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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 24 avril 2024, n° 21/17799

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mary Cohr (SAS)

Défendeur :

Jahan Kala Gostar (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bodard-Hermant

Conseillers :

M. Richaud, Mme Dallery

Avocats :

Me Curral, Me Charbonnier, Me Izadpanah

T. com. Paris, du 2 sept. 2021, n° 20180…

2 septembre 2021

FAITS ET PROCÉDURE

La société de droit iranien Jahan Kala Gostar [L] (ci-après dénommée "JKGM Co" a distribué les produits de beauté Mary Cohr en Iran pendant plusieurs années sans que cette relation ne soit formalisée par écrit.

En 2017, la société Mary Cohr a informé JKGM Co de la désignation d'un distributeur exclusif de ses produits pour l'Iran et a mis fin à la relation commerciale au 30 avril 2018. Elle lui a également indiqué qu'il ne serait plus possible de commander des produits directement auprès d'elle après le mois d'octobre 2017.

Par acte du 21 novembre 2018, la société JKGM Co a assigné la société Mary Cohr devant le tribunal de commerce de Paris pour obtenir des dommages-intérêts au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie, d'un manquement à l'obligation contractuelle de bonne foi, de la reprise des stocks et de la garantie des vices cachés.

Par jugement du 2 septembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

Condamné la SAS Mary Cohr à payer à la société de droit iranien Jahan Kala Gostar [L] la somme de 50.000 € au titre de la demande indemnitaire pour non-respect du préavis,

Débouté la société de droit iranien Jahan Kala Gostar [L] de l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires,

Condamné la SAS Mary Cohr à payer à la société de droit iranien Jahan Kala Gostar [L] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 CPC,

Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire,

Condamné la SAS Mary Cohr aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 11 octobre 2021, la société Mary Cohr a interjeté appel de ce jugement.

Par des dernières conclusions notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, l'appelante demande à la Cour de :

Vu ledit jugement,

Vu les dispositions de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version applicable au moment des faits,

Vu les dispositions des articles 1240 et 1353 du code civil,

Vu les dispositions des articles 5, 6, 455 et 700 du code de procédure civile,

Vu les pièces communiquées,

Vu la jurisprudence citée,

A titre principal :

Annuler en son intégralité le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a statué ultra petita pour avoir supplée la carence de Jahan Kala Gostar [L] dans l'administration de la preuve au travers d'une décision insuffisamment motivée,

A titre subsidiaire :

Infirmer le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

- Jugé que les sociétés Mary Cohr et Jahan Kala Gostar [L] étaient en relation commerciale depuis plus de 28 ans ;

- Jugé établie la relation commerciale entre les sociétés Mary Cohr et Jahan Kala Gostar [L] ;

- Jugé que la SAS Mary Cohr avait accordé à Jahan Kala Gostar [L] un délai de préavis de six (6) mois ;

- Jugé insuffisant le délai de préavis accordé par la SAS Mary Cohr à Jahan Kala Gostar [L] ;

- Condamné la SAS Mary Cohr à payer à Jahan Kala Gostar [L] la somme de 50.000 € au titre de sa demande indemnitaire pour non-respect du préavis ;

- Condamné la SAS Mary Cohr à payer à Jahan Kala Gostar [L] la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Débouté la SAS Mary Cohr de sa demande de condamnation de Jahan Kala Gostar [L] à lui verser la somme de 15.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné la SAS Mary Cohr aux dépens, liquidés à la somme de 109,71 €.

Confirmer le jugement rendu le 2 septembre 2021 par le Tribunal de commerce de Paris pour le surplus.

Et statuant à nouveau :

À titre principal :

Juger que la relation commerciale entretenue par les sociétés Mary Cohr et Jahan Kala Gostar [L] n'est pas "établie" au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Juger que la SAS Mary Cohr a accordé un délai de préavis d'au moins une (1) année à Jahan Kala Gostar [L] ;

Juger que le délai de préavis accordé par la SAS Mary Cohr à Jahan Kala Gostar [L] est raisonnable et suffisant au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Juger que la décision prise par la SAS Mary Cohr de rompre la relation commerciale avec Jahan Kala Gostar [L] ne peut être qualifiée de 'rupture brutale' au sens de l'article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies par la SAS Mary Cohr, l'en débouter ;

À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour d'appel jugerait brutale la rupture des relations commerciales établies par Mary Cohr :

Juger que la société Jahan Kala Gostar [L] ne rapporte pas la preuve (i) d'une faute prétendument commise par la SAS Mary Cohr et (ii) de l'existence et du quantum de son préjudice prétendument subi ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies par la SAS Mary Cohr, l'en débouter ;

En toute hypothèse :

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur une prétendue rupture brutale des relations commerciales établies par la SAS Mary Cohr, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur la prétendue inexécution de bonne foi du contrat par la SAS Mary Cohr, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur le préjudice moral prétendument subi par elle, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur la garantie des vices cachés, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur les stocks de produits, l'en débouter ;

Juger la société Jahan Kala Gostar [L] tant irrecevable que mal fondée en ses demandes, fins et prétentions fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile, l'en débouter ;

Juger que le montant des dommages et intérêts sollicité par Jahan Kala Gostar [L] doit être ramené à zéro euro (0 €) ;

Condamner la société Jahan Kala Gostar [L] au paiement de la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure devant le Tribunal de commerce de Paris et au paiement de la somme de 20.000 euros au titre de la procédure devant la Cour d'appel de Paris ;

Condamner la société Jahan Kala Gostar [L] aux entiers frais et dépens.

Par des dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 26 septembre 2023, la société JKGM Co demande à la Cour de :

Vu les dispositions de L. 442-6 5° du Code de Commerce applicable au moment des faits, 1104 et 1240 du Code Civil,

Confirmer le jugement du 2 septembre 2021 du tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a constaté le non- respect du préavis ;

Infirmer ledit jugement en ce qu'il a :

- Condamné la société Mary Cohr à payer à la Société du droit iranien Jahan Kala Gostar [L] uniquement 50.000 € au titre de la demande indemnitaire pour le non-respect du préavis ;

- Débouté la Société du droit iranien Jahan Kala Gostar [L] de l'ensemble de ses autres demandes indemnitaires.

Et statuant à nouveau,

Condamner Mary Cohr SAS à réparer le préjudice de la Société Jahan Kala Gostar [L] à hauteur de 730.000 Euros pour le non-respect de préavis, outre intérêts de droit,

Condamner Mary Cohr SAS au paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts pour inexécution de bonne foi du contrat,

Condamner Mary Cohr SAS au paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,

Condamner Mary Cohr SAS au paiement de 24.639,55 euros au titre de garantie de vices cachés,

Condamner Mary Cohr SAS à reprendre l'ensemble des stocks et au remboursement de 550.000 euros de la valeur des stocks,

Condamner Mary Cohr SAS au paiement d'une somme de 20000 Euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

Ordonner l'exécution de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2024.

MOTIVATION

Sur l'annulation du jugement,

Mary Cohr reproche au tribunal d'avoir statué ultra petita en suppléant la carence de JKGM Co dans l'administration de la preuve de son prétendu préjudice, cette dernière n'ayant proposé aucune méthode d'évaluation de son préjudice et n'ayant communiqué aucun justificatif comptable.

L'intimée ne répond pas sur ce point.

Réponse de la Cour,

Il sera rappelé que lorsque la nullité alléguée concerne non pas la saisine du premier juge mais, comme en l'espèce, une défectuosité de la procédure suivie devant celui-ci, le juge d'appel, saisi de l'entier litige, est tenu de se prononcer sur le fond du droit, sans même devoir statuer préalablement sur le moyen tiré de l'irrégularité du jugement.

En tout état de cause, il sera observé que le tribunal n'a nullement statué ultra petita en allouant des dommages-intérêts au vu des éléments produits alors qu'il était saisi d'une telle demande fondée sur l'insuffisance de préavis.

Cette demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement ne peut qu'être rejetée.

Sur la rupture brutale des relations commerciales établies.

Mary Cohr soutient :

- Sur l'existence de relations commerciales établies, qu'en l'absence de contrat écrit, aucune exclusivité n'a été consentie à JKGM Co et aucun élément ne démontre l'existence d'un courant d'affaires continu depuis les années 1990, les seules factures produites concernant les années 2015 et 2016,

- Qu'à compter du 1er mai 2018, elle a évoqué la fin de la relation dès juillet 2015 ainsi que le rappelle la correspondance du 13 avril 2017 (pièce n° 11 Mary Cohr) et de nouveau le 28 janvier 2016 lors d'un rapport de visite (pièce n° 4 JKGM Co), soit près de 3 années avant la fin effective de la relation le 30 avril 2018 faisant suite de la lettre recommandée avec avis de réception du 11 mai 2017 (pièce n° 10 JKGM Co), délai à l'issue duquel JKGM Co pouvait continuer à commercialiser les produits en Iran en se fournissant directement auprès de son distributeur,

- Qu'a minima, JKGM Co a bénéficié d'un préavis d'une année dès lors que Mary Cohr confirmait dans son courriel du 13 avril 2017 le calendrier de fin de relation et son terme le 30 avril 2018,

- Que la jurisprudence considère que le fait pour un fournisseur de refuser de nouvelles commandes de la part de son partenaire n'enlève pas à ce dernier le bénéfice du préavis (Com. 9 novembre 2010 n° 09-15.889) et qu'en l'espèce, ce point est justifié par le fait que JKGM Co bénéficiait d'un stock suffisant de produits, une dernière commande 6 mois avant l'issue du préavis étant possible, qu'elle-même devait organiser son propre stock de produits et adapter l'approvisionnement de ses distributeurs, par la nécessité se conformer à la loi iranienne sur les importations de produits cosmétiques dès lors que JKGM Co n'avait pas réalisé les formalités administratives auprès des autorités iraniennes pour la vente des produits,

- Que JKGM Co ne démontre pas l'existence d'un préjudice, tant en son principe qu'en son quantum, relevant qu'aucune justification de perte de marge sur coûts variables n'est produite.

JKGM Co rétorque :

- que les relations commerciales sont établies puisqu'il a été le distributeur exclusif de Mary Cohr en Iran pendant près de 30 ans,

- n'avoir été informé de la rupture des relations que le 8 juin 2017 et que le préavis accordé n'a pas été respecté dès lors que Mary Cohr lui a imposé que les commandes soient toutes passées avant le mois d'octobre 2017, ramenant de fait le délai de préavis à 4 mois, ce qui est insuffisant alors que compte tenu de l'ancienneté de la relation, le préavis aurait dû être de 30 mois.

- que les 26 mois non accordés au titre du préavis doivent faire l'objet d'une indemnisation équivalente à la perte de marge brute sur la période considérée, soit 380.000€ et que les préjudices relatifs aux indemnités de licenciement des salariés et la perte de valeur du fonds de commerce doivent également être indemnisés à hauteur de 200.000€.

Réponse de la Cour,

L'article L. 442-6, I 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait pour le producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce ou par des accords interprofessionnels.

La relation, pour être établie au sens des dispositions susvisées doit présenter un caractère suivi, stable et habituel. Le critère de la stabilité s'entend de la stabilité prévisible, de sorte que la victime de la rupture devait pouvoir raisonnablement anticiper une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial. L'absence de contrat écrit n'est pas incompatible avec l'existence d'une relation établie.

La brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou de l'insuffisance de ce dernier.

Le délai de préavis, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée de la relation commerciale et de ses spécificités, du produit ou du service concerné.

Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits ou services en cause.

En l'espèce, c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'existence de relations commerciales établies entre les parties ainsi qu'il résulte des factures produites de 2015 et 2016 (pièces 2 et 3 de l'intimée) mais aussi de la lettre du président directeur général de Mary Cohr du 15 juin 2017 reconnaissant que JKGM Co a importé les produits Mary Cohr en Iran durant 28 ans (pièce 12 de l'intimée) et que cette société était le distributeur exclusif de ces produits en Iran du 13 avril 2017 au 30 avril 2018 (pièce 1 de l'intimée).

Le préavis devant se présenter sous la forme d'une notification écrite, seule la lettre recommandée avec accusé de réception du 11 mai 2017 autorisant JKGM Co à distribuer ses produits jusqu'en avril 2018 peut être prise en compte au titre du point de départ du délai.

Ainsi que le tribunal l'a justement retenu le délai de préavis accordé de près d'un an était suffisant au regard de l'ancienneté des relations commerciales entre les parties et du dynamisme du marché des cosmétiques particulièrement au Moyen-Orient, notamment en Iran.

En précisant que la dernière commande auprès d'elle devait être passée le 31 octobre 2017, dernier délai, la société Mary Kohr a réduit partiellement l'effectivité de son préavis à compter de cette date puisqu'en effet, si la société JKGM Co était autorisée à distribuer les produits Mary Cohr sur le territoire iranien, elle ne pouvait plus se fournir directement auprès de la société Mary Cohr à compter de cette date, l'importance des stocks dont disposait déjà JKGM Co étant à cet égard, inopérant.

La société Mary Cohr qui invoque aussi la nécessité d'organiser son propre stock de produits et d'adapter l'approvisionnement de ses distributeurs, ne peut se prévaloir de contraintes qui lui propres pour réduire l'effectivité du préavis accordé.

Également, elle ne démontre pas que l'échéance du 31 octobre 2017 s'expliquait par "la loi iranienne sur les exportations", comme indiqué dans sa lettre recommandée, ou par la loi iranienne sur les importations de produits cosmétiques comme elle le soutient aujourd'hui.

Elle doit donc indemniser la société de droit iranien de l'insuffisance de préavis qui en résulte.

Le préjudice principal résultant du caractère brutal de la rupture s'évalue en considération de la marge brute escomptée, c'est-à-dire la différence entre le chiffre d'affaires hors taxe escompté et les coûts variables hors taxe non supportés durant la période d'insuffisance de préavis, différence dont pourra encore être déduite, le cas échéant, la part des coûts fixes non supportés du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture, durant la même période" (Com. 28 juin 2023, n° 21-16.940).

En l'espèce, la société JKGM Co ne produit que son "bilan comptable d'essai" au 19 mars 2019 ainsi que celui au 19 mars 2020 (sa pièce 17) et non les bilans des 3 derniers exercices ayant précédés le début du préavis.

Cependant, il résulte de la lettre du président directeur général de Mary Cohr du 15 juin 2017 (pièce 12 de JKGM) que l'achat moyen de JKGM Co est de l'ordre de 200 000 € par an, soit 100 000 € d'achat sur six mois.

Au regard de la marge moyenne communément admise réalisée en cosmétiques entre 35 et 50 %, et des coûts variables hors taxe non supportés, la cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer à 25 000 € le montant des dommages- intérêts devant être alloués à la société de droit iranien au titre du non-respect du préavis accordé.

Le jugement est donc infirmé sur le quantum des dommages-intérêts alloué.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution de bonne foi du contrat

JKGM Co soutient que Mary Cohr a manqué à son devoir d'exécution de bonne foi du contrat dès lors qu'elle a négocié et conclu un contrat de distribution exclusif avec un concurrent de JKGM Co, tout en étant liée contractuellement avec cette dernière.

Mary Cohr estime qu'en l'absence d'un contrat permettant à JKGM Co de se prévaloir d'une exclusivité, elle n'a commis aucune faute contractuelle.

Réponse de la Cour,

S'il résulte de la délégation de pouvoir de la société Mary Cohr du 13 avril 2017 (pièce 1 de JKGM) que la société JKGM Co était le distributeur exclusif des produits Mary Cohr en Iran du 13 avril 2017 au 30 avril 2018, la société Mary Cohr était en droit de rechercher un autre distributeur exclusif et de conclure un contrat postérieurement à cette période, ce qu'elle a fait en accordant un préavis d'un an.

En l'absence de faute contractuelle, la demande de dommage-intérêts présentée par la société JKGM Co de ce chef est rejetée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande au titre du préjudice moral,

JKGM Co revendique un préjudice moral sur le fondement de l'article 1240 du code civil lié au dénigrement de la qualité de son travail et à la perte de confiance de ses clients habituels du fait de la signature d'un nouveau contrat de distribution exclusive.

Mary Cohr indique en réplique qu'aucun élément ne démontre l'existence d'un acte de dénigrement de sa part ayant causé un préjudice à JKGM Co. La demande est formulée sur le fondement de la rupture brutale, ce qui revient à sanctionner deux fois la prétendue brutalité.

Réponse de la Cour,

La circonstance que la société Mary Cohr n'ait pas souhaité pour des raisons qui lui appartiennent, poursuivre ses relations commerciales avec la société JKGM Co ne peut s'analyser en un acte de dénigrement mais relève de la liberté du commerce.

La demande au titre du préjudice moral est rejetée et le jugement confirmé sur ce point.

Sur la demande au titre de la reprise des stocks,

JKGM Co sollicite la reprise des stocks constitués dès lors qu'elle n'est plus le distributeur exclusif de Mary Cohr.

Mary Cohr rappelle qu'aucun contrat de distribution n'a été conclu et qu'aucune exclusivité ne liait les parties, de sorte qu'aucune obligation ne lui incombe au titre de la reprise du stock, JKGM Co pouvant continuer à commercialiser les produits et écouler son stock après la fin de la relation.

Réponse de la Cour,

Ainsi que le relève justement le tribunal, en l'absence d'écrit mentionnant une telle obligation, la société JKGM Co ne peut qu'être déboutée de sa demande, étant observé qu'il ne lui est fait aucune interdiction de vendre les produits JKGM Co en Iran.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la garantie des vices cachés,

JKGM Co fait valoir avoir été destinataire en 2016 de marchandises non propres à la consommation et dangereuses pour les utilisateurs, qui ont fait l'objet d'une destruction administrative par les autorités iraniennes (pièces n° 8 et 9 JKGM Co). Elle sollicite le remboursement de ces marchandises sur le fondement de la garantie contre les vices cachés due par le concédant au concessionnaire.

Selon Mary Cohr, aucun élément ne démontre les allégations de JKGM Co et à tout le moins c'est le manque de diligence de cette dernière dans la gestion de ses stocks qui est à l'origine d'une éventuelle expiration des produits.

Réponse de la Cour,

La pièce 8 de JKGM Co du 25 novembre 1993 émane de la Fédération des Industries de la Parfumerie qui certifie que les produits de la société Mary Cohr sont conformes à la législation française de la santé publique et sont en vente libre et courante dans les pays de la CEE.

La pièce 9 (et 9suite) de JKGM Co est un certificat d'inspection daté "[Localité 4] u 8 août 2016" mentionnant que le groupe des experts en cosmétique s'est rendu à l'adresse suivante à la demande de Moghaddas Kalagostar pour la destruction des produits le 8 août 2016 et que les produits suivants "ont été expiré et impropres à utilisation", suivi d'une liste de produits cosmétiques pour un total de 2737 articles.

La circonstance que la date de validité de ces produits cosmétiques acquis par la société JKGM Co à les supposer de la marque Mary Cohr ait expiré le 8 août 2016 est impropre à établir un quelconque vice caché de nature à engager la responsabilité de la société Mary Cohr.

Le jugement qui a rejeté cette demande, est confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

La société Mary Cohr qui est condamnée à verser une somme au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies, est condamnée aux dépens.

La somme de 5 000 € est allouée à la société JKGM Co au titre de l'article 700 du code de procédure civil en cause d'appel, en sus de la somme de 5 000 € à laquelle sont ramenés les frais irrépétibles de première instance à la charge de la société Mary Cohr.

Cette dernière est déboutée de ses demandes à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande tendant à voir annuler le jugement ;

Confirme le jugement en ses dispositions qui lui sont soumises sauf sur le quantum de la demande indemnitaire pour non-respect du préavis et sur le quantum de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société Mary Cohr à verser la somme de 25 000 € à la société Jahan Kala Gostar [L] à titre de dommages-intérêts pour rupture brutale des relations commerciales établies ;

Condamne la société Mary Cohr à verser la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,

Condamne la société Mary Cohr aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à la société Jahan Kala Gostar [L] la somme de 5 000 € au titre l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande.