Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 24 avril 2024, n° 20/08073
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 27 MARS 2024
(n° /2024, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08073 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXIN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/06818
APPELANT
Monsieur [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me William BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : R143
INTIMEE
S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [W] [U] a été engagé le 5 juillet 1983 par la société France 3, du groupe France télévisions, en qualité d'assistant technique de production.
Au cours de la relation contractuelle, M. [W] [U] a occupé, dans le cadre de contrats à durée déterminée, des postes divers (assistant technique de production, éclairagiste, technicien de reportage, etc.) et dans le dernier état de la relation contractuelle, celui de journaliste reporter d'images (JRI).
En 2004, M. [W] [U] a rejoint le Syndicat National des Journalistes (SNJ).
En dernier lieu, les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des journalistes et à l'accord d'entreprise France télévisions du 28 mai 2013 et ses avenants.
Malgré l'échéance du dernier contrat à durée déterminée, le 1er septembre 2013, la relation contractuelle s'est poursuivie.
Le 6 novembre 2013, un courrier dit de recadrage a été adressé à M. [W] [U] au motif reproché d'un entêtement et d'une insubordination manifeste à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues.
M. [W] [U] a fait l'objet, après convocation et mise à pied conservatoire du 19 décembre 2013 et entretien préalable fixé au 7 janvier 2014, d'un licenciement pour faute grave le 15 janvier 2014.
À la date de fin de contrat, M. [W] [U] avait une ancienneté de 30 ans et 5 mois et la société France télévisions occupait à titre habituel plus de onze salariés.
M. [W] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 mars 2014 aux fins de voir requalifier des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 5 juillet 1983, juger, à titre principal, nul son licenciement, prononcer sa réintégration au sein de la société, dans l'emploi qu'il occupait à la date de son licenciement, à titre subsidiaire, juger sans cause rélle et sérieuse son licenciement, et voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Après une radiation intervenue le 6 juin 2015, l'affaire a été ré-inscrite suite à une demande du 5 juillet 2017. Le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré en départage le 2 juillet 2018.
Par jugement en date du 30 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- dit que la relation de travail entre M. [W] [U] et la société France télévisions est requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 1983,
- fixé le salaire mensuel de M. [W] [U] à la somme de 3.484 euros brut,
- dit que le licenciement de M. [W] [U], le 15 janvier 2014, est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 3.924 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 52.260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 6.968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 696 euros de congés payés afférents,
* 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
* 4.707 euros au titre de la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
* 392 euros à titre de rappel de 13ème mois sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
* 8.472 euros au titre de la prime d'ancienneté dans la profession, outre 847 euros de congés payés afférents,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- reçu le Syndicat national des journalistes (SNJ) en son intervention volontaire,
- condamné la société France télévisions à payer au SNJ les sommes suivantes :
* 10.000 euros au titre du préjudice moral,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que les dépens seront supportés par la société,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration au greffe en date du 1er décembre 2020, M. [W] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 novembre 2023, M. [W] [U] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ses chefs critiqués, sauf en ce qu'il a requalifié la relation de travail en CDI à compter du 5 juillet 1983 et condamné la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes de :
* 3.924 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
* 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,
Statuant de nouveau,
Sur la requalification du contrat de travail :
- fixer le salaire mensuel de référence de M. [W] [U] aux montants suivants :
* 4.994 euros pour la période allant du mois de juillet 2003 au mois de juin 2013,
* 5.502 euros à compter du mois de juillet 2013 et à la date de rupture du contrat de travail,- condamner la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 111.134,36 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification de son contrat de travail, outre 11.113,44 euros au titre des congés payés afférents,
* 292.476 euros ou, à tout le moins, la somme forfaitaire de 150.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite,
Sur le licenciement :
A titre principal,
- prononcer la nullité du licenciement de M. [W] [U], pour atteinte portée à son droit d'ester en justice, et/ou en ce qu'il procède d'une discrimination en raison de son activité syndicale et/ou pour atteinte portée à la liberté d'expression,
Par conséquent,
- ordonner la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France télévisions au poste qu'il occupait avant son licenciement ou, en cas d'impossibilité, à un poste équivalent,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son licenciement (16 janvier 2014) et celle de sa réintégration effective dans son emploi, outre 10 % de congés payés afférents, soit une somme à parfaire (arrêtée au 16 janvier 2024) de 660.240 euros, outre 66.024 euros de congés payés afférents et les cotisations sociales afférentes,
A titre subsidiaire,
- dire que le licenciement de M. [W] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 16.506 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 82.530 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité légale de licenciement que fixera la Commission arbitrale des journalistes,
* 38.514 euros au titre de l'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement,
* 132.048 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- renvoyer les parties devant la Commission arbitrale des journalistes pour la fixation du montant de l'indemnité légale de licenciement due,
Sur les autres demandes indemnitaires :
- condamner la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes:
* 9.985,19 euros à titre de rappels de salaires sur les heures supplémentaires, outre 998,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 10.000 euros au titre du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de formation,
* 30.000 euros au titre du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention,
En tout état de cause :
- ordonner à la société France télévisions de remettre à M. [W] [U] les bulletins de salaires, et/ou les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société France télévisions aux entiers dépens de l'instance d'appel,
- rappeler que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le Bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes pour les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi (rappels de salaire et congés payés afférents), à compter du jugement de première instance pour les créances indemnitaires confirmées et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus.
Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 novembre 2023, la SA France Télévisions demande à la Cour de :
- juger que M. [W] [U] est irrecevable à remettre en cause l'indemnité de requalification,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* fixé le salaire de référence à la somme de 3.484 euros,
* condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] la somme de 3.924 euros à titre d'indemnité de requalification,
* écarté la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France télévisions,
* écarté la nullité du licenciement,
* débouté M. [W] [U] du surplus de ses demandes indemnitaires,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que le licenciement de M. [W] [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] :
52.260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
6.968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 696 euros au titre des congés payés y afférents,
400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
4.707 euros au titre de la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
392 euros à titre de rappel de 13ème sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
8.472 euros au titre de la prime d'ancienneté dans la profession, outre 847 euros au titre des congés payés y afférents,
2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [W] [U] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
Statuant sur les demandes nouvelles en cause d'appel,
- débouter M. [W] [U] de l'ensemble des demandes formulées au titre de la reconstitution de sa carrière,
- condamner M. [W] [U] à verser à la société France télévisions la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [W] [U] aux dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 1983
Le salarié demande à la cour de confirmer la requalification ordonnée par le conseil des prud'hommes aux termes de sa décision du 30 octobre 2020.
La société France Télévisions ne demande pas l'infirmation de la décision du conseil de prud'hommes de ce chef, la décision de requalification est ainsi définitive. La cour n'en est pas saisie.
2-Sur le montant du salaire de référence, l'indemnité de requalification le rappel de salaire et les dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite
2-1 Sur l'indemnité de requalification
Le salarié sollicite la confirmation du montant arrêté par le conseil de prud'hommes de ce chef, comme la société.
La cour n'est ainsi pas saisie d'une demande de ce chef.
2-2 Sur le montant du salaire de référence, la demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de carrière et la demande de dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite
Le salarié soutient qu'il convient de procéder à la reconstitution de sa carrière pour fixer son salaire de référence et que du fait de la requalification de son contrat, il est réputé avoir été recruté en CDI, depuis le 5 juillet 1983, en qualité de journaliste. Il demande que son salaire soit recontitué en se fondant sur les NAO de 2014 et en prenant en considération le 'salaire de référence moyen ' qui s'applique aux journalistes de France 3.
Il estime que doivent être déterminés quels postes et statuts il aurait atteints et quels salaires il aurait perçus, s'il avait été recruté, en CDI, comme il aurait dû l'être, depuis le 5 juillet 1983, en qualité de journaliste. Il soutient que selon le tableau produit par la société, relatif aux fonctions et rémunérations des journalistes de l'antenne de [Localité 2] il apparaît que:
- Au-delà de 12 ans d'ancienneté, plus aucun journaliste n'exerce les fonctions de JRI,
- Dès 9 ans d'ancienneté, un journaliste peut accéder aux fonctions de journaliste spécialisé,
- Au-delà de 26 ans d'ancienneté, plus aucun journaliste n'exerce les fonctions de journaliste spécialisé, tous deviennent grand reporteur ;
- Dès 18 ans d'ancienneté, un journaliste spécialisé peut accéder aux fonctions de grand reporteur.
Le salarié en conclut qu'il pouvait prétendre :
- Pour la période allant de 10 à 19 ans d'ancienneté, à la rémunération des journalistes spécialisés : 50 378 euros annuels, soit 4 198 euros par mois,
- Pour la période allant de 20 à 29 ans d'ancienneté, à la rémunération des grands reporteurs : 59 927 euros annuels, soit 4 994 euros par mois,
- Pour la période de 30 ans d'ancienneté et plus, à la rémunération des grands reporteurs : 66 029 euros annuels, soit 5 502 euros par mois.
Le salarié estime qu'il peut revendiquer un rappel de salaire de mars 2009 à la date de son licenciement suivant les bases suivantes :
- De mars 2009 à juin 2013 : il aurait dû toucher 4 994 euros par mois.
- De juillet 2013 à son licenciement : il aurait dû toucher 5 502 euros par mois.
Il estime, que compte tenu des salaires effectivement perçus, il convient de fixer à la somme de 98 689 euros les rappels de salaires qu'il aurait dû toucher , sur la période non couverte par la prescription, soulignant que la société France Télévisions était son seul employeur.
M. [W] [U] sollicite également le paiement de la prime dite 'BAV', versée aux journalistes de FRANCE 3 à raison de la réalisation de tâches inhérentes au travail au sein des stations locales excentrées de la chaîne, de 251,02 euros mensuels ainsi que cela résulte de la proposition de CDI qui lui a été faite en décembre 2013 et qu'il aurait dû percevoir s'il avait été engagé en CDI en qualité de journaliste.
Le salarié expose qu'en raison du recours à une succession de CDD pour couvrir la relation de travail, cette prime a été minorée sur ses bulletins de paie, dès lors qu'elle n'était payée « qu'à l'acte », contrairement au montant forfaitaire réservé aux salariés en CDI.
En réponse, la société France Télévisions souligne que M. [U] ne possède sa carte de presse que depuis 22 décembre 2003 et n'a ainsi exercé en qualité de journaliste reporter d'images ( JRI) que depuis cette date et s'oppose à l'argumentation soutenue par l'intéressé, rien ne laissant supposer qu'il aurait eu la carrière qu'il décrit. Elle souligne que toute demande de rappel de salaire antérieure au 17 janvier 2011 est prescrite.
En ce qui concerne la prime 'BAV' , la société explique que cette prime est conditionnée à un travail en BAV, devenu BEX, puis BIP (bureau d'information de proximité), cette prime étant destinée à compenser des contraintes afférentes au travail en BIP et non un complément de rémunération. Elle explique que le salarié ayant été affecté à [Localité 2], non BIP, il ne peut en bénéficier de plein droit. Il est souligné que cette prime lui a déja été payée lorsqu'il était affecté en BIP.
Le salarié ne peut prétendre à la prime 'BAV' dans la mesure ou il n'a pas été affecté en permanence sur un lieu excentré et en a déja bénéficié dans le cadre des CDD, lorsqu'il était affecté à un 'BAV', devenu 'BIP'.
La requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée permet au salarié de se prévaloir d'une ancienneté dans l'entreprise à compter du 5 juillet 1983 mais non d'une ancienneté de plus de trente ans dans la fonction de journaliste à laquelle il n'a accédé qu'en décembre 2003. C'est par pure fiction que M. [U] considère qu'il aurait dû être embauché en qualité de journaliste à compter de 1983 et qu'il serait, de facto, sur la seule considération de son ancienneté, devenu grand reporter.
Pour fixer le salaire de référence de M. [U], il convient en conséquence de prendre en considération, au regard de son dernier bulletin de salaire complet (décembre 2013, pièce 48 du salarié), le salaire de base, soit 2954,61 euros, la prime d'ancienneté, soit 261,54 euros et la prime de 13ème mois mensualisée , soit 268,01 euros. Il en résulte un salaire mensuel de 3484, 16 euros, ce dernier montant sera retenu.
Le jugement est ainsi infirmé sur le quatum, ayant retenu un salaire de référence de 3484 euros. Le salarié est débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de sa carrière et des congés payés afférents, comme de sa demande de dommages et intérêts forfaitaire pour perte de droits à la retraite. Il sera ajouté au jugement de ce chef.
2-Sur la demande au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents pour la période du 2 septembre 2013 au 15 janvier 2014
En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.
Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.
Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.
En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit ses fiches individuelles hebdomadaires mentionnant l'amplitude horaire de son travail, sur la période considérée ainsi que son courrier de réclamation en date du 26 février 2014. Il souligne qu'il a remis ses fiches à son supérieur hiérarchique mais que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été payées au motif qu'il avait transmis ses fiches tardivement.
Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà du temps de travail légal ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués, soutenant que le salarié ne produit aucun décompte précis hebdomadaire, sérieux et corroborés par des élements extérieurs. Il souligne à cet égard que le salarié modifie en cause d'appel ses demandes et qu'en tout état de cause son décompte chiffré est faux.
La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.
Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.
Au regard des éléments produits de part et d'autre, il ya lieu de retenir que 183,95 heures supplémentaires ont été effectuées.
La convention collective applicable prévoit les mêmes majorations que le code du travail.
En revanche, le taux horaire retenu par le salarié est erroné, celui-ci retenant un salaire reconstitué dont il a été débouté. Sur la base d'un salaire mensuel de 3484,16 euros, il est dû à M. [U] la somme de 5584,56 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 558,45 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur ce point.
3-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement l'obligation de formation professionnelle :
Aux termes de l'article L 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 employant au moins cinquante salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1.'
Il en résulte donc qu'une obligation légale de formation professionnelle pèse sur l'employeur aux fins d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité.
En dehors de cette double obligation générale, l'employeur peut proposer des actions de formation liées au développement des compétences des salariés.
L'employeur doit pouvoir démontrer qu'il s'est libéré de son obligation d'adaptation à l'égard des salariés.
Il appartient au juge de rechercher si, au regard de la durée d'emploi de chacun des salariés, l'employeur a rempli son obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.
Le simple fait que durant tout le temps de son emploi par l'entreprise, l'employeur n'ait pas fait profiter le salarié d'une action de formation suffit à caractériser le manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et ouvre droit au salarié à l'octroi de dommages intérêts dès lors qu'il justifie d'un préjudice.
Au cas d'espèce, M. [U] soutient qu'il n'a pas été suffisamment formé au cours de ses trentes années de travail à France Télévisions, se trouvant depuis son départ de l'entreprise dans l'incapacité de retrouver un emploi de journaliste. Il souligne qu'il a sollicité à 5 reprises entre le 3 décembre 2011 et le 30 décembre 2013 une formation de cameraman laquelle ne lui a pas été accordée. Il précise qu'il a subi un préjudice en ce que le métier de journaliste d'images a profondément évolué au cours des dernières années, ne serait-ce que par l'évolution des technologies et des canaux de diffusion et que ne disposant pas des compétences techniques actuellement exigées des journalistes d'images, il a constaté qu'il n'était plus compétitif sur le marché du travail.
En réponse, la société se contente d'indiquer que le salarié prétend qu'elle ne lui a jamais proposé de formation sérieuse, sans verser aucune pièce aux débats au soutien de ses allégations et qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucun préjudice.
La cour rappelle que la charge de la preuve pèse sur l'employeur, lequel, au cas d'espèce ne justifie pas avoir assuré la formation professionnelle de son salarié. La société n'a en particulier pas répondu à ses 4 demandes de participation aux formations 'Initiation caméra 27" et 'Ergonomie geste et posture caméra 27" ni à sa demande de bénéficier de la formation ' Tourner un reportage avec un DSL CANON 5D'.
Ces formations visant à acquérir une expertise complémentaire dans le domaine du journalisme d'images et d'assurer en conséquence le maintien de sa compétitivité sur le marché du travail, M. [U] a nécessairement subi un préjudice lequel sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1500 euros.
Le jugement est infirmé de ce chef.
4-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement par la société à son obligation de sécurité
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes '
En application de l'article L 1152-4 alinéa 1du code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Au cas d'espèce, M. [U] soutient que son employeur a failli à son obligation de sécurité en ne donnant aucune suite, notamment en ne diligentant aucune enquête, au signalement sans équivoque de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique le concernant qu'il lui a adressé dans son courrier du 11 décembre 2013. Le salarié souligne que ce manquement est d'autant plus grave qu'il n'a pas été la seule victime du comportement agressif de M. [T].
L'employeur répond qu'il n'a d'aucune façon failli à son obligation de sécurité et que M. [U] ne démontre aucun préjudice.
Le courrier du 11 décembre 2013 dont le salarié se prévaut est une lettre de réclamation suite au non paiement de ses heures supplémentaires pour la période de septembre à décembre 2013. Le salarié conteste le motif qui lui a été opposé par M. [T], à savoir, une demande hors délai. Il dénonce un dépassement des durées maximales de travail et précise que sur deux semaines, il n'a pu bénéficier de deux jours de congés consécutifs. Il dénonce un travail dissimulé. Enfin, il s'insurge qu'une journée de 'RTT employeur' ait pu lui être imposée. Le salarié invoque le principe d'égalité entre les salariés qui n'aurait pas été respecté et qualifie le tout, de harcèlement moral.
Le salarié, qui ne fait aucune demande au titre du harcélement moral en cause d'appel et qui, dans ses écritures indique lui-même que les élements invoqués sont insuffisants pour caractériser un harcélement moral, ne matérialise aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il ne produit aucun élément démontrant un préjudice, notamment aucun certificat médical.
Il est souligné que l'employeur peut imposer un jour de RTT dit employeur, que le salarié a partiellement reçu satisfaction au titre des heures supplémentaires et ne caractérise aucun préjudice supplémentaire.
M. [U] est débouté de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.
5-Sur la demande d'indemnité de résidence
Le salarié soutient qu'à compter de septembre 2023, il a été contraint de travailler de chez lui et réclame l'indemnité prévue à l'article 53 de la convention collective applicable. Il sollicite la somme de 400 euros de ce chef (100 X 4).
La société s'y oppose, soulignant d'une part que le salarié ne rapporte pas la preuve de son travail à domicile, d'autre part que la nature même des missions exercées supposent d'être sur le lieu des évenements, les images tournées étant ensuites montées et commentées par d'autres collaborateurs. Enfin, la société souligne que le salarié a envoyé des mails et de nombreuses télécopies depuis les locaux professionnels.
Le salarié ne rapporte effectivement pas la preuve de ce qu'il a dû travailler chez lui à compter de septembre 2013, étant souligné que le poste de journaliste reporter d'images suppose un travail principal hors de chez soi.
Le salarié est débouté de sa demande de chef. Le jugement est infirmé.
6-Sur les primes d'ancienneté et le rappel de 13 ème mois sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, la cour constate que si, dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié la somme de 4707 euros au titre de son ancienneté dans l'entreprise, celle de 8472 euros au titre de son ancienneté dans la profession, outre les congés payés afférents et celle de 393 euros au titre du 13ème mois sur la prime d'ancienneté, elle ne développe aucun moyen au soutien de ces prétentions dans la discussion.
En conséquence, la société est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé.
7-Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
7-1 sur la nullité du licenciement
M. [U] soutient que son licenciement encoure plusieurs causes de nullité. Il invoque l'atteinte à une liberté fondamentale, à savoir le droit d'ester en justice, la discrimination fondée sur l'activité syndicale et enfin l'atteinte à sa liberté d'expression.
S'agissant de l'allégation d'atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice, M. [U] expose que la lettre de licenciement lui reproche le contenu de sa lettre du 11 décembre 2013 et son annonce selon laquelle, en cas d'inertie de la direction, il saisirait le conseil de prud'hommes et initierait une procédure pénale pour dissimulations des heures supplémentaires.
La société répond qu'elle s'est placée dans le cadre de la loyauté contractuelle qui préside à toute relation de travail pour évoquer que le 'chantage ' ne pouvait être un mode de communication tolérée. Elle soutient par ailleurs que le licenciement de M. [U] est fondé sur l'abus du salarié de sa liberté d'expression et l'utilisation du matériel professionnel mis à sa disposition à des fins personnelles, qu'il repose ainsi sur une cause réelle et sérieuse et n'est en rien une mesure de rétorsion à une éventuelle action en justice future.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail que le licenciement est entaché d'une nullité en cas de violation d'une liberté fondamentale.
Le droit d'ester en justice est une liberté fondamentale consacrée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à son salarié d'une part les propos qu'il a tenus à l'encontre de son supérieur hiérachique dans un courrier du 11 décembre 2013 et d'autre part l'utilisation à des fins personnelles et pendant le temps de travail du matériel de la société ( envoi massif de fax au moyen du télécopieur de la société).
Dans son courrier du 11 décembre 2013, M. [U] qui se plaint, en autre du non paiement de ses heures supplémentaires qu'il décrit comme étant un 'délit d'infraction de travail dissimulé ', du non respect de son droit au repos et du non respect des durées maximales de travail, qualifiant le tout de harcélement moral, demande instamment à son employeur de lui régler les sommes qu'il estime lui être dues. Il précise que ' sans réponse rapide de votre part, je saisirai les prud'hommes afin de faire valoir mes droits administratifs et en même temps, j'engagerai contre l'auteur de l'infraction, une procédure pénale pour entrave à mes droits au moyen d'un acte délictuel par dissimulation des heures supplémentaire et illicites aux autorités du travail'.
Il ne peut être sérieusement contesté que le salarié a menacé son employeur d'une action en justice s'il n'obtenait pas rapidement le paiement de ses heures supplémentaires. Il a également menacé de poursuites pénales son supérieur hiérarchique.
Si aux termes de la lettre de licenciement, la société reproche au salarié les propos tenus dans son courrier du 11 décembre 2013, sa diffusion à de multiples destinataires et l'emploi détourné du matériel de l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'en écrivant ' le chantage auquel vous vous livrez in fine, en menaçant d'une part, de saisir le conseil de prud'hommes pour une prétendue dissimulation d'heures supplémentaires, et d'autre part, de porter plainte contre monsieur [T], ne peut davantage être toléré dans le cadre d'une relation de travail', la société reproche à son salarié de l'avoir menacée d'une procédure judiciaire.
Il s'ensuit que le licenciement est en lien avec la volonté du salarié de mettre en oeuvre une procédure judiciaire s'il n'était pas satisfait à sa demande de réglement de ses heures supplémentaires.
Il s'agit là d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice. Le licenciement est en conséquence nul, sans qu'il ne soit nécessaire d'étudier les autres causes de nullités invoquées par le salarié.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [U] et en ce qu'il a alloué au salarié, lequel demande sa réintégration, une somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et une somme au titre d'indemnité légale de licenciement.
7-2 Sur les conséquences du licenciement nul
Le salarié sollicite sa réintégration au sein de la société France Télévision dans le même emploi ou dans un emploi équivalent. Celle-ci est de droit, sauf pour la société à faire valoir une circonstance rendant impossible cette réintégration, ce qu'elle ne fait pas au cas d'espèce. Il convient en conséquence d'ordonner la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France Télévision .
Il sollicite une indemnité à parfaire à la date de sa réintégration effective, d'un montant de 660 240 euros, outre 66024 euros au titre des congés payés afférents, de la date de son licenciement au 16 janvier 2024.
La société fait valoir que le salarié ne peut prétendre à être indemnisé de ' ses années d'errance judiciaire' dans la mesure ou, dans le cadre de la procédure de pemière instance, il n'a accompli aucun acte ni déposé d'écritures avant le 5 juillet 2017 et ce après que l'affaire a été radiée et réinscrite la veille de la péremption d'instance.
Par ailleurs, la société rappelle que le salaire mensuel revendiqué par le salarié est erroné. Enfin, elle soutient que les revenus de remplacements perçus par le salarié doivent être déduits.
La cour rappelle que le salaire mensuel retenu est de 3484, 16 euros.
L'indemnité dûe au salarié est enconséquence de 418 099,20 euros ( 120 x 3484, 16 euros), compte arrêté au 16 janvier 2024, sans qu'il n'y ait lieu, s'agissant d'une nullité pour atteinte à une liberté fondamentale de déduire de cette somme les revenus touchés par le salarié durant cette période. Il s'y ajoute les congés payés afférents, soit la somme de 41809,92 euros.
Le jugement est infirmé de ce chef.
8-Sur la remise des bulletins de salaires.
Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie ( un bulletin de paie récapitulatif par année civile) conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit.
9-Sur les intérêts et leur capitalisation
La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.
10-Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la SA France Télévisions est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [W] [U] ainsi qu'il sera dit au dispositif.
La SA France Télévisions est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit le licenciement de M. [W] [U] sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué une somme de 52260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, celle de 6968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de licenciement, outre la somme de 696 euros au titre des congés payés afférents,
- débouté M. [W] [U] de sa demande tendant à voir juger nul son licenciement, de sa demande de réintégration, de sa demande de paiement des salaires qu'il aurait perçus de la date de son licenciement à sa réintégration, de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation,
- fixé le salaire de réference à la somme de 3484 euros,
- condamné la société France Télévisions à payer à M. [W] [U] la somme de 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT nul le licenciement de M. [W] [U],
ORDONNE la réintégration de M. [W] [U] au sein de la SA France Télévisions dans le même emploi ou dans un emploi équivalent,
FIXE le salaire mensuel de référence de M. [W] [U] à la somme de 3484, 16 euros,
CONDAMNE la SA France Télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes :
- 418099,20 euros à titre de rappel de salaires du 16 janvier 2014 au 16 janvier 2024, à parfaire, outre la somme de 41809,92 euros au titre des congés payés afférents,
- 5584,56 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 558,45 euros au titre des congés payés afférents,
- 1500 euros à titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de formation,
ORDONNE à la SA France Télévisions de remettre à M. [W] [U] des bulletins de salaires ( un bulletin de paie récapitulatif par année civile) conformes au présent arrêt dans un délai de trois mois à compter de sa signification,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil
DÉBOUTE M. [W] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de carrière et de sa demande de dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite,
DÉBOUTE M. [W] [U] de sa demande d'indemnité de résidence,
CONDAMNE la SA France Télévisions à payer à M. [W] [U] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
DÉBOUTE la SA France Télévisions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
CONDAMNE la SA France Télévisions aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente de chambre
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRET DU 27 MARS 2024
(n° /2024, 14 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08073 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCXIN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/06818
APPELANT
Monsieur [W] [U]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me William BOURDON, avocat au barreau de PARIS, toque : R143
INTIMEE
S.A. FRANCE TELEVISIONS
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R271
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme. MEUNIER Guillemette, présidente de chambre
Mme. NORVAL-GRIVET Sonia, conseillère
Mme. MARQUES Florence, conseillère rédactrice
Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Guillemette MEUNIER, Présidente et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [W] [U] a été engagé le 5 juillet 1983 par la société France 3, du groupe France télévisions, en qualité d'assistant technique de production.
Au cours de la relation contractuelle, M. [W] [U] a occupé, dans le cadre de contrats à durée déterminée, des postes divers (assistant technique de production, éclairagiste, technicien de reportage, etc.) et dans le dernier état de la relation contractuelle, celui de journaliste reporter d'images (JRI).
En 2004, M. [W] [U] a rejoint le Syndicat National des Journalistes (SNJ).
En dernier lieu, les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des journalistes et à l'accord d'entreprise France télévisions du 28 mai 2013 et ses avenants.
Malgré l'échéance du dernier contrat à durée déterminée, le 1er septembre 2013, la relation contractuelle s'est poursuivie.
Le 6 novembre 2013, un courrier dit de recadrage a été adressé à M. [W] [U] au motif reproché d'un entêtement et d'une insubordination manifeste à l'égard de sa hiérarchie et de ses collègues.
M. [W] [U] a fait l'objet, après convocation et mise à pied conservatoire du 19 décembre 2013 et entretien préalable fixé au 7 janvier 2014, d'un licenciement pour faute grave le 15 janvier 2014.
À la date de fin de contrat, M. [W] [U] avait une ancienneté de 30 ans et 5 mois et la société France télévisions occupait à titre habituel plus de onze salariés.
M. [W] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 24 mars 2014 aux fins de voir requalifier des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 5 juillet 1983, juger, à titre principal, nul son licenciement, prononcer sa réintégration au sein de la société, dans l'emploi qu'il occupait à la date de son licenciement, à titre subsidiaire, juger sans cause rélle et sérieuse son licenciement, et voir condamner son employeur à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Après une radiation intervenue le 6 juin 2015, l'affaire a été ré-inscrite suite à une demande du 5 juillet 2017. Le conseil de prud'hommes de Paris s'est déclaré en départage le 2 juillet 2018.
Par jugement en date du 30 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- dit que la relation de travail entre M. [W] [U] et la société France télévisions est requalifiée en contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 1983,
- fixé le salaire mensuel de M. [W] [U] à la somme de 3.484 euros brut,
- dit que le licenciement de M. [W] [U], le 15 janvier 2014, est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 3.924 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 52.260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 6.968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 696 euros de congés payés afférents,
* 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
* 4.707 euros au titre de la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
* 392 euros à titre de rappel de 13ème mois sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
* 8.472 euros au titre de la prime d'ancienneté dans la profession, outre 847 euros de congés payés afférents,
* 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- reçu le Syndicat national des journalistes (SNJ) en son intervention volontaire,
- condamné la société France télévisions à payer au SNJ les sommes suivantes :
* 10.000 euros au titre du préjudice moral,
* 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- dit que les dépens seront supportés par la société,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration au greffe en date du 1er décembre 2020, M. [W] [U] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 novembre 2023, M. [W] [U] demande à la Cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ses chefs critiqués, sauf en ce qu'il a requalifié la relation de travail en CDI à compter du 5 juillet 1983 et condamné la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes de :
* 3.924 euros au titre de l'indemnité de requalification,
* 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
* 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,
Statuant de nouveau,
Sur la requalification du contrat de travail :
- fixer le salaire mensuel de référence de M. [W] [U] aux montants suivants :
* 4.994 euros pour la période allant du mois de juillet 2003 au mois de juin 2013,
* 5.502 euros à compter du mois de juillet 2013 et à la date de rupture du contrat de travail,- condamner la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 111.134,36 euros à titre de rappel de salaire du fait de la requalification de son contrat de travail, outre 11.113,44 euros au titre des congés payés afférents,
* 292.476 euros ou, à tout le moins, la somme forfaitaire de 150.000 euros, à titre de dommages-intérêts pour perte de droits à la retraite,
Sur le licenciement :
A titre principal,
- prononcer la nullité du licenciement de M. [W] [U], pour atteinte portée à son droit d'ester en justice, et/ou en ce qu'il procède d'une discrimination en raison de son activité syndicale et/ou pour atteinte portée à la liberté d'expression,
Par conséquent,
- ordonner la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France télévisions au poste qu'il occupait avant son licenciement ou, en cas d'impossibilité, à un poste équivalent,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] une indemnité correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre la date de son licenciement (16 janvier 2014) et celle de sa réintégration effective dans son emploi, outre 10 % de congés payés afférents, soit une somme à parfaire (arrêtée au 16 janvier 2024) de 660.240 euros, outre 66.024 euros de congés payés afférents et les cotisations sociales afférentes,
A titre subsidiaire,
- dire que le licenciement de M. [W] [U] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] les sommes suivantes :
* 16.506 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 82.530 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité légale de licenciement que fixera la Commission arbitrale des journalistes,
* 38.514 euros au titre de l'indemnité conventionnelle complémentaire de licenciement,
* 132.048 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- renvoyer les parties devant la Commission arbitrale des journalistes pour la fixation du montant de l'indemnité légale de licenciement due,
Sur les autres demandes indemnitaires :
- condamner la société France télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes:
* 9.985,19 euros à titre de rappels de salaires sur les heures supplémentaires, outre 998,50 euros au titre des congés payés afférents,
* 10.000 euros au titre du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de formation,
* 30.000 euros au titre du préjudice causé par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention,
En tout état de cause :
- ordonner à la société France télévisions de remettre à M. [W] [U] les bulletins de salaires, et/ou les documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir,
- condamner la société France télévisions à verser à M. [W] [U] la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société France télévisions aux entiers dépens de l'instance d'appel,
- rappeler que les intérêts au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil, sont dus à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le Bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes pour les créances de sommes d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat ou de la loi (rappels de salaire et congés payés afférents), à compter du jugement de première instance pour les créances indemnitaires confirmées et à compter de l'arrêt à intervenir pour le surplus.
Aux termes de ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 novembre 2023, la SA France Télévisions demande à la Cour de :
- juger que M. [W] [U] est irrecevable à remettre en cause l'indemnité de requalification,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* fixé le salaire de référence à la somme de 3.484 euros,
* condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] la somme de 3.924 euros à titre d'indemnité de requalification,
* écarté la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France télévisions,
* écarté la nullité du licenciement,
* débouté M. [W] [U] du surplus de ses demandes indemnitaires,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* dit que le licenciement de M. [W] [U] était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* condamné la société France télévisions à verser à M. [W] [U] :
52.260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
6.968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 696 euros au titre des congés payés y afférents,
400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
4.707 euros au titre de la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
392 euros à titre de rappel de 13ème sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
8.472 euros au titre de la prime d'ancienneté dans la profession, outre 847 euros au titre des congés payés y afférents,
2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [W] [U] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires,
Statuant sur les demandes nouvelles en cause d'appel,
- débouter M. [W] [U] de l'ensemble des demandes formulées au titre de la reconstitution de sa carrière,
- condamner M. [W] [U] à verser à la société France télévisions la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [W] [U] aux dépens de l'instance.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2023.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.
MOTIFS DE LA DECISION
1-Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 5 juillet 1983
Le salarié demande à la cour de confirmer la requalification ordonnée par le conseil des prud'hommes aux termes de sa décision du 30 octobre 2020.
La société France Télévisions ne demande pas l'infirmation de la décision du conseil de prud'hommes de ce chef, la décision de requalification est ainsi définitive. La cour n'en est pas saisie.
2-Sur le montant du salaire de référence, l'indemnité de requalification le rappel de salaire et les dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite
2-1 Sur l'indemnité de requalification
Le salarié sollicite la confirmation du montant arrêté par le conseil de prud'hommes de ce chef, comme la société.
La cour n'est ainsi pas saisie d'une demande de ce chef.
2-2 Sur le montant du salaire de référence, la demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de carrière et la demande de dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite
Le salarié soutient qu'il convient de procéder à la reconstitution de sa carrière pour fixer son salaire de référence et que du fait de la requalification de son contrat, il est réputé avoir été recruté en CDI, depuis le 5 juillet 1983, en qualité de journaliste. Il demande que son salaire soit recontitué en se fondant sur les NAO de 2014 et en prenant en considération le 'salaire de référence moyen ' qui s'applique aux journalistes de France 3.
Il estime que doivent être déterminés quels postes et statuts il aurait atteints et quels salaires il aurait perçus, s'il avait été recruté, en CDI, comme il aurait dû l'être, depuis le 5 juillet 1983, en qualité de journaliste. Il soutient que selon le tableau produit par la société, relatif aux fonctions et rémunérations des journalistes de l'antenne de [Localité 2] il apparaît que:
- Au-delà de 12 ans d'ancienneté, plus aucun journaliste n'exerce les fonctions de JRI,
- Dès 9 ans d'ancienneté, un journaliste peut accéder aux fonctions de journaliste spécialisé,
- Au-delà de 26 ans d'ancienneté, plus aucun journaliste n'exerce les fonctions de journaliste spécialisé, tous deviennent grand reporteur ;
- Dès 18 ans d'ancienneté, un journaliste spécialisé peut accéder aux fonctions de grand reporteur.
Le salarié en conclut qu'il pouvait prétendre :
- Pour la période allant de 10 à 19 ans d'ancienneté, à la rémunération des journalistes spécialisés : 50 378 euros annuels, soit 4 198 euros par mois,
- Pour la période allant de 20 à 29 ans d'ancienneté, à la rémunération des grands reporteurs : 59 927 euros annuels, soit 4 994 euros par mois,
- Pour la période de 30 ans d'ancienneté et plus, à la rémunération des grands reporteurs : 66 029 euros annuels, soit 5 502 euros par mois.
Le salarié estime qu'il peut revendiquer un rappel de salaire de mars 2009 à la date de son licenciement suivant les bases suivantes :
- De mars 2009 à juin 2013 : il aurait dû toucher 4 994 euros par mois.
- De juillet 2013 à son licenciement : il aurait dû toucher 5 502 euros par mois.
Il estime, que compte tenu des salaires effectivement perçus, il convient de fixer à la somme de 98 689 euros les rappels de salaires qu'il aurait dû toucher , sur la période non couverte par la prescription, soulignant que la société France Télévisions était son seul employeur.
M. [W] [U] sollicite également le paiement de la prime dite 'BAV', versée aux journalistes de FRANCE 3 à raison de la réalisation de tâches inhérentes au travail au sein des stations locales excentrées de la chaîne, de 251,02 euros mensuels ainsi que cela résulte de la proposition de CDI qui lui a été faite en décembre 2013 et qu'il aurait dû percevoir s'il avait été engagé en CDI en qualité de journaliste.
Le salarié expose qu'en raison du recours à une succession de CDD pour couvrir la relation de travail, cette prime a été minorée sur ses bulletins de paie, dès lors qu'elle n'était payée « qu'à l'acte », contrairement au montant forfaitaire réservé aux salariés en CDI.
En réponse, la société France Télévisions souligne que M. [U] ne possède sa carte de presse que depuis 22 décembre 2003 et n'a ainsi exercé en qualité de journaliste reporter d'images ( JRI) que depuis cette date et s'oppose à l'argumentation soutenue par l'intéressé, rien ne laissant supposer qu'il aurait eu la carrière qu'il décrit. Elle souligne que toute demande de rappel de salaire antérieure au 17 janvier 2011 est prescrite.
En ce qui concerne la prime 'BAV' , la société explique que cette prime est conditionnée à un travail en BAV, devenu BEX, puis BIP (bureau d'information de proximité), cette prime étant destinée à compenser des contraintes afférentes au travail en BIP et non un complément de rémunération. Elle explique que le salarié ayant été affecté à [Localité 2], non BIP, il ne peut en bénéficier de plein droit. Il est souligné que cette prime lui a déja été payée lorsqu'il était affecté en BIP.
Le salarié ne peut prétendre à la prime 'BAV' dans la mesure ou il n'a pas été affecté en permanence sur un lieu excentré et en a déja bénéficié dans le cadre des CDD, lorsqu'il était affecté à un 'BAV', devenu 'BIP'.
La requalification du contrat de travail en contrat à durée indéterminée permet au salarié de se prévaloir d'une ancienneté dans l'entreprise à compter du 5 juillet 1983 mais non d'une ancienneté de plus de trente ans dans la fonction de journaliste à laquelle il n'a accédé qu'en décembre 2003. C'est par pure fiction que M. [U] considère qu'il aurait dû être embauché en qualité de journaliste à compter de 1983 et qu'il serait, de facto, sur la seule considération de son ancienneté, devenu grand reporter.
Pour fixer le salaire de référence de M. [U], il convient en conséquence de prendre en considération, au regard de son dernier bulletin de salaire complet (décembre 2013, pièce 48 du salarié), le salaire de base, soit 2954,61 euros, la prime d'ancienneté, soit 261,54 euros et la prime de 13ème mois mensualisée , soit 268,01 euros. Il en résulte un salaire mensuel de 3484, 16 euros, ce dernier montant sera retenu.
Le jugement est ainsi infirmé sur le quatum, ayant retenu un salaire de référence de 3484 euros. Le salarié est débouté de sa demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de sa carrière et des congés payés afférents, comme de sa demande de dommages et intérêts forfaitaire pour perte de droits à la retraite. Il sera ajouté au jugement de ce chef.
2-Sur la demande au titre des heures supplémentaires et les congés payés afférents pour la période du 2 septembre 2013 au 15 janvier 2014
En application des articles L.3121-27 et L.3121-28 du code du travail, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine et toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L'article L.3121-36 du même code prévoit que, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires et 50% pour les suivantes.
Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu'ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.
Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.
En l'espèce, au soutien de ses prétentions, le salarié produit ses fiches individuelles hebdomadaires mentionnant l'amplitude horaire de son travail, sur la période considérée ainsi que son courrier de réclamation en date du 26 février 2014. Il souligne qu'il a remis ses fiches à son supérieur hiérarchique mais que ses heures supplémentaires ne lui ont pas été payées au motif qu'il avait transmis ses fiches tardivement.
Ce faisant, il produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies au-delà du temps de travail légal ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
En réponse cependant, l'employeur se contente de critiquer les éléments de preuve ainsi communiqués, soutenant que le salarié ne produit aucun décompte précis hebdomadaire, sérieux et corroborés par des élements extérieurs. Il souligne à cet égard que le salarié modifie en cause d'appel ses demandes et qu'en tout état de cause son décompte chiffré est faux.
La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.
Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.
Au regard des éléments produits de part et d'autre, il ya lieu de retenir que 183,95 heures supplémentaires ont été effectuées.
La convention collective applicable prévoit les mêmes majorations que le code du travail.
En revanche, le taux horaire retenu par le salarié est erroné, celui-ci retenant un salaire reconstitué dont il a été débouté. Sur la base d'un salaire mensuel de 3484,16 euros, il est dû à M. [U] la somme de 5584,56 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 558,45 euros au titre des congés payés afférents.
Le jugement est infirmé sur ce point.
3-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement l'obligation de formation professionnelle :
Aux termes de l'article L 6321-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.
Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.
Dans les entreprises et les groupes d'entreprises au sens de l'article L. 2331-1 employant au moins cinquante salariés, il organise pour chacun de ses salariés dans l'année qui suit leur quarante-cinquième anniversaire un entretien professionnel au cours duquel il informe le salarié notamment sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, à un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.
Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme.
Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1.'
Il en résulte donc qu'une obligation légale de formation professionnelle pèse sur l'employeur aux fins d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité.
En dehors de cette double obligation générale, l'employeur peut proposer des actions de formation liées au développement des compétences des salariés.
L'employeur doit pouvoir démontrer qu'il s'est libéré de son obligation d'adaptation à l'égard des salariés.
Il appartient au juge de rechercher si, au regard de la durée d'emploi de chacun des salariés, l'employeur a rempli son obligation de veiller au maintien de la capacité des salariés à occuper un emploi.
Le simple fait que durant tout le temps de son emploi par l'entreprise, l'employeur n'ait pas fait profiter le salarié d'une action de formation suffit à caractériser le manquement de l'employeur à son obligation d'adaptation et ouvre droit au salarié à l'octroi de dommages intérêts dès lors qu'il justifie d'un préjudice.
Au cas d'espèce, M. [U] soutient qu'il n'a pas été suffisamment formé au cours de ses trentes années de travail à France Télévisions, se trouvant depuis son départ de l'entreprise dans l'incapacité de retrouver un emploi de journaliste. Il souligne qu'il a sollicité à 5 reprises entre le 3 décembre 2011 et le 30 décembre 2013 une formation de cameraman laquelle ne lui a pas été accordée. Il précise qu'il a subi un préjudice en ce que le métier de journaliste d'images a profondément évolué au cours des dernières années, ne serait-ce que par l'évolution des technologies et des canaux de diffusion et que ne disposant pas des compétences techniques actuellement exigées des journalistes d'images, il a constaté qu'il n'était plus compétitif sur le marché du travail.
En réponse, la société se contente d'indiquer que le salarié prétend qu'elle ne lui a jamais proposé de formation sérieuse, sans verser aucune pièce aux débats au soutien de ses allégations et qu'en tout état de cause, il ne justifie d'aucun préjudice.
La cour rappelle que la charge de la preuve pèse sur l'employeur, lequel, au cas d'espèce ne justifie pas avoir assuré la formation professionnelle de son salarié. La société n'a en particulier pas répondu à ses 4 demandes de participation aux formations 'Initiation caméra 27" et 'Ergonomie geste et posture caméra 27" ni à sa demande de bénéficier de la formation ' Tourner un reportage avec un DSL CANON 5D'.
Ces formations visant à acquérir une expertise complémentaire dans le domaine du journalisme d'images et d'assurer en conséquence le maintien de sa compétitivité sur le marché du travail, M. [U] a nécessairement subi un préjudice lequel sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 1500 euros.
Le jugement est infirmé de ce chef.
4-Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement par la société à son obligation de sécurité
Aux termes de l'article L 4121-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes '
En application de l'article L 1152-4 alinéa 1du code du travail dans sa version applicable au litige, l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Au cas d'espèce, M. [U] soutient que son employeur a failli à son obligation de sécurité en ne donnant aucune suite, notamment en ne diligentant aucune enquête, au signalement sans équivoque de harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique le concernant qu'il lui a adressé dans son courrier du 11 décembre 2013. Le salarié souligne que ce manquement est d'autant plus grave qu'il n'a pas été la seule victime du comportement agressif de M. [T].
L'employeur répond qu'il n'a d'aucune façon failli à son obligation de sécurité et que M. [U] ne démontre aucun préjudice.
Le courrier du 11 décembre 2013 dont le salarié se prévaut est une lettre de réclamation suite au non paiement de ses heures supplémentaires pour la période de septembre à décembre 2013. Le salarié conteste le motif qui lui a été opposé par M. [T], à savoir, une demande hors délai. Il dénonce un dépassement des durées maximales de travail et précise que sur deux semaines, il n'a pu bénéficier de deux jours de congés consécutifs. Il dénonce un travail dissimulé. Enfin, il s'insurge qu'une journée de 'RTT employeur' ait pu lui être imposée. Le salarié invoque le principe d'égalité entre les salariés qui n'aurait pas été respecté et qualifie le tout, de harcèlement moral.
Le salarié, qui ne fait aucune demande au titre du harcélement moral en cause d'appel et qui, dans ses écritures indique lui-même que les élements invoqués sont insuffisants pour caractériser un harcélement moral, ne matérialise aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Il ne produit aucun élément démontrant un préjudice, notamment aucun certificat médical.
Il est souligné que l'employeur peut imposer un jour de RTT dit employeur, que le salarié a partiellement reçu satisfaction au titre des heures supplémentaires et ne caractérise aucun préjudice supplémentaire.
M. [U] est débouté de sa demande de ce chef. Le jugement est confirmé.
5-Sur la demande d'indemnité de résidence
Le salarié soutient qu'à compter de septembre 2023, il a été contraint de travailler de chez lui et réclame l'indemnité prévue à l'article 53 de la convention collective applicable. Il sollicite la somme de 400 euros de ce chef (100 X 4).
La société s'y oppose, soulignant d'une part que le salarié ne rapporte pas la preuve de son travail à domicile, d'autre part que la nature même des missions exercées supposent d'être sur le lieu des évenements, les images tournées étant ensuites montées et commentées par d'autres collaborateurs. Enfin, la société souligne que le salarié a envoyé des mails et de nombreuses télécopies depuis les locaux professionnels.
Le salarié ne rapporte effectivement pas la preuve de ce qu'il a dû travailler chez lui à compter de septembre 2013, étant souligné que le poste de journaliste reporter d'images suppose un travail principal hors de chez soi.
Le salarié est débouté de sa demande de chef. Le jugement est infirmé.
6-Sur les primes d'ancienneté et le rappel de 13 ème mois sur la prime d'ancienneté dans l'entreprise,
La cour rappelle qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, la cour constate que si, dans le dispositif de ses dernières conclusions, la société demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer au salarié la somme de 4707 euros au titre de son ancienneté dans l'entreprise, celle de 8472 euros au titre de son ancienneté dans la profession, outre les congés payés afférents et celle de 393 euros au titre du 13ème mois sur la prime d'ancienneté, elle ne développe aucun moyen au soutien de ces prétentions dans la discussion.
En conséquence, la société est déboutée de sa demande de ce chef.
Le jugement est confirmé.
7-Sur le licenciement
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, si un doute subsiste, il profite au salarié.
7-1 sur la nullité du licenciement
M. [U] soutient que son licenciement encoure plusieurs causes de nullité. Il invoque l'atteinte à une liberté fondamentale, à savoir le droit d'ester en justice, la discrimination fondée sur l'activité syndicale et enfin l'atteinte à sa liberté d'expression.
S'agissant de l'allégation d'atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice, M. [U] expose que la lettre de licenciement lui reproche le contenu de sa lettre du 11 décembre 2013 et son annonce selon laquelle, en cas d'inertie de la direction, il saisirait le conseil de prud'hommes et initierait une procédure pénale pour dissimulations des heures supplémentaires.
La société répond qu'elle s'est placée dans le cadre de la loyauté contractuelle qui préside à toute relation de travail pour évoquer que le 'chantage ' ne pouvait être un mode de communication tolérée. Elle soutient par ailleurs que le licenciement de M. [U] est fondé sur l'abus du salarié de sa liberté d'expression et l'utilisation du matériel professionnel mis à sa disposition à des fins personnelles, qu'il repose ainsi sur une cause réelle et sérieuse et n'est en rien une mesure de rétorsion à une éventuelle action en justice future.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1235-3-1 du code du travail que le licenciement est entaché d'une nullité en cas de violation d'une liberté fondamentale.
Le droit d'ester en justice est une liberté fondamentale consacrée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme.
En l'espèce, dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, l'employeur reproche à son salarié d'une part les propos qu'il a tenus à l'encontre de son supérieur hiérachique dans un courrier du 11 décembre 2013 et d'autre part l'utilisation à des fins personnelles et pendant le temps de travail du matériel de la société ( envoi massif de fax au moyen du télécopieur de la société).
Dans son courrier du 11 décembre 2013, M. [U] qui se plaint, en autre du non paiement de ses heures supplémentaires qu'il décrit comme étant un 'délit d'infraction de travail dissimulé ', du non respect de son droit au repos et du non respect des durées maximales de travail, qualifiant le tout de harcélement moral, demande instamment à son employeur de lui régler les sommes qu'il estime lui être dues. Il précise que ' sans réponse rapide de votre part, je saisirai les prud'hommes afin de faire valoir mes droits administratifs et en même temps, j'engagerai contre l'auteur de l'infraction, une procédure pénale pour entrave à mes droits au moyen d'un acte délictuel par dissimulation des heures supplémentaire et illicites aux autorités du travail'.
Il ne peut être sérieusement contesté que le salarié a menacé son employeur d'une action en justice s'il n'obtenait pas rapidement le paiement de ses heures supplémentaires. Il a également menacé de poursuites pénales son supérieur hiérarchique.
Si aux termes de la lettre de licenciement, la société reproche au salarié les propos tenus dans son courrier du 11 décembre 2013, sa diffusion à de multiples destinataires et l'emploi détourné du matériel de l'entreprise, il n'en demeure pas moins qu'en écrivant ' le chantage auquel vous vous livrez in fine, en menaçant d'une part, de saisir le conseil de prud'hommes pour une prétendue dissimulation d'heures supplémentaires, et d'autre part, de porter plainte contre monsieur [T], ne peut davantage être toléré dans le cadre d'une relation de travail', la société reproche à son salarié de l'avoir menacée d'une procédure judiciaire.
Il s'ensuit que le licenciement est en lien avec la volonté du salarié de mettre en oeuvre une procédure judiciaire s'il n'était pas satisfait à sa demande de réglement de ses heures supplémentaires.
Il s'agit là d'une atteinte à la liberté fondamentale d'ester en justice. Le licenciement est en conséquence nul, sans qu'il ne soit nécessaire d'étudier les autres causes de nullités invoquées par le salarié.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [U] et en ce qu'il a alloué au salarié, lequel demande sa réintégration, une somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et une somme au titre d'indemnité légale de licenciement.
7-2 Sur les conséquences du licenciement nul
Le salarié sollicite sa réintégration au sein de la société France Télévision dans le même emploi ou dans un emploi équivalent. Celle-ci est de droit, sauf pour la société à faire valoir une circonstance rendant impossible cette réintégration, ce qu'elle ne fait pas au cas d'espèce. Il convient en conséquence d'ordonner la réintégration de M. [W] [U] au sein de la société France Télévision .
Il sollicite une indemnité à parfaire à la date de sa réintégration effective, d'un montant de 660 240 euros, outre 66024 euros au titre des congés payés afférents, de la date de son licenciement au 16 janvier 2024.
La société fait valoir que le salarié ne peut prétendre à être indemnisé de ' ses années d'errance judiciaire' dans la mesure ou, dans le cadre de la procédure de pemière instance, il n'a accompli aucun acte ni déposé d'écritures avant le 5 juillet 2017 et ce après que l'affaire a été radiée et réinscrite la veille de la péremption d'instance.
Par ailleurs, la société rappelle que le salaire mensuel revendiqué par le salarié est erroné. Enfin, elle soutient que les revenus de remplacements perçus par le salarié doivent être déduits.
La cour rappelle que le salaire mensuel retenu est de 3484, 16 euros.
L'indemnité dûe au salarié est enconséquence de 418 099,20 euros ( 120 x 3484, 16 euros), compte arrêté au 16 janvier 2024, sans qu'il n'y ait lieu, s'agissant d'une nullité pour atteinte à une liberté fondamentale de déduire de cette somme les revenus touchés par le salarié durant cette période. Il s'y ajoute les congés payés afférents, soit la somme de 41809,92 euros.
Le jugement est infirmé de ce chef.
8-Sur la remise des bulletins de salaires.
Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie ( un bulletin de paie récapitulatif par année civile) conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit.
9-Sur les intérêts et leur capitalisation
La cour rappelle qu'en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
La capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.
10-Sur les demandes accessoires
Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, la SA France Télévisions est condamnée aux dépens d'appel.
L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de M. [W] [U] ainsi qu'il sera dit au dispositif.
La SA France Télévisions est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de sa saisine,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- dit le licenciement de M. [W] [U] sans cause réelle et sérieuse et lui a alloué une somme de 52260 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, celle de 6968 euros au titre de l'indemnité compensatrice de licenciement, outre la somme de 696 euros au titre des congés payés afférents,
- débouté M. [W] [U] de sa demande tendant à voir juger nul son licenciement, de sa demande de réintégration, de sa demande de paiement des salaires qu'il aurait perçus de la date de son licenciement à sa réintégration, de sa demande au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents et de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de formation,
- fixé le salaire de réference à la somme de 3484 euros,
- condamné la société France Télévisions à payer à M. [W] [U] la somme de 400 euros au titre de l'indemnité de résidence,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT nul le licenciement de M. [W] [U],
ORDONNE la réintégration de M. [W] [U] au sein de la SA France Télévisions dans le même emploi ou dans un emploi équivalent,
FIXE le salaire mensuel de référence de M. [W] [U] à la somme de 3484, 16 euros,
CONDAMNE la SA France Télévisions à payer à M. [W] [U] les sommes suivantes :
- 418099,20 euros à titre de rappel de salaires du 16 janvier 2014 au 16 janvier 2024, à parfaire, outre la somme de 41809,92 euros au titre des congés payés afférents,
- 5584,56 euros au titre des heures supplémentaires, outre celle de 558,45 euros au titre des congés payés afférents,
- 1500 euros à titre d'indemnité pour manquement à l'obligation de formation,
ORDONNE à la SA France Télévisions de remettre à M. [W] [U] des bulletins de salaires ( un bulletin de paie récapitulatif par année civile) conformes au présent arrêt dans un délai de trois mois à compter de sa signification,
RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les créances de nature indemnitaire portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière en application de l'article 1343-2 du code civil
DÉBOUTE M. [W] [U] de sa demande de rappel de salaire au titre de la reconstitution de carrière et de sa demande de dommages et intérêts pour perte de droits à la retraite,
DÉBOUTE M. [W] [U] de sa demande d'indemnité de résidence,
CONDAMNE la SA France Télévisions à payer à M. [W] [U] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
DÉBOUTE la SA France Télévisions de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,
CONDAMNE la SA France Télévisions aux dépens d'appel.
Le greffier La présidente de chambre