Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 24 avril 2024, n° 23/06465

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/06465

24 avril 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 24 AVRIL 2024

(n° , 36 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06465 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNLK

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Mars 2023 - juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris - 9ème chambre 3ème section - RG n° 20/07775

APPELANTS

Madame [NV] [Z] épouse [DV]

née le [Date naissance 5] 1969 à [Localité 77]

[Adresse 34]

[Localité 62]

Monsieur [PO] [DV]

né le [Date naissance 6] 1971 à [Localité 84]

[Adresse 34]

[Localité 62]

Monsieur [XH], [IA], [IW] [GG]

né le [Date naissance 6] 1951 à [Localité 83]

[Adresse 8]

[Localité 29]

Madame [IA] [TY] épouse [GG]

née le [Date naissance 4] 1953 à [Localité 89]

[Adresse 8]

[Localité 29]

Madame [H] [M]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 101]

[Adresse 15]

[Localité 66]

Madame [UU], [LH], [IA] [O] veuve [YD]

née le [Date naissance 14] 1958 à [Localité 80] - SENEGAL

[Adresse 52]

[Localité 64]

Madame [WN] [AL]

née le [Date naissance 30] 1958 à [Localité 97]

[Adresse 54]

[Localité 63]

Monsieur [HE] [AY]

né le [Date naissance 37] 1958 à [Localité 82]

[Adresse 73]

[Localité 65]

Madame [H] [RI] épouse [AY]

née le [Date naissance 39] 1960 à [Localité 100]

[Adresse 73]

[Localité 65]

Madame [AB] [TC]

née le [Date naissance 45] 1983 à [Localité 91]

[Adresse 44]

[Localité 55]

Madame [YZ] [TC]

née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 95]

[Adresse 26]

[Localité 31]

Madame [MF] [V] épouse [AG]

née le [Date naissance 17] 1946 à [Localité 81]

[Adresse 24]

[Localité 50]

Monsieur [VS] [AG]

né le [Date naissance 36] 1945 à [Localité 91]

[Adresse 24]

[Localité 50]

Madame [NB] [T] épouse [AG]

née le [Date naissance 33] 1972 à [Localité 91]

[Adresse 58]

[Localité 50]

Monsieur [U] [AG]

né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 102]

[Adresse 58]

[Localité 50]

Monsieur [OR] [X]

né le [Date naissance 27] 1955 à [Localité 92]

[Adresse 12]

[Localité 43]

Madame [US] [A]

née le [Date naissance 10] 1965 à [Localité 98]

[Adresse 12]

[Localité 43]

Monsieur [YB] [X]

né le [Date naissance 28] 1996 à [Localité 88]

[Adresse 12]

[Localité 43]

Monsieur [NX] [X]

né le [Date naissance 22] 1998 à [Localité 88]

[Adresse 12]

[Localité 43]

Monsieur [MZ] [R] (décédé)

né le [Date naissance 18] 1936 à [Localité 86]

[Adresse 61]

[Localité 86]

Madame [KN] [R]

née le [Date naissance 7] 1938 à [Localité 86]

[Adresse 61]

[Localité 86]

Monsieur [G] [W]

né le [Date naissance 38] 1979 à [Localité 90]

[Adresse 25]

[Localité 48]

Monsieur [HC] [KL]

né le [Date naissance 35] 1964 à [Localité 78]

[Adresse 47]

[Localité 70]

Madame [MH] [KL]

née le [Date naissance 21] 1975 à [Localité 96]

[Adresse 47]

[Localité 70]

Monsieur [VP] [BG]

né le [Date naissance 40] 1962 à [Localité 94]

[Adresse 53]

[Localité 56]

Monsieur [FM] [XF] (décédé le [Date décès 74] 2022)

né le [Date naissance 19] 1944 à [Localité 93]

[Adresse 59]

[Localité 72]

Madame [IA] [XF]

née le [Date naissance 20] 1983 à [Localité 96]

[Adresse 59]

[Localité 72]

Madame [B] [XF]

née le [Date naissance 46] 1952 à [Localité 85]

[Adresse 59]

[Localité 72]

Madame [IU] [MD]

née le [Date naissance 7] 1958 à [Localité 87]

[Adresse 51]

[Localité 71]

Madame [IC] [SE] épouse [WJ]

née le [Date naissance 13] 1960 à [Localité 79]

[Adresse 11]

[Localité 49]

Représentés par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187, avocat plaidant et ayant également pour avocats plaidants à l'audience Me Emmanuelle-Marie GUERRY,et Me Farida MAZARI, avocats au barreau de Paris, du même cabinet

INTIMÉES

S.C.O.P. S.A. CREDIT MUTUEL ARKEA

[Adresse 9]

[Localité 42]

N° SIRET : 775 577 018

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP SCP AFG, avocat au barreau de Paris, toque : L0044

Ayant pour avocat plaidant Me Christophe BOUCHEZ, avocat au barreau de Paris, toque : C1468

S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL

[Adresse 57]

[Localité 68]

N° SIRET : B 542 016 381

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Fanny DESCLOZEAUX de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298, plaidant

Ste Coopérative banque Pop. CREDIT COOPERATIF

[Adresse 16]

[Localité 75]

N° SIRET : 349 974 931

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Antoine BEAUQUIER de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R191, substitué à l'audience par Me Fanny CAUNES, avocat au barreau de Paris

S.A. SOCIETE GENERALE SOCIETE GENERALE

[Adresse 41]

[Localité 68]

N° SIRET : 555 120 222

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Stéphane WOOG de la SELARL WOOG & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0283, avocat plaidant

S.A. BANQUE PALATINE

[Adresse 69]

[Localité 67]

N° SIRET : 542 104 245

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

Représentée par Me Nicolas BAUCH-LABESSE de l'AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocat au barreau de PARIS, toque : E0022, avocat plaidant

S.A. LE CREDIT LYONNAIS

[Adresse 23]

[Localité 60]

N° SIRET : 954 509 741

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Julien MARTINET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04

Ayant pour avocat plaidant Me Aurelien GAZEL, avocat au barreau de PARIS, toque : 239

S.A. MY MONEY BANK (anciennement Banque Espirito Santo et de la Vénétie puis My Partner Bank)

[Adresse 99]

[Localité 76]

N° SIRET : 784 393 340

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de Paris, toque : B1055

Ayant pour avocat plaidant Me Grégory DE MOULINS BEAUFORT de l'AARPI RICHELIEU AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0502

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Vincent BRAUD, président

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Madame Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Vincent BRAUD dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Vincent BRAUD, président, et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Le 27 octobre 2015, 1 631 personnes physiques et morales disant avoir investi dans des produits commercialisés par la société Aristophil, ont assigné le Crédit industriel et commercial (ci-après le CIC) et la Société générale devant le tribunal de grande instance de Paris, en leur qualité de teneurs des comptes de la société Aristophil, sur le fondement des articles L. 550-1 et suivants, des articles L. 621-5 et suivants du code monétaire et financier, de l'article 1382 du code civil, des directives 2004/39/CE et 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil, et du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, pour obtenir leur condamnation in solidum à leur payer des dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices matériel et moral.

Ils précisaient qu'une enquête préliminaire avait été ouverte le 27 mars 2014, que la société Aristophil et son fondateur, [HE] [SG], avaient été mis en examen le 5 mars 2015 pour escroquerie, pratiques commerciales trompeuses et blanchiment de fraude fiscale. Ils ajoutaient que la société Aristophil avait été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris le 16 février 2015, transformé en liquidation judiciaire le 6 août 2015.

Dans la présente affaire, 27 nouveaux demandeurs dont les noms sont rappelés au chapeau, ci-après dénommés « les demandeurs », ont assigné devant le tribunal judiciaire de Paris, par exploits séparés des 3, 4 et 5 août 2020, la Société générale, le Crédit industriel et commercial, la société anonyme Banque palatine, la société anonyme Crédit mutuel Arkéa, la société anonyme Crédit lyonnais, la société Crédit coopératif et la société anonyme My Money Bank.

Ils reprochent notamment aux banques défenderesses un défaut de vigilance, en faisant valoir que ces établissements auraient dû déceler le caractère illicite de l'activité de la société Aristophil, et que cette négligence fautive lui a permis de mettre en place un système pyramidal au moyen de pratiques commerciales trompeuses.

Par la suite trois nouveaux demandeurs se sont joints à l'instance.

Les demandeurs au principal ont saisi le juge de la mise en état de conclusions d'incident aux fins de sursis à statuer. Pour leur part, les défendeurs ont opposé à cette demande son irrecevabilité du fait de sa tardiveté, et son mal-fondé ; ils ont soulevé la nullité de l'assignation ; et ont opposé aux demandes présentées au fond les fins de non-recevoir prises du défaut de qualité à défendre, du défaut d'intérêt à agir, du défaut de qualité pour agir, et de la prescription.

Par ordonnance contradictoire en date du 23 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :

' Rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées ;

' Déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par les demandeurs listés au chapeau de la présente décision, dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par la société Aristophil dont ils sont propriétaires ;

' Déclaré irrecevables les demandes des demandeurs en raison du défaut de qualité à agir ;

' Débouté la société My Money Bank de sa demande de dommages et intérêts au titre de la procédure abusive ;

' Condamné les demandeurs listés au chapeau de la présente décision in solidum, à payer à chacune des sociétés CIC, Société générale, Banque palatine, My Money Bank, LCL, Crédit coopératif et Crédit mutuel Arkéa la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné les demandeurs listés au chapeau de la présente décision, in solidum aux dépens dont distraction au profit de maître Nicolas Bauch-Labesse ;

' Rejeté toute autre demande.

Par déclaration du 4 avril 2023, [NV] [Z], [PO] [DV], [XH] [GG], [IA] [TY], [H] [M], [UU] [O] veuve [YD], [WN] [AL], [HE] [AY], [H] [RI], [AB] [TC], [YZ] [TC], [MF] [V], [VS] [AG], [NB] [T], [U] [AG], [OR] [X], [US] [K], [YB] [X], [NX] [X], [MZ] [R], [KN] [R], [G] [W], [HC] [KL], [MH] [KL], [VP] [BG], [FM] [XF], [IA] [XF], [B] [XF], [IU] [MD], [IC] [SE] ont interjeté appel de l'ordonnance contre le Crédit mutuel Arkéa, le Crédit industriel et commercial, le Crédit coopératif, la Société générale, la Banque palatine, le Crédit lyonnais et My Money Bank.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées le 26 janvier 2024, [NV] [Z] épouse [DV], [PO] [DV], [XH] [GG], [IA] [TY] épouse [GG], [H] [M], [UU] [O] veuve [YD], [WN] [AL], [HE] [AY], [H] [RI] épouse [AY], [AB] [TC], [YZ] [TC], [MF] [V] épouse [AG], [VS] [AG], [NB] [T] épouse [AG], [U] [AG], [OR] [X], [US] [A], [YB] [X], [NX] [X], [MZ] [R], [KN] [R], [G] [W], [HC] [KL], [MH] [KL], [VP] [BG], [FM] [XF], [IA] [XF], [B] [XF], [IU] [MD], et [IC] [WJ] née [SE] demandent à la cour de :

' CONSTATER le désistement d'instance et d'action de Monsieur [R] [MZ] décédé,

' CONSTATER le désistement d'instance et d'action de Monsieur [XF] [FM] décédé,

' CONFIRMER l'ordonnance du 23 mars 2023 en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation,

' REJETER l'appel incident formé par les sociétés Crédit coopératif, Banque Palatine, CréditLyonnais, Crédit Mutuel Arkéa, Société générale et Crédit industriel et commercial comme étant infondé,

' INFIRMER l'ordonnance du 23 mars 2023 en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer sollicitée par les demandeurs dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par la société ARISTOPHIL dont ils sont toujours propriétaires,

' INFIRMER l'ordonnance du 23 mars 2023 en ce qu'elle a déclaré les demandeurs irrecevables en leur action du fait du monopole du liquidateur judiciaire,

STATUANT A NOUVEAU :

' JUGER recevable et bienfondé la demande de sursis à statuer formée par les demandeurs, en considération d'une bonne administration de la justice, et dans l'attente de la fin des opérations de ventes réalisées par le mandataire judiciaire,

' JUGER recevable et bien-fondé l'action des demandeurs engagée à l'encontre des sociétés Crédit coopératif, Banque Palatine, Crédit Lyonnais, Crédit Mutuel Arkéa, Société générale et Crédit industriel et commercial en ce que :

o Les banques sont irrecevables à invoquer la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des concluants en raison du monopole du mandataire judiciaire, en raison d'une fin de non-recevoir tirée de leur défaut de qualité à agir pour l'invoquer,

o La fin de non-recevoir tirée d'un défaut de qualité à agir des concluants, irrecevable et mal fondé, ne peut être invoquée par les banques compte tenu de l'inapplicabilité des articles L.622-21 et L.641-4 alinéa 1er du Code de commerce,

o La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des concluants, irrecevable et mal fondé, ne peut être invoquée par les banques dès lors qu'ils justifient d'un préjudice distinct et personnel des autres créanciers de la société ARISTOPHIL,

o La fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des concluants ne peut être soulevée par les banques dès lors que la demande d'indemnisation au titre du préjudice moral n'entre pas dans les pouvoirs du liquidateur judiciaire,

' ORDONNER la jonction de la présente instance en avec les autres instances en appel engagées à l'encontre des ordonnances rendues sous les numéros RG suivants :

- RG n° 23/06918 : [VN] & Autres (Déclaration d'appel du 12 avril 2023)

- RG n° 23/06658 : [C] & Autres (Déclaration d'appel du 6 avril 2023)

- RG n° 23/07324 : [CE] & Autres (Déclaration d'appel du 18 avril 2023)

- RG n° 23/06684 : [I] & Autres (Déclaration d'appel du 7 avril 2023)

- RG n° 23/06508 : [AU] & Autres (Déclaration d'appel du 4 avril 2023)

- RG n° 23/07491 : [JP] & Autres (Déclaration d'appel du 20 avril 2023)

- RG n° 23/07450 : [RK] & Autres (Déclaration d'appel du 20 avril 2023)

- RG n° 23/06995 : [E] & Autres (Déclaration d'appel du 13 avril 2023)

- RG n° 23/06986 : [TA] & Autres (Déclaration d'appel du 13 avril 2023)

- RG n° 23/07492 : [ZV]-[P] & Autres (Déclaration d'appel du 20 avril 2023)

- RG n° 23/06593 : [TW] & autres (Déclaration d'appel du 4 avril 2023)

- RG n° 23/07322 : [AF] & Autres (Déclaration d'appel du 18 avril 2023)

' RENVOYER l'affaire devant le Tribunal judiciaire de PARIS afin qu'il soit statué sur le fond

En tout état de cause :

' DEBOUTER les sociétés Crédit coopératif, Banque Palatine, Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit industriel et commercial, et Crédit Mutuel Arkéa de toutes leurs demandes, conclusions, fins et exceptions,

' CONDAMNER chacune des sociétés Crédit coopératif, Banque Palatine, Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit industriel et commercial, et Crédit Mutuel Arkéa à payer à chacun des demandeurs la somme de 25 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

' CONDAMNER le CIC à payer à Madame [YD] [UU] la somme de 10.625,36 euros au titre de l'article à 700 du Code de procédure civile,

' CONDAMNER le CREDIT MUTUEL ARKEA à payer à Madame [AL] [WN] la somme de 10.390,52 euros au titre de l'article à 700 du Code de procédure civile,

' CONDAMNER la BANQUE PALATINE à payer à Monsieur [BG] [VP] la somme de 10.757,07 euros au titre de l'article à 700 du Code de procédure civile.

' CONDAMNER chacune des sociétés Crédit coopératif, Banque Palatine, Crédit Lyonnais, Société Générale, Crédit industriel et commercial et Crédit Mutuel Arkéa aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP LECOQ VALLON & FERON POLONI.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 janvier 2024, la société anonyme Banque palatine demande à la cour de :

- DECLARER RECEVABLE ET BIEN FONDEE la BANQUE PALATINE en ses demandes, fins et conclusions ;

A titre principal,

- PRONONCER la nullité de la déclaration d'appel régularisée par Monsieur [MZ] [R] et Monsieur [FM] [XF]

- CONFIRMER l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par les appelants listés ci-dessous ;

[NV] [HY] [Z] épouse [D], [PO] [ZT] [IW] [DV], [XH] [IA] [IW] [GG], [IA] [JS] [WL] [YX] épouse [GG], [H], [ZX], [S] [M], [UU] [LH] [IA] [O] veuve [YD], [WN] [AL], [HE] [FK] [AY], [H] [DT] [RI] épouse [AY], [AB] [TC], [YZ] [TC], [MF] [L] [J] épouse [AG], [VS] [MZ] [EO] [AG], [NB] [PM] [CB] [WN] [T] épouse [AG], [U] [AG], [OR] [X], [US] [JS] [A], [YB] [X], [NX] [X], [MZ] [R], [KN] [R], [G] [W], [HC] [KL], [MH] [KL], [VP] [BG], [FM] [XF], [IA] [XF], [B] [XF], [IU] [MD], [IC] [WJ] née [SE], ci-après « tous les appelants »

- CONFIRMER l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré tous les appelants irrecevables, faute de droit d'agir, à raison du monopole du liquidateur ;

- DEBOUTER tous les appelants de leurs demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant,

- DECLARER irrecevables tous les appelants pour défaut de droit d'agir, faute de preuve de l'existence de leurs relations contractuelles avec la société ARISTOPHIL ;

- DECLARER tous les appelants irrecevables, à raison d'un défaut de qualité à défendre de LA BANQUE PALATINE ;

- DECLARER tous les appelants irrecevables à raison de la prescription ;

- DECLARER irrecevables Monsieur [MZ] [R] et Monsieur [FM] [XF] en leur demande de désistement d'instance et d'action,

A titre subsidiaire,

- DECLARER irrecevable la déclaration d'appel régularisée par Monsieur [MZ] [R] et Monsieur [FM] [XF],

- DECLARER irrecevables Monsieur [MZ] [R] et Monsieur [FM] [XF] en leur demande de désistement d'instance et d'action,

- REJETER la demande de sursis à statuer à raison de son mal-fondé ;

- DECLARER irrecevables à raison d'un défaut de droit d'agir [PO] [DV], [XH] [GG], Mme [IA] [JS] [TY] ép. [GG], Mme [UU] [O] veuve [YD], Mme [MF] [J] ép. [AG], M. [VS] [AG], M. [U] [AG], Mme [NB] [T] ép. [AG], M. [OR] [X], Mme [US] [A], M. [MZ] [R], Mme [KN] [R], M. [VP] [BG], M. [FM] [XF], Mme [IA] [XF], Mme [B] [XF] et Mme [IC] [WJ] ;

- DECLARER irrecevables à raison de la prescription [NB] [T] épouse [AG], [U] [AG], [UU] [O] veuve [YD], [FM] [XF], [IA] [XF], [B] [XF], [MF] [J] épouse [AG], [VS] [AG], [IU] [MD], [VP] [BG].

En tout état de cause,

- REJETER la demande de jonction entre les instances enregistrées sous les numéros RG suivants 23/07322, 23/07450, 23/06995, 23/06986, 23/07492, 23/06658, 23/07324, 23/06684, 23/06508, 23/07491, 23/06918 et 23/06465.

- REJETER la demande de condamnation de Monsieur [VP] [BG] sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- DEBOUTER tous les appelants de leurs demandes, fins et conclusions,

- CONDAMNER in solidum tous les appelants au paiement d'une somme de 20.000 € à la BANQUE PALATINE ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au bénéfice de Maître Nicolas BAUCH-LABESSE, avocat au Barreau de PARIS.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 4 août 2023, la société anonyme coopérative de banque populaire à capital variable Crédit coopératif demande à la cour de :

In limine litis

' RECEVOIR l'appel incident du CREDIT COOPERATIF portant sur la nullité de l'assignation du 4 août 2020

' INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande tendant à la nullité de l'assignation du 30 août 2020

' DECLARER NULLE l'assignation délivrée le 4 août 2020 au CREDIT COOPERATIF

Subsidiairement

' CONFIRMER l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions

' DECLARER IRRECEVABLE la demande tendant au sursis à statuer soulevée tardivement

' DECLARER IRRECEVABLES les demandes, fins et prétentions formulées par les appelants contre le CREDIT COOPERATIF

En tout état de cause

' CONDAMNER les appelants in solidum à payer au CREDIT COOPERATIF 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens;

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 août 2023, la société coopérative à forme anonyme Crédit mutuel Arkéa demande à la cour de :

REJETER la demande de jonction des instances enrôlées sous les numéros de RG suivants :

- RG n° 23/07322 : [AF] et autres

- RG n° 23/06918 : [VN] & autres

- RG n° 23/06658 : [C] & autres

- RG n° 23/07324 : [CE] & autres

- RG n° 23/06684 : [I] & autres

- RG n° 23/06508 : [AU] & autres

- RG n° 23/07491 : [JP] & autres

- RG n° 23/07450 : [RK] & autres

- RG n° 23/06995 : [E] & autres

- RG n° 23/06986 : [TA] & autres

- RG n° 23/07492 : [ZV]-[P] &autres

- RG n° 23/06465 : [Z] & autres

- RG n° 23/06593 : [TW] & autres

1) Sur l'appel incident :

Vu les articles 6, 15, 54, 56, 74 et 114 du code de procédure civile,

INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation,

PRONONCER la nullité de l'assignation délivrée le 3 août 2020 au Crédit Mutuel Arkéa,

2) Sur l'appel principal :

- Sur les fins de non-recevoir :

Vu les articles 31 et 122 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce,

CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré les demandeurs irrecevables en leurs demandes pour défaut de qualité à agir,

Y ajoutant :

Vu les articles 32 et 122 du code de procédure civile,

DECLARER irrecevables les demandes dirigées contre le Crédit Mutuel Arkéa,

ORDONNER la mise hors de cause du Crédit Mutuel Arkéa,

Y ajoutant de plus fort :

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

Vu l'article 2224 du code civil,

DECLARER les appelants irrecevables à agir en raison de la prescription,

- Sur la demande de sursis à statuer :

Vu les articles 74 et 378 du code de procédure civile,

CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par les demandeurs, dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par la société Aristophil dont ils sont propriétaires,

Subsidiairement :

REJETER la demande de sursis à statuer,

- En tout état de cause :

DEBOUTER les appelants de l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions.

CONDAMNER les appelants, in solidum, à payer au Crédit Mutuel Arkéa une indemnité de 50.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER les appelants, in solidum, aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, par la SCP AFG, avocat au Barreau de Paris.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 janvier 2024, la société anonyme Crédit industriel et commercial (CIC) demande à la cour de :

- DECLARER le CIC recevable en toutes ses demandes, fins et conclusions et en son appel incident ;

In limine litis

- INFIRMER l'ordonnance entreprise ;

En conséquence,

- PRONONCER la nullité de l'assignation délivrée le 4 août 2020 au CIC par les appelants ;

A titre subsidiaire,

- CONFIRMER l'ordonnance entreprise ;

En conséquence,

- DECLARER irrecevable l'incident de sursis à statuer soulevé par les appelants dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par ARISTOPHIL pour lesquelles les appelants sont propriétaires ;

- REJETER l'incident de sursis à statuer soulevé par les appelants dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par ARISTOPHIL pour lesquelles les appelants sont propriétaires ;

- DECLARER irrecevables les demandes formées par les appelants contre le CIC compte tenu du monopole du liquidateur ;

- DECLARER irrecevables les demandes formées par les appelants contre le CIC compte tenu du défaut de qualité à défendre de la banque ;

- DECLARER irrecevables car prescrites les demandes formées par les appelants contre le CIC ;

En toute hypothèse,

- DEBOUTER Madame [O] veuve [YD] de sa demande de condamnation du CIC au paiement de la somme de 10.625,36 euros, au titre de l'article 700 du CPC ;

- CONDAMNER les appelants au paiement au CIC de la somme de 1.000 euros chacun au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 janvier 2024, la société anonyme My Money Bank (anciennement Banque Espirito Santo et de la Vénétie puis My Partner Bank) demande à la cour de :

- JUGER nulle et subsidiairement irrecevable la déclaration d'appel des appelants décédés antérieurement à la régularisation de la déclaration d'appel (Messieurs [R] et [XF]),

- REJETER l'appel, le juger infondé,

- RECEVOIR MY MONEY BANK en son appel incident et en ses conclusions et demandes qu'elles comportent,

IN LIMINE LITIS ET A TITRE PRINCIPAL :

- INFIRMER l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de l'assignation ;

- et statuant à nouveau, JUGER nulle l'assignation signifiée le 18 janvier 2021 à MMB par les appelants ;

- CONFIRMER l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer des appelants, et subsidiairement si la Cour l'infirmait de ce chef, JUGER la demande de sursis à statuer mal fondée et en débouter les demandeurs appelants ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

- JUGER les appelants dénués de qualité et d'intérêt à agir parce que seuls les liquidateurs d'ARISTOPHIL avaient qualité et intérêt à engager l'action, et faute d'intérêt à défendre de MMB ;

- JUGER l'action des appelants prescrite ;

- CONFIRMER l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a déclaré les appelant irrecevables et ce tant faute de qualité à agir du fait du monopole du liquidateur, que, y ajoutant ou à défaut par substitution de motifs, du fait de la prescription et du défaut d'intérêt à défendre de MMB ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- REJETER la demande de jonction des appelants ;

- REJETER les demandes de désistement de certains appelants ;

- INFIRMER l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a rejeté la demande de condamnation des appelants pour procédure abusive et statuant à nouveau de ce chef CONDAMNER in solidum les appelants à payer à la société MY MONEY BANK la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- CONFIRMER l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a condamné les appelants aux dépens et au titre de l'article 700 CPC ;

et y ajoutant,

- CONDAMNER in solidum les appelants à payer à la société MY MONEY BANK la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 janvier 2024, la société anonyme Société générale demande à la cour de :

In limine litis,

- INFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées et, statuant à nouveau, PRONONCER la nullité de l'assignation délivrée à la requête des appelants le 4 août 2020.

A titre principal,

- CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer formée par les appelants.

- CONFIRMER l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevables les demandes des appelants en raison du défaut de qualité à agir.

En tout état de cause,

- DECLARER irrecevables les appelants en toutes leurs prétentions.

- DEBOUTER les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- CONDAMNER in solidum les appelants aux entiers dépens d'appel.

- CONDAMNER in solidum les appelants à payer à Société Générale la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 29 janvier 2024, le Crédit lyonnais demande à la cour de :

In limine litis

Infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité de l'assignation soulevées par LE CREDIT LYONNAIS,

Juger nulle l'assignation délivrée le 4 août 2021 au CREDIT LYONNAIS,

Juger nuls les appels interjetés par des personnes décédées en particulier par M. [MZ] [R] et par M. [FM] [XF]

Confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de sursis à statuer adverse ;

Subsidiairement, sur les fins de non-recevoir

Confirmer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a déclaré les demandeurs irrecevables en leur action du fait du monopole d'action du liquidateur judiciaire,

Juger irrecevables les demandes formulées par les appelants contre LE CREDIT LYONNAIS compte tenu des fins de non-recevoir faisant obstacle aux prétentions des appelants,

En tout état de cause

Débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, appels, fins et conclusions,

Confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné les demandeurs aux frais irrépétibles et aux dépens,

Condamner in solidum les appelants au paiement, au profit du CREDIT LYONNAIS, d'une indemnité de 50.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour l'essentiel, les parties développent les moyens et arguments suivants.

I - Sur la nullité de l'assignation

A ' Sur le défaut de motivation en fait et en droit de l'assignation

Les appelants font valoir, s'agissant la motivation de l'assignation en fait et en droit, que l'assignation contient des moyens en droit puisqu'elle vise notamment les dispositions du code monétaire ainsi que le fondement de la responsabilité délictuelle des intimés.

La motivation en fait est aussi complète puisque l'ensemble des dossiers individuels pour chacun des appelants ont été communiqués. Les intimées échouent, par ailleurs à démontrer en quoi la nullité de forme qu'elles invoquent cause une quelconque désorganisation des droits de leur défense, comme le requiert l'article 56 du code de procédure civile.

Les appelants font valoir, sur la question de savoir si les établissements bancaires assignés étaient bien les établissements bancaires teneurs de compte de la société Aristophil, qu'il a été versé aux débats plusieurs attestations d'établissements bancaires en ce sens. Chacun des intimés a donc bien ouvert dans ses livres un compte bancaire au nom de la Société Aristophil.

Les appelants font valoir, s'agissant du moyen de nullité tiré du fait que l'assignation ne comportait pas d'individualisation des faits précis reprochés par chacun des appelants à chacun des intimés, qu'il ressort d'une jurisprudence récente de la Cour de cassation qu'il importe peu de disposer d'une individualisation des demandes, c'est-à-dire d'indiquer précisément pour chacun des appelants les caractéristiques de chaque investissement et de chacun des encaissements dans les livres des banques teneurs de comptes de la société Aristophil. L'action initiée par les appelants à l'encontre des intimés constitue une action en responsabilité délictuelle et se fonde sur les manquements des intimés à leur devoir de vigilance en qualité d'établissements bancaires teneurs de compte d'une société actuellement poursuivie au pénal pour escroquerie. C'est ainsi à bon droit que le juge de la mise en état a retenu que l'assignation délivrée par les demandeurs à l'égard des défendeurs n'est affectée d'aucune nullité.

Le Crédit coopératif fait valoir, en ce qui concerne le défaut de motivation en fait et en droit, que l'assignation du 4 août 2020 vise des faits et formulerait des griefs en des termes généraux et non circonstanciés. Elle vise indistinctement une masse d'établissements bancaires en leur reprochant des faits imprécis sans individualiser pour chacun d'entre eux les faits qui les concernent. Par ailleurs, aucun fait particulier n'est reproché au Crédit coopératif, les appelants semblant considérer que l'ensemble des établissements bancaires forment une entité unique.

La Banque palatine n'a pas conclu sur ce point.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir, en ce qui concerne le défaut d'exposé des moyens en fait à l'encontre du Crédit mutuel Arkéa, qu'il est constant que l'assignation est entachée d'une irrégularité de forme de nature à entraîner sa nullité, conformément aux dispositions de l'article 114 du code de procédure civile. L'assignation est « particulièrement elliptique » par rapport aux moyens de fait concernant le Crédit mutuel Arkéa, le nom de ce dernier n'étant cité, en tout et pour tout, qu'une seule fois en page 25 de l'assignation. En outre, aucun commencement de preuve des allégations que la société Aristophil aurait effectivement ouvert un compte dans les livres du Crédit mutuel Arkéa n'a été produit. Partant, de telles assertions ne sauraient constituer un exposé des moyens en fait tel que requis par l'article 56 du code de procédure civile. Ce défaut de détermination des faits imputés au Crédit mutuel Arkéa est aussi de nature à lui causer un grief, en ce qu'il porte atteinte au principe du contradictoire, le Crédit mutuel Arkéa étant dans l'incapacité d'organiser sa défense au fond à défaut de savoir ce qui lui est reproché.

Le LCL fait valoir, en ce qui concerne le défaut de motivation en fait et en droit, que l'assignation délivrée le 6 août 2020 à LCL vise des faits et formule des griefs en des termes généraux et non circonstanciés, aucun élément particulier n'étant invoqué à l'encontre de LCL, empêchant ainsi cette dernière de déterminer la critique qui lui est faite et d'y répondre valablement. Le LCL est uniquement visé en page 35 de l'assignation, la formule employée ne précisant ni la qualité en laquelle les banques assignées dans le cadre de la présente instance auraient prétendument participé à la constitution du dommage allégué par les appelants, ni la temporalité de la faute prétendue et le lien entre les entités assignées et chacun des appelants, ni, plus généralement, aucun élément de fait ou de droit spécialement relatif aux banques en présence, et à LCL en particulier.

My Money Bank fait valoir, en ce qui concerne le défaut de moyen en fait et en droit et de liste des pièces sur lesquelles les demandes sont fondées, que dans leur assignation, les appelants se contentent de citer My Money Bank à deux reprises, indistinctement avec les autres établissements. Il n'existe aucun autre élément de fait et de droit visant spécifiquement et indiscutablement My Money Bank, les deux mentions étant donc de simples allégations. Les appelants ne précisent pas les fonds que My Money Bank aurait collectés et sont incapables de viser un fait et une pièce de participation active commis par My Money Bank au sujet de la collecte de fonds auprès d'investisseurs. Les appelants ne visent pas non plus les faits qui auraient été commis par My Money Bank consistant à recevoir des fonds provenant des appelants, aucune pièce n'étant communiquée en ce sens. My Money Bank se retrouve ainsi dans l'impossibilité d'assurer utilement sa défense au fond dès lors qu'elle ne connaît pas les faits qui lui sont reprochés et le fondement factuel et juridique correspondant.

La Société Générale n'a pas conclu sur ce point.

Le CIC n'a pas conclu sur ce point.

B ' Sur l'identification des appelants

Les appelants, dans leurs dernières conclusions, demandent à la cour de constater le désistement d'instance et d'action de Monsieur [MZ] [R] et de Monsieur [FM] [XF], ces derniers étant décédés.

Les appelants font valoir qu'en vertu de l'article 114 du code de procédure civile, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour les intimés de prouver le grief que leur cause l'irrégularité. Or, l'absence de mention de la profession précise des appelants ne porte pas préjudice aux intimés, les appelants ayant communiqué l'ensemble des dossiers individuels permettant de vérifier sans difficulté les informations transmises. Le grief se doit aussi d'être nécessairement personnel et spécial. Or, le grief exprimé par les intimés consiste à affirmer de manière péremptoire que les mentions évoquées sont décisives pour apprécier le caractère averti ou non de l'investisseur. C'est donc à bon droit que le juge de la mise en état n'a pas fait droit à l'exception de nullité soulevée, les intimés échouant à démontrer l'existence d'un quelconque grief.

Le Crédit Coopératif fait valoir, en ce qui concerne le défaut de mentions obligatoires prescrites par le code de procédure civile, que la plupart des appelants ne satisfont pas aux mentions de l'article 648 du code de procédure civile. La mention de la profession, de la date et du lieu de naissance et de la nationalité de plusieurs appelants ne figure pas dans l'assignation, emportant sa nullité.

La Banque Palatine n'a pas conclu sur ce point mais requiert la nullité partielle de la déclaration d'appel et l'irrecevabilité partielle de la déclaration d'appel pour défaut d'intérêt à agir, certains appelants étant décédés. Aucun désistement d'instance et d'action n'est recevable dès lors que ces appelants sont irrecevables.

Le Crédit Mutuel Arkéa fait valoir, en ce qui concerne le défaut d'identification de certains appelants, que les mentions prescrites à l'article 54, alinéa 2, du code de procédure civile le sont à peine de nullité si un grief est rapporté. En l'espèce, la comparution des appelants ne précise pas, pour chacun d'entre eux, leurs date et lieu de naissance, ainsi que leur profession, voire leur domicile. Si certains de ces vices de forme ont été régularisés par les appelants dans leurs conclusions ultérieures, il demeure que même en cause d'appel, rien ne serait mentionné de la profession de Madame [IU] [MD] et de Madame [IC] [WJ] née [SE]. Ces irrégularités de forme causent nécessairement un grief au Crédit Mutuel Arkéa, en ce qu'elle n'est pas en mesure d'identifier les appelants dans le cadre de l'action en responsabilité délictuelle et de déterminer la qualité d'investisseur averti ou profane des appelants.

Le LCL fait valoir, en ce qui concerne le défaut de mentions obligatoires, que plusieurs mentions prescrites à peine de nullité par l'article 648 du code de procédure civile ne figurent pas dans l'assignation des appelants, notamment la profession, la date et le lieu de naissance et la nationalité de certains appelants. Ces informations sont indispensables à l'identification des appelants, notamment quant à l'examen de leur capacité d'ester en justice. L'absence de ces mentions cause un grief au LCL, qui se retrouve privé de la faculté de déterminer le niveau de connaissance des appelants en ce qui concerne placements litigieux.

My Money Bank fait valoir, en ce qui concerne le défaut de mentions obligatoires relatives à l'identification des appelants, qu'il manque dans l'assignation un certain nombre de mentions obligatoires qui n'ont pas toutes été régularisées dans les dernières conclusions des appelants en sursis à statuer. L'absence de mention de la profession de Madame [IU] [MD] et de Madame [IC] [WJ] est de nature à causer un grief à My Money Bank en ce qu'elle se retrouve empêchée de vérifier le caractère d'investisseur averti ou profane de ces dernières. Les régularisations apportées font aussi état de la profession de « conseiller en gestion de patrimoine » de Monsieur [VP] [BG], ce qui constitue un élément à être pris en compte par la cour dans le cadre de l'appréciation de sa connaissance de la réalisation de son dommage et des particularités de son investissement.

My Money Bank fait valoir qu'il semble que Monsieur [ER] [R] et Monsieur [FM] [R] soient décédés. Une telle irrégularité n'est pas susceptible d'être régularisée et il est de jurisprudence qu'une assignation délivrée au nom de personnes décédées soit frappée d'une irrégularité de fond que ne peut couvrir la reprise de l'instance par les héritiers. La déclaration d'appel est donc nulle et insusceptible de régularisation à leur égard. Subsidiairement, My Money Bank demande à la cour de juger la déclaration d'appel irrecevable, sur le fondement des articles 122 et 31 du code de procédure civile, faute d'intérêt à agir des appelants décédés visés dans les conclusions de la Banque Palatine.

My Money Bank fait valoir que les demandes de désistement formées par les appelants sont tardives, les intimés ayant déjà conclu. Ces demandes ne peuvent être prises en compte du fait du décès des appelants, la sanction procédurale étant la nullité. La cour devrait ainsi s'interroger sur la réalité du mandat donné pour formuler lesdites demandes. La Société Générale fait valoir que les conclusions en réponse sur incident du 24 juin 2021 des appelants ne précisent toujours pas la profession de Madame [IU] [MD] et de Madame [IC] [WJ] (née [SE]). Leurs conclusions d'Appelants du 28 juillet 2023 restent aussi muettes sur ce point. Cette carence cause nécessairement un grief à la Société Générale qui se retrouve empêchée d'apprécier l'éventuelle qualité d'investisseur expérimenté des appelants, pouvant constituer un paramètre important pour la solution du litige. À titre d'exemple, les conclusions en réponse sur incident des appelants du 24 juin 2021 devant le juge de la mise en état font état que Monsieur [VP] [BG] exerçait la profession de conseiller en gestion de patrimoine et qu'il serait ainsi à même d'apprécier les risques liés à son investissement. Il est ainsi indispensable, aux fins d'une bonne organisation de la défense de la Société Générale, qu'elle soit en mesure d'apprécier si Madame [IU] [MD] et Madame [IC] [WJ] (née [SE]) étaient en mesure d'apprécier les risques afférents à leur investissement.

Le CIC fait valoir que la profession de Madame [IU] [MD] et de Madame [IC] [SE], épouse [WJ], n'est mentionnée ni aux termes de l'assignation, ni aux termes des conclusions d'appelants signifiées le 28 juillet 2023. Par ailleurs, il apparaît la mention « retraité » pour un grand nombre d'appelants, sans plus d'indication.

L'absence de mention de la profession de certains appelants cause un grief certain au CIC puisqu'il est empêché de connaître le caractère profane ou expérimenté des appelants en question.

II - Sur la demande de sursis à statuer

Les appelants font valoir, dans un premier temps, que la demande de sursis à statuer formée par eux est recevable et bien fondée car une grande partie des appelants sont encore propriétaires des 'uvres détenues par la société Aristophil. Ils prennent l'exemple de la convention « Coralys » de la société Aristophil, par laquelle des appelants sont devenus propriétaires des parts indivises d'un manuscrit d'[F] [OT]. Ce manuscrit a été vendu pour un montant 10,2 millions d'euros au terme d'une vente coordonnée Christie's pour le compte de la maison de vente Aguttes dans le cadre de la liquidation de la société Aristophil. Cette vente a engendré une plus-value aux copropriétaires concernés. Or, toutes les ventes antérieures des collections Aristophil réalisées par le mandataire judiciaire, maître [LJ], ont donné lieu à des ventes dans des conditions beaucoup moins favorables que des ventes antérieures, engendrant des pertes considérables pour les appelants. Il était donc nécessaire que les appelants sollicitent du juge de la mise en état le sursis à statuer, compte tenu de cette vente « exceptionnelle », dans l'attente des 'uvres dont ils sont encore propriétaires, pour ceux ayant investi en indivision.

Les appelants font valoir, dans un deuxième temps, que la demande de sursis à statuer formée par eux est recevable et bien fondée en considération d'une bonne administration de la justice et de la propriété des appelants. Il résulte de la jurisprudence que le juge peut toujours décider de surseoir à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Par ailleurs, les appelants copropriétaires d'indivisions Aristophil étant toujours propriétaires de parts indivises pour ceux ayant conclu une convention « Coralys » et toujours pleinement propriétaires pour ceux ayant conclu une convention « Amadeus », les appelants font valoir que la valeur de vente est susceptible de subir des variations à la hausse ou à la baisse.

Les appelants font valoir, dans un troisième temps, que la demande de sursis à statuer formée par eux est recevable et bien fondée en considération du recours massif au droit de préemption par l'État et des ventes à venir. Les appelants font état d'une « double sanction » en ce que l'État préempterait des collections Aristophil en considération du fait que celles-ci font partie intégrale du patrimoine national, en sus d'une procédure collective au terme de laquelle ils ne percevraient aucune somme, la potentielle vente étant incontestablement à perte selon eux. Par ailleurs, il est de principe que le juge peut toujours prononcer un sursis à statuer d'office lorsque la bonne administration de la justice le commande en tout état de cause. En l'espèce, le sursis à statuer doit être prononcé compte tenu de la décision de clôture des ventes effectuées dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société Aristophil ainsi que de la distribution des produits des ventes.

Le Crédit coopératif fait valoir qu'en l'espèce, la procédure de liquidation de la société Aristophil, et donc de cession des biens qu'elle détient pour le compte des appelants a commencé le 5 août 2015. Dans leur assignation du 4 août 2020, les appelants n'ont pas inséré dans leurs écritures la moindre demande de sursis à statuer dans l'attente de la « vente complète des 'uvres détenues par la société Aristophil ». Partant, la demande de sursis insérée pour la première fois dans leurs écritures du 6 janvier 2022, qui est par définition une exception de procédure, est irrecevable faute d'avoir été soulevée in limine litis. Le Crédit coopératif soutient que cette demande est, en outre, infondée, la cour n'ayant nul besoin d'attendre une éventuelle décision du tribunal correctionnel ou d'une autre juridiction pour constater que les demandes dont elle est saisie seraient à la fois nulles et irrecevables.

La Banque palatine fait valoir, dans un premier temps, que la demande de sursis à statuer, constituant une exception de procédure, est irrecevable au motif qu'elle n'a pas été présentée avant toute défense au fond. En l'espèce, la cause du sursis à statuer, à savoir la procédure collective de la société Aristophil et les ventes d''uvres d'art, est bien antérieure au redressement judiciaire prononcé le 16 février 2015 et aux ventes de manuscrits ayant débuté le 20 décembre 2017, les appelants n'ayant pas, dans l'un et l'autre cas, élevé leur demande de sursis à statuer aux termes de leur assignation ou élevé cette exception de procédure à l'occasion de leurs deux premiers jeux d'écritures devant le juge de la mise en état. Les appelants se réfèrent, par ailleurs artificiellement à la vente du manuscrit d'[F] [OT] pour justifier du bien-fondé de leur demande de sursis à statuer, ces derniers n'ayant jamais pris en compte les ventes antérieures à leur assignation pour moduler leur préjudice. De la même manière, le fait que l'État puisse préempter sur le fondement de l'article L. 123-1 du code du patrimoine n'est pas un élément nouveau qui aurait été révélé au cours des ventes.

La Banque palatine fait valoir, dans un deuxième temps, que la demande de sursis à statuer est irrecevable au motif de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui. En l'espèce, les appelants ont sollicité à ce jour le sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la vente complète des biens détenus par la société Aristophil. Or, ces mêmes appelants se sont opposés à tout sursis à statuer lorsque la Société générale l'a sollicité, en avançant au contraire être en mesure de rapporter la preuve des fautes des banques et du préjudice en résultant, sans attendre l'issue de la procédure pénale.

La Banque palatine fait valoir, dans un troisième temps, que la demande de sursis à statuer est irrecevable pour défaut d'intérêt à solliciter un sursis à statuer. En l'espèce, les appelants se prévalent tous d'éventuelles sommes qu'ils pourraient se voir régler par le commissaire-priseur dans le cadre des ventes Aristophil ou encore dans le cadre de la procédure collective. À défaut de justifier des paiements intervenus et des instructions données à l'étude Aguttes par les appelants, ils ne prouvent pas en quoi ils sont susceptibles de participer aux restitutions et sont, dès lors, dénués de qualité à solliciter un sursis à statuer dans l'attente de celles-ci.

La Banque palatine fait valoir, subsidiairement, que cette demande nouvelle et subite relèverait d'une instrumentalisation de la justice, visant à éviter le débat sur les incidents élevés par les intimés. En l'espèce, les appelants sollicitent le sursis à statuer dans l'attente des ventes aux enchères et, nouvellement, dans le cadre de leurs dernières écritures d'appelants, de la distribution du produit des ventes. Pourtant, les appelants, auxquels il incombe d'abord d'indiquer les éventuelles fautes extracontractuelles imputées à la Banque palatine puis d'établir leur preuve, comme celle du principe même du préjudice qui en résulterait, sont défaillants à démontrer qu'une bonne administration de la justice justifierait la suspension de procédures concernant plus de 2 200 demandeurs depuis sept ans. En outre, les appelants ne démontrent pas en quoi l'attente de la distribution du produit des ventes serait nécessaire pour statuer dans ce dossier, ce d'autant, qu'ils soutiennent dans le même temps que la procédure collective n'aurait aucune influence sur la présente procédure en évoquant l'absence de monopole du liquidateur judiciaire.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir que depuis leurs conclusions signifiées le 6 janvier 2022, soit près d'un an après avoir introduit la présente instance, les appelants ' alors qu'ils prétendaient dans leur assignation justifier d'un préjudice certain, né et actuel ' soutiennent désormais que le préjudice qu'ils allèguent présenterait à cette date un caractère incertain. La procédure de liquidation judiciaire de la société Aristophil, ouverte dès le 6 août 2015, est très largement antérieure à l'introduction de la présente instance. Il appartenait donc aux appelants, si l'issue de la présente instance devait dépendre de la clôture de la liquidation judiciaire d'Aristophil ou à tout le moins du résultat des ventes de

manuscrits réalisées sous l'égide du liquidateur judiciaire, de formuler une demande de sursis à statuer dès leur acte introductif d'instance. Au lieu de cela, ils ont attendu près d'une année après l'introduction de l'instance pour saisir le juge de la mise en état d'une demande de sursis à statuer, ce qui traduit leur prise de conscience tardive de leur incapacité à justifier du bien-fondé de leurs prétentions. Dès lors que la cause de sursis à statuer qu'ils invoquent ' à savoir la réalisation par le liquidateur judiciaire d'Aristophil des manuscrits détenus par cette société ' préexistait à leur assignation, par laquelle ils ont fait valoir leurs moyens au fond, les appelants ne pouvaient solliciter postérieurement à leur assignation valant conclusions au fond un sursis à statuer qu'il leur était loisible de demander dans l'acte introductif d'instance, in limine litis. À cet égard, c'est de manière entièrement inopérante que les appelants font valoir que la vente des manuscrits (notamment celui d'[F] [OT]) constitue un « élément nouveau » justifiant la recevabilité de leur demande de sursis à statuer après avoir conclu au fond.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir, subsidiairement, qu'à supposer que l'ordonnance entreprise soit par extraordinaire infirmée de ce chef et la demande de sursis à statuer déclarée recevable, elle ne peut, en toute hypothèse, qu'être rejetée dès lors qu'elle est contraire à l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

Le LCL fait valoir, dans un premier temps que la demande de sursis à statuer des appelants serait tardive, ayant été présentée dans leurs conclusions d'incident régularisées un an plus tard, le 5 janvier 2022 alors qu'ils ont fait valoir leur défense au fond lorsqu'ils ont engagé la présente instance par assignation du 4 août 2020. C'est à cette occasion qu'ils auraient dû, s'ils le souhaitaient, présenter in limine litis, leur demande de sursis à statuer, ce qu'ils n'auraient pas fait.

Le LCL fait valoir, dans un deuxième temps, que la demande de sursis à statuer serait injustifiée. La doctrine enseigne qu'une mesure de sursis à statuer s'impose notamment lorsqu'une décision à rendre dans le cadre d'une autre instance est de nature à influer sur la solution de la contestation, or, la clôture de la procédure de liquidation judiciaire est sans incidence sur la responsabilité du LCL, qui n'est pas engagée. En outre, le fait que les 'uvres détenues par Aristophil, y compris le manuscrit d'[F] [OT], soient vendues ou de façon plus générale, qu'il soit procédé au recouvrement des actifs de la liquidation ou que l'État exerce son droit de préemption n'est ni une surprise, ni un élément nouveau survenu après l'introduction de la présente instance, seuls à pouvoir autoriser les appelants à présenter une telle demande à posteriori. De plus, il incombait aux appelants lors de l'introduction de la présente instance de s'assurer que les conditions de recevabilité de leur action étaient réunies et, s'ils avaient des difficultés à quantifier leur préjudice, d'assigner pour interrompre le délai de prescription afin de solliciter concomitamment une mesure de sursis. Le non-respect de ces règles procédurales ne constitue pas un motif permettant au juge de prononcer un sursis à statuer. Le fait qu'un seul défendeur ' My Money Bank ' ait initialement et dans une autre instance sollicité de son côté un tel sursis à statuer ne saurait justifier la présente demande, qui demeure irrecevable. Enfin, une telle demande est inutile dans la mesure où les demandes adverses sont irrecevables et qu'aucune faute n'est démontrée à l'encontre du LCL.

My Money Bank fait valoir que les appelants ont déjà soulevé des moyens de fond en première instance et même en appel avant de solliciter un sursis à statuer. Ils ne justifieraient d'aucune raison d'avoir attendu 2022 pour former cette demande de sursis à statuer et auraient dû la demander in limine litis.

My Money Bank fait valoir que la demande est injustifiée. Le terme du sursis visé par les appelants est incertain dans sa date et dans sa réalisation car certains des appelants se sont déjà fait restituer et ne sont plus « dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par Aristophil », la jurisprudence démontrant qu'il convient de rejeter une demande de sursis dans de tels cas.

My Money Bank fait valoir que le caractère injustifié de la demande de sursis à statuer doit entraîner le rejet de la demande du prononcé d'office d'un sursis à statuer. Elle estime que la recherche à tout prix du sursis par les appelants relève en réalité d'une tentative de retarder ou d'éviter un potentiel débat sur le caractère irrecevable de leur action. Par ailleurs, cette demande est contradictoire avec les termes de leur assignation, au sein de laquelle ils prétendent démontrer le caractère actuel et certain de leur préjudice ' question relevant du fond du litige. L'argument des appelants selon lequel la vente des manuscrits constituerait le point de départ de la prescription est incohérent et contradictoire avec, premièrement, le fait qu'ils ont déjà agi en justice il y a plus de trois ans en connaissance de cause des faits leur permettant d'engager leur action, et, deuxièmement, l'argument des appelants selon lequel le point de départ du délai de prescription aurait commencé à courir à la date de première remise sur le marché des pièces de la collection, soit le 20 décembre 2017 dans la présente espèce. Enfin, les appelants ne prouvent pas de lien entre leurs propres investissements d'une part et la vente du manuscrit d'[F] [OT] ou les préemptions de certains manuscrits d'autre part, aucune indication sur la vente des manuscrits dans lesquels ils ont investi n'étant fournie.

La Société générale fait valoir que les appelants n'ont formé cette demande que postérieurement à leur assignation du 4 août 2020, valant conclusions au fond. Elle n'a donc pas été soulevée in limine litis. Les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que les dispositions de l'article 3 du code de procédure civile les autorisent à présenter une demande de sursis à statuer postérieurement à une défense au fond, cet article ne contenant pas de dérogation aux dispositions de l'article 74 du code de procédure civile imposant de présenter in limine litis toute exception de procédure. Par ailleurs, les appelants se gardent de préciser pourquoi la vente en 2021 d'un manuscrit co-écrit par [F] [OT], qui constituerait un évènement nouveau, ferait échec à l'application de l'article 74 du code de procédure civile. Cette vente ne modifie rien au fait que leur demande de sursis à statuer est postérieure à leurs conclusions au fond. Au demeurant, cette vente ne constitue pas un évènement nouveau puisque la vente des lots détenus par la société Aristophil a débuté en 2017, ce qui n'a pas empêché les appelants de soutenir que leur préjudice était déjà établi et constitué dans leurs écritures au fond.

La Société générale fait valoir dans un deuxième temps que leur demande de sursis à statuer est également irrecevable en vertu du principe selon lequel nul plaideur ne peut se contredire au détriment d'autrui. Si, dans leur assignation, les appelants soutenaient que leur préjudice était indiscutablement établi et correspondait à la perte de leur investissement en capital et des rendements qu'ils en attendaient, les appelants ont indiqué, dans leurs conclusions d'incident du 5 janvier 2022 que leur préjudice présentait à date un caractère incertain du fait de la liquidation judiciaire de la société Aristophil.

La Société générale fait finalement valoir que cette demande est, en tout état de cause, mal fondée. La bonne administration de la justice, qui pourrait justifier le prononcé d'un sursis à statuer, implique néanmoins que celle-ci soit rendue avec un minimum de célérité. En l'espèce, les appelants ne fournissent aucune précision sur la date, même approximative, à laquelle pourrait intervenir la vente des 'uvres détenues par la société Aristophil dont ils se disent propriétaires. Par ailleurs, le prononcé d'un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice suppose que la connaissance de l'événement dans l'attente duquel l'instance est suspendue soit indispensable à la solution du litige. Or, en l'espèce, les appelants ont expressément indiqué dans leur assignation que le préjudice dont ils réclament réparation est d'ores et déjà constitué et établi, ce qui leur permet dès lors de le chiffrer pour fixer le montant de leurs prétentions indemnitaires. Partant, le sursis est inutile puisqu'il tend à établir un point de fait déjà démontré. Enfin, le sursis à statuer sollicité est sans objet à défaut pour les appelants de rapporter la preuve d'une quelconque faute commise par la Société générale, étant donné qu'ils ne démontrent même pas que leurs investissements auraient transité sur un compte tenu par elle.

Le CIC fait valoir que les appelants n'hésitent pas à solliciter un sursis à statuer plus d'un an et demi après leur assignation, et après avoir répondu à de nombreuses reprises aux arguments des intimés, de sorte qu'il est évident que le sursis à statuer n'a pas été soulevé in limine litis et qu'il est donc irrecevable. En tout état de cause, il est de jurisprudence constante que le sursis à statuer est prononcé en considération d'une bonne administration de la justice. En l'espèce, les appelants sollicitent la prononciation d'un sursis à statuer « dans l'attente de la vente des 'uvres détenues par Aristophil pour lesquelles les appelants sont propriétaires ». Or, dès l'assignation du 4 août 2020, les appelants ne pouvaient ignorer que les 'uvres détenues par Aristophil, pour lesquels ils sont propriétaires, feraient l'objet d'une vente et se prévalaient au contraire d'un soi-disant préjudice réel qu'ils estimaient eux-mêmes à la totalité des montants investis dans les produits Aristophil. Ce n'est donc que deux ans après leur assignation initiale, et après avoir répondu à l'incident soulevé par les intimés que les appelants ont soulevé ce sursis à statuer. Les jurisprudences de la Cour de cassation invoquées en la matière par les appelants ne sont pas transposables à la présente procédure. Cette demande n'est pas sérieuse et ne tend qu'à pallier leur propre carence dans l'administration de la preuve de leur préjudice.

III - Sur les fins de non-recevoir tirées du monopole du liquidateur judiciaire d'Aristophil, de la qualité à défendre des intimés, et de l'intérêt et la qualité à agir des appelants

Les appelants font valoir que le monopole conféré par la loi au mandataire judiciaire constitue une fin de non-recevoir d'ordre public que seul le mandataire peut invoquer. À défaut, le tiers qui invoquerait le monopole sans que le mandataire intervienne, conduirait à une exonération de la responsabilité du tiers. Les intimés sont ainsi irrecevables à agir. Les intimés n'ont, par ailleurs, pas introduit une action en vue de la condamnation du débiteur, de la résolution d'un contrat ou d'une procédure d'exécution ; cette action ne relevant ainsi pas de l'article L. 622-21 du code de commerce conférant un monopole d'action du mandataire dans certains cas limitativement énumérés.

Les appelants font valoir que le monopole de représentation de l'intérêt collectif dont dispose le mandataire judiciaire vise à lui conférer le pouvoir de défendre un intérêt exclusivement collectif qui ne peut être assimilé à la somme des intérêts particuliers des créanciers. Or, en déclarant irrecevable l'action des appelants à la présente instance, le juge de la mise en état aurait dévoyé les intérêts particuliers des concluants, assimilant leurs intérêts à la masse collective des créanciers. Par ailleurs, la disposition prévoyant le monopole du liquidateur judiciaire n'est pas d'ordre public puisqu'il est possible d'y déroger dès lors qu'il est justifié d'un intérêt personnel et distinct des autres créanciers. La perte de chance des appelants leur est individuelle, distincte de celle d'autres créanciers de la société Aristophil, avec lesquels ils ne partagent pas les mêmes enjeux.

Les appelants font valoir que chaque appelant, chaque victime de la société Aristophil représentée justifie d'un préjudice distinct et personnel dès lors que : la convention souscrite est différente, les montants des investissements sont différents, les ventes opérées par le mandataire maître [LJ] n'aboutissent jamais à un même résultat financier, les résultats des ventes des acquisitions en pleine propriété varient également très fortement, que certains n'ont eu aucun versement dès lors que l'État a usé de son droit de préemption. Ainsi, par définition, seules les victimes de l'escroquerie sont susceptibles de mener une action en responsabilité à l'encontre des établissements bancaires, à l'exclusion des autres créanciers qui n'ont nullement été directement impactés par les fautes reprochées aux banques. Le préjudice subi par les appelants est donc distinct et ne trouve pas son origine dans l'ouverture de la procédure collective, contrairement à ce que soutiennent les banques, mais bien dans l'escroquerie qui a pu prospérer grâce à leur négligence et passivité. Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que des créanciers justifiaient d'un préjudice individuel compte tenu de leur vulnérabilité dans un arrêt de 2015. Ceci est parfaitement le cas des appelants victimes de la société Aristophil.

Les appelants font valoir que l'action engagée à l'encontre des établissements bancaires teneurs des comptes de la société Aristophil vise précisément à la défense des intérêts individuels de chacun des appelants, distincte d'un objectif de reconstitution du gage commun des créanciers. Les appelants font valoir qu'en tout état de cause, les appelants n'ont entravé aucun monopole d'action contre les banques dès lors que le liquidateur judiciaire n'a jamais entrepris la moindre diligence visant à protéger les intérêts des créanciers, dans l'hypothèse où l'on doit considérer les concluants comme créanciers de la société Aristophil.

Les appelants font aussi valoir qu'un préjudice moral des appelants peut bien exister en dehors de toute procédure collective, leur qualité de victime d'une escroquerie n'étant pas tributaire de l'existence d'une liquidation judiciaire. Par ailleurs, le Crédit mutuel Arkéa a bien qualité à défendre et la charge de la preuve d'un quelconque abus de droit des appelants d'ester en justice pèse sur My Money Bank, qui, en l'espèce, n'en ramène pas la preuve.

Le Crédit coopératif fait valoir, dans un premier temps qu'il n'a pas qualité à défendre contre des moyens qui ne lui reprochent aucun grief précis ou qui concernent des tiers, le Crédit coopératif n'étant ni partie au contrat unissant les investisseurs à la société Aristophil, ni partie au contrat unissant les investisseurs à leur établissement de crédit. Du point de vue délictuel, le Crédit coopératif n'est pas non plus impliqué dans les opérations litigieuses. En conséquence, les demandes présentées dans l'assignation du 4 août 2020 sont irrecevables.

Le Crédit coopératif fait valoir, dans un deuxième temps, que les appelants n'ont pas intérêt à agir contre le Crédit coopératif, ne prenant même pas la peine d'évoquer une quelconque implication du Crédit coopératif dans les faits et n'apportant aucune preuve en ce sens. Aussi, le Crédit coopératif ne peut apporter aucune explication pertinente sur ces faits qui lui sont tout simplement étrangers. Faute de démontrer un quelconque intérêt à agir contre le Crédit coopératif, les demandes des appelants devront être déclarées irrecevables.

Le Crédit coopératif fait valoir, dans un troisième temps, que les appelants n'ont pas qualité à agir contre le Crédit coopératif. La société Aristophil a été placée en liquidation judiciaire le 6 août 2015. Dans le cadre de cette procédure collective, ses créanciers ne peuvent plus agir directement pour obtenir le paiement de leurs créances contre les banques tierces, faute de démontrer un préjudice propre et distinct de celui de la société Aristophil. Seul le liquidateur dispose de cette prérogative, à supposer qu'il juge légitime une pareille initiative. Cela suffit à rendre l'action des appelants irrecevable pour défaut de qualité pour agir.

La Banque palatine fait valoir, dans un premier temps, qu'elle n'a pas qualité à défendre. Aucun grief n'est élevé spécifiquement à l'encontre de la Banque palatine, les appelants se contentant ' dans deux phrases ' d'évoquer le fait qu'elle a été, à l'instar des autres banques co-défenderesses, une des banques d'Aristophil. Ainsi, on ne sait quelle prétention la Banque palatine pourrait discuter ou quel intérêt déterminé elle pourrait défendre.

Les pièces communiquées par les appelants renforcent encore ce défaut de qualité à défendre, puisque nulle part dans les pièces adverses, on peut constater l'intervention de la Banque palatine. Par ailleurs, en l'absence de caractérisation d'un dommage commun ou d'une quelconque faute spécifique de la Banque palatine, il n'est pas possible à l'intimée de défendre à cette prétention.

La Banque palatine fait valoir, dans un deuxième temps, le défaut d'intérêt à agir des appelants. En l'espèce, les appelants sollicitent la condamnation de l'ensemble des établissements bancaires aux mêmes sommes que celles déclarées à la procédure collective de la société Aristophil, de sorte que le préjudice allégué résulte de l'ouverture de la procédure collective de la société Aristophil. À le considérer, pour les besoins du raisonnement, ce préjudice ne serait en outre qu'une fraction de préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers qui résulterait, selon les appelants, de la faute alléguée à l'encontre des banques, qui aurait entraîné la déconfiture de la société Aristophil. Ainsi, les appelants ne rapportent pas la preuve d'un préjudice fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers, de sorte qu'il s'agirait d'un préjudice collectif relevant de la seule action du liquidateur.

La Banque palatine fait valoir, dans un troisième temps que certains appelants n'ont pas qualité à agir. Plusieurs appelants, visés dans un tableau dans les conclusions ne communiquent aucune preuve d'un quelconque paiement effectué par leurs soins. En outre, l'article 32 du code de procédure civile présuppose que le demandeur à l'instance soit vivant au moment de la régularisation des actes, ce qui n'était pas le cas de tous les appelants. En effet, Messieurs [MZ] [R] et [FM] [XF] sont décédés et ont pourtant interjeté appel alors qu'ils n'ont aucun droit d'agir. À défaut de preuve d'un quelconque droit à agir, les appelants listés sont irrecevables. La Banque palatine fait aussi valoir, en vertu d'un nouveau moyen qu'elle soulève, l'irrecevabilité des demandes adverses pour défaut de droit d'agir, au regard de l'absence de communication des contrats conclus avec la société Aristophil.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir dans un premier temps qu'il n'a pas qualité à défendre. En l'espèce, les appelants se bornent à affirmer que le Crédit mutuel Arkéa aurait « ouvert des comptes bancaires dans [ses] livres pour le compte de la société Aristophil » et « participé activement à la collecte des fonds » qu'ils disent avoir investis auprès d'Aristophil, sans en administrer le moindre commencement de preuve ni même sans expliquer sur quoi serait fondée cette allégation. Ce faisant, faute d'établir, à tout le moins, qu'Aristophil aurait détenu un compte auprès du Crédit mutuel Arkéa, les appelants ne justifient pas de la qualité à défendre de la concluante, qui ne pourra qu'être mise hors de cause. Pour prétendre que le Crédit mutuel Arkéa aurait bien qualité à défendre dans la présente instance, les appelants font valoir qu'ils disposent de quelques copies recto-verso de chèques de certain souscripteurs établis au bénéfice d'Aristophil, qui attesteraient de l'encaissement des fonds sur un compte tenu par le Crédit mutuel Arkéa. Cependant, la circonstance que la mention « Arkéa SA » figure au verso de certains chèques ne signifie pas que les fonds correspondant aient été crédités sur un compte tenu par le Crédit mutuel Arkéa. En effet, en exécution de conventions de prestation de service conclues entre le Crédit mutuel Arkéa et la société Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels (ABEI), la première fournit en qualité de prestataire à la seconde, qui est sa cliente, un service de réception, numérisation, archivage et traitement des chèques émis au bénéfice des clients de la société ABEI. Ce n'est donc qu'en exécution de cette prestation de services réalisée pour le compte d'ABEI, que le Crédit mutuel Arkéa est intervenu dans le traitement des chèques émis au bénéfice d'Aristophil.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir, dans un deuxième temps, le défaut de qualité à agir des appelants. En l'espèce, les appelants réclament, sur le fondement d'un manquement allégué des banques intimées à leur obligation de vigilance, la réparation par ces dernières d'un préjudice délictuel correspondant ' selon les appelants ' à la perte de leurs investissements effectués auprès de la société Aristophil, et ce, après avoir ' toujours selon eux ' déclaré leur créance contractuelle au passif de la liquidation judiciaire de cette société. Ce préjudice ne constitue pas un préjudice individuel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers puisque les appelants sollicitent la réparation d'une fraction du préjudice collectif subi par les créanciers, qui résulterait selon eux des manquements qui seraient imputables aux banques intimées. Faute pour les appelants de rapporter la preuve d'un préjudice personnel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers, l'action en réparation de ce préjudice collectif relève du monopole du liquidateur judiciaire, qui aurait seul qualité à agir.

Le LCL fait valoir, dans un premier temps, qu'il n'a pas qualité à défendre. En l'espèce, rien ne permet de caractériser la qualité à défendre du LCL contre des faits qui ne lui sont pas connus et des griefs indéterminés. La majorité des paiements allégués par les appelants auraient été effectués à une période où la concluante ne tenait dans ses livres aucun compte au bénéfice de la société Aristophil. Il résulte des conclusions de sursis à statuer adverses que les griefs concernent le CIC et la Société générale. L'argument avancé selon lequel les banques devraient répondre ensemble des préjudices invoqués résultant du système Aristophil, « indépendamment de l'encaissement des chèques de telle ou telle victime par telle ou telle banque », est contraire aux règles applicables en matière de responsabilité civile qui exigent la preuve de la réunion de trois éléments à savoir une faute, un préjudice et un lien de causalité entre les deux précédents. Le LCL ne peut avoir qualité à défendre que si une faute lui est reprochée ce qui implique de justifier que les appelants auraient émis un/des chèques en faveur d'Aristophil qui auraient été encaissés dans les livres du LCL. À cet égard, les pièces adverses ne comprennent aucun chèque qui aurait été émis par l'un des 30 appelants à la présence instance et qui aurait été encaissé par LCL pour le compte d'Aristophil. Les appelants ne justifient ainsi d'aucun lien avec le LCL, qui n'a donc pas qualité à défendre à ce litige qui ne le concerne pas.

Le LCL fait valoir dans un deuxième temps que les appelants ne justifient d'aucun intérêt à agir. Il ne ressort pas des allégations des consorts [GG], [KL] et [XF] qu'un compte au nom d'une société Aristophil aurait été ouvert dans les livres du LCL, ces derniers ne produisant aucun élément de preuve. L'intérêt à agir n'est pas non plus justifié pour l'ensemble des appelants au titre de la période allant du mois de novembre 2011 à juillet 2012, au cours de laquelle un compte au nom d'une société Aristophil aurait été ouvert dans les livres du LCL. Enfin, aucun des appelants ne justifie avoir émis un chèque au bénéfice d'Aristophil qui aurait été encaissé dans les livres du LCL.

Le LCL fait valoir, dans un troisième temps, l'absence de qualité à agir des appelants. En l'espèce, la société Aristophil a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 août 2015. Les appelants ont déclaré à cette procédure la créance tirée de leur achat auprès de la société Aristophil. Rien n'indique que ces créances aient été rejetées par le liquidateur. Les appelants ne justifient par ailleurs d'aucun certificat d'irrécouvrabilité des créances qu'ils allèguent qui leur aurait été remis par le liquidateur judiciaire. Le processus de cession des manuscrits d'Aristophil étant toujours en cours, il est possible que ces créances soient réglées, sans compter que des actions en revendications ont également été engagées, et avec succès s'agissant notamment des propriétaires de collections « Amadeus ». Il résulte de ce qui précède que les appelants, s'étant placés sous le régime de la procédure collective, ne peuvent plus agir singulièrement pour obtenir paiement de leur créance, faute de démontrer un préjudice propre et distinct. Les appelants ne réclament ainsi pas un préjudice individuel fondé sur un intérêt distinct de celui des autres créanciers puisqu'ils sollicitent en réalité la réparation d'une fraction du préjudice collectif subi par les créanciers qui résulterait selon eux des manquements des banques. Seul le liquidateur aurait donc qualité à agir pour obtenir le règlement de ces créances, à supposer qu'il juge légitime une pareille initiative. Le LCL fait aussi valoir, en réponse aux dernières conclusions des appelants, que la jurisprudence de la Cour de cassation relative au préjudice moral des investisseurs n'est pas transposable au cas d'espèce. Par ailleurs, le moyen selon lequel seul le liquidateur judiciaire pourrait se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de son monopole d'action en visant plusieurs décisions de la Cour de cassation serait erroné. Il n'est ainsi nullement indiqué dans les décisions susvisées que seul le liquidateur judiciaire serait habilité à se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée de son monopole d'action, ce qui n'aurait d'ailleurs aucun sens, l'argument étant précisément utile lorsque le liquidateur judiciaire est absent de la procedure. Si les appelants prétendent également que le liquidateur judiciaire ne bénéficierait du monopole qu'en présence des seules actions visées à l'article L. 622-21 du code de commerce, cette argumentation serait elle aussi erronée en ce que le liquidateur judiciaire a bien qualité à agir à l'encontre de tiers afin de reconstituer l'actif de son administré s'il estime que ces derniers lui sont redevables, comme l'estiment les appelants dans le cadre de la présente procédure.

My Money Bank fait valoir, sur l'intérêt à agir des appelants et sa qualité à défendre, qu'en l'espèce, les appelants ont agi à l'encontre de My Money Bank sans justifier d'aucun lien ni entre eux et MY Money Bank. Par ailleurs, s'agissant des relations entre Aristophil et My Money Bank, chacun des appelants doit, pour être recevable, montrer que son chèque ou virement correspondant à son investissement dans Aristophil a été encaissé dans un compte Aristophil ouvert dans les livres de My Money Bank. Or, cette démonstration est absente de leurs écritures. En outre, leurs écritures ne contiennent aucun élément précis sur les faits qui seraient reprochés spécifiquement à My Money Bank. Les appelants n'ont donc aucun intérêt légitime et actuel pour agir à l'encontre de My Money Bank, faute d'établir la qualité à défendre de My Money Bank. Dans leur assignation et dans leurs conclusions postérieures, dont celles d'appel, les appelants se contentent de solliciter la condamnation in solidum de My Money Bank et des autres établissements de crédit, sans apporter la moindre précision sur les motifs d'engagement de la responsabilité de My Money Bank par rapport à celle des autres établissements de crédit.

My Money Bank fait valoir, sur la qualité à agir des appelants, qu'en l'espèce, le caractère collectif des présumés préjudices est tout d'abord attesté par le fait que plus de 2 000 autres demandeurs ont engagé une action, contre les mêmes défendeurs, sur les mêmes fondements, et aux mêmes fins. Les appelants sont dans un cas parfaitement analogue à une affaire préalablement tranchée par la cour d'appel de Paris, ayant refusé de reconnaître la qualité à agir des appelants. Il y a une identité parfaite entre les préjudices allégués dans le cadre de la présente action et les créances déclarées dans le cadre de la procédure collective. Les préjudices allégués par les appelants sont nés de la procédure collective et communs à tous les créanciers. En outre, il est évident que cette action est directement liée à l'ouverture du redressement puis de la liquidation judiciaire de la société Aristophil : si cette dernière avait pu honorer ses engagements financiers envers les appelants, ceux-ci n'auraient jamais cherché à obtenir une quelconque indemnisation auprès de ses banques. En outre, les jurisprudences citées par les appelants ne sont pas transposables au cas d'espèce dès lors que dans les deux affaires ayant donné lieu à ces décisions, les demandeurs étaient liés par un contrat au défendeur contre lequel ils formaient des demandes, ce qui justifiait le caractère personnel de leur préjudice et son lien direct avec les agissements fautifs de ces tiers. Or, en l'espèce, les appelants n'ont pas de lien contractuel avec My Money Bank. En réponse aux dernières conclusions des appelants, My Money Bank fait aussi valoir que les jurisprudences visées par ces derniers ne sont pas applicables en l'espèce, les jurisprudences visées ne concernant pas le monopole du liquidateur judiciaire tel que défini à l'article L. 622-20 du code de commerce mais le dessaisissement du débiteur en procédure collective en vertu de l'article L. 641-9 du code de commerce. Par ailleurs, le fait que les appelants estiment que le point de départ de leur délai de prescription coïncide avec le début des opérations de la liquidation judiciaire confirme qu'ils attendent du liquidateur le paiement des préjudices invoqués envers les intimés, correspondant à leurs créances déclarées. Contrairement à ce que prétendent les appelants, tous les créanciers de la société Aristophil pourraient se présenter comme des victimes au pénal de la société Aristophil, dès qu'une faute pénale sera caractérisée à son encontre, en ce compris les intimés eux-mêmes. Enfin, les jurisprudences citées par les appelants afin de justifier de leur demande de préjudice moral ne sont pas applicables au cas d'espèce.

La Société générale fait valoir dans un premier temps son défaut de qualité à défendre. En l'espèce, les appelants sollicitent la condamnation solidaire des six établissements bancaires défendeurs à l'instance, en ce compris la Société générale. La solidarité, mode d'exécution des réparations civiles, requiert de prouver que le dommage résulte directement d'une faute unique commise par plusieurs personnes, ou d'un ensemble de fautes indivisibles ou connexes. A contrario, dans le cas où l'on peut attribuer le dommage à la seule faute de l'un des prétendus coauteurs, la condamnation in solidum doit être écartée. Au cas particulier, chacun des investissements, dont les appelants sollicitent aujourd'hui la réparation, n'a été encaissé que sur un seul compte bancaire ouvert, selon les cas, dans l'une des banques de la société Aristophil. Le dommage allégué par chaque appelant ne trouve donc sa source que dans la prétendue faute du seul établissement bancaire ayant encaissé son investissement. Dès lors que ces dommages ne peuvent être indivisément causés par plusieurs banques, la condamnation ne peut, par conséquent, être solidaire. Par ailleurs, la société Aristophil n'a ouvert qu'en mars 2011 un compte bancaire auprès de la Société générale, cette dernière ne pouvant dès lors avoir qualité à défendre pour les investissements intervenus antérieurement. Les règles de la responsabilité civile commandent que ne peut être engagée la responsabilité civile à défaut d'apporter la preuve d'une faute imputable à un défendeur donné, d'un préjudice et d'un lien de causalité les unissant. La Société générale ne peut se voir reprocher un défaut de surveillance d'un compte tenu par une autre banque, et donc une faute qu'elle n'aurait pas personnellement commise dont il résulterait un préjudice qui, par définition, serait étranger à ses agissements.

La Société générale fait valoir, dans un deuxième temps, le défaut d'intérêt à agir des appelants. En l'espèce, les appelants recherchent la responsabilité de la Société générale en sollicitant sa condamnation in solidum avec celle des autres établissements de crédit attraits à la procédure, mais sans établir la preuve que les fonds qu'ils disent avoir versés à la société Aristophil auraient spécifiquement transité par un compte tenu par la Société générale. De nombreux appelants ne justifient pas non plus d'un quelconque versement au profit de la société Aristophil et donc de la réalité de leur investissement. Par conséquent, ils n'ont pas intérêt à invoquer l'existence d'une prétendue faute de la Société générale et à se prévaloir d'un préjudice en résultant.

La Société générale fait valoir, dans un troisième temps, le défaut de qualité à agir des appelants. En l'espèce, la société Aristophil a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 août 2015. Or, les appelants se prévalent d'un préjudice consistant dans l'impossibilité de recouvrer leur créance en principal et en intérêts sur la société Aristophil, et donc d'un préjudice par définition collectif, ce que confirme le fait que chaque appelant agisse sur un même fondement juridique et se prévale d'un préjudice identique dans son principe et ses modalités de calcul, et qui correspond bien au montant de leur créance en principal et en intérêts sur la société Aristophil. Dès lors que les appelants ont reproché, notamment aux termes de l'assignation, à la Société générale d'avoir participé à la création et à l'exploitation d'un système frauduleux, les fautes alléguées auraient dû porter préjudice à tous les créanciers de la société Aristophil en lui permettant d'exercer une activité structurellement déficitaire. Partant, les appelants ne justifient pas d'un préjudice spécifique. De même, le préjudice moral allégué par les appelants, résultant du stress généré par la perte de leurs économies, n'est que l'accessoire de ce préjudice collectif. Les appelants ne peuvent sérieusement soutenir que le liquidateur judiciaire de la société Aristophil ne pourrait pas engager une telle action dès lors qu'il serait en conflit d'intérêts à défaut de précision du fondement juridique ou factuel d'une telle accusation. Par conséquent, seul le liquidateur de la société Aristophil serait recevable à agir en justice contre les intimés pour obtenir la réparation d'éventuels préjudices causés à ladite société, puis procéder ensuite à la distribution de ces sommes aux appelants en qualité de créanciers de la société Aristophil. Le fait que le liquidateur judiciaire n'ait pas non plus agi en responsabilité contre les intimés neuf ans après l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Aristophil témoignerait aussi du fait qu'il aurait jugé une telle action manifestement vouée à l'échec, voire abusive. Enfin, les jurisprudences invoquées par les appelants afin d'étayer leur argumentation ne portent pas sur la qualité qu'a le seul liquidateur judiciaire pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, mais sur le dessaisissement du débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens du fait de l'ouverture de la liquidation judiciare, et sont donc hors sujet.

Le CIC fait valoir, en ce qui concerne la qualité à agir des appelants, que la société Aristophil a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire le 16 février 2015, convertie, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 5 août 2015, en liquidation judiciaire. Maître [NV] [GI] et Maître [Y] [N] ont été désignés en qualité de liquidateurs judiciaires. À compter de cette désignation, en vertu des articles L. 622-20 et L. 641-4 du code de commerce, les deux liquidateurs détiennent un monopole pour reconstituer l'actif de la société Aristophil. Ils sont les seuls à avoir qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers. Ainsi, toutes les actions individuelles des créanciers d'une société en liquidation auprès de tiers ont été considérées en jurisprudence comme irrecevables au motif que les créanciers n'étaient pas en mesure de prouver un préjudice propre et distinct de ceux des autres créanciers de la société en liquidation. En l'espèce, les appelants sont irrecevables à agir, en raison du monopole du liquidateur. Il n'est pas tolérable que chaque créancier d'une liquidation se permette d'agir individuellement, aux lieu et place du liquidateur, en vue de contourner la procédure de liquidation judiciaire et ainsi de « court-circuiter » les modalités d'ordre public d'indemnisation des créanciers en fonction de leur privilège et de leur rang. Les appelants prétendent, dans leurs dernières conclussions, que les intimés seraient irrecevables à agir pour défaut de qualité à agir, seul le mandataire pouvant se prévaloir d'une telle fin de non-recevoir. Or, l'article L. 641-9 du code de commerce qu'ils citent est relatif au dessaisissement du débiteur en procédure collective et n'a rien à avoir avec la règle du monopole d'action du liquidateur posée par les dispositions de l'article L. 622-20 du même code, la jurisprudence citée n'étant, par ailleurs, pas transposable au cas d'espèce. En outre, les appelants n'ont jamais communiqué aucune pièce justifiant de leur préjudice moral.

Le CIC fait valoir, en ce qui concerne sa qualité à défendre qu'à supposer que les appelants réussissent à démontrer qu'ils subissent un préjudice distinct des autres créanciers de la liquidation judiciaire, il sera constaté que le CIC n'a pas qualité à défendre contre des faits et des griefs qui sont parfaitement indéterminés. En effet, les appelants ont assigné sept banques « en bloc », sans se préoccuper de savoir si la remise des fonds avait eu lieu au sein de comptes ouverts dans les livres du CIC. Une grande partie des investissements prétendument réalisés auprès de la société Aristophil par les appelants a été effectuée à une période où cette dernière ne détenait pas de compte bancaire dans les livres du CIC.

IV ' Sur la prescription de l'action des appelants

Les appelants soutiennent contre la prescription soulevée que le point de départ ne peut être antérieur à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire car c'est à compter de cette date qu'ils ont connu les faits leur permettant d'exercer leur droit à savoir la surévaluation des collections. L'assignation délivrée par les concluants par exploit d'huissier du 14 février 2020 a interrompu le délai de prescription ce qui signifie qu'à compter du 14 février 2020 un nouveau délai de 5 ans a commencé à courir.

En tout état de cause, le nouveau délai de prescription de 5 ans n'a pas non plus commencé à courir dès lors que l'assignation délivrée le 18 janvier 2021 a elle-même également interrompu le délai de prescription ayant été délivrée avant l'écoulement du délai de prescription.

Le Crédit coopératif fait valoir qu'en vertu de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». En matière de responsabilité, la prescription d'une action court à compter du jour où la personne qui se prétend victime est censée savoir qu'elle est susceptible d'avoir subi un dommage ou un comportement fautif. Les appelants semblent reprocher aux banques d'avoir tenu un compte au bénéfice de la société Aristophil sans exercer l'obligation de vigilance qui leur incomberait. À supposer qu'une telle faute des banques puisse être caractérisée, laquelle consisterait à ne pas avoir averti les clients d'Aristophil sur le caractère risqué des paiements qu'ils ont ordonnés, ce ne pourrait être qu'à la date de ces règlements qu'il faudrait fixer le point de départ du délai de prescription de l'action. Or aucun des paiements allégués n'étant intervenu après 2014, soit moins de cinq ans avant la date de l'assignation du 4 août 2020, l'action des appelants est indiscutablement prescrite. Les déclarations de créances des appelants ne sauraient non plus avoir un effet interruptif.

La Banque palatine fait valoir que l'appréciation du point de départ de la prescription suppose de définir le comportement normalement diligent d'un investisseur autonome qui s'engage sur un marché non régulé. Si les appelants s'étaient comportés en investisseurs normalement diligents, ils auraient dû avoir connaissance du caractère totalement fantaisiste des prix des manuscrits et des plus-values promises, le point de départ de la prescription devant donc correspondre à cette date. Les appelants contestent ce point de départ du délai de prescription en soutenant qu'il ne peut être fixé qu'au jour où l'investisseur a eu connaissance de la surévaluation des 'uvres. Cette appréciation est cependant décorrélée de la réalité du dossier, dans lequel les demandeurs, bien avant, cette date, avaient d'ores et déjà assigné deux des banques d'Aristophil, à savoir le CIC et la Société générale. En outre, ce qui a convaincu les appelants d'investir auprès de la société Aristophil, n'est pas la valeur des manuscrits achetés, mais la promesse de rachat dont ils croyaient bénéficier. Tout investisseur diligent et autonome sur un marché non régulé doit se tenir informé pendant la durée de son investissement. Cette obligation vise des éléments propres à la notoriété ainsi qu'à l'évolution du marché. Les appelants ont communiqué, au titre de leurs pièces « communes », la lettre du 4 décembre 2014, cette date correspondant par ailleurs à la date à laquelle les investisseurs ont su que le rachat n'était plus envisageable. C'est donc à cette date qu'ils pouvaient agir contre les intimés. À titre infiniment subsidiaire, les appelants pouvaient agir à l'encontre de la Banque palatine à l'ouverture du redressement judiciaire dont a bénéficié la société Aristophil. Fixer le point de départ de la prescription à l'ouverture de la liquidation judiciaire reviendrait à considérer que la connaissance des irrégularités et préjudices allégués est attachée au sort définitif de l'entreprise et à sa capacité à se redresser, ce qui serait erroné. C'est donc au plus tard à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire que les appelants avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance (au sens de l'article 2224 du code civil) de l'existence des éléments fondant leur action à l'encontre des banques.

La Banque palatine fait valoir que les appelants tentent de justifier la recevabilité de leur action en proposant différents points de départ du délai de prescription, tous communs aux autres procédures, alors pourtant que la particularité de la présente instance est d'avoir été initiée après toutes les autres, le 5 août 2020 et qu'elle n'a pas fait l'objet de réassignation. Dès lors, vouloir fixer comme le font les appelants le point de départ au jour du redressement judiciaire est dans cette instance parfaitement conforme à l'argumentation des intimés, puisque le redressement judiciaire est antérieur de plus de 5 ans à l'assignation. En outre, en l'absence de réassignation, il n'y a pas lieu d'argumenter sur la péremption de l'instance initiale, puisque la présente instance est l'instance initiale. Les appelants soutiennent que le point de départ du délai de prescription doit être fixé en 2018, date à laquelle ils auraient eu connaissance de l'identité des banques teneurs de compte de la société Aristophil. Une telle affirmation n'est cependant corroborée par aucun élément justificatif et « l'année 2018 » ne peut constituer un point de départ pertinent à l'action des investisseurs. La Banque palatine fait aussi valoir que les appelants ont déjà agi dès 2015 à l'encontre de la Société générale et du CIC.

Le Crédit mutuel Arkéa fait valoir que l'action engagée par les appelants par assignation du 3 août 2020 est à l'évidence prescrite. C'est dès la date de réalisation de leurs investissements que la prescription de leur action en responsabilité délictuelle a commencé à courir puisque c'est dès cette date qu'ils connaissaient, à les suivre dans leur raisonnement, les faits leur permettant de l'exercer. Si par extraordinaire il devait être considéré que le point de départ de la prescription ne se situe pas au jour même de la réalisation des investissements, l'action n'en serait pas moins prescrite. Il est en effet établi que le 3 août 2020, date de l'assignation, les appelants connaissaient ou auraient dû connaître depuis plus de cinq ans les faits leur permettant d'agir. Le placement en redressement judiciaire de la société Aristophil, par jugement du tribunal de commerce de Paris du 16 février 2015, devrait en toute hypothèse constituer l'ultime point de départ du délai de prescription puisque c'est au plus tard à compter de ce redressement judiciaire que s'est matérialisée la perte, par ses clients, de tout ou partie de leurs investissements.

Le LCL fait valoir que c'est au jour de chacun des paiements que les appelants indiquent avoir effectué que la prescription de leur éventuelle action a commencé à courir. Aucun des paiements allégués n'étant postérieur au 3 août 2015, soit moins de cinq ans avant la date de l'assignation du 4 août 2020, l'action des appelants est donc prescrite. Les investisseurs étaient, par ailleurs, parfaitement informés de la situation d'Aristophil dès décembre 2014, date à laquelle ils auraient dû agir, de sorte que la prescription a été acquise le 4 décembre 2019.

My Money Bank fait valoir que l'action aurait pu être engagée dès la date des investissements des appelants (2009-2014), au moment des premières alertes publiques entre 2011 et 2014 , au moment du blocage des comptes de la société Aristophil survenu le 18 novembre 2014 (une jurisprudence allant dans ce sens étant parfaitement transposable au cas d'espèce), à compter de l'ouverture de l'information judiciaire en mars 2015, à compter de l'ouverture du redressement judiciaire en mars 2015 (les appelants reconnaissant eux-mêmes dans leurs dernières conclusions qu'il serait conforme à la jurisprudence de fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité lors de l'ouverture de la procédure collective) ou encore à compter de la publicité faite par les conseils des investisseurs les invitant à agir contre les banques dès le mois de mai 2015. Les appelants sont, en tout état de cause, prescrits. Les appelants prétendent qu'ils n'ont pu avoir connaissance de leur préjudice qu'à compter des premières ventes de manuscrit par les commissaires-priseurs en mai 2017. Ces arguments ne sauraient prospérer, notamment en considération du fait que les appelants avaient agi dès le mois d'octobre 2015 contre la Société générale et le CIC, cette action démontrant que les clients d'Aristophil connaissaient dès 2015 les faits leur permettant d'agir.

Par ailleurs et contrairement à ce que prétendent les appelants dans leurs dernières conclusions, ils n'ont pas assigné, dans le cadre de la présente instance, les intimés en février 2020 ou en janvier 2021 mais le 4 août 2020, tous leurs développements sur la péremption d'une instance introduite par d'autres demandeurs en février 2020 étant donc étrangers à la présente instance.

La Société générale reprend, en substance, les arguments de My Money Bank. Le point de départ de la prescription de l'action des appelants ne saurait tout au plus être fixé au-delà du mois de novembre 2014, comme l'a jugé la Cour de cassation concernant la prescription d'une action en responsabilité intentée par un investisseur ayant fait confiance à la société Aristophil. Si la cour venait à rejeter cet argument, le point de départ de la prescription ne saurait être fixé à une date ultérieure au 10 mars 2015, soit plus de 5 ans avant l'introduction de la présente instance par assignation du 4 août 2020, l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société Aristophil, dont les appelants se prévalent pour déterminer leurs préjudices, ayant été portée à leur connaissance par voie de publication le 10 mars 2015. Si les appelants relèvent qu'en vertu de la jurisprudence, le point de départ du délai de prescription de l'action des investisseurs ayant fait confiance à la société Aristophil est fixé à la date de notification du redressement judiciaire de cette société par son administrateur, ou de la publication du jugement d'ouverture de son redressement judiciaire, ou de l'ouverture de l'information judiciaire la concernant, ces dates sont toutes antérieures de plus de cinq ans à l'introduction de la présente procédure. Le point de départ du délai de prescription de l'action des appelants ne saurait être fixé à la mise en vente publique des manuscrits détenus par Aristophil, cette allégation étant contraire à la jurisprudence citée par les appelants dans leurs propres écritures et les appelants demandant eux-mêmes une indemnisation égale au montant de leur investissement, indépendamment de la valeur vénale des 'uvres qu'ils ont acquises.

Le CIC fait valoir que le point de départ du délai de prescription est le jour de chacun des paiements effectués par les appelants au bénéfice de la société Aristophil. Or, la prescription était acquise dès la fin de l'année 2019, puisqu'aucun investissement n'a été réalisé après le mois de décembre 2014. En toute hypothèse, l'intégralité de ces paiements est antérieure au 3 août 2015, soit 5 ans avant la date de l'assignation adverse. Toutefois, si par impossible et par extraordinaire la Cour devait considérer que le point de départ du délai de prescription n'est pas le jour de la réalisation de l'investissement mais la date à laquelle les appelants ont eu connaissance du dommage qu'ils prétendent avoir subi, il sera constaté que leurs demandes sont tout aussi prescrites. En effet, antérieurement au 3 août 2015 soit 5 ans avant la délivrance de l'assignation, de très nombreuses informations publiques étaient disponibles s'agissant de la société Aristophil ou des risques liés aux investissements atypiques à fort rendement, notamment dans les manuscrits et autographes. À ce titre, deux communiqués ont été publiés par l'AMF le 12 décembre 2012 et le 26 novembre 2013 mettant en garde les investisseurs contre les placements atypiques, au premier chef les manuscrits. L'AMF rappelait notamment qu'il n'existe pas de rendement élevé sans risque élevé.

V ' Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Les appelants font valoir que c'est à bon droit que le juge de la mise en état a rejeté la demande de My Money Bank, cette dernière ne rapportant pas la preuve d'un quelconque abus du droit des appelants d'ester en justice.

My Money Bank fait valoir qu'elle subit d'importants préjudices du fait de cette action infondée qui porte atteinte à son image et à sa réputation, ainsi qu'à son bon fonctionnement, dans le contexte financier et commercial très délicat de la crise actuelle. Il conviendra de réparer ces préjudices à hauteur de la somme de 10 000 euros.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé à l'ordonnance déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 30 janvier 2024.

CELA EXPOSÉ,

Sur la nullité de l'appel :

[MZ] [R] est décédé le [Date décès 32] 2023 et [FM] [XF] le [Date décès 74] 2022 (pièce no 7 du Crédit lyonnais).

En application des articles 117 et 119 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de capacité d'ester en justice. Par conséquent, l'acte délivré au nom d'une personne décédée et comme telle dénuée de la capacité d'ester en justice est affecté d'une irrégularité de fond. L'exception de nullité soulevée par les intimés doit être accueillie sans que ceux qui l'invoquent aient à justifier d'un grief. En conséquence, la déclaration d'appel formée au nom de [MZ] [R] et de [FM] [XF] sera annulée. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le désistement, au demeurant dépourvu de toute portée juridique.

Sur la nullité de l'assignation :

Par de justes motifs que la cour fait siens, le premier juge a constaté que l'assignation contient l'objet de la demande avec un exposé suffisant des moyens en fait et en droit, ainsi que la liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée dans un bordereau qui lui est annexé.

Par ailleurs, la cour observe à la suite du premier juge que le défaut de certaines des mentions requises dans l'assignation lorsque les requérants sont des personnes physiques, a été régularisé dans leurs dernières écritures, à l'exception toutefois de la mention de la profession de [IU] [MD] et de [IC] [WJ] née [SE]. Il n'en subsiste néanmoins aucun grief pour les intimés. En effet, leur responsabilité est recherchée par les appelants sur un fondement délictuel pour manquement à leur obligation de vigilance lors de l'ouverture et de la tenue des comptes de la société Aristophil, et non pour un manquement à des obligations auxquelles ces banques auraient été tenues à l'égard des demandeurs eux-mêmes. La qualité d'investisseurs avertis ou profanes de ces derniers, dont leur profession peut être un indice, est donc indifférente pour caractériser la faute reprochée aux intimés, pour les exonérer de leur responsabilité éventuelle, ou pour apprécier le préjudice allégué par les appelants.

L'ordonnance querellée sera confirmée en ce qu'elle rejette les exceptions de nullité de l'assignation.

Sur la recevabilité des demandes :

Sur la qualité pour agir :

Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

Aux termes de l'article 32 du même code, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Les intimés contestent la recevabilité des appelants en leurs demandes comme se heurtant au monopole des poursuites réservant au liquidateur la qualité pour agir dans l'intérêt collectif des créanciers.

Aux termes de l'article L. 622-20, alinéa premier, du code de commerce, le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers.

En vertu de l'article L. 641-4 du même code, le liquidateur peut introduire ou poursuivre les actions qui relèvent de la compétence du mandataire judiciaire. Le liquidateur exerce les missions dévolues à l'administrateur et au mandataire judiciaire par les articles L. 622-6, L. 622-20, L. 622-22, L. 622-23, L. 625-3, L. 625-4 et L. 625-8.

Il résulte de ces articles que le liquidateur a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, ces derniers ne pouvant agir individuellement en réparation de la fraction qui leur est personnelle du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers.

Ces dispositions sont d'ordre public, de sorte que toute partie est recevable à soulever la fin de non-recevoir qu'elles édictent, à défaut de quoi le juge doit la relever d'office en application de l'article 125 du code de procédure civile.

La société Aristophil a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 16 février 2015, puis en liquidation judiciaire par jugement en date du 6 août 2015.

Les demandeurs imputent la faute aux banques intimées de n'avoir pas mis en 'uvre toute mesure de nature à faire cesser la fraude commise par la société Aristophil, et de lui avoir au contraire donné les moyens de mettre en place une chaîne de Ponzi, caractérisée par « un taux de rendement véritable inférieur au taux de rendement promis aux investisseurs » (p. 19 de l'assignation). Ils exposent que, « comme toute structure pyramidale, le modèle Aristophil devait s'effondrer tôt ou tard » (p. 18 de l'assignation). « Une fois la fraude découverte, les mêmes causes aboutissent aux mêmes effets :

« ' Mise en liquidation judiciaire des sociétés animatrices ;

« ' Perte de la totalité des investissements par les épargnants et disparition des rendements annoncés » (p. 16 de l'assignation).

En définitive, les demandeurs reprochent aux banques d'avoir favorisé la diminution de l'actif ou l'aggravation du passif de la société Aristophil, résultat inéluctable de la fraude perpétrée par son président, [HE] [SG].

Les consorts [Z] et autres poursuivent la réparation de leur préjudice matériel correspondant, d'une part, à la « perte en capital des sommes confiées à la société Aristophil » ; d'autre part, à la « perte des rendements annoncés par la société Aristophil comme étant certains, en moyenne à un taux de 8,50 % par an » (p. 36 de l'assignation). Ils sollicitent enfin l'octroi d'une indemnité de 8 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral, ayant été affectés « par les conséquences désastreuses des fautes commises par les défenderesses ». Ils expliquent en effet qu'« il s'agit d'économies réalisées au cours d'une vie de travail, qui sont perdues en raison des fautes » commises par les banques (p. 42 de l'assignation).

Ces chefs de préjudice ne sont tous que la conséquence du défaut de payement par la société Aristophil des sommes dues à chacun des demandeurs en vertu de contrats conclus avant la date de cessation des payements, le 12 février 2015. Chacun poursuit ainsi la réparation de la fraction qui lui est personnelle du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers.

Les demandeurs recherchent en l'occurrence la responsabilité des banques pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture de la procédure collective de la société Aristophil, au passif de laquelle ils ont déclaré leurs créances. Ils ont engagé l'instance alors que la société Aristophil se trouvait en liquidation judiciaire.

Or, le liquidateur exerce seul l'action en réparation du préjudice résultant de la diminution de l'actif ou de l'aggravation du passif du débiteur causé par la faute d'un tiers, auquel il est reproché d'avoir, par ses agissements, favorisé cette diminution de l'actif ou cette aggravation du passif. Aucun créancier ayant produit n'est recevable à agir lui-même contre ce tiers en réparation du préjudice constitué par l'immobilisation de sa créance, inhérente à la procédure collective à laquelle il est soumis, et, notamment, par la perte des intérêts (Ass. plén., 9 juil. 1993, no 89-19.211).

Aussi bien les demandeurs sollicitent-ils la condamnation des établissements bancaires aux mêmes sommes que celles qu'ils ont déclarées à la procédure collective de la société Aristophil, à savoir les « montants investis » et « la majoration de leur investissement annoncé dans les contrats de garde », « sans préjudice des intérêts de retard, des dommages et intérêts et des frais de procédure » (pièce no 4 de My Money Bank : déclarations de créances). Ainsi que le fait valoir la Société générale, ils ne contestent pas que toute somme que les appelants seraient amenés à percevoir consécutivement à leurs déclarations de créance au passif de la société Aristophil viendra en déduction de l'indemnisation qu'ils réclament dans la présente instance.

Le préjudice par eux allégué tiré du défaut de paiement de leur créance par la société défaillante se confondant avec le préjudice subi par l'ensemble des créanciers, ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice personnel et distinct de celui de l'ensemble des créanciers du débiteur principal (Com., 7 juil. 2004, no 02-10.687).

Le premier juge a ainsi considéré à raison que les dommages invoqués par chacun des investisseurs ayant contracté avec la société Aristophil ne s'analysent pas en un préjudice personnel distinct du préjudice collectif subi par l'ensemble des créanciers de la liquidation judiciaire. Les appelants sont donc irrecevables en leurs demandes et l'ordonnance querellée mérite confirmation de ce chef.

Les consorts [Z] et autres étant irrecevables à agir, leurs demandes de jonction et de sursis à statuer sont sans objet.

Sur la prescription :

Les appelants agissent en responsabilité délictuelle contre les intimés auxquels ils reprochent d'avoir manqué à leur devoir de vigilance, donnant ainsi à la société Aristophil les moyens de poursuivre son activité illicite. Ils exposent que la fraude commise par [HE] [SG] a abouti à la mise en liquidation judiciaire de la société Aristophil, à la perte de la totalité des investissements par les épargnants, et à la disparition des rendements annoncés.

Ils demandent en conséquence la réparation de leur préjudice matériel correspondant, d'une part, à la perte en capital des sommes confiées à la société Aristophil ; d'autre part, à la perte des rendements annoncés par la société Aristophil comme étant certains, en moyenne à un taux de 8,50 % par an. Ils sollicitent enfin l'octroi d'une indemnité de 8 000 euros chacun au titre de leur préjudice moral consécutif à la perte de leur épargne.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.

En l'espèce, en considération de la nature occulte de la fraude dénoncée par les demandeurs, la prescription quinquennale de l'action des demandeurs ne saurait courir dès le jour de leurs investissements, mais seulement à compter de la date où ils ont su ou auraient dû savoir que la société Aristophil ne tiendrait pas ses engagements, qu'ils ne recouvreraient donc pas les capitaux placés, et ne percevraient pas les rendements espérés. Aussi bien les appelants reconnaissent-ils que la prescription doit courir à partir du jour où ils ont su qu'ils ne recouvreraient pas les sommes investies, ni les bénéfices ou rendements prévus, jour qu'ils fixent à la date du placement en liquidation judiciaire de la société Aristophil.

Il ressort cependant des éléments du dossier que l'Autorité des marchés financiers a alerté le public, par voie de communiqués de presse, sur le risque attaché aux placements atypiques tels que les lettres et manuscrits le 12 décembre 2012, le 26 novembre 2013, et spécialement sur l'activité de la société Aristophil le 20 novembre 2014 (pièces M3 à M5 des appelants ; pièce no 11 de la Banque palatine : Le Revenu, « Lettres, manuscrits et autographes : mise au point de l'AMF », 26 novembre 2014).

Par ailleurs, outre un article publié dans le journal Libération dès le 4 juin 2008 (pièce A-11 des appelants), l'Union fédérale des consommateurs - Que choisir s'est faite l'écho des mises en garde de l'Autorité des marchés financiers. Le 31 mars 2011, elle souligne dans un article le caractère ambigu des agissements de la société Aristophil (pièce N-1 des appelants). Le 6 décembre 2012, elle réitère sa mise en garde en publiant un article intitulé « Aristophil suspectée d'escroquerie et de blanchiment », faisant directement état de la fraude perpétrée par la société Aristophil, et d'une enquête préliminaire diligentée en Belgique, à la suite d'un signalement de la cellule de traitement des informations financières (pièce no 2 du Crédit coopératif). Les demandeurs reconnaissent eux-mêmes que « dès la publication de cet article, il est devenu patent que la société Aristophil se livrait à une fraude de grande envergure » (assignation p. 30).

Plus largement, la rentabilité des investissements proposés était mise en doute dans la presse à partir de 2013 :

Libération, « Aristophil gavé en lettres d'or », 1er février 2013 (pièce no 1 de la Banque palatine) ;

L'Express, « Vente de manuscrits : l'étrange système Aristophil », 7 mai 2013 (pièce no 2 de la Banque palatine) ;

Le Vif, « Petits ennuis judiciaires », 9 mai 2013 (pièce no 5 du Crédit coopératif) ;

Charlie Hebdo, « Ces niches fiscales qui transforment le papier en or », 15 octobre 2014 (pièce no 3 de la Banque palatine).

Puis la perquisition qui a eut lieu le 18 novembre 2014 au siège de la société Aristophil fut largement commentée, en France comme à l'étranger :

Le Point, « Descente de police au Musée des lettres et manuscrits », 18 novembre 2014 (pièce no 4 de la Banque palatine) ;

Le Parisien, « Soupçon d'escroquerie au Musée des lettres et manuscrits », 18 novembre 2014 (pièce no 5 de la Banque palatine) ;

Libération, « La justice écorne Aristophil, le roi du manuscrit », 20 novembre 2014 (pièce no 6 de la Banque palatine) ;

UFC ' Que Choisir, « Aristophil : le temps des perquisitions », 20 novembre 2014 (pièce no 7 de la Banque palatine) ;

AFP, « Placer son épargne dans des manuscrits ' La justice a des doutes », 25 novembre 2014 (pièce no 7 du Crédit coopératif) ;

Challenges, « L'empereur des manuscrits finira-t-il comme Madoff ' », 27 novembre 2014 (pièce no 9 du Crédit coopératif) ;

Déontofi, « Lettres et manuscrits, touchez pas au grisbi ! », 28 novembre 2014 (pièce no 8 de la Banque palatine) ;

Libération, « Aristophil, chefs-d''uvre sous scellés »,1er décembre 2014 (pièce no 10 du Crédit coopératif) ;

Les Échos, « Lettres et manuscrits : les investisseurs floués », 3 décembre 2014 (pièce no 9 de la Banque palatine) ;

L'Obs, « Affaire Aristophil : [HE] [SG], le Madoff des lettres ' »,7 décembre 2014 (pièce no 12 du Crédit coopératif ; pièce K des appelants) ;

Le Temps, « Aristophil, l'arnaque aux manuscrits », 11 février 2015 (pièce no 10 de la Banque palatine).

Il importe enfin de relever que la société Aristophil elle-même a adressé à l'ensemble de ses clients investisseurs le 4 décembre 2014 une lettre faisant état de l'enquête diligentée contre elle, aux termes de laquelle elle précisait, tout en protestant vigoureusement, que « le blocage de tous nos comptes bancaires asphyxie notre société, nous met dans l'impossibilité de régler les salaires, de régler les options d'achat en cours, pour ceux d'entre vous qui avaient demandé la revente de leurs collections ou de leurs parts d'indivision. [...] Ne plus pouvoir régler les salaires et les fournisseurs oblige une entreprise au capital de 30 millions d'euros à demander dans un premier temps le redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce de Paris » (pièce J des appelants).

Au plus tard à cette dernière date, les demandeurs ne pouvaient ignorer avoir été victimes d'une proposition frauduleuse d'investissement que la société Aristophil avait conçu et fait distribuer.

Ainsi que le soulignent les intimés, le délai de prescription de l'action dirigée contre eux n'a pas été interrompu par les déclarations de créance des demandeurs au passif de la société Aristophil, le 7 mai 2015. En effet, pour être interruptive de prescription, une demande en justice doit être dirigée contre celui qu'on veut empêcher de prescrire.

En conséquence, pour ce motif également, les appelants sont irrecevables en leur action introduite après le 4 décembre 2019, date à laquelle la prescription est acquise.

Sur la qualité pour défendre :

Au visa des article 31 et 32 précités du code de procédure civile, le Crédit mutuel Arkéa conteste la recevabilité des appelants en leurs demandes comme étant dirigées contre une partie sans qualité à défendre.

Les demandeurs recherchent la responsabilité du Crédit mutuel Arkéa en qualité d'établissement bancaire teneur de compte de la société Aristophil, ayant encaissé les fonds remis par les investisseurs. L'intimé nie avoir ouvert aucun compte au nom de la société Aristophil.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe aux appelants de prouver que la société Aristophil était titulaire d'un compte dans les livres du Crédit mutuel Arkéa. À cette fin sont versés aux débats copie de chèques émis au profit de la société Aristophil, ainsi que des lettres des banques tirées affirmant que ces chèques ont été encaissés par « la banque Crédit mutuel Arkéa » ou par « le Crédit mutuel », étant observé que le verso desdits chèques porte la mention « ARKEA SA » (pièce Q des appelants).

La société Crédit mutuel Arkéa explique qu'en exécution de conventions de prestation de service conclues entre le Crédit mutuel Arkéa et la société Arkéa Banque Entreprises & Institutionnels (ABEI), la première fournit en qualité de prestataire à la seconde un service de réception, numérisation, archivage et traitement des chèques émis au bénéfice des clients de la société ABEI. Elle verse ces conventions aux débats (pièce no 28 de l'intimé).

Le Crédit mutuel Arkéa justifie ensuite, par les bordereaux de remise correspondants portant également la mention « ARKEA SA » (pièce no 30 de l'intimé), que les chèques faisant l'objet des attestations précitées ont été encaissés par la société Aristophil sur son compte no 1357110240 tenu par la société ABEI.

Étant ainsi démontré que le Crédit mutuel Arkéa n'a pas tenu le compte de la société Aristophil, il n'a pas qualité à défendre à l'action. Les demandes dirigées contre lui seront de plus fort déclarées irrecevables.

L'ordonnance entreprise mérite donc confirmation en ce qu'elle déclare irrecevables les demandes des consorts [Z] et autres, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant les autres fins de non-recevoir soulevées par les intimés.

Sur l'abus d'ester :

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages et intérêts que lorsque est caractérisée une faute en lien de causalité directe avec un préjudice. En l'espèce, un tel comportement de la part des appelants n'est pas caractérisé, aucun élément n'appuyant l'assertion de la société My Money Bank selon laquelle la procédure intentée contre elle par les consorts [Z] et autres aurait pour unique but de nuire à sa réputation et à son bon fonctionnement. L'ordonnance critiquée sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Les appelants, hormis les défunts, en supporteront donc la charge in solidum.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :

1o À l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2o Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent.

La somme allouée au titre du secundo ne peut être inférieure à la part contributive de l'État majorée de 50 %.

Sur ce fondement, les appelants seront déboutés de leurs demandes et condamnés in solidum, hormis les défunts, à payer à chacun des intimés la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

DÉCLARE nulle la déclaration d'appel de [FM] [XF] et de [MZ] [R] ;

CONFIRME l'ordonnance ;

Y ajoutant,

DÉCLARE [NV] [Z] épouse [DV], [PO] [DV], [XH] [GG], [IA] [TY] épouse [GG], [H] [M], [UU] [O] veuve [YD], [WN] [AL], [HE] [AY], [H] [RI] épouse [AY], [AB] [TC], [YZ] [TC], [MF] [V] épouse [AG], [VS] [AG], [NB] [T] épouse [AG], [U] [AG], [OR] [X], [US] [A], [YB] [X], [NX] [X], [MZ] [R], [KN] [R], [G] [W], [HC] [KL], [MH] [KL], [VP] [BG], [FM] [XF], [IA] [XF], [B] [XF], [IU] [MD], et [IC] [WJ] née [SE] irrecevables pour être prescrits en leurs demandes ;

DÉCLARE les mêmes irrecevables en leurs demandes dirigées contre la société Crédit mutuel Arkéa pour défaut de qualité à défendre ;

CONDAMNE in solidum les mêmes, hormis [FM] [XF] et [MZ] [R], à payer à chacune des sociétés Crédit industriel et commercial, Société générale, Banque palatine, My Money Bank, Le Crédit lyonnais, Crédit coopératif et Crédit mutuel Arkéa la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les mêmes, hormis [FM] [XF] et [MZ] [R], aux dépens, dont distraction au bénéfice de maître Nicolas Bauch-Labesse, avocat au barreau de Paris, et, pour les dépens d'appel, au bénéfice de la société civile professionnelle AFG, avocat au barreau de Paris ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT