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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 1, 24 avril 2024, n° 22/13783

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Isea France (SAS)

Défendeur :

Ventiss (SARL), Eurolook B.V

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Douillet

Conseillers :

Mme Barutel, Mme Bohée

Avocats :

Me Meynard, Me Mermillod-Blondin, Me Herpe, Me Drujon d'Astros

TJ Paris, 3e ch. sect. 2, du 24 juin 202…

24 juin 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société VENTISS est spécialisée dans l'acquisition et la gestion de toutes valeurs mobilières, prises de participation ou d'intérêts dans toutes sociétés et entreprises commerciales, industrielles, financières, mobilières ou immobilières.

Elle est l'associée unique et la dirigeante de la société de droit néerlandais EUROLOOK dont l'activité est la conception et la commercialisation de rideaux transparents de sécurité, notamment sous les marques Maxivision® et Maxivision Plus®.

La société VENTISS est par ailleurs titulaire du modèle français n°09/4562-008 déposé le 28 septembre 2009, qui se présente sous la forme d'un maillon destiné à constituer un rideau transparent enroulable.

Elle est également titulaire des marques suivantes, concédées en licence à la société EUROLOOK :

la marque verbale de l'Union européenne « EUROLOOK » n°17239054 déposée le 22 septembre 2017,

la marque verbale française « MAXI VISION » n°3711917 déposée le 10 février 2010,

la marque verbale française « MAXILOOK » n°4390066 déposée le 21 septembre 2017,

toutes les trois enregistrées en classes 6, 19 et 37 pour designer notamment des volets non métalliques, des rideaux transparents à enroulement, ainsi que des services de pose de ces produits.

La société ISEA FRANCE (ci-après, ISEA) se présente comme le leader français de la fabrication de rideaux métalliques, portes sectionnelles industrielles et résidentielles, et également de rideaux transparents.

Un accord de distribution exclusive a été signé entre la société EUROLOOK et la société ISEA le 20 juin 2013, portant notamment sur les produits EUROLOOK.

Ayant constaté que la société ISEA proposait à la vente, sur son site internet, sous un signe MAXILOOK, des produits reproduisant, selon elle, les caractéristiques de son modèle déposé, produits qui étaient présentés de manière comparative avec les produits vendus sous la marque « EUROLOOK », la société EUROLOOK a fait dresser un procès-verbal de constat d'huissier le 3 octobre 2017 puis, constatant que ces actes se poursuivaient malgré 1'envoi de courriels et l'organisation de réunions entre les parties, elle a vainement adressé à la société ISEA un courrier de mise en demeure, le 27 novembre 2018, d'avoir à cesser ses agissements.

C'est dans ces conditions qu'elle l'a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de Grenoble aux fins de voir cesser le trouble manifestement illicite, demande dont elle a été déboutée par ordonnance du 29 mai 2019, reformée partiellement par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 9 janvier 2020 qui a ordonné des mesures d'interdiction du signe MAXILOOK, sous astreinte.

Par ailleurs, le tribunal de commerce de Grenoble, saisi par les sociétés VENTISS et EUROLOOK, s'est dit incompétent territorialement, par jugement du 9 octobre 2020, pour trancher le litige au fond compte tenu de la clause attributive de compétence désignant le tribunal de Breda aux Pays-Bas, stipulée dans l'accord de distribution du 20 juin 2013.

C'est dans ce contexte que, par acte signifié le 25 mars 2021, les sociétés VENTISS et EUROLOOK ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société ISEA en contrefaçon de modèle enregistré et de marques.

Par jugement rendu le 24 juin 2022, le tribunal judiciaire de Paris :

- a déclaré irrecevable le moyen tiré du défaut de qualité à agir de la société VENTISS et de la société EUROLOOK ;

- a dit valide le modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 dont la société VENTISS est titulaire ;

- a dit qu'en commercialisant des rideaux constitués de maillons reproduisant les caractéristiques du modèle enregistré sous le n°09/4562-008, la société ISEA a commis des actes de contrefaçon ;

- a dit qu'en reproduisant le signe MAXILOOK sur son site internet accessible à l'adresse « http://www.isea-france.fr » et sa documentation commerciale et en commercialisant sous ce signe, des volets non métalliques et des rideaux transparents à enroulement, la société ISEA a commis des actes de contrefaçon des marques « MAXI VISION », « EUROLOOK » et « MAXILOOK » dont la société VENTISS est titulaire ;

- en conséquence :

- a fait interdiction à la société ISEA d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passe un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de 4 mois des rideaux constitués de maillons reproduisant les caractéristiques du modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 ;

- a fait interdiction à la société ISEA d'utiliser 1e signe MAXILOOK pour présenter, offrir à la vente et commercialiser sur le territoire de l'Union européenne, des volets non métalliques et des rideaux transparents à enroulement, sous astreinte définitive de 300 euros par infraction constatée passe un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de 4 mois,

- a dit n'y avoir lieu d'ordonner le rappel des produits contrefaisants ;

- a ordonné la destruction aux frais de la société ISEA des produits contrefaisants qui seraient restés en sa possession et la suppression des reproductions des produits et marques contrefaisants sur quelque support que ce soit et d'en justifier par constat d'huissier auprès de la société VENTISS sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 4 mois ;

- a ordonné la publication dans le premier quart supérieur et dans toute la largeur de la première page du site internet « http://www.isea-france.fr » ou sur tout autre site similaire qui viendrait à lui être substitué, et en dehors de toute publicité, en lettres noires sur fond blanc, en gras, de caractère Times New Roman taille 12, dans un encadré et sous le titre « CONDAMNATION JUDICIAIRE » et le texte suivant :

« Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 juin 2022, la société ISEA FRANCE a été condamnée pour contrefaçon des marques EUROLOOK, MAXYVISION et, MAXILOOK et du modèle français enregistré sous le 11°09/4562-008 au préjudice des sociétés VENTISS et EUROALOOK BV ».

pendant une durée ininterrompue d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur trois mois ;

- a ordonné à la société ISEA de communiquer à la société EUROLOOK les documents comptables certifiés permettant de déterminer

- les quantités de rideaux offertes à la vente ou mises dans le commerce en France sous le signe MAXILOOK, entre le 1er aout 2017 et le 31 mars 2020,

la marge brute réalisée pour ces produits,

le nombre de produits contrefaisants restes en stock,

ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 4 mois, passé le délai de 15 jours après la signification du présent jugement ;

- s'est réservé la liquidation des astreintes ;

- a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ou de renvoyer l'affaire devant le juge de la mise en état

- a renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société EUROLOOK du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiques et à défaut par voie judiciaire après assignation ;

- a condamné la société ISEA à verser à la société EUROLOOK la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistrés et de marques ;

- a condamné la société ISEA à verser à la société VENTISS la somme de 15 000 euros [3 x 5 000 €] au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de ses marques ;

- a condamné la société ISEA à verser à la société VENTISS la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de son modèle enregistré ;

- a condamné la société ISEA à verser à la société EUROLOOK la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

- a débouté la société ISEA de sa demande de nullité de la marque « MAXILOOK » dont la société VENTISS est titulaire ;

- a condamné la société ISEA à payer à la société VENTISS et à la société EUROLOOK ensemble, la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- a condamné la société ISEA aux dépens ;

- a rappelé que l'exécution provisoire est de droit et dit n'y avoir lieu de l'écarter, à l'exception de la mesure de destruction.

La société ISEA FRANCE a interjeté appel de ce jugement le 19 juillet 2022.

Dans ses dernières conclusions numérotées 3, transmises le 30 octobre 2023, la société ISEA, appelante, demande à la cour de :

- débouter les sociétés VENTISS et EUROLOOK de l'intégralité de leurs prétentions,

- infirmer le jugement au titre des chefs critiqués, à savoir :

« Dit valide le modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 dont la société VENTISS est titulaire ;

Dit qu'en commercialisant des rideaux constitués de maillons reproduisant les caractéristiques du modèle enregistré sous le n°09/4562-008, la société ISEA FRANCE a commis des actes de contrefaçon ;

Dit qu'en reproduisant le signe MAXILOOK sur son site internet accessible à l'adresse « http://www.isea-france.fr » et sa documentation commerciale et en commercialisant sous ce signe, des volets non métalliques et des rideaux transparents à enroulement, la société ISEA FRANCE a commis des actes de contrefaçon des marques MAXIVISION, EUROLOOK et MAXILOOK dont la société VENTISS est titulaire ;

En conséquence :

Fait interdiction à la société ISEA FRANCE d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire français, sous astreinte de 300 euros par infraction constatée passer un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de 4 mois des rideaux constitués de maillons reproduisant les caractéristiques du modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 ;

Fait interdiction à la société à la société ISEA FRANCE d'utiliser le signe MAXILOOK pour présenter, offrir à la vente et commercialiser sur le territoire de l'Union européenne, des volets non métalliques et des rideaux transparents à enroulement, sous astreinte définitive de 300 euros par infraction constatée passé un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai de 4 mois,

Ordonne la destruction aux frais de la société ISEA FRANCE des produits contrefaisants qui seraient restés en sa possession et la suppression des reproductions des produits et marques contrefaisants sur quelque support que ce soit et d'en justifier par constat d'huissier auprès de la société VENTISS sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 4 mois ;

Ordonne la publication dans le premier quart supérieur et dans toute la largeur de la première page du site internet « http://www.iseafrance.fr » ou sur tout autre site similaire qui viendrait à lui être substitué, et en dehors de toute publicité, en lettres noires sur fond blanc, en gras, de caractère Times New Roman taille 12, dans un encadré et sous le titre « CONDAMNATION JUDICIAIRE », le texte suivant :

« Par jugement du tribunal judiciaire de Paris du 24 juin 2022, la société ISEA FRANCE a été condamnée pour contrefaçon des marques EUROLOOK, MAXIVISION et MAXILOOK et du modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 au préjudice des sociétés VENTISS et EUROLOOK BV »,

pendant une durée ininterrompue d'un mois, sous astreinte de 500 (cinq cents) euros par jour de retard à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur trois mois ;

Ordonne à la société ISEA FRANCE de communiquer à la société EUROLOOK BV les documents comptables certifiés permettant de déterminer :

les quantités de rideaux offertes à la vente ou mises dans le commerce en France sous le signe MAXILOOK, entre le 1er août 2017 et le 31 mars 2020,

la marge brute réalisée pour ces produits,

le nombre de produits contrefaisants restés en stock, ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 4 mois, passé le délai de 15 jours après la signification du présent jugement ;

Se réserve la liquidation des astreintes ;

Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ou de renvoyer l'affaire devant le juge de la mise en état ;

Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société EUROLOOK BV du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiqués et à défaut, par voie judiciaire après assignation,

Condamne la société ISEA FRANCE à verser la somme provisionnelle de 30 000 euros à la société EUROLOOK au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistres et de marques ;

Condamne la société ISEA FRANCE à verser à la société VENTISS la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de ses marques ;

Condamne la société ISEA FRANCE à verser à la société VENTISS la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de son modèle enregistré ;

Condamne la société ISEA FRANCE à verser à la société EUROLOOK BV la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

Déboute la société ISEA FRANCE de sa demande de nullité de la marque MAXILOOK dont la société VENTISS est titulaire ;

Condamne la société ISEA FRANCE à payer à la société VENTISS et à la société EUROLOOK BV ensemble, la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société ISEA FRANCE aux dépens »

- jugeant à nouveau :

- sur l'action en contrefaçon de marques :

- juger que la société ISEA n'a commis aucune contrefaçon de marque par imitation,

- en tout état de cause :

Vu l'article L. 711-4, ancien, du code de la propriété intellectuelle,

- constater que la société ISEA disposait d'un droit antérieur sur la marque «MAXILOOK» et qu'aucune contrefaçon par reproduction ne saurait lui être reprochée,

- prononcer la nullité du dépôt de la marque « MAXILOOK » par la société VENTISS le 27 septembre 2018 et à défaut inopposable à la société ISEA,

- débouter les sociétés VENTISS et EUROLOOK BV de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions,

- à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société EUROLOOK de ses demandes indemnitaires provisionnelles au titre du préjudice commercial pour la contrefaçon de la marque « MAXILOOK » en l'absence de justification prouvée de son utilisation,

- débouter la société VENTISS de ses demandes au titre de la perte de la valeur patrimoniale de ses marques,

- sur l'action en contrefaçon de dessin et modèle :

Vu les articles L 511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,

- juger que le modèle déposé n°09/4562-008 le 28 Septembre 2009 présente des caractéristiques qui sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit,

- juger que la société ISEA n'a jamais commercialisé des produits identiques au modèle déposé, tout comme EUROLOOK,

- en conséquence,

- juger que les sociétés VENTISS et EUROLOOK ne disposent d'aucune protection au titre de la législation sur les dessins et modèles et les débouter de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires à ce titre,

- prononcer la nullité du dépôt du « dessein et modèle » français enregistré sous le n°09/4562-008 et à défaut son inopposabilité à la société ISEA,

- débouter les sociétés VENTISS et EUROLOOK de l'intégralité de leurs prétentions,

- à titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société EUROLOOK de ses demandes indemnitaires provisionnelles au titre du préjudice commercial et de ses demandes de réparation du préjudice moral,

- débouter la société VENTISS de demandes relatives à la perte de la valeur patrimoniale du modèle déposé,

- en tout état de cause :

- condamner les sociétés VENTISS et EUROLOOK, in solidum, à restituer à la société ISEA les indemnisations provisionnelles qu'elle a été contrainte de payer en exécution du jugement de première instance,

- condamner les sociétés VENTISS et EUROLOOK, in solidum, à payer à la société ISEA la somme de 20.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions numérotées 2, transmises le 27 septembre 2023, les sociétés VENTISS et EUROLOOK, intimées et appelantes incidentes, demandent à la cour de :

Vu les articles L. 511-1 et suivants, L. 513-4, L. 521-1 et suivants, L. 713-2, L. 713-3-1, L. 714-7, L. 716-4, L. 716-4-9, L. 716-4-10, L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 122, 514, 514-1 et 789 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,

Vu les pièces énumérées,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- mais l'infirmer en ce qu'il a :

- ordonné la destruction aux frais de la société ISEA des produits contrefaisants qui seraient restés en sa possession et la suppression des reproductions des produits et marques contrefaisants sur quelque support que ce soit et d'en justifier par constat d'huissier auprès de la société VENTISS sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ce dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement et pendant un délai de 4 mois,

dit n'y avoir lieu d'ordonner le rappel des produits contrefaisants,

- ordonné à la société ISEA de communiquer à la société EUROLOOK les documents comptables certifiés permettant de déterminer :

les quantités de rideaux offertes à la vente ou mises dans le commerce en France sous le signe MAXILOOK, entre le 1er août 2017 et le 31 mars 2020,

la marge brute réalisée pour ces produits,

le nombre de produits contrefaisants restés en stock,

ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 4 mois, passé le délai de 15 jours après la signification du jugement,

- renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société EUROLOOK du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiqués et à défaut, par voie judiciaire après assignation,

- condamné la société ISEA à verser la somme provisionnelle de 30 000 euros à la société EUROLOOK au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistres et de marques,

- condamné la société ISEA à verser à la société VENTISS la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de ses marques,

- condamné la société ISEA à verser à la société VENTISS la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice résultant de l'atteinte à la valeur patrimoniale de son modèle enregistré,

- condamné la société ISEA à verser à la société EUROLOOK la somme de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral,

- condamné la société ISEA à payer à la société VENTISS et à la société EUROLOOK ensemble, la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- et statuant à nouveau :

- dire valide le modèle français enregistré sous le n°09/4562-008,

- juger que la société ISEA a commis des actes de contrefaçon du dessin et modèle n°09/4562-008,

- débouter la société ISEA de sa demande de nullité de la marque « MAXILOOK » dont la société VENTISS est titulaire,

- juger que la société ISEA a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne « EUROLOOK » n°17239054 déposée le 22 septembre 2017, de la marque verbale française « MAXI VISION » n°3711917 déposée le 10 février 2010 et de la marque verbale française « MAXILOOK » n°4390066 déposée le 21 septembre 2017,

- ordonner à la société ISEA de communiquer à la société VENTISS et à la société EUROLOOK le nombre et le montant des commandes de produits, rideaux de protection transparents « MAXILOOK » et « ISEA CLEAR » (ou maillons et composants desdits rideaux) à compter du 1er janvier 2016 et jusqu'au jour de la communication desdits chiffres par la société ISEA en exécution de la décision d'appel à intervenir, acceptées et livrées à des clients, le nombre des rideaux de protection transparents « MAXILOOK » et « ISEA CLEAR » (ou maillons et composants desdits rideaux) fabriqués ainsi que ceux en stock au sein de la société ISEA, et pour la même période, le montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur la vente desdits produits (ou maillons et composants desdits rideaux) ainsi que la marge brute réalisée pour ces produits, lesdits chiffres devant être certifiés par toute personne habilitée, et ce sous astreinte de 1.000 euros (mille euros) par infraction constatée passé une période de 10 jours à compter de la signification de la décision à intervenir,

- renvoyer les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société VENTISS et la société EUROLOOK du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiqués et à défaut, par voie judiciaire après assignation,

- condamner la société ISEA à payer à la société VENTISS une provision d'un montant de 100.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait de la contrefaçon du dessin et modèle n°09/4562,

- condamner la société ISEA à payer à la société VENTISS la somme de 40.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon de son dessin et modèle n°09/4562,

- condamner la société ISEA à payer à la société VENTISS une provision de 50.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait de la contrefaçon de ses marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK »,

- condamner la société ISEA à payer à la société VENTISS la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon de ses marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK »,

- condamner la société ISEA à payer à la société EUROLOOK une provision de 50.000 euros à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi du fait de la contrefaçon des marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK »,

- condamner la société ISEA à payer à la société EUROLOOK la somme de 100.000 en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon des marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK »,

- faire interdiction à la société ISEA d'incorporer le dessin et modèle n°09/4562-008 dans tous produits, de fabriquer, faire fabriquer, offrir, mettre sur le marché, vendre, utiliser, exporter, transborder, et détenir à ces fins le produit ISEA CLEAR mais aussi tout produit incorporant le dessin et modèle n°09/4562 et ce sous astreinte définitive de cinq cent euros (500 €) par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir,

- ordonner le rappel, aux frais de la société ISEA, et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification de la décision à intervenir, de l'ensemble des produits contrefaisants, en particulier les produits MAXILOOK et ISEA CLEAR, de toutes brochures, publicités, catalogues et autres matériels de vente présentant les produits contrefaisants, en particulier les produits MAXILOOK et ISEA CLEAR, et/ou le signe MAXILOOK contrefaisant, en la possession de la société ISEA ou de tout tiers, ainsi que leur remise à la société VENTISS,

- ordonner le démontage et la destruction par la société ISEA, à ses frais, sous contrôle d'un huissier de justice, de l'ensemble des produits contrefaisants, en particulier les produits MAXILOOK et ISEA CLEAR, et, le cas échéant d'ordonner la destruction de toutes brochures, publicités, catalogues, et la suppression de tous catalogues en lignes, pages Internet et autres matériels de vente présentant les produits contrefaisants, en particulier les produits MAXILOOK et ISEA CLEAR, et/ou le signe MAXILOOK contrefaisant, solidairement aux frais de la société ISEA, et sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du dixième jour suivant la signification de la décision à intervenir,

- ordonner la publication, solidairement aux frais de la société ISEA, de la décision d'appel à intervenir sur le site Internet de la société ISEA et dans trois journaux au choix des sociétés EUROLOOK et VENTISS, aux frais de la société ISEA, dans la limite de 5.000 € H.T. par insertion, dans les termes du dispositif,

- débouter la société ISEA de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société ISEA à payer à la société VENTISS la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ISEA à payer à la société EUROLOOK la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société ISEA aux entiers dépens,

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs du jugement non critiqués

Le jugement n'est pas contesté, et est donc irrévocable, en ce qu'il a déclaré irrecevable le moyen soulevé par la société ISEA tiré du défaut de qualité à agir de la société VENTISS et de la société EUROLOOK.

Sur la contrefaçon des marques de la société VENTISS

La société ISEA conteste les actes de contrefaçon des marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK » de la société VENTISS qui lui sont reprochés. En ce qui concerne la contrefaçon par imitation des marques « EUROLOOK » et « MAXI VISION » par le signe MAXILOOK, elle fait valoir que le tribunal a omis de prendre en considération les différences entre le signe litigieux et les marques opposées tenant aux graphismes employés ; qu'en effet, la marque « EUROLOOK » se présente de façon complexe sous forme de logo avec l'ajout du terme INTERNATIONAL ; que les produits de rideaux transparents de la société EUROLOOK sont commercialisés sous la marque « MAXIVISION », présentée de façon graphique, en deux couleurs distinctes, outre l'adjonction des mots PLUS et ORIGINAL, ainsi que sous la marque « EUROLOOK » avec une présentation comportant deux rectangles entrelacés et les mots CRYSTAL CLEAR SECURITY, alors que la société ISEA se présentait, au cours de la période objet du litige, avec son logo très particulier et commercialisait ses produits sous le signe MAXILOOK écrit en rouge de la même couleur que le logo de la marque « ISEA FRANCE » ; que ces différences visuelles sont de nature à empêcher toute confusion dans l'esprit du public ; que le tribunal a par ailleurs procédé à une analyse phonétique et visuelle des mots en procédant à un découpage de ceux-ci, à savoir « EURO » et « LOOK », « MAXI » et « VISION » et « MAXI » et « LOOK », contraire à une appréciation de l'impression d'ensemble produite par les signes comparés ; que le public pertinent est exclusivement composé de professionnels de la construction qui porteront une attention toute particulière aux produits achetés en raison de leurs prix élevés, de leur technicité, de leur performance et de leur qualité puisqu'ils devront répondre d'un éventuel vice ou défaut de conformité ; que les notices techniques communiquées avec les devis auprès de professionnels opèrent une nette distinction entre les produits « EUROLOOK » (mentionnés avec le marquage avec le symbole ®) et les produits revêtus du signe litigieux MAXILOOK, en ce que sont signalés « les + Maxilook » à par rapport aux produits marqués « EUROLOOK » ; que les professionnels concernés demandaient des produits « type EUROLOOK » et non des produits spécifiquement en provenance de la société EUROLOOK et qu'ils n'ont montré aucune désapprobation face à des propositions de devis avec la mention « MAXILOOK » ; qu'il n'y avait par conséquent aucune confusion dans l'esprit du public de professionnels avertis entre les produits MAXILOOK et respectivement les produits « MAXIVISION » ou « EUROLOOK » des intimées. En ce qui concerne la contrefaçon par reproduction de la marque « MAXILOOK » par le signe MAXILOOK, elle observe que le tribunal a écarté l'antériorité de son signe litigieux MAXILOOK, qu'elle utilise depuis août 2017, au motif que ce signe était contrefaisant (par imitation) des marques « EUROLOOK » et « MAXIVISION » ; que cependant, il n'en est rien ; que lors de précédents contentieux, cette marque « MAXILOOK » n'a d'ailleurs pas été invoquée par les intimées afin d'éviter manifestement toute contestation de la validité de ce dépôt en ce qu'il porte atteinte à l'antériorité des droits de ISEA sur le signe MAXILOOK ; que le dépôt de la marque « MAXILOOK » par VENTISS est manifestement de pure opportunité puisque EUROLOOK ne commercialise aucun produit sous cette marque ; qu'EUROLOOK a adressé son premier courrier de réclamation à ISEA, pour qu'elle cesse l'utilisation du signe MAXILOOK, en octobre 2017, soit juste après le dépôt de la marque sous le même signe, pour les mêmes produits, le 21 septembre 2017 ; que ce dépôt avait pour unique objet de porter atteinte au droit de ISEA sur un signe déjà notoirement connu auprès des professionnels du secteur ; que la volonté du groupe VENTISS/EUROLOOK est manifestement de tenter par tous moyens d'écarter toute concurrence ; que la marque « MAXILOOK » est donc nulle et ne peut lui être opposée dans le cadre d'une action en contrefaçon.

Les sociétés VENTISS et EUROLOOK répondent, en substance, que compte tenu de l'identité et la similitude des produits désignés par le signe litigieux MAXILOOK utilisé par la société ISEA et des produits et services couverts par les trois marques invoquées, et de l'identité et la similitude des signes en présence, c'est à juste raison que le tribunal a retenu la contrefaçon par reproduction de la marque « MAXILOOK » et, en raison d'un fort risque de confusion, la contrefaçon par imitation des marques « MAXI VISION » et « EUROLOOK » ; que la société ISEA n'a jamais déposé le signe « MAXILOOK » à titre de marque et que son utilisation du signe MAXILOOK, prétendument à compter d'août 2017, s'est faite en violation du contrat de distribution en cours entre les sociétés EUROLOOK et ISEA, par la commercialisation de produits concurrents et identiques à ceux de la société EUROLOOK.

Ceci étant exposé, l'article L.713-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés (') ».

Par ailleurs, conformément à l'article L.713-2 du même code, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :

1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ».

L'article L. 713-3-1 énonce que « Sont notamment interdits (') les actes ou usages suivants :

1° L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;

2° L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ; (')

5° L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; (')

Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ».

De tels actes sont constitutifs d'une contrefaçon de marque et engagent la responsabilité de leur auteur conformément aux dispositions de l'article L.716-4 qui dispose notamment que « L'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».

L'article 9 du règlement UE 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.

2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :

a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ;

b) ce signe est identique ou similaire la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (') ».

L'appréciation de la contrefaçon implique de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les produits et/ou services désignés et entre les signes, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné, qui doit être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce.

En l'espèce, les marques « EUROLOOK », « MAXI VISION » et « MAXILOOK » de la société VENTISS désignent chacune, notamment : en classe 19, des « volets non métalliques, volets non métalliques à enroulement, rideaux (volets non métalliques à enroulement) transparents à enroulement, destinés aux domiciles des particuliers, aux devantures de magasins ou pour clore tout lieu public ou privé » et en classe 37, des « services de pose, de maintien et de réparations de volets métalliques ou non, de volets métalliques ou non à enroulement, de rideaux (volets non métalliques à enroulement) transparents à enroulement, destinés aux domiciles des particuliers, aux devantures de magasins ou pour clore tout lieu public ou privé ».

Il n'est pas contesté que la société ISEA a exploité le signe MAXILOOK pour désigner ses volets de sécurité non métalliques et transparents à enroulement, soit des produits identiques à ceux désignés en classe 19 par les trois marques de la société VENTISS, et que les volets de sécurité non métalliques et transparents à enroulement sont similaires et complémentaires aux services de pose de maintien et de réparation de volet non métalliques à enroulement et de rideaux transparents à enroulement couverts par ces trois marques.

Sur la contrefaçon par imitation des marques verbales « EUROLOOK » et « MAXI VISION » par le signe MAXILOOK

L'imitation de la marque « MAXI VISION »

Visuellement, le signe litigieux MAXILOOK comporte 8 lettres en un seul terme alors que la marque « MAXI VISION » comprend 10 lettres et est composée de deux termes mais la longueur des signes est donc proche et l'espace entre les éléments MAXI et VISION de la marque est très peu perceptible, au point que la société ISEA ne le prend pas en considération dans son argumentation, désignant la marque qui lui est opposée comme la marque « MAXIVISION » en un seul mot ; les signes ont en commun la séquence d'attaque MAXI et diffèrent par leur séquence finale (LOOK / VISION).

Contrairement à ce que soutient la société ISEA, le graphisme des signes en comparaison est indifférent pour apprécier leur éventuelle proximité visuelle dès lors que la marque de la société VENTISS est une marque verbale et que la protection qui découle de l'enregistrement d'une marque verbale porte sur le mot tel qu'il est mentionné dans la demande d'enregistrement et non sur des aspects typographiques ou stylistiques particuliers pouvant découler des conditions d'exploitation de la marque.

La différence constatée au plan visuel se retrouve au plan phonétique mais les signes MAXILOOK et MAXI VISION ont en commun leurs sonorités d'attaque qui se prononcent en deux temps (MA-XI).

Conceptuellement, le terme de langue anglaise LOOK, qui signifie allure ou apparence en français, mais qui sera aisément traduit également par REGARD ou REGARDER, même par un consommateur non anglophone, partage donc une évocation commune avec la séquence VISION de la marque, en lien avec la transparence des rideaux dont s'agit, le terme MAXI étant par ailleurs utilisé dans les deux signes comme superlatif.

Il résulte de cette comparaison une ressemblance certaine entre le signe litigieux MAXILOOK et la marque « MAXI VISION ». Alliée à une parfaite identité des produits en cause, cette ressemblance est de nature à engendrer auprès du consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, quand bien même s'agit-il d'un professionnel, installateur de rideaux à enroulement ou commerçant désireux d'en faire installer dans son magasin, qui n'a pas nécessairement les signes en cause sous les yeux simultanément, un risque de confusion qui l'amènera à confondre les signes ou à leur attribuer une même origine.

L'imitation de la marque « EUROLOOK »

Visuellement, le signe litigieux MAXILOOK comporte 8 lettres comme la marque « EUROLOOK » et est pareillement composé d'un seul mot. Les signes ont en commun la séquence terminale LOOK et diffèrent par leur séquence d'attaque (MAXI / EURO). Comme il a été dit, le graphisme des signes en comparaison est indifférent pour apprécier leur éventuelle proximité visuelle dès lors que la marque de la société VENTISS est une marque verbale.

La différence constatée au plan visuel se retrouve au plan phonétique mais les signes MAXILOOK et EUROLOOK ont en commun leur rythme en trois temps (MA-XI-LOOK/EU-RO-LOOK) et leur sonorité finale LOOK.

Conceptuellement, les deux signes se rapprochent par la même évocation liée au fait de regarder ou au regard, en raison de leur séquence commune LOOK.

Il s'en dégage une ressemblance moyenne mais le risque de confusion qui est susceptible d'en résulter est néanmoins très élevé du fait, révélé par les procès-verbaux de constat versés au débat en date des 3 octobre 2017 et 7 février 2019, que la société ISEA a choisi de présenter, sur son site internet et sur sa brochure « Rideaux et grilles », sur une même page et de la même manière, les produits « EUROLOOK » de la société EUROLOOK (qu'elle distribuait en vertu du contrat exclusif signé le 20 juin 2013) et ses propres produits MAXILOOK en les rapprochant (« Rideaux de protection transparent Maxilook et Eurolook® by ISEA » ; « Les rideaux de protection Maxilook et Original Eurolook® transparents sont clairs comme du cristal avec une visibilité de + de 80% et permettent le passage de + de 90% de la lumière (Anti-UV). Les tabliers sont composés de maillons en matière polycarbonate. Ces maillons disposés en quinconce assurent une structure robuste (') »), tout en laissant croire que les rideaux transparents de marque « EUROLOOK » sont conçus et fabriqués par elle (« Eurolook® by ISEA ») et en vantant les avantages de ses propres produits commercialisés sous le signe MAXILOOK (« Les «+ » Maxilook ») :

Par ailleurs, la « Notice d'utilisation et d'entretien pour rideau moteur central » assimile les produits « EUROLOOK » et les produits MAXILOOK : « Ce manuel est destiné à tout utilisateur formé qui actionne un rideau compensé motorisé de type :

' (')

' EUROLOOK / MAXILOOK

' (') »

Compte tenu de la parfaite identité des produits, le risque de confusion est ainsi démontré à suffisance, le consommateur moyen, qui est un professionnel installateur de ce type de rideaux mais également un commerçant désireux d'en équiper sa boutique, étant amené à confondre les signes, les produits et les sociétés qui les proposent.

Au demeurant, l'argumentation de la société ISEA selon laquelle « les professionnels concernés demandaient des produits 'type EUROLOOK' et non des produits spécifiquement en provenance de la société EUROLOOK et (') n'ont montré aucune désapprobation quant à la proposition de devis avec la mention MAXILOOK » confirme la réalité du risque de confusion.

La contrefaçon par imitation des marques « MAXI VISION » et « EUROLOOK » est ainsi démontrée.

Sur la contrefaçon par reproduction de la marque verbale « MAXILOOK » par le signe MAXILOOK

C'est à juste raison que les premiers juges ont retenu que dans la mesure où le signe MAXILOOK a été jugé contrefaisant des marques « MAXI VISION » et « EUROLOOK », la société ISEA ne peut utilement se prévaloir de son usage antérieur, nécessairement délictueux, pour faire échec à l'action en contrefaçon.

Il n'est pas contesté que la société ISEA a utilisé le signe MAXILOOK pour commercialiser des rideaux de sécurité non métalliques et transparents à enroulement, produits identiques à ceux couverts par la marque « MAXILOOK » de la société VENTISS. Comme il a été dit, le graphisme des signes en comparaison est indifférent dès lors que la marque de la société VENTISS est une marque purement verbale.

La contrefaçon par reproduction de la marque « MAXILOOK » est ainsi caractérisée.

Il suit des développements précédents que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a dit qu'en reproduisant le signe MAXILOOK sur son site internet accessible à l'adresse « http://www.isea-france.fr » et sa documentation commerciale et en commercialisant sous ce signe, des volets non métalliques et des rideaux transparents à enroulement, la société ISEA a commis des actes de contrefaçon des marques « MAXI VISION », « EUROLOOK » et « MAXILOOK » dont la société VENTISS est titulaire, et en ce qu'il a débouté la société ISEA de sa demande de nullité de la marque « MAXILOOK ».

Sur la contrefaçon du dessin et modèle de la société VENTISS

La société ISEA soutient que le modèle déposé par EUROLOOK et VENTISS présente des caractéristiques exclusivement imposées par la fonction du produit et qu'elle n'a jamais reproduit ledit modèle. Sur le premier point, elle fait valoir que la présentation du modèle, telle qu'elle ressort du document d'enregistrement de l'INPI, utilise un vocabulaire en lien avec des caractéristiques esthétiques, nécessaires pour enregistrer un dessin et modèle auprès de l'INPI, est cependant purement artificielle, les dessins ne faisant que rapporter des caractéristiques purement fonctionnelles et techniques qui invalident le modèle déposé ; que le produit objet du modèle est un maillon qui par assemblage avec d'autres maillons identiques a pour finalité de constituer un rideau transparent qui peut être enroulé ou déroulé à volonté ; que les charnières sont présentées en quinconce de part et d'autre du maillon pour permettre qu'elles soient dissimulées du côté accessible au public ; que la planéité du maillon permet d'assurer une surface pleine, sans accroches ni trous qui permettraient d'introduire un objet contendant, le rideau ayant pour objet de protéger des effractions ; que le caractère lisse du maillon vise à éviter les risques d'effraction également, mais aussi à assurer la sécurité et la santé du public qui pourrait heurter par accident le rideau fermé, ainsi qu'à permettre que le rideau puisse s'enrouler sans accrocher ; que la transparence, enfin, est la fonction technique recherchée puisqu'elle a pour objet de permettre que la vitrine soit toujours visible, afin d'attirer le chaland, même lorsque le rideau est fermé, les vitrines des magasins restants éclairées dans les premières heures de la nuit ; que le tribunal s'est concentré à tort sur les « petits côtés du maillon » qui ne font cependant l'objet d'aucune description dans le modèle enregistré, et en a tiré une appréciation erronée en considérant qu'ils présentaient un caractère esthétique, alors qu'il n'en est rien ; que le tribunal a ainsi manifestement évoqué non pas le côté en largeur du maillon, en ce qu'il ne présente aucune particularité, mais les interstices entre les charnières qui présentent une forme arrondie en « bec » sur leur face arrière ; que cette caractéristique a une vocation purement technique, permettant, d'une part, une insertion plus aisée des barres en métal qui font la jonction entre les maillons, et d'autre part, une fermeture complète en façade avant ; que toute l'apparence particulière du produit est donc exclusivement liée à des aspects techniques de fonctionnalité (charnières), de sécurité (coté lisse) et de visibilité (translucidité) par transparence ; que les maillons, outre leur aspect technique, ne présentent aucune originalité ou fantaisie de nature esthétique ; qu'un constat d'huissier qu'elle verse au débat montre que de nombreuses entreprises du secteur proposent le même type de produit qui ne présente pas de caractéristiques techniques originales ou esthétiques. Sur le second point, elle argue que le modèle divulgue que les charnières disposées sur l'un des grands côtés du maillon sont de forme « oblongue » (celles disposées sur l'autre côté étant parfaitement circulaires) et qu'elle n'a jamais reproduit cette caractéristique, toutes les charnières des produits qu'elle commercialise étant de forme parfaitement circulaire, comme, au demeurant, les charnières des produits EUROLOOK eux-mêmes.

Les sociétés VENTISS et EUROLOOK soutiennent que les caractéristiques du modèle ne sont pas exclusivement fonctionnelles mais permettent au produit de disposer d'une transparence particulièrement esthétique et minimaliste, grâce à l'absence de barre métallique pour relier les maillons, d'un aspect lisse sur le côté visible par le public, conférant au rideau une apparence épurée et légère, sans aspérité ; que d'autres produits de sécurité, transparents ou non, existent sur le marché, qui remplissent la fonction technique d'un rideau de sécurité pouvant être enroulé ou déroulé, sans avoir la même apparence que le modèle VENTISS ; que l'affirmation relative à la limitation des possibilités d'effraction n'est pas démontrée d'un point de vue technique, les charnières pouvant parfaitement traverser diamétralement le maillon sans augmenter le risque d'effraction et que le positionnement de ces charnières a également une fonction esthétique ; que le choix d'un rideau composé de maillons plans permet d'obtenir une surface parfaitement lisse, bien plus esthétique qu'un rideau à l'aspect gondolé ; que l'aspect lisse du rideau sur la face visible par le public lui confère une apparence épurée et légère, sans aspérité, qui n'est donc pas exclusivement fonctionnel ; que le caractère transparent du rideau et des maillons est un choix esthétique, donnant un aspect épuré et une apparence élégante ; que le constat d'huissier que ISEA produit en appel est sans emport, faute de certitude quant à l'origine des produits que l'appelante a demandé à l'huissier de constater ; que les pièces adverses ne permettent pas d'analyser de manière précise les caractéristiques des produits commercialisés par les concurrents cités et de comparer lesdites caractéristiques avec le modèle revendiqué et qu'il ne s'agit en aucun cas des mêmes produits que celui résultant du modèle revendiqué ; qu'il ressort des procès-verbaux de constat sur internet que les rideaux offerts à la vente par la société ISEA reprennent les caractéristiques de son modèle, la forme oblongue des charnières sur l'un des côtés du maillon du modèle tel qu'enregistré n'étant nullement déterminante d'un point de vue visuel et n'altérant pas l'impression d'ensemble identique produite par les produits litigieux de la société ISEA.

Sur la validité du modèle

Aux termes de l'article L. 511-1 du code de la propriété intellectuelle, « Peut être protégée à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit, ou d'une partie de produit, caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture ou ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l'exclusion toutefois des programmes d'ordinateur ».

L'article L. 511-8-1° du même code prévoit néanmoins que « N'est pas susceptible de protection :

1° L'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit ».

En l'espèce, le modèle reproduit la « vue arrière d'un maillon destiné à constituer un rideau transparent enroulable » :

avec la description suivante : « Ce maillon est rectangulaire, 4 charnières de section circulaire étant disposées sur l'un des grands côtés de ce maillon, 4 charnières de section oblongue étant disposées sur l'autre grand côté, les 8 charnières se trouvant au niveau de la face arrière du maillon, donnant un aspect spécifique au maillon ».

Le modèle reproduit en outre la « vue de face d'un assemblage de 4 maillons identiques à celui représenté à la vue 1 » :

avec la description : « La portion de rideau formée par l'assemblage de 4 maillons donne une idée de l'esthétique finale du rideau ».

Les caractéristiques du modèle consistent donc en un maillon de forme rectangulaire, plan et transparent, composé de quatre charnières disposées sur l'un des grands côtés du maillon et de quatre autres charnières disposées sur l'autre grand côté, les huit charnières se trouvant au niveau de la face arrière du maillon et placées en quinconce.

Comme l'a retenu le tribunal, si la configuration générale du modèle apparait fonctionnelle en ce que les charnières permettent de solidariser les maillons les uns avec les autres pour former un rideau qui viendra s'enrouler autour de son axe, il n'en demeure pas moins que rien n'impose que ces maillons soient parfaitement plans et lisses, la société ISEA ne démontrant pas que ces caractéristiques permettent au rideau d'assurer une plus grande résistance aux tentatives d'effraction ou une plus grande sécurité du public, alors qu'elles permettent en revanche de donner à l'ensemble l'aspect épuré et design revendiqué. De même, l'appelante n'explicite pas en quoi, le positionnement des charnières en quinconce permettrait leur dissimulation du côté visible au public. En définitive, la cour partage l'analyse du tribunal qui a estimé que bien que remplissant une fonction technique, les caractéristiques précitées sont également le résultat de considérations d'ordre esthétiques permettant de juger le modèle valide, l'existence de modèles similaires sur le marché étant inopérante dans la mesure où la société ISEA ne démontre ni même n'allègue un défaut de caractère propre ou de nouveauté.

Il sera ajouté qu'il est inopérant pour la société ISEA de produire (ses pièces 18 à 29) des copies d'écran ou photographies montrant des rideaux transparents commercialisés par des sociétés concurrentes en soutenant que ces produits ne présentent que des caractéristiques exclusivement fonctionnelles, ce que la cour n'est pas en mesure en vérifier compte tenu de la faible lisibilité de ces pièces, outre que cette affirmation, à la supposer exacte, serait sans emport quant à la validité du modèle revendiqué. Il est également vain pour l'appelante d'arguer que les intimées s'abstiennent d'assigner en contrefaçon l'ensemble des opérateurs qui proposent ce type de produit. Pour ces raisons, est tout aussi inopérant le procès-verbal de commissaire de justice produit en appel censé établir que des entreprises concurrentes proposent des rideaux proches de ceux mis en 'uvre d'après le modèle revendiqué.

Les caractéristiques du modèle n'étant pas exclusivement imposées par la fonction technique du produit, la nullité n'est pas encourue.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit valide le modèle français enregistré sous le n°09/4562-008 dont est titulaire la société VENTISS.

La demande de la société ISEA tendant à ce qu'à défaut de nullité, le modèle lui soit déclaré inopposable, aucunement étayée, ne peut être que rejetée.

Sur la matérialité de la contrefaçon

L'article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle ».

L'article L. 513-5 du même code prévoit que « La protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente ».

Et l'article L.521-1 du même code prévoit que « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire d'un dessin ou modèle, tels qu'ils sont définis aux articles L. 513-4 à L. 513-8, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ».

Il résulte des deux procès-verbaux de constat précités que les maillons de volets roulants offerts à la vente par la société ISEA et l'assemblage de ces maillons reprennent les caractéristiques essentielles du modèle de la société VENTISS, étant de forme rectangulaire et plane, comportant 4 charnières arrondies sur chacun des deux grands côtés du maillon, les 8 charnières étant positionnées en quinconce, de telle sorte qu'une fois les maillons assemblés, les huit charnières se trouvent au niveau de la face arrière du maillon, ces maillons permettant de constituer un rideau transparent enroulable.

Du reste, comme il a été dit et illustré supra, la société ISEA, dans sa communication commerciale, a présenté de manière identique, le rideau transparent de la société EUROLOK (qu'elle distribuait en vertu du contrat du 20 juin 2013) et le sien propre diffusé sous le signe MAXILOOK, les dessins des deux maillons superposés insérés dans la présentation promotionnelle faisant apparaître une seule différence de forme résidant dans la longueur légèrement supérieure du maillon MAXILOOK :

La société ISEA observe à juste raison que la « vue arrière » du maillon du modèle de la société VENTISS et sa description révèlent que les charnières positionnées sur le côté inférieur du maillon sont de forme oblongue. Cependant, cette particularité, dont la société ISEA n'avait pas fait état en première instance, est très peu visible, et le fait que la description du modèle la mentionne est de peu d'emport, la description étant facultative comme indiqué sur le certificat délivré par l'INPI et la contrefaçon d'un modèle s'appréciant au regard des caractéristiques protégées telles que déterminées par les seules reproductions graphiques ou photographiques contenues dans le certificat d'enregistrement (Cass., ch.com., 1er décembre 2021, n° 19-14.490). Au demeurant, la forme ' circulaire ou oblongue ' des charnières positionnées sur le côté inférieur du maillon est totalement invisible lorsque le maillon est vu de face et a fortiori lorsqu'il est assemblé à un autre maillon pour entrer dans la composition d'un rideau, les charnières se trouvant alors sur la face arrière du maillon.

Les différences résidant dans la longueur légèrement supérieure du maillon MAXILOOK et dans la forme parfaitement circulaire de ses charnières sont insignifiantes et n'empêchent pas que le produit litigieux et le modèle génèrent une même impression visuelle d'ensemble sur l'observateur averti.

C'est donc à juste raison que le tribunal a retenu que le maillon litigieux constitue une réplique quasiment identique du modèle n°09/4562-008 et que la contrefaçon est constituée.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la réparation des actes de contrefaçon

La société ISEA s'oppose à la demande incidente des intimées qui sollicitent une extension de la mesure relative au droit d'information, observant que la mise en 'uvre du droit d'information ne peut avoir pour objet que de procéder à l'évaluation du préjudice commercial, que VENTISS et EUROLOOK ne démontrent pas que des produits litigieux auraient été commercialisés avant août 2017, qu'elle-même a cessé d'utiliser le signe MAXILOOK à compter du 30 mars 2020 pour adopter le signe ISEA CLEAR et que la demande d'information ne saurait être étendue aux produits ISEA CLEAR. Elle s'oppose aux demandes des intimées de majoration des sommes allouées en première instance, faisant valoir notamment que seule la société EUROLOOK exploite les marques et le modèle et que les demandes de revalorisation ne sont pas justifiées. Elle soutient qu'il n'y a lieu d'infirmer le jugement qui a rejeté la demande de rappel des produits litigieux et limité la mesure de destruction ordonnée. Elle demande l'infirmation du jugement en ce qui concerne l'indemnisation provisionnelle du préjudice commercial résultant de la contrefaçon des marques et du modèle (accordée à hauteur de 30 000 € au bénéfice de la société EUROLOOK), faisant valoir qu'il existe une « contradiction dans les motifs du jugement », le tribunal ayant reconnu que la société EUROLOOK n'exploitait pas la marque « MAXILOOK » et qu'en application de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004, les dommages et intérêts venant réparer l'atteinte aux dessins et modèles doivent être « adaptés au préjudice que le titulaire de la marque a réellement subi », ce qui est incomptable avec le versement d'une indemnisation provisionnelle à EUROLOOK. Elle ajoute que seule VENTISS avait présenté une demande au titre d'un préjudice moral résultant de la contrefaçon de son modèle, alors que le tribunal a alloué une indemnisation à ce titre à EUROLOOK, et que l'indemnisation de l'atteinte à la valeur patrimoniale des marques accordée à VENTISS n'a pas été justifiée par le tribunal.

Les sociétés intimées répondent que le droit d'information octroyé par le tribunal n'est pas suffisamment complet au regard des actes de contrefaçon des marques et du modèle, en ce que (i) les chiffres de vente à communiquer par la société ISEA sont limités dans le temps à une période qui n'est pas suffisamment large (à savoir entre le 1er août 2017 et le 31 mars 2020), (ii) les chiffres de vente à communiquer par la société ISEA sont limités à ceux concernant les produits MAXILOOK, alors même que les produits ISEA CLEAR sont également concernés par les actes de contrefaçon du modèle, (iii) les chiffres de vente à communiquer se limitent à la communication de la quantité de rideaux offerts à la vente, la marge brute réalisée par ISEA sur ces produits et le nombre de produits restés en stocks, mais n'incluent pas le nombre et le montant des commandes de produits, rideaux de protection transparents « MAXILOOK » et « ISEA CLEAR » (ou maillons et composants desdits rideaux) acceptées et livrées à des clients à compter du 1er janvier 2016, le nombre des rideaux de protection transparents « MAXILOOK » et « ISEA CLEAR » (ou maillons et composants desdits rideaux) fabriqués ainsi que ceux en stock au sein de la société ISEA, et pour la même période, le montant du chiffre d'affaires hors taxes réalisé sur la vente desdits produits (ou maillons et composants desdits rideaux) ; qu'il convient d'allouer à VENTISS des provisions en réparation de son préjudice commercial résultant de la contrefaçon de ses marques et de son modèle et de réparer son préjudice moral subi du fait de la contrefaçon de ces marques et modèle ; qu'il y a lieu également de majorer les sommes allouées à la société EUROLOOK en réparation de son préjudice commercial et moral né de la contrefaçon des trois marques ; qu'il y a lieu enfin d'ordonner le rappel de l'ensemble des produits contrefaisants et leur démontage et destruction, outre la publication de l'arrêt.

Sur les demandes indemnitaires

Les sommes allouées à la société VENTISS, titulaire des marques et modèle contrefaits

Alors qu'il est constant que la société VENTISS n'exploite pas personnellement les marques et le modèle qui ont été contrefaits, le tribunal a procédé à une exacte et juste appréciation de son préjudice économique en lui octroyant une somme de 20 000 € afin de réparer l'atteinte à la valeur patrimoniale de ses titres, qui a été nécessairement amoindrie par les actes de contrefaçon constatés (15 000 € pour les marques et 5 000 € pour le modèle).

La réalité du préjudice moral invoqué n'est pas démontrée.

Le jugement sera confirmé sur ces points.

Les sommes allouées à la société EUROLOOK

La société EUROLOOK bénéficie d'un contrat de licence exclusive pour les trois marques « MAXI VISION », « EUROLOOK » et « MAXILOOK » mais il n'est pas contesté qu'elle n'exploite pas cette dernière marque « MAXILOOK ». Par ailleurs, elle commercialise les produits incorporant le modèle.

Il convient de lui allouer une provision de 30 000 € au titre du préjudice économique résultant de la contrefaçon des deux marques « MAXI VISION » et « EUROLOOK » et de 10 000 € au titre du préjudice économique résultant de la contrefaçon du modèle, étant observé que le tribunal a fixé cette provision de 10 000 € dans ses motifs (page 15) mais a omis de la mentionner dans son dispositif, condamnant la société ISEA à payer une provision globale de 30 000 € au titre du préjudice « résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistrés (sic) et de marques ».

Le jugement sera réformé en ce sens.

La société ISEA conteste vainement le caractère bien-fondé de la demande de provision au titre du préjudice économique résultant de la contrefaçon du modèle, le principe du préjudice de la société EUROLOOK qui commercialise des produits selon le modèle découlant de la matérialité des actes de contrefaçon et son importance devant être déterminée par la mise en 'uvre du droit d'information dont les intimées sollicitent la confirmation.

Le tribunal a par ailleurs procédé à une juste appréciation du préjudice moral de la société EUROLOOK en lui allouant la somme de 8 000 € en réparation de son préjudice moral au regard, d'une part, des liens contractuels qui l'unissaient à la société ISEA (qui distribuait ses produits) et, d'autre part, des conditions de la contrefaçon, la société ISEA ayant, comme il a été dit, invité ses clients à procéder à une comparaison entre les produits respectivement proposés sous les signes MAXILOOK et EUROLOOK. Rien ne permet de considérer que le tribunal a ainsi accordé une réparation, non sollicitée, au titre de la contrefaçon du modèle et qu'il ne s'est pas limité à réparer le préjudice moral résultant de la seule contrefaçon des marques.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes complémentaires

Les sociétés intimées font valoir à juste raison que les chiffres de ventes à communiquer par la société ISEA doivent comprendre non seulement ceux concernant les produits MAXILOOK, mais également ceux des produits ISEA CLEAR sous lesquels sont également distribués des produits incorporant illicitement le modèle de la société VENTISS.

Il y a lieu également de dire que les éléments transmis concerneront la période allant du 1er août 2017 ' date retenue par le tribunal, la société ISEA n'apportant pas d'élément permettant de retenir que la contrefaçon a commencé avant ' jusqu'au jour de la communication des informations, et non pas jusqu'au 31 mars 2020. En effet, si la société ISEA indique que depuis cette date elle n'utilise plus le signe contrefaisant MAXILOOK remplacé par le signe ISEA CLEAR, il n'est nullement exclu que des produits incorporant illicitement le modèle n°09/4562-008 continuent d'être proposés à la vente sous ce nouveau signe ISEA CLEAR.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Il n'y a pas lieu, en revanche, d'étendre davantage le contenu des informations dont la communication a été ordonnée, le droit d'information prévu par le tribunal étant suffisant pour permettre à la société EUROLOOK de procéder à une évaluation de son entier préjudice.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a renvoyé les parties à la détermination amiable du préjudice économique subi par la société EUROLOOK du fait des actes de contrefaçon sur la base des éléments qui seront communiques et à défaut par voie judiciaire après assignation.

Il sera également confirmé en ses dispositions relatives aux mesures ordonnées d'interdiction, de destruction des stocks et de publication sous astreinte, et également en ce qu'il a rejeté les demandes de rappel et de destruction de l'ensemble des produits contrefaisants, ceux des produits contrefaisants qui ont été livrés et posés n'étant, par hypothèse, plus en possession de la société ISEA.

Sur la demande de la société ISEA en restitution des sommes versées en exécution du jugement

Le sens de la présente décision rend sans objet la demande de la société ISEA en restitution des sommes versées en exécution du jugement.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

La société ISEA, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de la société ISEA au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés VENTISS et EUROLOOK, ensemble, peut être équitablement fixée à 8 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a :

- condamné la société ISEA à verser à la société EUROLOOK la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre du préjudice résultant des actes de contrefaçon de modèles enregistrés et de marques,

- ordonné à la société ISEA de communiquer à la société EUROLOOK les documents comptables certifiés permettant de déterminer

- les quantités de rideaux offertes à la vente ou mises dans le commerce en France sous le signe MAXILOOK, entre le 1er aout 2017 et le 31 mars 2020,

la marge brute réalisée pour ces produits,

le nombre de produits contrefaisants restés en stock,

ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 4 mois, passé le délai de 15 jours après la signification du jugement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la société ISEA à verser à la société EUROLOOK la somme provisionnelle de 30 000 euros au titre du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon de marques (marques « MAXI VISION » et « EUROLOOK »), ainsi qu'une somme provisionnelle de 10 000 euros au titre du préjudice économique résultant des actes de contrefaçon du modèle n°09/4562-008,

Ordonne à la société ISEA de communiquer à la société EUROLOOK les documents comptables certifiés permettant de déterminer :

- les quantités de rideaux offertes à la vente ou mises dans le commerce en France sous le signe MAXILOOK et le signe ISEA CLEAR, entre le 1er aout 2017 et jusqu'au jour de la remise des informations à la société EUROLOOK,

la marge brute réalisée pour ces produits,

le nombre de produits contrefaisants restés en stock,

ce, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, pendant un délai de 4 mois, passé le délai de 15 jours après la signification du jugement,

Y ajoutant,

Déboute la société ISEA de sa demande tendant à ce que le modèle n°09/4562-008 de la société VENTISS lui soit déclaré inopposable,

Dit sans objet la demande de la société ISEA en restitution des sommes versées en exécution du jugement,

Condamne la société ISEA aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement aux sociétés VENTISS et EUROLOOK, ensemble, de la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les demandes plus amples ou contraires.