorsqu'existe un différend entre le préfet et les instances médicales, dont le collège d'expert prévu au II. de l'article L. 3211-12 précité (régime prévu à l'article L. 3213-3, IV, pour une demande de programme de soins et à l'article L. 3213-8, pour une demande de levée de la mesure de soins sans consentement).
2 Sur l'office du juge statuant sur la demande de mainlevée en l'espèce
La situation juridique de M. [P] [C] relève en l'espèce des dispositions précitées dont il résulte que le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.
Or, M. [P] [C] ne sollicite pas la réalisation d'expertises et aucun élement du dossier ne justifie la remise en question du diagnostic établi de trouble schizophrénique avec délire et mécanisme hallucinatoire (associé à des troubles du caractère et des troubles liés à l'usages de stupéfiants cannabis, cocaïne et crack).
Il est exact, ainsi que le relève l'avocate du plaignant, que les certificats datés des 10 et 19 avril sont rédigés en termes strictement identiques, toutefois, même s'il est regrettable que le document ne comporte pas d'élément d'actualisation personnalisé, il ne peut être reproché à des psychiatres de procéder aux mêmes constatations à neuf jours de dsitance. Ainsi, il doit être considéré que le certificat du 19 mars permet de retenir les évaluations suivantes : 'Depuis son hospitalisation dans notre service, nous relevons : o Une méfiance occasionnelle au contact ; o Aucun propos délirant ou hallucinatoire et aucun comportement (soliloquie ou agissements inadaptés) pouvant en découler ; o Aucun symptôme de désorganisation idéo-verbale, affective, ou comportementale ; o Quelques traits de personnalité au premier plan : empathie défaillante et absence de remords, intolérance à la frustration, impulsivite ; o Aucun élément clinique de dangerosité pour lui-même/autrui, en particulier aucune velléité auto/hétéro-agressive exprimée ; o Bonne adhésion aux soins et au projet thérapeutique ultérieur, c'est-à-dire un suivi psychiatrique ambulatoire.'
S'agissant de l'absence d'avis du collège, une mesure d'instruction en a sollicité la production avant l'audience du 22 avril 2024. Cependant, la direction de l'établissement [3] a répondu le 22 avril à 11h26 qu'aucun collège n'avait pu être réuni pour l'examen de la situation de M. [P] [C] jusqu'à ce jour et qu'un collège serait réuni dans la semaine.
A cet égard, la procédure est manifestement irrégulière en l'absence d'avis du collège.
Toutefois, dès lors qu'aucun des examens médicaux ne conclut à une mainlevée de la mesure, ni d'ailleurs à une évoluation de la prise en charge (les certificats des 10 et 19 avril mentionnant seulement, pour l'avenir, un 'projet thérapeutique ultérieur, c'est-à-dire un suivi psychiatrique ambulatoire') et que les deux expertises nécessaires à une remise en liberté n'ont jamais été sollicitées, il y a lieu de constater que l'absence de l'avis du collège n'est pas seule de nature à porter atteinte aux droits de M. [P] [C] au sens de l'article L. 3216-1 précité.
En conséquence, les moyens tirés de l'irrégularité de la mesure ne peuvent qu'être rejetés.
Il convient de préciser que le juge chargé de contrôler la mesure et le premier président saisi de l'appel ne sont pas tenus d'ordonner des mesures d'expertises s'ils ne l'estiment pas nécessaire, ce qui est le cas en l'espèce au regard de l'expertise psychiatrique, récente, du 10 mars 2024 et des certificats médicaux réalisés entre le 25 mars et le 19 avril 2024.
Les éléments médicaux du dossier permettent en outre d'établir que :
Le patient dit avoir menti au psychiatre expert afin d'éviter la responsabilité pénale et il affirme ne pas pas présenter de trouble psychiatrique, ce qui est analysé par le médecin psychiatre comme une banalisation des faits ayant conduit à son hospitalisation.
Les troubles mentaux de M. [P] [C], analysés comme des troubles schizophréniques associés à des prises de toxiques, sont de nature à provoquer des passages à l'acte violents, comme ceux qui ont conduit à sa garde à vue, et à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public,
Le comportement du patient demeure fortement imprévisible.
Le maintien sous la forme d'une hospitalisation complète demeure adapté à l'état de santé du patient.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de mise en liberté et de confirmer l'ordonnance critiquée.
PAR CES MOTIFS,
La déléguée du premier président, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,
DÉCLARE l'appel recevable,
CONFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 24 AVRIL 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 24/04/2024 par fax / courriel à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 12
SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
ORDONNANCE DU 24 AVRIL 2024
(n°228, 3 pages)
N° du répertoire général : N° RG 24/00228 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJH6V
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Avril 2024 -Tribunal Judiciaire de CRÉTEIL (Juge des Libertés et de la Détention) - RG n° 24/01446
L'audience a été prise au siège de la juridiction, en audience publique, le 22 Avril 2024
Décision réputée contradictoire
COMPOSITION
Stéphanie GARGOULLAUD, président de chambre à la cour d'appel, agissant sur délégation du Premier Président de la cour d'appel de Paris,
assisté de Roxane AUBIN, greffier lors des débats et de la mise à disposition de la décision
APPELANT
Monsieur [P] [C] (Personne faisant l'objet de soins)
né le 11 Juillet 1999 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 1]
Actuellement hospitalisé à l'hôpital [3]
comparant, assisté de Me Laure KARAM, avocat commis d'office au barreau de Paris,
INTIMÉ
M. LE PRÉFET DU VAL DE MARNE
demeurant [Adresse 4]
non comparant, non représenté,
PARTIE INTERVENANTE
M. LE DIRECTEUR DE L'HOPITAL [3]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, non représenté,
MINISTÈRE PUBLIC
Représenté par Mme Brigitte AUGIER DE MOUSSAC, avocate générale,
Comparante,
DÉCISION
M. [P] [C] a été interpellé le 7 février 2024 pour des faits de vols et d'agression d'un agent de la sécurité d'un magasin de prêt à porter à [Localité 6], placé en garde en vue puis, le 9 février 2024, sous contrôle judiciaire.
Une expertise psychiatrique a été réalisée le 10 mars 2024, qui a conclu à une abolition de son discernement. L'expertise a révélé :
- un trouble de la série schizophrénique marqué par un axe délirant, de thème persécutif, de mécanisme hallucinatoire,
- un trouble de l'usage de substances, cannabis, cocaïne (prise pluriquoditienne à la date de l'examen),
- des troubles du caractère.
Par un jugement corectionnel du 22 mars 2024, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré M. [P] [C] irresponsable pénalement en raison d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits, commis le 7 février 2024, consistant en un vol d'une paire de claquettes au préjudice du magasin GO SPORT et de violences sans incapactité de travail et menace de mort à l'égard d'un personnel de surveillance.
Une ordonnance rendue le 22 mars 2024 par la présidente de cette même juridiction a ordonné l'admission en soins psychiatriques contraints de M. [P] [C] sous la forme d'une hospitalisation complète, en application des articles 706-133, 706-135 et D. 47-29 du code de procédure pénale.
M. [P] [C] a été maintenu en hospitalisation complète depuis lors.
Par requête reçue le 3 avril 2024, il a sollicité la mainlevée de la mesure.
Le juge des libertés et de la détention a rejeté cette requête par une ordonnance du 12 avril 2024.
Par courrier parvenu au greffe de la cour d'appel le 16 avril 2024, M. [P] [C] a interjeté appel de cette ordonnance.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 22 avril 2024.
L'avocate de M. [P] [C] a adressé un courriel le 20 avril 2024, soit dans le délai d'appel, afin de compléter la déclaration d'appel. A l'audience, elle a retenu deux points :
- En premier lieu, le certificat médical de situation, daté par mention manuscrite du 19 mars, est en réalité un copier-coller du certificat médical du 10 mars. Il y a donc lieu de considérer que la procédure n'a pas été suivie et qu'il manque un certificat actualisé. Au demeurant, dans le CMS ne figure aucun élément clinique permettant de caractériser une dangerosité.
- En second lieu, les dispositions de l'article L. 3211-12 du code de la santé publique ne sont pas respecté en raison de l'absence d'avis du collège prévu au II de cet article. Cette absence d'avis fait nécessairement grief à M. [P] [C].
Elle demande à titre principal une mainlevée totale de la mesure et, à titre subsidiaire la mise en place d'un programme de soins.
Le ministère public a requis oralement la poursuite de la mesure en précisant que les dispositions retenues par l'avocat de M. [P] [C] au soutien de l'irrégularité de la procédure ne permettaient pas la remise en liberté en l'absence de deux expertises. Il est demandé de maintenir la mesure telle qu'elle est actuellement, le médecin ne préconisant pas une évolution à ce stade, il est seulement indiqué qu'un programme ambulatoire pourra être mis en place utérieurement.
Le préfet, ni présent ni représenté, n'a pas adressé de conclusions.
MOTIVATION,
Selon l'article L. 3216-1 du code de la santé publique, la régularité des décisions administratives prises en application des chapitres II à IV [du titre Ier sur les modalités de soins psychiatriques] ne peut être contestée que devant le juge judiciaire. Le juge des libertés et de la détention connaît des contestations mentionnées au premier alinéa du présent article dans le cadre des instances introduites en application des articles L. 3211-12 et L. 3211-12-1. Dans ce cas, l'irrégularité affectant une décision administrative mentionnée au premier alinéa du présent article n'entraîne la mainlevée de la mesure que s'il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l'objet.
1 Sur les dispositions applicables en cas d'hospitalisation complète en conséquence de l'irresponsabilité pénale
L'article 706-135 du code de procédure pénale dispose que, sans préjudice de l'application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique, lorsque la chambre de l'instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner, par décision motivée, l'admission en soins psychiatriques de la personne, sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du même code s'il est établi par une expertise psychiatrique figurant au dossier de la procédure que les troubles mentaux de l'intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'Etat dans le département ou, à [Localité 6], le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l'article L. 3213-1 du même code, c'est-à-dire les admissions en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'État.
Selon le II. De larticle L. 3211-12, invoqué par l'appelant, 'le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L. 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
Le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code.
Le juge fixe les délais dans lesquels l'avis du collège et les deux expertises prévus au présent II doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d'Etat. Passés ces délais, il statue immédiatement.'
Aux termes de l'article D. 47-29-3 du code de procédure pénale, le régime de l'hospitalisation d'office ordonnée par une juridiction en application de l'article 706-135 est, s'agissant des conditions de levée et de prolongation de cette mesure, identique à celui de l'hospitalisation ordonnée par le représentant de l'Etat en application des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du code de la santé publique à l'égard d'une personne déclarée pénalement irresponsable en raison d'un trouble mental. En particulier, il ne peut être mis fin à cette hospitalisation que selon les modalités prévues par l'article L. 3213-8 du code de la santé publique, et les dispositions de l'article L. 3213-4 de ce code exigeant, sous peine de mainlevée automatique de l'hospitalisation, le maintien de cette mesure par le représentant de l'Etat à l'issue des délais prévus par cet article ne sont par conséquent pas applicables.
En cas d'appel, l'article L. 3211-12-4 prévoit en outre la production d'un avis d'un psychiatre se prononçant sur la nécessité du maintien de la mesure d'hospitalisation complète.
Il peut être précisé que le Conseil constitutionnel avait admis, tout en censurant certaines dispositions relatives notamment aux personnes placées en unités pour malades difficiles, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011, que « en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet ; que, toutefois, il lui appartient d'adopter les garanties légales contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en 'uvre de ce régime particulier » (Décision n° 2012-235 QPC du 20 avril 2012, cons. 25).
A la suite de cette décision, la loi n°2013-869 du 27 septembre 2013 a précisé que le régime dérogatoire ne s'appliquait que si la personne avait été déclarée irresponsable de faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens.
La Cour de cassation a rappelé que la mainlevée ne pouvait être ordonnée par le juge, dans ces situations dérogatoires résultant d'une irresponsabilité pénale, sans que le juge ait recueilli deux expertises établies par des experts inscrits conformément aux textes précités, qu'il s'agisse de la mainlevée de l'hospitalisation complète (1re Civ., 4 décembre 2019, pourvoi n° 18-50.073, publié) ou de la mainlevée du programme de soins (1re Civ., 6 juillet 2022, pourvoi n° 20-50.040, publié).
Il se déduit de ces dispositions que, pour les personnes déclarées irresponsables pénalement, qui sont soumises au régime renforcé de levée des soins, un dispositif spécifique est prévu. Ce dispositif impose :
- une double expertise avant toute décision de mainlevée de la mesure par le juge. Il est d'ores et déja relevé qu'en l'espèce aucune expertise n'a été sollicitée, ni ne l'est à ce stade de la procédure.
- des règles spécifiques lorsqu'existe un différend entre le préfet et les instances médicales, dont le collège d'expert prévu au II. de l'article L. 3211-12 précité (régime prévu à l'article L. 3213-3, IV, pour une demande de programme de soins et à l'article L. 3213-8, pour une demande de levée de la mesure de soins sans consentement).
2 Sur l'office du juge statuant sur la demande de mainlevée en l'espèce
La situation juridique de M. [P] [C] relève en l'espèce des dispositions précitées dont il résulte que le juge ne peut décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1.
Or, M. [P] [C] ne sollicite pas la réalisation d'expertises et aucun élement du dossier ne justifie la remise en question du diagnostic établi de trouble schizophrénique avec délire et mécanisme hallucinatoire (associé à des troubles du caractère et des troubles liés à l'usages de stupéfiants cannabis, cocaïne et crack).
Il est exact, ainsi que le relève l'avocate du plaignant, que les certificats datés des 10 et 19 avril sont rédigés en termes strictement identiques, toutefois, même s'il est regrettable que le document ne comporte pas d'élément d'actualisation personnalisé, il ne peut être reproché à des psychiatres de procéder aux mêmes constatations à neuf jours de dsitance. Ainsi, il doit être considéré que le certificat du 19 mars permet de retenir les évaluations suivantes : 'Depuis son hospitalisation dans notre service, nous relevons : o Une méfiance occasionnelle au contact ; o Aucun propos délirant ou hallucinatoire et aucun comportement (soliloquie ou agissements inadaptés) pouvant en découler ; o Aucun symptôme de désorganisation idéo-verbale, affective, ou comportementale ; o Quelques traits de personnalité au premier plan : empathie défaillante et absence de remords, intolérance à la frustration, impulsivite ; o Aucun élément clinique de dangerosité pour lui-même/autrui, en particulier aucune velléité auto/hétéro-agressive exprimée ; o Bonne adhésion aux soins et au projet thérapeutique ultérieur, c'est-à-dire un suivi psychiatrique ambulatoire.'
S'agissant de l'absence d'avis du collège, une mesure d'instruction en a sollicité la production avant l'audience du 22 avril 2024. Cependant, la direction de l'établissement [3] a répondu le 22 avril à 11h26 qu'aucun collège n'avait pu être réuni pour l'examen de la situation de M. [P] [C] jusqu'à ce jour et qu'un collège serait réuni dans la semaine.
A cet égard, la procédure est manifestement irrégulière en l'absence d'avis du collège.
Toutefois, dès lors qu'aucun des examens médicaux ne conclut à une mainlevée de la mesure, ni d'ailleurs à une évoluation de la prise en charge (les certificats des 10 et 19 avril mentionnant seulement, pour l'avenir, un 'projet thérapeutique ultérieur, c'est-à-dire un suivi psychiatrique ambulatoire') et que les deux expertises nécessaires à une remise en liberté n'ont jamais été sollicitées, il y a lieu de constater que l'absence de l'avis du collège n'est pas seule de nature à porter atteinte aux droits de M. [P] [C] au sens de l'article L. 3216-1 précité.
En conséquence, les moyens tirés de l'irrégularité de la mesure ne peuvent qu'être rejetés.
Il convient de préciser que le juge chargé de contrôler la mesure et le premier président saisi de l'appel ne sont pas tenus d'ordonner des mesures d'expertises s'ils ne l'estiment pas nécessaire, ce qui est le cas en l'espèce au regard de l'expertise psychiatrique, récente, du 10 mars 2024 et des certificats médicaux réalisés entre le 25 mars et le 19 avril 2024.
Les éléments médicaux du dossier permettent en outre d'établir que :
Le patient dit avoir menti au psychiatre expert afin d'éviter la responsabilité pénale et il affirme ne pas pas présenter de trouble psychiatrique, ce qui est analysé par le médecin psychiatre comme une banalisation des faits ayant conduit à son hospitalisation.
Les troubles mentaux de M. [P] [C], analysés comme des troubles schizophréniques associés à des prises de toxiques, sont de nature à provoquer des passages à l'acte violents, comme ceux qui ont conduit à sa garde à vue, et à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public,
Le comportement du patient demeure fortement imprévisible.
Le maintien sous la forme d'une hospitalisation complète demeure adapté à l'état de santé du patient.
Il y a donc lieu de rejeter la demande de mise en liberté et de confirmer l'ordonnance critiquée.
PAR CES MOTIFS,
La déléguée du premier président, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe,
DÉCLARE l'appel recevable,
CONFIRME l'ordonnance du juge des libertés et de la détention,
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Ordonnance rendue le 24 AVRIL 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGATAIRE
Une copie certifiée conforme notifiée le 24/04/2024 par fax / courriel à :
X patient à l'hôpital
ou/et ' par LRAR à son domicile
X avocat du patient
X directeur de l'hôpital
' tiers par LS
X préfet de police
' avocat du préfet
' tuteur / curateur par LRAR
X Parquet près la cour d'appel de Paris