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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 avril 2024, n° 21/17678

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

I-Tek (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Conseillers :

M. Richaud, Mme Dallery

Avocats :

Me Fromantin, Me Claeys, Me Baechlin, Me Barbier

T. com. Rennes, du 16 sept. 2021, n° 20/…

16 septembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

Les sociétés de droit néerlandais [M] [P] BV et [M] Products BV, filiales de [M] Group, ont pour activité la fabrication et la commercialisation de matériels et d'installations d'élevages porcins.

A compter de 2013, la société I-Tek qui a pour activité la conception et l'aménagement de bâtiments d'élevage, a fait appel à la société [M] [P] BV, qui a pour nom commercial [M] International, pour la fourniture de matériels et installations pour la réalisation de chantiers d'aménagement de bâtiments d'élevages, notamment des planchers pour les cages de mise-bas, destinés à éviter l'écrasement des porcelets par les truies mères.

En 2017 et 2018, la société [M] Products a également fourni des produits à la société I-Tek pour un montant de 834.108,34 € et 334.337,38 €.

Par un courriel du 9 septembre 2019, I-Tek a mis un terme à son partenariat avec les sociétés [M] [P] et [M] Products en raison de l'entrée d'un nouvel investisseur dans le capital de la société mère [M] Group. Elle a toutefois demandé aux sociétés [M] d'assurer le service après-vente se rapportant aux fournitures qu'elles lui avaient faites.

Par acte du 11 décembre 2020, les sociétés [M] [P] et [M] Products ont assigné la société I-Tek devant le tribunal de commerce de Rennes à l'effet d'obtenir des dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales.

Par jugement du 16 septembre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

Jugé que la rupture des relations commerciales la société I-TEK à l'encontre des sociétés [M] [P] et [M] Products a été brutale et sans préavis,

Fixé à sept mois la durée du préavis, 

Condamné la société I-TEK à payer aux sociétés [M] [P] et [M] Products la somme de 107.100 € au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

Condamné la société I-TEK à payer aux sociétés [M] [P] et [M] Products la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Débouté les sociétés [M] [P] et [M] Products du surplus de leurs demandes, fins et conclusions,

Débouté la société I-TEK du surplus de ses demandes, fins et conclusions,

Condamné la société I-TEK aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 8 octobre 2021, la société I-TEK a interjeté appel de ce jugement.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 17 mars 2023, la société I-TEK demande à la Cour de :

Vu l'article L. 441-2 du Code de Commerce,

Vu l'article 1641 du Code Civil,

INFIRMER le jugement dont appel, en ce qu'il a :

- Juge que la rupture des relations commerciales de la société I-TEK à l'encontre des sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS a été brutale et sans préavis,

- Fixe à sept (7) mois la durée du préavis,

- Condamne la société I-TEK à payer aux sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS la somme de 107 100€ au titre de dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies,

- Condamne la société I-TEK à payer aux sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS la somme de 7 000€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Déboute la société I-TEK du surplus de ses demandes, fins et conclusions, à savoir :

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- DIRE QUE les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS sont à l'origine de la rupture des relations commerciales avec la société I-TEK, ou à tout le moins que la rupture est justifiée par les manquements de ses dernières à leurs obligations ;

- CONDAMNER la société [M] PRODUCTS à payer à la société I-TEK une somme de 4.608,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

- CONDAMNER la société [M] [P] à payer à la société I-TEK une somme de 86.400,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

A titre subsidiaire,

Sur les demandes de la société [M] :

- DIRE QUE les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS ne subissent aucun préjudice du fait d'une prétendue brutalité de la rupture,

- A titre infra-subsidiaire, DIRE QUE la société [M] [P] ne justifie pas d'un préjudice personnellement subi, et en conséquence la débouter de sa demande,

Sur les demandes de la société I-TEK,

- CONDAMNER la société [M] PRODUCTS à payer à la société I-TEK une somme de 3.360,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

- CONDAMNER la société [M] [P] à payer à la société I-TEK une somme de 63.000,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

En toute hypothèse :

- ORDONNER la compensation entre les dettes et créances réciproques.

- Condamne la société I-TEK aux entiers dépens,

- Liquide les frais de greffe à la somme de 115.46 euros tels que prévus aux articles 695 et 701 du Code de procédure civile.

En conséquence :

DIRE et JUGER QU'il n'existe aucune relation commerciale établie entre [M] PRODUCTS et I-TEK,

En tout état de cause, DIRE ET JUGER QUE les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS sont à l'origine de la rupture des relations commerciales avec la société I-TEK, ou à tout le moins que la rupture est justifiée par les manquements de ses dernières à leurs obligations ;

CONDAMNER la société [M] [P] à payer à la société I-TEK une somme de 70.861,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

A titre subsidiaire,

Sur les demandes de la société [M] :

- DIRE ET JUGER QUE les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS ne subissent aucun préjudice du fait d'une prétendue brutalité de la rupture,

- A titre infra-subsidiaire, DIRE ET JUGER QUE la société [M] [P] ne justifie pas d'un préjudice personnellement subi, et en conséquence la débouter de sa demande,

- A titre infiniment subsidiaire, CONFIRMER le jugement dont appel en ce qu'il a déterminé le préjudice sur la base du seul exercice 2018, et FIXER le montant des dommages et intérêts à 107.100,00 €,

Sur les demandes de la société I-TEK,

CONDAMNER la société [M] [P] à payer à la société I-TEK une somme de 51.940,00 € au titre du coût de réparation des pièces défectueuses ;

En toute hypothèse :

- ORDONNER la compensation entre les dettes et créances réciproques ;

- DEBOUTER les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- CONDAMNER les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS au paiement d'une somme de 8.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 2 novembre 2023, les sociétés [M] [P] et [M] Products demandent à la Cour de :

Débouter la société I-Tek de son appel principal et de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Recevoir les sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS en leur appel incident et le dire bien fondé.

Réformer le jugement déféré en ce qu'il fixe à la somme de 107.100 € le montant des dommages-intérêts mis à la charge de la société I-Tek en raison de la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamner la société I-TEK à verser aux sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS une somme de 125 695,36 € en réparation du préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Subsidiairement, si mieux n'aime la Cour, condamner la société I-TEK à verser à la société [M] [P] une somme de 89.243,71 € et à la société [M] PRODUCTS une somme de 36 451,65 € en réparation du préjudice causé par la rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Dire que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du 13 février 2020.

Ordonner la capitalisation annuelle des intérêts échus et dire que les intérêts ainsi capitalisés produiront eux-mêmes intérêts au même taux que le principal, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

Confirmer le jugement déféré pour le surplus.

Y additant,

Condamner la société I-TEK à verser aux sociétés [M] [P] et [M] PRODUCTS une somme de 10 000 au titre de leurs frais irrépétibles d'appel en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner la société I-TEK aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur la rupture brutale des relations commerciales,

I-TEK soutient que :

- les relations entretenues d'une part avec [M] [P] et d'autre part avec [M] Products doivent être distinguées, et que ces dernières ne peuvent se prévaloir d'une indivisibilité du courant d'affaires avec elle,

- s'agissant de la relation avec [M] Products, le caractère de stabilité fait défaut dès lors que seules 9 ventes ont été réalisées sur une durée de 12 mois pour un montant total de 682.342,41 €, ajoutant qu'en l'absence de relations depuis le mois de juin 2018, le mail de rupture n'a même pas été adressé à [M] Products,

- la rupture est imputable à la société [M] dès lors que l'entrée de son principal concurrent au capital de cette dernière a imposé la perte de l'exclusivité qui lui était accordée sur le territoire français et constitue une modification substantielle de la relation commerciale,

- à titre subsidiaire, la rupture est justifiée par les manquements de [M] à ses obligations de loyauté et de garantie pour d'une part ne pas l'avoir informée préalablement de son association avec un concurrent et avoir tenté de faire pression sur elle en refusant la livraison de produits permettant d'assurer le SAV devant son refus de consentir à la perte d'exclusivité (pièce 10 I-TEK) et d'autre part, avoir refusé de prendre en charge les coûts liés aux réparations de ses produits défectueux,

- [M] [P] n'a subi aucun préjudice du fait de la rupture puisque 6 mois auparavant, en mars 2019, elle a déjà modifié son réseau de distribution via l'intégration d'une société qui lui est concurrente,

- le préjudice de [M] [P] doit être apprécié de manière autonome par rapport aux ventes de [M] Products.

Les sociétés [M] font valoir en réplique que :

- les relations entre les parties ont duré sept années, de 2013 à 2019 et que leur chiffre d'affaires réalisé avec I-TEK était en constante progression, représentant près de 25 % de leur chiffre d'affaires en 2017 et 2018,

- leurs relations sont interdépendantes et indivisibles dès lors que [M] [P] et [M] Products sont des filiales de distribution d'une même société mère, les commandes passées par I-TEK à l'une ou à l'autre étaient de même nature et se rapportaient aux mêmes types de produits, et les fournitures de [M] Products sont intervenues en complément de celles de [M] [P],

- le courriel adressé le 9 septembre 2019 par I-TEK mentionne la fin du partenariat entre les sociétés en raison de l'entrée d'un nouvel investisseur dans le capital de [M] Group, sans qu'aucune période de préavis ne soit indiquée et I-TEK a, cessé toute commande de matériel ou installation, sans observer aucun délai de prévenance,

- aucun accord de distribution exclusive n'a été formalisé entre les parties et aucune mise en demeure au titre d'un manquement à une telle obligation ne leur a été adressée,

- l'entrée d'une autre société au capital de [M] Group n'était pas de nature à remettre en cause la relation avec I-TEK comme le montre la proposition d’accord commerciale adressée au mois d'avril 2019 et comportant une clause de distribution exclusive au profit de I-TEK pour la commercialisation de certains produits sur le marché français (pièce 33 I-TEK),

- avoir répondu à son obligation de garantie en assurant la réparation des désordres ayant affecté certains de ses produits et aucune demande de remboursement de frais ne lui a été adressé par I-TEK préalablement à la rupture.

- la durée de préavis nécessaire est de 7 mois au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, de la spécificité des produits commercialisés, de la taille limitée du marché en cause et du montant du chiffre d'affaires réalisé avec I-TEK, faisant état d'une marge moyenne mensuelle de 17.956,48 € pour les exercices 2016, 2017 et 2018.

Réponse de la Cour,

L'article L. 442-1, II du code de commerce issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose :

"Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l'absence d'un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels".

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial. L'absence de contrat écrit n'est pas incompatible avec l'existence d'une relation établie.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de ce dernier.

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits ou services en cause.

Le préavis doit se présenter sous la forme d'une notification écrite.

En l'espèce, les relations commerciales sont établies entre la société I-TEK et la société [M] [I] pour avoir débuté en 2013 et s'être poursuivies jusqu'à la notification de la rupture par la société I-TEK par courriel du 9 septembre 2019. Elles sont également établies entre la société I-TEK et la société [M] Products pour avoir débuté en 2017 et s'être poursuivies en 2018 pour des montants revêtant un caractère significatif ainsi qu'il résulte notamment de la pièce 37 des sociétés [M].

A cet égard, ces dernières soutiennent justement que bien que juridiquement distinctes, leurs relations commerciales avec la société I-TEK doivent s'analyser comme une relation unique, s'agissant de sociétés du même groupe et les relations avec ces deux sociétés étant traités de manière globale et non différenciée par la société I-Tek ainsi qu'il résulte des pièces produites, notamment s'agissant du même interlocuteur. Ainsi le courriel de rupture du 9 septembre 2019 a été adressé à M. [H] de la société [M] [I] mais vise indifféremment ses relations avec les deux filiales du groupe [M], en ce que la société I-TEK justifie sa décision par la prise de participation de son principal concurrent la Cooperl dans le capital de la société [M] Group, société mère des sociétés [M] [I] et [M] Products.

Il sera ajouté que les commandes passées par I-TEK à l'une ou à l'autre des filiales de la société mère sont de même nature et se rapportent aux mêmes types de produits, les fournitures de [M] Products étant intervenues en complément de celles de [M] [P], de sorte que les relations entre la société I-TEK et les filiales [M] sont indivisibles.

Certes, la société I-TEK, bien qu'informée en mars 2019 de la prise de participation de la société Cooperl dans le capital de la société [M] Group, a accepté de négocier en vue de la signature d'un accord commercial comportant une clause d'exclusivité à son profit (pièce 33 I-TEK). Néanmoins, cette circonstance ne suffit à établir que l'arrivée de ce nouvel investisseur et principal concurrent ne faisait pas obstacle à la poursuite des relations commerciales qui existaient jusqu'alors et qu'il n'y avait pas de modification substantielle des relations entre les parties.

A cet égard, il sera observé que s'il n'est produit aucun contrat formalisant l'exclusivité de certains produits [M] dont bénéficiait la société I-TEK sur le marché français, il résulte à suffisance des courriels échangés entre les parties que tel était bien le cas. Ainsi, le courriel du 23 mars 2019 de la société [M] [I] à la société I-TEK le formule précisément en ces termes :

"Hier, je vous ai informé que Cooperl a acheté 50 % de nos actions et que je viendrai vous voir mardi pour une réunion pour répondre à vos questions et discuter de la façon dont nous pourrons travailler ensemble à l'avenir.

(')

I-tek a l'exclusivité sur les produits farrowing de [M] en France et nous aimerions la maintenir ' j'ai convenu avec Cooperl que I-tek restera distributeur exclusif de [M] en France '" (pièce 27 I-TEK).

De même, la proposition d'exclusivité de [M] [I] par courriel du 31 janvier 2013 sur le système de plancher mobile (pièce 1 de I-Tek) va dans le même sens, même si la suite réservée par I-Tek à cette proposition n'est pas produite.

Or, l'entrée au capital de la société mère du principal concurrent de I-TEK mise devant le fait accompli et de la perte de la garantie d'exclusivité de la relation, constitue une modification substantielle des relations commerciales établies entre les parties. La société I-Tek, par son courrier du 9 septembre 2023, ne faisait que réagir à cette modification substantielle imputable aux sociétés [M].

C'est ainsi à tort que le tribunal a retenu l'existence d'une rupture brutale de la société I-TEK.

Le jugement est donc infirmé en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts aux sociétés néerlandaises au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies.

Sur la garantie des vices cachés,

Sur la recevabilité, I-TEK soutient que le délai prévu à l'article 1648 al 1 du code civil est un délai de prescription susceptible d'être interrompu par la reconnaissance de [M] de ce qu'elle doit sa garantie dans un mail du 28 avril 2019 (pièce 33 I-TEK).

Sur le bien-fondé, elle indique que le vice affectant les supports U des boîtes de levage est caractérisé et reconnu par [M] et que les clients attestent de ce que le vice rend le matériel vendu impropre à son usage (pièce 22 I-TEK). Elle ajoute que le fait de ne pas avoir formé de demande de remboursement préalablement à l'action ne constitue pas une renonciation à engager une action en indemnisation, que l'exercice de l'action estimatoire doit lui permettre d'obtenir une indemnisation correspondant au coût des travaux nécessaires pour remplacer les pièces défectueuses (nombre de châssis remplacés, coût horaire et nombre d'heures nécessaires par réparation).

Les sociétés [M] opposent l'irrecevabilité de la demande ainsi formulée par I-TEK dès lors que le délai institué par l'article 1648 al 1er du code civil est un délai de forclusion (Cass. 3° civ. 5 janvier 2022 n° 20-22.670) et que les réclamations d'I-TEK concernent des chantiers réalisés en 2017 et 2018, soit plus de deux années avant la première demande formulée au titre de la garantie des vices cachés, ajoutant que les éléments invoqués par I-TEK n'attestent pas d'une reconnaissance de sa responsabilité à ce titre.

Sur le fond, elles disent que les conditions de la garantie des vices cachés ne sont pas réunies, aucune réclamation de clients en raison de la persistance des désordres n'est versée au débat et aucun élément ne vient étayer l'existence de coûts d'intervention supportés par I-TEK.

Elles ajoutent que les CGV Metaalunie visées dans les bons de commande et les factures excluent de la garantie due par le vendeur les frais de transport ou d'expédition, de démontage et de remontage, de déplacement et de séjour qui sont stipulés à la charge du client.

Réponse de la Cour,

Les sociétés [M] soutiennent justement que le délai de 2 ans dans lequel doit être intentée l'action en garantie des vices cachés de l'article 1648 du code civil, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension mais qui peut être interrompu que par une demande en justice.

S'agissant de chantiers de 2016 et 2017, le délai de deux ans était écoulé lorsque la société I-Tek a sollicité reconventionnellement son action sur une assignation des sociétés [M] du 11 décembre 2020.

Par conséquent, la société I-TEK doit être déclarée irrecevable en ses demandes sur ce fondement.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Les sociétés [M] qui succombent en leur demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales établies, sont condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

Le jugement est infirmé en ce qu'une somme au titre des frais irrépétibles a été mise à la charge de la société I-TEK.

La somme de 5 000 € est mise à la charge des sociétés néerlandaises sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celles-ci sont déboutées de leur demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute les sociétés [M] [I] et [M] Products de leurs demandes fondées sur la rupture brutale des relations commerciales établie et sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare irrecevable la société I-tek en ses demandes fondées sur la garantie des vices cachés ;

Condamne les sociétés [M] [I] et [M] Products aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la société I-TEK la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande.