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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 13, 23 avril 2024, n° 21/02616

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Valay-Briere

Vice-président :

Mme d'Ardailhon Miramon

Conseiller :

Mme Moreau

Avocats :

Me Hugot, Me Mendez, Me Fournol, Me Valentie, Me Pourrinet, Me Moyersoen

TJ Paris, du 21 janv. 2021, n° 16/12263

21 janvier 2021

M. [D] [V], marchand d'art, a ouvert en 1985 la galerie [D] [T] exploitée par la société Espace Vision dont il était le gérant, laquelle a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 29 mai 1995, la clôture de la liquidation pour insuffisance d'actif ayant été prononcée par jugement du 26 février 1998.

[JN] [Y], dit [X], [N] [UD] dit [UD] et [VL] [MT] dit [IT], dessinateurs, y ont vu leur oeuvres exposées.

[X] et [UD] sont décédés le [Date décès 8] 2015 lors de l'attentat terroriste qui a frappé la rédaction du journal Charlie Hebdo en laissant pour héritiers Mme [EF] [G] veuve [Y] pour le premier, [CF] [M] veuve [UD] et Mmes [I], [UY] et [K] [UD] pour le second.

[IT] est décédé le [Date décès 6] 2016 en laissant pour héritiers Mme [A] [W] veuve [MT], M. [UR] [MT] et [PR] [MT] épouse [Z].

Courant 2016, M. [V] a confié à la société de ventes aux enchères [B] diverses oeuvres dont 42 oeuvres de [UD], 17 oeuvres de [IT] et 3 oeuvres de [X], la vente aux enchères de ces oeuvres sous le titre "Les Maîtres de l'humour " étant prévue le 30 mai 2016.

Le10 mai 2016, l'avocat de Mme [Y] a réclamé à la maison de ventes [B] la restitution immédiate des trois oeuvres de [X] et exigé la production des justificatifs autorisant la reproduction de ces oeuvres dans le catalogue édité pour la vente, expliquant que celles-ci avaient été confiées en dépôt à M. [V] exploitant la galerie [T].

Le 11 mai 2016, l'avocat des ayants droit de [IT] s'est également opposé à la vente des dessins de [IT] et a réclamé la restitution de ses oeuvres.

Le 13 mai 2016, le conseil des ayants droit de [UD] a contesté la propriété de M. [V] sur les 43 dessins de [UD] mis en vente et réclamé le paiement des droits d'auteur.

Le 19 mai 2016, les ayants droit de [IT] ont déposé plainte auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris pour abus de confiance et recel d'abus de confiance et par ordonnance du 21 mai 2016, le juge des libertés et de la détention a autorisé , à la demande du procureur, la saisie des dessins de [IT] et confié leur garde à la maison de ventes [B], ladite saisie ayant eu lieu le 23 mai 2016.

Le 24 mai 2016, la maison de ventes [B] a annulé la vente.

Le 2 juin 2016, [CF] [UD] a déposé plainte auprès du procureur de la République pour abus de confiance, recel d'abus de confiance et contrefaçon et par ordonnance du 22 juin 2016, le juge des libertés et de la détention a, sur requête du procureur de la République, ordonné la saisie pénale sans dépossession des dessins de [UD], [X], [XW], [F], [KI], [NN] et [AV], laquelle a été notifiée à la maison de ventes [B] le 30 juin 2016.

Faisant valoir que les ayants droit de [X], [UD] et [IT] ont commis une faute en contestant son droit de propriété sur les oeuvres qui devaient être vendues aux enchères le 30 mai 2016 sans aucun élément de preuve, M. [V] a, par actes des 22 et 27 juillet 2016, fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, Mmes [X], [MT] et [UD] aux fins d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

M. [UR] [MT], M. [XB] [Z] ayant droit de son épouse [PR] [MT] décédée et Mmes [I], [UY] et [K] [UD] sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugement du 17 septembre 2019, le tribunal correctionnel de Paris a relaxé M. [V] des faits de recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance commis entre 1990 et le 20 mai 2016, ordonné la mainlevée des saisies pénales, rejeté les demandes de dommages et intérêts des parties civiles et leurs demandes de restitution formées sur le fondement de l'article 478 du code de procédure pénale. Les ayants droit de [UD] ont fait appel de cette décision sur les intérêts civils, la procédure étant toujours pendante devant la cour dans l'attente de l'arrêt devant être rendu dans la présente procédure.

Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. [V] soulevée par Mme [Y],

- débouté M. [V] de ses demandes de condamnation de Mmes [Y] et [MT] et de [CF] [UD] au paiement de dommages et intérêts,

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action en revendication des consorts [Y], [MT] et [UD] soulevées par M. [V],

- condamné M. [V] à restituer :

à Mme [Y], ayant droit de [JN] [Y], les trois dessins de [X] qui devaient être vendus lors de la vente "Les Maîtres de l'humour" organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°130, 131 et 132,

à Mme [MT], M. [UR] [MT] et M. [XB] [Z], ayants droit de [VL] [MT], les dix-sept dessins de [IT] qui devaient être vendus lors de la vente " Les Maîtres de l'humour " organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°133 à 149,

à [CF] [UD] et Mmes [I], [UY] et [K] [UD], ayants droit de [N] [UD], les quarante-deux dessins de [UD] qui devaient être vendus lors de la vente " Les Maîtres de l'humour " organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°87 à 129,

- débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 200 000 euros,

- débouté Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné M. [V] à verser à Mme [Y] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à verser à Mme [MT] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à verser à [CF] [UD] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [MT] et M. [Z] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et débouté, en conséquence, les parties de leur demande de ce chef.

M. [V] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 8 février 2021.

Le 9 décembre 2021, [CF] [UD] est décédée, laissant pour héritière Mme [K] [UD].

Le 19 mai 2023, M. [V] a assigné Mme [K] [UD] en intervention forcée en qualité d'héritière de [CF] [UD].

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 janvier 2024, M. [D] [V] dit [D] [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

l'a débouté de ses demandes de condamnation de Mmes [Y] et [MT] et de [CF] [UD], au paiement de dommages et intérêts,

a rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action en revendication des ayants droit de [X], [IT] et [UD] qu'il a soulevées,

l'a condamné à restituer :

à l'ayant droit de [JN] [Y], les trois dessins de [X] qui devaient être vendus lors de la vente "Les Maîtres de l'humour" organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°130, 131 et 132,

aux ayants droit de [VL] [MT], les dix-sept dessins de [IT] qui devaient être vendus lors de la vente "Les Maîtres de l'humour" organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°133 à 149,

aux ayants droit de [N] [UD], les quarante-deux dessins de [UD] qui devaient être vendus lors de la vente "Les Maîtres de l'humour" organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°87 à 129,

l'a condamné à verser à Mme [Y] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné à verser à Mme [MT] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné à verser à [CF] [UD] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné aux dépens,

a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- statuant à nouveau sur les chefs du jugement expressément critiqués,

à titre liminaire,

- le juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et prétentions,

à titre principal,

- juger qu'il bénéficie de la présomption de propriété prévue à l'article 2276 du code civil,

- juger qu'il est propriétaire des dessins de [X], [UD] et [IT] qui devaient être proposés à la vente le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B],

- constater qu'il a été définitivement relaxé des faits de la prévention, issus des accusations portées par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] par jugement du 19 septembre 2019 et que les dispositions pénales dudit jugement sont définitives,

- juger que les actions en restitution de Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] sont prescrites faute d'avoir été intentées dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement ouvrant la procédure collective de la galerie, prévu par l'article L 624-9 du code de commerce,

- juger que les actions en revendication des intimés sont prescrites depuis le 18 juin 2013,

- juger que les intimés n'apportent pas la preuve de leur droit de propriété sur les biens dont ils sollicitent la restitution,

- déclarer irrecevables les conclusions de Mme [Y] communiquées hors délai, et partant rejeter l'intégralité de ses demandes,

- rejeter les demandes, fins et prétentions des intimés comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées,

- juger que les menaces et actions engagées par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] en vue de l'annulation de la vente le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] caractérisent un abus de droit à son encontre lui causant un préjudice qu'il convient de réparer,

à titre subsidiaire,

- constater qu'il a été définitivement relaxé des faits de la prévention, issus des accusations portées par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] par jugement en date du 19 septembre 2019 et que les dispositions pénales dudit jugement sont définitives,

- juger que les actions en restitution de Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] sont prescrites depuis le 18 juin 2013,

- déclarer irrecevables les conclusions de Mme [Y] communiquées hors délai, et partant rejeter l'intégralité de ses demandes,

- rejeter les demandes, fins et prétentions de Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] comme étant irrecevables ou à tout le moins mal fondées,

- juger que les menaces et actions engagées par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] en vue de l'annulation de la vente prévue le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] caractérisent un abus de droit à son encontre lui causant un préjudice qu'il convient de réparer,

en conséquence et en tout état de cause,

- débouter Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner solidairement Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de réaliser un bénéfice suite à l'annulation de la vente du 30 mai 2016,

- condamner solidairement Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] à lui payer la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi du fait de leurs agissements fautifs,

- condamner solidairement les ayants droit de [IT], [N] et [CF] [UD] et [X] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Mme [MT], M. [MT], M. [Z], Mmes [I] et [UY] [UD], Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière tant de son père que de sa mère et Mme [Y] aux entiers dépens dont distraction faite au profit de Maître Jean-Philippe [WG], conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 29 juillet 2021, Mme [A] [W] veuve [MT], M. [UR] [ZL] [MT] et M. [XB] [Z] demandent à la cour de :

- juger leur action en revendication de propriété non prescrite,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur action en revendication,

- juger qu'ils sont propriétaires des dix-sept oeuvres de [IT] qui devaient être vendues lors de la vente " Les Maîtres de l'humour ", organisée le 30 mai 2016 par l'opérateur de ventes volontaires [B] sous les numéros de lots 133 à 149,

- en conséquence, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. [V] à leur restituer ces 17 oeuvres,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [V] de ses demandes de condamnation de Mme [MT] au paiement de dommages et intérêts,

- juger qu'en introduisant la présente instance puis en interjetant appel du jugement M. [V] a commis une faute dans l'exercice de la présente action en justice,

- en conséquence, déclarer leur appel incident régulier et fondé,

- infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la condamnation de M. [V] à verser la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral de Mme [MT] du fait de la procédure abusive,

en tout état de cause,

- condamner M. [V] à leur verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers frais et dépens des deux instances qui seront recouvrés par Maître Alexis Fournol, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 décembre 2023, Mme [EF] [G] veuve [Y] demande à la cour de :

- déclarer irrecevable et mal fondée la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] devant la cour, tirée de la signification hors délai de ses conclusions d'intimée et d'appel incident signifiées le 9 août 2021,

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident qu'elle a formé,

- déclarer infondé l'appel principal interjeté par M. [V],

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

rejeté les fins de non-recevoir présentées par M. [V] et fondées sur la prescription de son action en revendication,

condamné M. [V] à lui restituer les trois dessins de [X] proposés à la vente du 30 mai 2016,

condamné M. [V] à lui payer la somme de 7 500 (sic) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée :

de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 200 000 euros,

de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

statuant à nouveau,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique,

- condamner M. [V] à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- condamner M. [V] à lui payer la somme complémentaire de 10 000 euros, en sus de l'indemnité allouée par le jugement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens, dont distraction, le cas échéant, à Maître [J] [DK], sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 4 décembre 2023, Mmes [I] et [UY] [UD] et Mme [K] [UD], prise tant en sa qualité d'ayant droit de son père que de sa mère, demandent à la cour de :

- dire et juger éteintes l'action et l'instance à l'égard de [CF] [UD] décédée le [Date décès 16] 2021,

- dire et juger irrecevable la demande de M. [V] tendant à voir condamner Mme [K] [UD] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de réaliser un bénéfice suite à l'annulation de la vente du 30 mai 2016 et la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral du fait des agissements de sa mère,

- dire et juger irrecevable la demande de M. [V] en ce qu'elle tend, pour la première fois en cause d'appel, à voir condamner Mme [K] [UD] à lui payer la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de réaliser un bénéfice suite à l'annulation de la vente du 30 mai 2016 et la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral du fait des agissements de sa mère,

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- les dire et juger propriétaires légitimes des quarante-deux dessins de [N] [UD],

- ordonner la restitution des quarante-deux dessins de [N] [UD] qui devaient être vendus lors de la vente " Les Maîtres de l'humour " organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°87 à 129 à leur profit,

- statuant à nouveau, condamner M. [V] à leur payer la somme de 10 000 euros chacune à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice tel qu'il résulte du caractère manifestement abusif de la procédure en responsabilité délictuelle dirigée à leur encontre,

- condamner M. [V] à payer à Mmes [I] et [UY] [UD] la somme de 15 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] à payer à Mme [K] [UD] la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 16 janvier 2024.

SUR CE,

Sur la recevabilité des conclusions de Mme [Y] signifiées le 9 août 2021

M. [V] soutient que les conclusions signifiées par Mme [Y] le 9 août 2021 sont irrecevables en ce qu'elle n'a pas conclu en réponse à ses conclusions d'appelant notifiés le 7 mai 2021 dans le délai de trois mois prévu par l'article 909 du code de procédure civile.

Mme [Y] réplique que cette prétention est aussi irrecevable qu'infondée puisque la cour est incompétente pour statuer sur cette fin de non-recevoir que M. [V] n'a pas portée devant le conseiller de la mise en état exclusivement compétent à ce titre et que ces conclusions sont en tout état de cause recevables en vertu des règles de computation des délais dès lors que l'appel ayant été interjeté le 7 mai 2021, le délai de trois mois est venu à terme le 7 août 2021 mais ce jour étant un samedi, le délai n'a expiré que le jour ouvré suivant, soit le lundi 9 août 2021 à 23h59.

Selon l'article 914 du code de procédure civile, l'appelant n'est plus recevable à invoquer devant la cour d'appel l'irrecevabilité des conclusions d'intimé en application de l'article 909 du même code après la clôture de l'instruction, à moins que sa cause ne survienne ou soit révélée postérieurment, ce qui n'est pas le cas, en l'espèce.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée à ce titre par M. [V] est déclarée irrecevable.

Sur les demandes en revendication des oeuvres :

- sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action fondée sur l'article 2224 du code civil :

Le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par M. [V] au motif que:

- avant la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, il était jugé que l'action en revendication est imprescriptible en raison du caractère perpétuel du droit de propriété,

- depuis l'entrée en vigueur de cette loi et en application de l'article 2227 du code civil, l'action en revendication qui est l'action par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient la restitution de son bien, est imprescriptible.

M. [V] soutient que l'action en revendication est prescrite, en ce que :

- interpréter l'article 2227 du code civil comme accordant un droit de revendication sur un meuble imprescriptible ainsi que l'ont jugé les premiers juges aboutirait à accorder, sans raison, une meilleure situation au véritable propriétaire d'un meuble que d'un immeuble,

- la prescription de l'action personnelle mobilière ayant été ramenée à cinq ans par la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles mobilières non prescrites antérieurement à cette date et pour lesquelles le délai de prescription n'expirait pas moins de cinq années après l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 sont prescrites le 18 juin 2013 en vertu de l'article 2224 du code civil et des dispositions transitoires de la réforme de 2008,

- en tout état de cause, l'article 2232 du code civil prévoit que le délai de prescription ne pourrait dépasser 20 ans à compter du fait dommageable constituant la naissance du droit à indemnisation, en l'espèce, au jour où les prétendus propriétaires auraient pu solliciter la restitution des oeuvres soit à compter de la publication du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Espace Vision ou au jour où M. [V] a indiqué au liquidateur de ne pas rendre les dessins présents dans l'inventaire, soit le 14 juillet 2015 au plus tard, et aucune action judiciaire n'a été engagée avant cette date,

- les intimés soutiennent depuis la première instance que les parties étaient liées par un contrat de dépôt précaire, ce qui constitue un aveu judiciaire, et la seule action qui était ouverte aux ayants droit ne peut consister qu'en une action en restitution, action personnelle et mobilière soumise à la prescription extinctive de l'article 2224 du code civil prévoyant que le point de départ commence au jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, soit le 29 mai 1995 lorsque le jugement d'ouverture de la liquidation de la société exploitant la galerie a été publié.

Les ayants droit de [IT] font valoir que :

- sous l'empire de l'article 2262 du code civil dans sa version en vigueur jusqu'au 19 juin 2008,

la Cour de cassation a rappelé que la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive,

- cette jurisprudence a été consacrée par l'article 2227 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008, lequel déroge à l'article 2224 du code civil,

- leur action en revendication et non en restitution n'étant pas prescrite le 19 juin 2008 en application des dispositions transitoires de l'article 26, elle est désormais imprescriptible conformément à l'article 2227 nouveau du code civil,

- cette action n'obéit pas au délai butoir prévu à l'article 2232 du code civil.

Mme [Y] soutient que :

- en vertu de l'article 2227 du code civil, le droit de propriété ne s'éteint pas par le non-usage de sorte que l'action en revendication d'un bien mobilier comme immobilier n'est pas susceptible de prescription extinctive,

- l'article 2266 du même code ajoute que ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, ainsi le dépositaire qui détient précairement le bien ne peut le prescrire.

Les ayants droit de [N] et [CF] [UD] ajoutent que :

- seul le possesseur de bonne foi peut invoquer l'article 2224 du code civil,

- la prescription de l'article 2224 ne peut faire obstacle à une action en revendication puisque la propriété ne s'éteint pas par le non-usage de telle sorte que l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription,

- les oeuvres ont été remises à titre de dépôt et la possession étant précaire, l'article 2266 du code civil doit s'appliquer,

- le droit de propriété est imprescriptible sur le fondement de l'article 2227 du code civil et la Cour de cassation l'étend à l'action en restitution.

Dans le titre du code civil relatif à la prescription extinctive, figurent :

- l'article 2224 qui dispose que :

Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

- l'article 2227 selon lequel :

Le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Dans le titre relatif à la possession et la prescription acquisitive, figure l'article 2266 selon lequel ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, de sorte que le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.

L'action en revendication a été définie par la jurisprudence comme celle par laquelle le demandeur, invoquant sa qualité de propriétaire, réclame à celui qui le détient, la restitution d'un bien.

L'action en restitution fondée sur un contrat de dépôt, de prêt ou de mandat constitue une action mobilière distincte de l'action en revendication, de sorte qu'elle est soumise à la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières (1re Civ., 24 novembre 2021, pourvoi n° 20-13.318 (B)).

Les intimés exercent une action en revendication des oeuvres et non une action en restitution sur le fondement d'un contrat de dépot au profit de la société Espace Vision, lequel n'est invoqué que pour soutenir le caractère précaire de la possession de M. [V] qui revendique la propriété de ces mêmes oeuvres au titre de la prescription acquisitive.

En application des articles 2227 et 2266 du code civil, la Cour de cassation juge que la propriété ne s'éteignant pas par le non-usage, l'action en revendication n'est pas susceptible de prescription extinctive (1re Civ., 2 juin 1993, pourvoi n° 90-21.982, 91-10.971, 91-12.013, 91-10.429, Bull. civ. 1993, I, n° 197). Elle juge également que l'action en revendication, par laquelle le propriétaire d'un meuble en réclame la restitution à celui à qui il l'a remis à titre précaire, naît de son droit de propriété et de l'absence de droit du détenteur, de sorte que la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du code de la consommation ne constitue pas un titre pour le locataire et n'est pas applicable à l'action en revendication de la chose louée exercée par le crédit-bailleur (1re Civ., 20 décembre 1994, pourvoi n° 93-11.624, Bull. civ. 1994, I, n° 384) ou que l'article L.137-2 devenu L. 218-2 du code de la consommation, disposant que l'action des professionnels, pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans, n'est pas applicable à l'action formée par le crédit-bailleur qui, après l'expiration du contrat ayant pour objet la location d'une voiture, en demande la restitution au preneur n'ayant pas levé l'option d'achat (Cass. 1re civ., 25 mai 2022, n° 21-10.250).

Il s'en déduit que les articles 2224 et 2232 du code civil invoqués par M. [L] ne sont pas applicables à l'action en revendication d'oeuvres des intimés laquelle est imprescriptible, en confirmation du jugement.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action fondée sur l'article L. 624-9 du code de commerce

Le tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir aux motifs que :

- si l'article L. 624-9 du code de commerce n'a été introduit que par la loi n°2005-585 du 26 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er janvier 2006 et n'était pas applicable à la procédure de liquidation ouverte au profit de la société Espace Vision le 29 mai 1995, l'article 115 du code de commerce dans sa version en vigueur à cette date soumettait également l'action en revendication de meubles au délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure,

- la sanction de l'absence de revendication d'un bien meuble dans ce délai n'est pas la prescription de l'action en revendication mais l'inopposabilité du droit de propriété du créancier à la procédure collective,

- à titre surabondant, cette fin de non-recevoir révèle le caractère contradictoire des développements de M. [V] qui soutenant que les oeuvres litigieuses lui ont été soit vendues, soit données, reconnaît implicitement, en invoquant cet article, que ces oeuvres étaient en possession, jusqu'à sa liquidation, de la Sarl Espace Vision dont il était le gérant.

M. [V] soutient que la société a été placée en liquidation judiciaire par un jugement du 29 mai 1995 publié au BODACC le 5 juillet 1995, les dessinateurs ont tous été informés de la liquidation de la société et avaient en vertu de l'article L. 624-9 du code de commerce trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure pour revendiquer les dessins litigieux, ce qu'ils n'ont pas fait, de sorte que leur action est prescrite.

Les consorts [MT] répondent que :

- l'article L.624-9 du code de commerce n'est pas applicable à la procédure de liquidation judiciaire de la société Espace Vision ouverte le 29 mai 1995,

- il convient de se référer à l'article 115 de la loi du 25 janvier 1985, dont le non-respect a pour seul effet de rendre le droit de propriété du créancier inopposable à la procédure collective, ce dernier restant recevable à agir en revendication selon les règles du droit commun,

- M. [V] a expressément refusé de restituer les oeuvres mises en dépôt à l'occasion de l'inventaire réalisé dans le cadre de la liquidation judiciaire.

Mme [Y] fait sien le raisonnement du tribunal et les consortsWolinski ne concluent pas sur ce point.

La Cour de cassation a jugé que la sanction de l'absence de revendication par le propriétaire d'un bien dans le délai prévu par l'article L. 624-9 du code de commerce ne consiste pas à transférer ce bien non revendiqué dans le patrimoine du débiteur mais à rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective (Com., 3 avril 2019, pourvoi n° 18-11.247).

L'article 115 de la loi du 25 janvier 1985 applicable à la procédure collective de la société Espace Vision ouverte en 1995 était formulé dans les mêmes termes que l'article L. 624-9 du code de commerce issu de la loi n°2005-585 du 26 juillet 2005 entrée en vigueur le 1er janvier 2006.

L'absence de revendication des oeuvres par les trois dessinateurs n'a pas eu pour effet de les transférer dans le patrimoine de la société Espace Vision liquidée mais seulement de rendre le droit de propriété sur ce bien inopposable à la procédure collective.

Cette inopposabilité est sans incidence sur l'action en revendication exercée par les ayants droit de [X], [IT] et [UD] jugée imprescriptible par la cour.

Sur le bien-fondé de l'action en revendication des ayants droit de [X], [IT] et [UD] :

Le tribunal a jugé que :

- il n'est pas contesté que M. [V] est en possession des oeuvres litigieuses,

- le fait que M. [V] allègue être propriétaire des oeuvres litigieuses ne lui interdit pas d'invoquer la possession de l'article 2276 du code civil, l'acquisition de la propriété au moyen d'un acte juridique n'en excluant pas la possession,

- les éléments versés au débat par les défendeurs tendent à établir que les oeuvres litigieuses ont été remises par [X], [IT] et [UD] à la société Espace Vision gérée par M. [V] en vue de leur exposition et/ou vente au sein de la galerie qu'elle exploitait,

- si M. [V] soutient que les oeuvres litigieuses lui ont été offertes ou vendues, il ne verse aucune pièce permettant de l'établir,

- M. [V] qui explique être devenu propriétaire des oeuvres par l'effet de l'existence d'un compte courant créditeur de près de 3 600 000 francs ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif de la société Espace Vision et il est impossible qu'il ait obtenu le remboursement de son compte courant d'associé par l'attribution de tableaux appartenant à société alors que la procédure de liquidation judiciaire a été clôturée en raison de l'insuffisance d'actifs et qu'une créance de compte courant d'associé ne peut être réglée par l'attribution de tableaux appartenant à des tiers,

- M. [V] n'a jamais possédé en qualité de propriétaire au sens de l'article 2261 du code civil les biens qui ont été remis à titre précaire et la possession qu'il invoque ne peut faire échec à l'action en revendication des ayants droit sur ces oeuvres litigieuses,

- les dessinateurs étaient nécessairement propriétaires des oeuvres qu'ils avaient réalisées à moins qu'ils ne les aient cédées, ce qui n'est pas établi de sorte que leurs ayants droit sont bien propriétaires des oeuvres litigieuses et que M. [V] doit leur restituer.

M. [V] soutient que :

- il est propriétaire des dessins figurant dans le catalogue de vente tant au regard de la présomption de propriété dont il bénéficie que des preuves d'achat et de dons qu'il a pu rassembler malgré la liquidation de sa société et le temps passé et qui justifient de sa bonne foi,

- les intimés ne produisent aucun élément de nature à renverser cette présomption par la preuve du titre précaire en vertu duquel il détiendrait les dessins ou le vice affectant sa possession,

- Mme [Y] soutient faussement que son mari ne vendait jamais ses oeuvres comme en témoigne notamment la vente aux enchères de 59 oeuvres a minima entre 1989 et 2018,

- elle est contredite par ses co-intimées qui revendiquent des mandats de vente avec contrat de dépôt accessoire unissant les dessinateurs à la galerie,

- le bon de dépôt daté du 25 septembre 1992 remis par M. [V] à [IT] concerne des oeuvres parues dans le journal LUI dont une seule était mise en vente en 2016 mais dont il est prouvé qu'elles avaient été restituées,

- il n'est pas valablement soutenu qu'il avait disparu et qu'il était donc impossible de lui réclamer la restitution des dessins alors qu'il a régulièrement croisé [UD] de 1993 à 2015 et que [X] et [IT] travaillaient avec lui au sein de Charlie Hebdo jusqu'en 2008,

- deux ventes de dessins exposés par la galerie [T] en 1993 ont eu lieu du vivant de [UD] sans qu'il émette une quelconque réclamation.

Les consorts [MT] font valoir que :

- si en vertu de l'article 2276 du code civil, possession vaut titre, cette possession doit être exercée à titre de propriétaire, ce qui exclut de facto toute détention précaire, de bonne foi et être exempte de vice c'est à dire paisible, publique et non équivoque,

- M. [V] ne rapporte pas la preuve d'une telle possession tant de la société Espace Vison qu'à titre personnel,

- le caractère précaire de la détention interdit de prescrire en application de l'article 2266 du code civil,

- la relation contractuelle entre [IT] et la société Espace Vision s'est toujours inscrite dans le schéma contractuel habituel existant entre une galerie d'art et un artiste, soit un contrat principal de mandat de vente auquel s'adjoint un contrat accessoire de dépôt, ainsi qu'il ressort de l'attestation de dépôt signée de M. [V] du 25 septembre 1992 portant sur 212 dessins originaux de [IT] et du contrat de cession de droits d'auteur concernant deux toiles objet de la demande de revendication qui figuraient dans l'inventaire de liquidation judiciaire de la société Espace Vision où l'intégralité des oeuvres attachées aux expositions organisées par la galerie était inscrite au stock comme appartenant à des tiers,

- M. [V] échoue à rapporter la preuve d'un transfert de propriété au profit de la société Espace Vision ou à son profit et, corrélativement, la preuve d'une possession de bonne foi,

- il soutient de manière contradictoire que les oeuvres étaient en dépôt à la société Espace Vision et auraient dû faire l'objet d'une revendication lors de la liquidation puis qu'elles auraient été achetées ou acquises à titre gratuit par lui,

- lors de l'inventaire, il ne s'est déclaré propriétaire que d'une seule oeuvre,

- il ne rapporte la preuve d'aucun don manuel, les factures, messages et talons de chèques produits n'établissant pas la vente d'oeuvres par [IT] à M. [V] ou sa société, la facture produite s'analysant en réalité en une reddition de comptes établie dans le cadre du mandat de vente confié par [IT] à la galerie,

- M. [V] soutient vainement être devenu propriétaire des oeuvres dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire en raison d'un compte courant d'associé créditeur de 3 600 000 francs à l'égard de la société liquidée, une telle compensation en nature, outre le fait qu'elle aurait été réalisée pendant la période suspecte, étant impossible et aucunement prouvée.

Mme [Y] soutient que :

- [X] n'a jamais voulu que la transmission de la propriété de ses dessins intervienne autrement que par don assorti de la condition synallagmatique et irréfragable que son donataire ne fasse pas, ultérieurement, commerce de ce don,

- il n'a donc jamais vendu ses dessins et si des dessins ont pu être vendus aux enchères après sa mort, c'est à son insu et sans qu'elle n'ait pu l'empêcher,

- [X] avait remis à la société Espace Vision trois dessins réinterprétant des toiles de maîtres en vue de l'exposition 'Traits d'humour sur toiles de maîtres' organisée en 1989 qui sont ceux qu'elle revendique, dont le dessin ' [X] d'après Rembrandt' dont rien n'établit qu'il ait été offert à M. [V],

- ces trois dessins ont réapparu lors de leur mise en vente en 2016,

- si M. [V] a été relaxé des faits de recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance, il a été retenu par le tribunal que les oeuvres déposées à la galerie [T] l'étaient dans un cadre précaire, dans le but d'être exposées et/ou vendues,

- la société Espace Vision n'a jamais acquis la propriété de ces dessins et M. [V] ne peut prétendre de bonne foi en être légitimement propriétaire alors qu'ils n'avaient pas été confiés à lui mais à la société dont il était le représentant,

- le chèque du 2 mars 1990 dont se prévaut M. [V] n'émane pas de lui mais de la société Espace Vision, ne concerne pas les dessins en litige et n'a jamais été encaissé puisque [X] refusait de vendre ses oeuvres.

Les consorts [UD] font valoir que :

- au cours des années 1990, [UD] a remis en dépôt à la société Espace Vision de nombreux dessins originaux en vue de leur exposition-vente et a ignoré jusqu'à sa mort ce qu'étaient devenus ses dessins dont la société Espace Vision était détentrice au moment de sa liquidation,

- M. [V] ne démontre pas pour chaque dessin les conditions dans lesquelles il en serait devenu propriétaire, alors qu'il prétend que certains lui ont été donnés et d'autres auraient été acquis auprès de [UD] ou de tiers,

- les relations entre [UD] et [V] n'étaient que professionnelles et il n'est pas établi qu'elles se soient poursuivies après 1993,

- les pièces qu'il verse aux débats démontrent qu'en sa qualité de galiériste et via la société Espace Vision, il ne se faisait remettre les oeuvres qu'à titre de dépôt et à charge pour lui de les vendre ou les restituer, ce qui correspond à un usage constant en la matière qui n'est pas démenti par M. [V],

- les deux chèques qu'il produit ne sont pas probants puisqu'ils émanent de la société Espace Vision, l'un n'est pas signé et leur encaissement, à le supposer établi, ne prouve pas la vente au profit de M. [V] alors que la galerie était dépositaire de dessins à charge de les vendre ou les restituer,

- il n'est pas possesseur de bonne foi puisqu'il ne peut expliquer les circonstances dans lesquelles il est entré en possession de dessins originaux qui avaient été à l'origine confiés en dépôt-vente à la société Espace Vision et ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 2276 du code civil dès lors qu'il ne détenait pas les oeuvres en qualité de propriétaire, le tribunal correctionnel ayant relevé le caractère précaire de sa possession.

Pour faire échec à l'action en revendication des ayants droit des dessinateurs, M. [V] invoque la présomption de propriété de l'article 2276 du code civil et soutient rapporter la preuve de nombreux achats d'oeuvres qu'il a effectués et des cadeaux qu'il a reçus.

Les dispositions du code civil relatives à la prescription acquisitive n'ont pas été modifiées par la loi du 17 juin 2008 et sont les suivantes :

- article 2261 (ancien article 2229) :

Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, et à titre de propriétaire.

- article 2266 (ancien article 2236) :

Ceux qui possèdent pour autrui ne prescrivent jamais par quelque laps de temps que ce soit, de sorte que le locataire, le dépositaire, l'usufruitier et tous autres qui détiennent précairement le bien ou le droit du propriétaire ne peuvent le prescrire.

- article 2276 (ancien article 2279) :

En fait de meubles, possession vaut titre.

L'application de l'article 2276 du code civil exige que le possesseur soit de bonne foi, laquelle est présumée.

M. [V] échoue à rapporter la preuve qu'il a acquis ou s'est vu donner les oeuvres revendiquées.

En effet,

- le chèque d'acompte de 4 500 francs établi au profit de [IT] le 19 septembre 1994 sur le compte bancaire de la société Espace Vision avec un mot d'accompagnement de M. [V] mentionnant 'voici un premier règlement de ce que nous restons te devoir' n'est pas de nature à établir la propriété de M. [V] sur les dessins revendiqués par les ayants droit de [IT],

- la pièce n° 18 est une simple photocopie sur une même page d'un message sans date adressé à [D] [T] et signé [P] [IT] dans lequel l'artiste indique qu'il vient de se faire poser une prothèse de hanche et qu'il ne pourra pas se rendre au vernissage tout en mentionnant qu''un chèque sera le bienvenu' et d'un talon de chèque dont l'émetteur est inconnu d'un montant de 10 000 francs au profit de [P] [IT] à titre d'acompte non daté ; aucune corrélation entre ces deux documents photocopiés sur une même page ne peut être effectuée et il ne peut en être tiré aucune preuve de propriété au profit de M. [V],

- il en est de même des talons de chèque produits en pièces n°19 et 22 pour les mêmes raisons,

- les deux photocopies de reproductions de dessins de [UD] avec la mention '[N] [UD] caisse' suivi d'un montant ainsi que les deux chèques établis au nom de [UD] et tirés sur le compte de la société Espace Vison de 50 000 francs et 13 333 francs dont le premier n'est pas signé et qui tous deux ne mentionnent pas l'année de leur émission n'établissent l'achat ni par la société elle-même ni par M. [V] des 43 dessins proposés à la vente du 30 mai 2016,

- les 3 dessins revendiqués par Mme [Y] sont [X] d'après [R] [H] ( Madame [C]), [X] d'après [R] [H] ([LY] et [OI]) et [X] d'après Rembrandt (Le prisonnier),

- il ressort de la lettre adressée par la maison de ventes [B] le 13 mai 2016 à l'avocat de Mme [Y] que M. [V], interrogé sur l'origine des 3 dessins proposés à la vente, avait répondu qu'il les avaient acquis directement auprès de l'artiste en 1990 et avait joint à sa déclaration un chèque d'un montant de 21 670 francs établi le 2 mars 1990 au nom de [X] par la société Espace Vision, tout en expliquant au commissaire priseur que le dessin d'après Rembrandt qu'il avait réalisé dans sa galerie ainsi que la photographie adressée le démontrait, lui avait été offert par le dessinateur dont il exposait les oeuvres,

- or, d'une part, dans la lettre du 2 mars 1990 accompagnant l'envoi du chèque du même jour produite par Mme [Y], M. [T] indique ' Voici, comme convenu, un chèque de 21 670 francs représentant un tiers du montant du tableau intitulé 'Les courses' et d'autre part, le don allégué est contredit par la mention dans l'inventaire établi le 23 juin 1995 faisant apparaître l'oeuvre ' [X] d'après Rembrandt, le prisonnier' comme appartenant à [X].

- enfin, même si des tiers, possesseurs de dessins, ont pu proposer à la galerie [T] de les acquérir, aucune preuve d'achat n'est établie et de tels éléments même à les supposer caractérisés ne sont pas de nature à établir que M.[V] aurait acquis les oeuvres revendiquées.

Il appartient aux intimés qui exercent une action en revendication des dessins de leurs ayants droit de rapporter la preuve de la précarité de la possession de M. [V] ou des vices affectant sa possession ou de sa mauvaise foi.

Dans le cadre de la procédure pénale ayant donné lieu au jugement de relaxe de M. [V] en date du 17 septembre 2019, ce dernier était 'prévenu d'avoir entre 1990 et le 20 mai 2016, sciemment recelé des oeuvres [136]qu'il savait provenir d'abus de confiance commis au début des années 1990 par la Sarl Espace Vision dont il était le gérant sous l'enseigne 'Galerie d'art [T]', société liquidée judiciairement le 29 mai 1995".

Le jugement fait état de la plainte non seulement des ayants droit de [IT], [X] et [UD] mais également des ayants droit de [RL], [N] [XW], [N] [O] dit [F], [JN] [NN] et encore des dessinateurs [YR] [KI] et [XB] [WG].

Le tribunal a considéré que les auditions réalisées par les services de police et notamment celles de M. [WG], M. [KI] et M. [U], journaliste et dessinateur n'ayant pas voulu déposer plainte, ayant indiqué avoir remis leurs oeuvres à M. [V] afin qu'il les expose et éventuellement les vende dans sa galerie mais qu'ils en restaient propriétaires et l'attestation signée de la main de [D] [V] au nom de [T] et datée du 25 septembre 1992 aux termes de laquelle il reconnaissait avoir reçu 212 dessins originaux de [IT] confiés en dépôt, corroboraient la thèse des parties civiles (ayants droit de [IT], [X], [UD], [N] [XW], [JN] [NN], [F]) aux termes de laquelle les oeuvres étaient déposées à la galerie [T] exploitée par la société Espace Vision dans le cadre d'un dépôt précaire aux fins d'exposition, de mise en vente et à défaut de restitution.

Il a également relevé qu'il résultait de l'examen du dossier de liquidation judiciaire et notamment de l'inventaire de liquidation établi le 23 juin 1995 que M. [V] n'avait pas tenu de comptabilité de la société Espace Vision et qu'une trentaine d'oeuvres mises en vente en 2016 avaient été inventoriées parmi le stock des biens comme appartenant à des tiers et non à la galerie.

Il en a tiré la conséquence que le fait que M. [V], en sa qualité de gérant de la société Espace Vision, ait déclaré que les oeuvres listées à l'inventaire n'appartenaient pas à la société mais bien aux artistes ayant réalisé ces oeuvres caractérisait l'absence de détournement par la société des oeuvres qu'elle détenait et qui avaient été identifiées comme appartenant à des tiers et qu'en l'absence d'infraction principale, M. [V] devait être relaxé du chef de recel d'abus de confiance.

Il n'en reste pas moins que cette procédure pénale a permis d'établir que les relations de la société Espace Vision, agissant par l'intermédiaire de son gérant, M. [V] et les dessinateurs [IT], [UD] et [X] se sont inscrites, selon la pratique habituelle entre un galiériste et les artistes avec lesquels il travaillait, dans le cadre juridique d'un contrat de dépôt en vue de l'exposition des oeuvres assorti ou pas d'un mandat de vente.

Les pièces 64-1 et 64-3 produites par M. [V] relatives à des reprises par [LD] [E] et [PY] [S] de leurs dessins confiés en dépôt à la galerie [D] [T] pour des expositions et à des versements effectués à leur profit corroborent que cette pratique était celle de la galerie gérée par M. [V].

La 'facturation détaillée' établie par la galerie [T] le 8 février 1993 au profit de [IT] mentionne ' Comme convenu avec les prix établis ensemble, voici ce que nous avons vendu lors de cette première exposition ' 40 ans de dessins d'humour et de presse' ' et suivent trois numéros du catalogue et leurs prix.

Celle établie le 9 février 1993 au profit de [UD] mentionne la vente de trois numéros du catalogue 'comme convenu avec ta liste de prix'.

Ces documents, loin d'établir une quelconque vente par [IT] et [UD] au profit de la galerie rapportent la preuve d'un dépôt d'oeuvres en vue de leur exposition et leur vente puisque les prix de vente ont été établis par le galiériste et l'artiste de concert et constituent en réalité non pas des factures mais des comptes-rendus des ventes effectuées par la galerie au profit de [IT] et [UD] à l'occasion de l'exposition réalisée.

L'inventaire établi le 23 juin 1995 dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Espace Vision a fait apparaître qu'une trentaine d'oeuvres proposées à la vente du 30 mai 2016 y étaient mentionnées comme appartenant à des tiers dont :

- une oeuvre ' [X] d'après Rembrandt, le prisonnier' comme appartenant à ce dernier,

- 2 des 17 dessins litigieux comme appartenant à [IT],

- 1 des 43 dessins litigieux comme appartenant à [UD].

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la preuve de la précarité de la détention de la société Espace Evasion à qui les oeuvres avaient été confiées en dépôt par les trois dessinateurs est établie.

Même s'il ne le soutient plus en appel, tant lors de l'enquête pénale qu'en première instance, M. [V] a fait valoir qu'au moment de la liquidation de la société qu'il gérait, il est devenu propriétaire des oeuvres par le biais d'une compensation en nature de sa créance en compte courant d'associé de 3 600 000 francs à l'égard de la société, laquelle compensation, outre le fait qu'elle aurait été impossible en période suspecte n'est aucunement prouvée.

M. [V] qui ne justifie pas à quel titre il possède les dessins litigieux avait connaissance du caractère précaire de la détention de la société espace Evasion puisqu'il en était le gérant et ce, dès qu'il est entré en possession desdits dessins, ce qui prouve sa mauvaise foi à prétendre posséder en qualité de propriétaire.

M. [V] échouant à justifier d'un titre de propriété, les ayants droit des trois dessinateurs qui avaient confié en dépôt leurs oeuvres à la société Espace Vision sont bien fondés à en revendiquer la propriété et le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné M. [V] à les leur restituer.

Sur la demande de condamnation au paiement de dommages et intérêts formée par M. [V] à l'encontre de l'ensemble des ayants droit des trois dessinateurs hormis Mmes [I] et [UY] [UD]

Sur l'irrecevabilité de la demande formée à l'encontre de Mme [K] [UD], en qualité d'héritière de [CF] [UD]

Mme [K] [UD], en tant qu'héritière de [CF] [UD], soutient que la demande de M. [V] formée à son encontre est irrecevable, en ce que :

- le décès de [CF] [UD] en cours d'instance a entraîné l'extinction de l'action en responsabilité délictuelle dirigée contre elle, sur le fondement de l'article 384 du code de procédure civile et toute demande à l'encontre de son héritière est irrecevable,

- M. [V] ne caractérise aucune faute commise par Mme [K] [UD] personnellement alors qu'elle ne peut être tenue pour responsable des agissements de sa mère, la responsabilité délictuelle supposant une faute personnelle,

- seule [CF] [UD] a été visée par les demandes de M. [V] en première instance et il a limité son appel au chef du jugement l'ayant débouté de sa demande indemnitaire à l'encontre de [CF] [UD], en sorte que la demande indemnitaire nouvelle en appel formée à son encontre est irrecevable.

M. [V] réplique que :

- la demande formée à l'encontre de Mme [K] [UD] ès qualités est recevable en vertu de l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi étant saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt,

- l'action en responsabilité délictuelle est transmise passivement aux héritiers du défendeur, tel que l'est Mme [K] [UD], assignée en intervention forcée en sa qualité d'héritière de [CF] [UD] par acte signifié le 19 mai 2023,

- il ne forme donc aucune demande nouvelle à son encontre.

Mme [K] [UD] invoque vainement les dispositions de l'article 384 du code de procédure civile puisque l'action en responsabilité délictuelle que M. [V] avait engagée à l'encontre de sa mère est transmissible et qu'elle a été assignée en intervention forcée en sa qualité d'héritière de cette dernière. De même, la demande formulée à son encontre, ès qualités, ne peut être qualifiée de nouvelle.

Dès lors, la demande formée par M. [V] à son encontre est recevable.

Sur le fond

Le tribunal a débouté M. [V] de sa demande en paiement de dommages et intérêts à l'encontre de Mmes [Y] et [MT] et de [CF] [UD], en raison des mensonges contenus dans les lettres de réclamation adressées à la maison de vente puis dans leur dépôt de plainte pour abus de confiance et recel d'abus de confiance, considérant que :

- les faits reprochés peuvent s'analyser soit en une dénonciation calomnieuse régie par l'article 226-10 du code pénal soit en une dénonciation téméraire régie par les articles 91,472 et 516 du code de procédure civile,

- la fausseté des faits dénoncés ne résultant pas du jugement du tribunal correctionnel rendu le 17 septembre 2019 ayant relaxé M. [V] des faits de recel de biens obtenus à l'aide d'un abus de confiance, les faits reprochés à Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] ne sauraient constituer une dénonciation calomnieuse,

- l'action publique n'ayant pas été mise en mouvement par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] mais par le procureur de la République, M. [V] ne peut soutenir que les dénonciations formées par elles sont téméraires,

- en dehors de ces cas, la dénonciation de faits de nature à être sanctionnés pénalement ne peut être considérée comme fautive sur le fondement de l'article 1382 du code civil.

M. [V] soutient que les menaces et actions engagées par Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] au titre de revendications infondées ayant conduit à l'annulation de la vente aux enchères et à la saisie des dessins sont fautives, en ce que :

- elles ne justifient d'aucun élément permettant de renverser la présomption de propriété dont il bénéficie, sur le fondement de l'article 2276 du code civil,sur les oeuvres qui devaient être vendues,

- il apporte des éléments de preuve non contestés permettant d'établir sa bonne foi et sa propriété résultant de l'acquisition de certains des dessins tant aux artistes qu'à des tiers et de dons d'artistes pour d'autres, quand bien même ces éléments ne seraient pas parfaits du fait que les éléments comptables de la société Espace Vision ont été transmis au liquidateur judiciaire,

- bien que les demandes en restitution des intimés ne soient fondées ni en droit ni en fait, elles lui ont adressé des lettres comminatoires ainsi qu'à la maison de vente [B] et ont fait pratiquer des saisies ayant conduit cette dernière à annuler la vente,

- leurs agissements sont fautifs et constitutifs d'un abus de droit d'agir en justice envers lui, le jugement définitif prononçant la relaxe et la mainlevée des saisies pénales intervenues le 17 septembre 2019 démontrant le caractère abusif des agissements et des accusations portées à son encontre.

Les ayants droits de [IT] font valoir que :

- il est démontré la qualité de copropriétaire de Mme [MT] et l'absence de prescription civile de son action en revendication,

- Mme [MT] n'a commis aucun abus de son droit d'agir en déposant une plainte simple auprès du procureur de la République, alors que la mise en mouvement l'action publique, la saisie des oeuvres et la citation de M. [V] devant le tribunal correctionnel relèvent du pouvoir exclusif du ministère public,

- les courriers adressés par le conseil de Mme [MT] afin de solliciter la restitution des oeuvres objets du présent litige ne visaient pas à mettre fin à l'organisation de la vente par l'opérateur de ventes volontaires [B] qui seul en a pris l'initiative,

- les faits dénoncés au sein de sa plainte et aux termes des courriers adressés à la maison de vente ou à M. [V] ne constituent aucunement une dénonciation calomnieuse ou téméraire ainsi que l'ont estimé les premiers juges et ce, d'autant plus que la décision du tribunal correctionnel fait l'objet d'un appel.

Mme [Y] fait valoir que les faits reprochés par M. [V] ne peuvent s'analyser ni en dénonciations calomnieuses, ni en dénonciations téméraires comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, et ne peuvent constituer un abus de droit, en ce que :

- il ne peut lui être reproché d'avoir adressé des lettres comminatoires à Maître [B] alors qu'il s'était rendu coupable de contrefaçon à son préjudice, en reproduisant les dessins de [X] dans le catalogue de la vente sans solliciter une autorisation de son ayant droit,

- sa plainte du 27 mai 2016 déposée alors que l'enquête était déjà ordonnée était légitime et fondée de sorte qu'aucune mauvaise foi ou imprudence ne peut lui être reprochée, la saisie pénale des dessins de [X] ayant été requise par le procureur de la République et l'action publique n'ayant pas été initiée par elle mais par ce dernier,

- elle même n'a pas provoqué l'annulation de la vente du 30 mai 2016,

- il est démontré que M. [V] détenait les trois dessins sans droit ni titre alors qu'ils avaient été confiés à la galerie [T] dans le cadre d'un dépôt précaire.

Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière de [CF] [UD] [UD] réplique que :

- [CF] [UD] ne pouvait être tenue responsable des agissements de Mmes [Y] et [MT],

- la maison de vente [B] a décidé sous sa seule responsabilité de retirer de la vente les 42 dessins de [UD],

- la seule initiative d'ordre judiciaire de [CF] [UD] est la régularisation d'une plainte simple devant le procureur de la République le 2 juin 2016, postérieurement à la décision prise par la maison [B] d'annuler la vente, et ce dépôt de plainte ne peut caractériser un abus de droit,

- la plainte simple de [CF] [UD] n'engage pas sa responsabilité délictuelle dès lors qu'il n'est pas sérieusement établi qu'elle a agi de mauvaise foi ou dans une intention malveillante et alors que l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public,

- la saisie pénale est intervenue, en vertu d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention en date du 22 juin 2016 postérieurement à la décision de la maison de ventes aux enchères d'annuler la vente et ne saurait donc en être la cause,

- [CF] [UD] s'est contentée, par l'intermédiaire de son conseil, de faire valoir ses droits légitimes auprès d'un professionnel de la vente et d'un avocat, en sollicitant l'identité du vendeur et les conditions dans lesquelles il serait entré en possession des dessins, ce qui ne constitue pas une faute délictuelle.

M. [V] échouant à rapporter la preuve de sa proporiété des dessins et la cour estimant fondée la revendication des dessins par les ayants droit des trois dessinateurs et le condamnnant à leur restituer lesdits dessins, aucune faute ne peut être reprochée à Mmes [Y] et [MT] et à Mme [K] [UD], prise en qualité d'héritière de sa mère, pour avoir sollicité l'annulation de la vente aux enchèresqui était prévue le 30 mai 2016 et aucun abus de droit d'ester en justice n'est caractérisé pour avoir déposé plainte devant le procureur de la République pour abus de confiance et recel d'abus de confiance lequel a décidé de saisir les oeuvres puis de faire citer M. [V] devant le tribunal correctionnel après enquête, et ce quand bien même une relaxe aurait été prononcée et la mainlevée des saisies ordonnée.

En conséquence, M. [V] est débouté de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre des ayants droit des trois dessinateurs, hormis Mmes [I] et [UY] [UD].

Sur la demande de dommages et intérêts formée par Mme [Y]

Le tribunal a débouté Mme [Y] de sa demande de dommages et intérêts, en ce que :

- les dessins litigieux de [X] constituent des oeuvres de l'esprit sur lesquels ce dernier jouissait, en application de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, de droits d'auteur,

- le fait que la Sarl Espace Vision puis M. [V] aient détenu les dessins litigieux n'a pas privé [X] de la possibilité d'exercer ses droits d'auteurs conformément à l'article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle,

- aucune des pièces versées aux débats ne permet de démontrer que [X] aurait souhaité exercer ses droits d'auteur sur ces dessins et qu'il n'aurait pu le faire en raison de leur détention par M. [V] d'autant que, de son vivant, [X] n'a jamais réclamé la restitution de ces dessins à la société ou à M. [V],

- si les dessins de [X] ont été reproduits sans autorisation dans le catalogue de la vente aux enchères du 30 mai 2016, ce qui constitue une contrefaçon, M. [V] ne saurait être considéré comme étant l'auteur de cette contrefaçon alors que le catalogue a été édité par la maison de ventes [B],

- Mme [Y] n'explique pas exactement quel est le préjudice matériel ou moral effectivement subi par elle du fait de cette contrefaçon.

Mme [Y] soutient que le défaut de restitution des 3 dessins à [X] a causé :

- un préjudice économique à son mari de son vivant puis à elle-même, évalué à 200 000 euros, en ce que :

ces dessins abusivement retenus par M. [V] depuis 1989 n'ont pu être exposés, particulièrement ces dernières années, ni reproduits dans des ouvrages consacrés à [X], ce qui les a privés de la jouissance des dessins et empêchés d'exercer directement ou de consentir à des tiers le droit de reproduire ces dessins, de les présenter publiquement, de les communiquer et de les mettre à disposition du public,

M. [V] et Me [B] ont reproduit ces dessins sans solliciter son autorisation dans le catalogue de la vente du 30 mai 2016 vendu au prix de 20 euros TTC, ce qui constitue une contrefaçon,

- un préjudice moral de 100 000 euros subi par elle-même en ce que :

M. [V] a fait preuve d'un opportunisme macabre en tentant de profiter de la mort de son mari lors des attentats du [Date décès 8] 2015 pour mettre en vente les dessins à un prix élevé,

M. [V] et Me [B] ont commis une contrefaçon dans le catalogue de vente en ne sollicitant pas son autorisation portant atteinte à ses droits exclusifs sur l'oeuvre de son mari,

M. [V] a fait preuve d'un acharnement procédurier qui l'a particulièrement éprouvée.

M. [V] réplique que :

- le procureur de la République ne l'a pas renvoyé devant le tribunal correctionnel pour contrefaçon alors même qu'il y était invité par les parties civiles et l'absence de poursuite de ce chef démontre la non-caractérisation de l'infraction de contrefaçon,

- il n'a commis aucun abus de droit dans l'exercice de son action.

Selon l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle,

L'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.

Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...).

En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.

L'article L.122-4 du même code précise que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

Mme [Y] en sa qualité d'ayant droit de [X], est titulaire de l'ensemble des droits d'auteur de l'artiste, patrimoniaux et moral, et bénéficie d'un monopole d'exploitation de ces droits.

Alors qu'il n'ai aucunement prouvé que M. [V] ait disparu après la liquidation de la société Espace Vision dont il était le gérant en 1995 jusqu'en 2016, date à laquelle il a mis aux enchères les 3 dessins de [X] litigieux, il n'est pas établi que [X] après l'exposition ' Traits d'humour sur toiles de maîtres' au cours de laquelle ces dessins ont été exposés et qui s'est terminée le 31 janvier1990 et jusqu'à son décès le [Date décès 8] 2015 en ait sollicité la restitution à la société Espace Vision ou à M. [V] ni que sa veuve s'en soit préoccupé après cette date, ce qui démontre qu'ils n'ont pas manifesté leur intention de faire un usage particulier des droits d'auteur attachés à ces oeuvres dont ils auraient été privés et Mme [Y] n'est pas fondée à solliciter un préjudice à ce titre.

D'autre part, si comme l'ont jugé de manière pertinente les premiers juges, la contrefaçon est caractérisée par la reproduction d'un dessin sans l'autorisation de son auteur en application de l'article L 335-2 et 3 du code de la propriété intellectuelle, aucune contrefaçon de droit d'auteur n'est imputable à M. [V] puisque la reproduction non autorisée des oeuvres illicites dans le catalogue réalisé à l'occasion de la mise en vente relève de l'initiative de la maison de ventes [B] et dans sa lettre du 13 mai 2016 adressée à l'avocat de Mme [Y], la maison de ventes [B] a indiqué être disposée à régler à l'ayant droit de l'artiste le droit de reproduction attaché à l'oeuvre du dessinateur du fait de sa reproduction dans son catalogue, se reconnaissant ainsi seul auteur de la reproduction illicite. En conséquence, aucune faute ne peut être reprochée à ce titre à M. [V].

De même, Mme [Y] ne justifie pas d'une atteinte au droit moral d'auteur en l'absence de démonstration d'un défaut de plénitude de jouissance des droits d'auteur par son mari au titre de la possession équivoque des oeuvres litigieuses, rien n'établissant qu'il ait entendu en faire un usage dont il aurait été privé, celui-ci n'ayant n'a jamais réclamé, de son vivant, la restitution de ces dessins à la société ou à M. [V].

Par ailleurs, le fait pour M. [V] de mettre en vente ces 3 dessins dans les mois qui ont suivi le décès de [X] dans l'espoir d'en tirer un prix élevé n'est pas en soi constitutif d'une faute et la demande de dommages et intérêts à ce titre est rejetée.

La demande d'indemnisation du préjudice moral lié au caractère abusif de la procédure intentée par M. [V] sera examinée avec celles formées par les consorts [MT] et les consorts [UD] au même titre.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par Mme [IT], les consorts [UD] et Mme [Y]

Le tribunal a jugé que M. [V] a abusé de son droit à agir en justice en introduisant la présente instance, en ce qu'il ne pouvait ignorer qu'il détenait les oeuvres litigieuses à titre précaire et qu'il n'avait aucun droit sur celles-ci, mais que Mmes [Y] et [MT] et [CF] [UD] échouent à rapporter la preuve du préjudice qui en est résulté pour elles, distinct de celui d'avoir à exposer des frais d'avocat déjà indemnisé.

Mme [MT] et les ayants droit de [UD] soutiennent que M. [V] a commis un abus de droit en engageant cette procédure en ce qu'elle est empreinte de mauvaise foi, leur causant un préjudice moral dont Mme [MT] réclame réparation par l'octroi d'une somme de 20 000 euros et les ayants droit de [UD] par l'octroi d'une somme de 10 000 euros chacun.

M. [V] réplique qu'il n'a commis aucun abus de droit puisqu'il s'estime propriétaire des dessins litigieux, qu'il n'avait pas disparu à la suite de la liquidation judiciaire de la société Espace Vision, que le comportement des dessinateurs pendant plus de 20 ans ne pouvait que conforter sa conviction et qu'en introduisant la présente procédure il a simplement exercé son droit d'obtenir réparation d'agissements dont il estime avoir été victime et qui lui ont causé un préjudice financier important. Il ajoute que les demandes présentées sont 'délirantes', aucun préjudice moral n'étant démontré comme l'a retenu le tribunal.

Dans le dispositif de leurs conclusions qui seul saisit la cour, Mme [MT] sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande de condamnation de M. [V] à lui payer la somme de 20 000 à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral mais ne demande pas à la cour de prononcer une telle condamnation à son profit.

Il n'y a donc pas lieu à statuer sur une demande dont la cour n'est pas saisie.

La faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice doit être caractérisée par la partie qui l'invoque, étant rappelé que l'accès au juge est un principe fondamental et que l'exercice d'une voie de recours ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.

L'action en justice exercée par M. [V] aux fins d'obtenir des dommages et intérêts à l'encontre des ayants droit des dessinateurs a dégénéré en abus de droit dans la mesure où, ayant lui-même reçu en dépôt les oeuvres des mains des artistes lorsqu'il était gérant de la société Espace Vision il savait pertinamment que sa détention était précaire et qu'il les possédait de mauvaise foi et qu'il a, cependnat, perservéré dans son action en appel.

Cet abus de droit a nécessairement causé un préjudice moral à Mme [Y] et aux consorts [UD], lequel, en l'absence d'éléments justificatifs de son ampleur est indemnisé par l'octroi d'une somme de 6 000 euros au profit de Mme [Y] et de 2 000 euros au profit de chacun des ayants droit de [UD].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à M. [V], partie perdante, lequel est également condamné à payer une somme de 15 000 euros aux consorts [MT], une somme de 10 000 euros à Mme [Y] et une somme de 5 000 euros chacune à Mmes [I], [UY] et [K] [UD], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions notifiées par Mme [EF] [Y] soulevée par M. [D] [V],

Confirme, dans les limites de l'appel, le jugement en ce qu'il a :

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de la prescription de l'action en revendication de Mme [Y] et des consorts [MT] et [UD] soulevées par M. [V],

- condamné M. [D] [V] à restituer :

à Mme [EF] [G] épouse [Y], ayant droit de [JN] [Y], les trois dessins de [X] qui devaient être vendus lors de la vente "Les Maîtres de l'humour" organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°130, 131 et 132,

à Mme [A] [W] épouse [MT], M. [UR] [MT] et M. [XB] [Z], ayants droit de [VL] [MT], les dix-sept dessins de [IT] qui devaient être vendus lors de la vente " Les Maîtres de l'humour " organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°133 à 149,

- condamné M. [V] à verser à Mme [Y] la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à verser à Mme [MT] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à verser à [CF] [UD] la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirme le jugement en ses autres dispositions dont appel,

Statuant à nouveau, dans cette limite et en raison de l'évolution du litige,

Condamne M. [D] [V] à restituer Mmes [I] et [UY] [UD], ayants droit de [N] [UD] et à Mme [K] [UD], ayant droit de [N] [UD] et de [CF] [UD], les quarante-deux dessins de [UD] qui devaient être vendus lors de la vente " Les Maîtres de l'humour " organisée le 30 mai 2016 par la maison de ventes [B] sous les lots n°87 à 129,

Déclare la demande de dommages et intérêts de M. [D] [V] à l'encontre de Mme [K] [UD] prise en qualité d'héritière de [CF] [UD] recevable,

Déboute M. [D] [V] de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de Mme [EF] [G] veuve [Y], Mme [A] [W] veuve [MT], M. [UR] [ZL] [MT] et M. [XB] [Z] et Mme [K] [UD], ayant droit de [N] [UD] et de [CF] [UD],

Déboute Mme [EF] [G] veuve [Y] de ses demandes de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel et de son préjudice moral,

Dit que la cour n'est pas saisie d'une demande de dommages et intérêts de Mme [A] [W] veuve [MT] pour procédure abusive,

Condamne M. [D] [V] à payer somme de 6 000 euros à Mme [Y] et une somme de 2 000 euros chacune à Mmes [I] et [UY] [UD], ayants droit de [N] [UD] et Mme [K] [UD], ayant droit de [N] [UD] et de [CF] [UD] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [D] [V] aux dépens,

Dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne M. [D] [V] à payer une somme de 15 000 euros à Mme [A] [W] veuve [MT], M. [UR] [ZL] [MT] et M. [XB] [Z], une somme de 10 000 euros à Mme [Y] et une somme de 5 000 euros chacune à Mmes [I], [UY] et [K] [UD], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.