Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 5, 24 avril 2024, n° 19/08899
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° /2024, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08899 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72LL
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 octobre 2018 - tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2016080081
APPELANTE
S.A.S. ND BATIMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée et assistée à l'audience par Me Jean-sébastien TESLER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau D'ESSONNE
INTIMEE
S.A.R.L. VM INVESTIR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe REZEAU de la SELARL QUANTUM IMMO, avocat au barreau de PARIS, toque : L158
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe REZEAU, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience Me Louis DE MEAUX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente faisant fonction de conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 02 novembre 2023 et prorogé plusieurs fois jusqu'au 24 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La société SAS ND Bâtiment, dirigée par Monsieur [K] [S] [F], a pour activité les travaux dans le bâtiment.
La société SARL VM Investir a pour gérant Monsieur [R] [G] et pour activité la vente, l'achat, la location et l'échange de tous biens immobiliers.
Monsieur [K] [S] [F] et Monsieur [R] [G] sont par ailleurs associés d'une société civile immobilière crée en 2006, la SCI NPV.
Un devis n°DVS062 en date du 3 mars 2014 a été émis par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir 43 [Adresse 3] pour un projet de construction d'un chalet n°2 chantier [Adresse 9] au prix de 409 663,26 euros HT soit 491 595,91 euros TTC, portant la signature des représentants et le cachet des deux sociétés en date du 4 mars 2013.
Ce devis exclut les plans d'architecte, les plans Bureau d'Etudes et plans d'exécution, indiqués comme étant à la charge du Maître d'Ouvrage ; il mentionne les lots Implantation, terrassement, VRD, Gros-'uvre, Escalier béton, Maçonnerie, Plancher sous-sol, Montage de la construction en briques, Charpente et Couverture, Bardage vieux bois, Menuiserie extérieures bois et vitrage, Isolation intérieure, Escalier intérieur bois métal inox, Plomberie, Chauffage, Chape Flottant sur plancher chauffant, Electricité.
Certains postes ont été raturés à la main et des mentions de prix sont ajoutées manuscritement sans toutefois être contresignées des parties.
Une facture FCT139 a été émise le 8 février 2015 par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir, [Adresse 3], pour le projet de construction de chalet n°[Adresse 1] (sic) portant sur les mêmes lots à hauteur de 145 499,87 euros HT mentionnant un acompte de 41 666,67 euros soit un solde TTC de 124 599,84 euros.
Un devis n° DVS 058 du 3 mars 2014 a été émis par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir 43 [Adresse 3] pour un projet de construction d'un chalet n°1 chantier [Adresse 9] (sic) au prix de 432 725,77 euros HT soit 519 270,92 euros TTC, portant la signature des représentants et le cachet des deux sociétés le 4 avril 2013.
Ce devis exclut les plans d'architecte, les plans Bureau d'Etudes et plans d'exécution indiqués comme étant à la charge du Maître d'Ouvrage et mentionne les lots Implantation, Terrassement, VRD, Gros-'uvre, Escalier béton, Maçonnerie, Plancher sous-sol, Montage de la construction en briques, Charpente et Couverture, Bardage vieux bois, Menuiserie extérieures bois et vitrage, Isolation intérieure, Escalier intérieur bois métal inox, Plomberie, Chauffage, Chape Flottant sur plancher chauffant, Electricité.
Ce devis comporte également des ratures pour certains postes et des mentions manuscrites de prix non contresignées.
Une facture n°FCT138 du 8 février 2015 a été établie pour le projet de construction du chalet n°1 à hauteur de 260 219,55 euros HT mentionnant un acompte de 233 333,33 euros représentant un solde dû de 26 886,22 euros soit 32 263,46 euros TTC.
Le 24 juin 2013 un devis SV063 a été établi par la société ND Bâtiment pour un projet de construction de deux chalets situés chantier [Adresse 9] au prix global de 759 766,21 euros HT soit 908 680,39 euros TTC. Il porte la signature des deux représentant des sociétés et leur cachet et ne comporte aucune mention manuscrite hormis le Bon pour Accord de la société VM Investir.
Les plans de masse du chalet 1 et [Adresse 2] et le plan du sous-sol du Chalet 1 avec le cartouche de l'architecte [D] [L] ont été établis le 10 mars 2014.
Le rapport initial de contrôle technique pour les deux chalets était rédigé le 10 juin 2014 par la société Alpes Contrôles.
La société ND Bâtiment a émis un devis DVS077 le 30 septembre 2014 pour des travaux supplémentaires concernant le chalet n°1 et n°2 situés chantier chemin d'Arbon à [Localité 10] au prix de 65 728,85 euros HT soit 78 874,62 euros TTC.
Ce devis transmis à la société VM Investir, Monsieur [G] le même jour n'est pas signé.
Par un courrier du 12 novembre 2015, la société VM Investir, aux visas des devis DVS 063, DVS 062 et DVS 058 notifiait à la société ND Bâtiment la réception du chantier prévue au 1er décembre à 16 heures 30.
La société ND Bâtiment répondait le 19 novembre 2015 : " Nous ne pouvons pas vous remettre un PV de réception. C'est au Maître d''uvre M. [D] [L] (Architecte DESA) [Adresse 4]. Nous sommes prêts à faire un PV de réception final en présence du Maître d''uvre qui avait été missionné pour le projet Contamines [Localité 8] d'Arbon 74 120 [Localité 10] ( Chalet 1 et Chalet 2 Ref Devis DVS058 et DVS062. Nous ferons réception des ouvrages uniquement celles que l'entreprise ND Bâtiment tous corps d'état a réalisé sur votre chantier. Puisque d'autres sociétés sont intervenues sur le chantier.
Je tiens à vous informer que je suis toujours dans l'attente de votre règlement pour les factures FCT 138 d'un montant de 32 263,46 euros et de la FCT 139 d'un montant de 124 599,84 euros.
Nous sommes toujours en attente du rapport final du contrôle technique des ouvrages projet Contamines [Localité 8] d'Arbon 74 120 [Localité 10] Chalet 1 et Chalet 2. "
Le conseil de la société ND Bâtiment envoyait à la société VM Investir par lettre recommandée du 6 janvier 2016 une mise en demeure de régler la somme totale de 156 863,30 euros au titre du solde du prix des travaux réalisés pour la réalisation des deux chalets sis [Adresse 9] indiquant attendre ce règlement depuis le mois de février 2015.
Par exploit du 9 décembre 2016 la Sarl ND Bâtiment a fait assigner la société VM Investir en paiement de la somme de 156 863,30 euros TTC au titre des factures FCT 138 et FCT139 assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2016 outre 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-exécution de l'obligation lui incombant, 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et l'exécution provisoire.
Le jugement prononcé par la 9ème chambre du Tribunal de Commerce de Paris a ainsi statué :
" Déboute la SARL-ND BATIMENT Tous Corps d'Etat de sa demande principale,
Déboute la SARL VM INVESTIR de sa demande reconventionnelle,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit qu'il n'y a donc lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Condamne la SARL ND BATIMENT Tous Corps d'Etat aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer parle greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA. "
La société ND Bâtiment a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 23 avril 2019.
Par conclusions signifiées le 20 novembre 2020, la société ND Bâtiment demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1104 du Code Civil,
Vu les articles 1231-1 et 1231-6 du Code Civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
o Dire et juger la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat recevable et bien fondée en toutes ses demandes
o Débouter purement et simplement la société VM INVESTIR de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions
EN CONSEQUENCE :
o Confirmer le jugement rendu le 29 octobre 2018 en ce qu'il a :
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande de condamnation de la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat à lui verser la somme de 86 760,58 euros TTC à titre de dommages et intérêts ;
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande de condamnation de la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice financier ;
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
o Infirmer le jugement rendu le 29 octobre 2018 en ce qu'il a :
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de sa demande de condamnation de la société VM INVESTIR au paiement de la somme de 156 863,30 euros TTC ;
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamné la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat aux dépens.
o Le confirmer pour le surplus.
LE REFORMANT EN CONSEQUENCE SUR LES POINTS EVOQUES ET Y AJOUTANT :
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 156 863,30 euros TTC ;
A titre subsidiaire, condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 562 103,22 euros TTC correspondant au solde du marché selon devis initiaux signés et non contestés par la société VM INVESTIR ;
A titre très subsidiaire, condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice financier, en raison de l'exécution déloyale du contrat et de sa négociation menée de mauvaise foi ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts pour non- exécution de son obligation de paiement, en application de l'article 1231-1 du Code Civil ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, en application de l'article 1231-6 du Code Civil ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 8000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que la somme de 8000 euros au titre du même article, en cause d'appel ;
Condamner la société VM INVESTIR aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de la SELARL AD LITEM JURIS, représentée par Maître [Y] [U], en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions signifiées le 30 novembre 2020 la société VM Investir demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1793 du Code civil,
Vu la jurisprudence visée applicable aux débats,
DECLARER la Société ND BATIMENT irrecevable et mal fondée en son appel,
CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a :
o dit que la Société ND BATIMENT ne rapporte pas la preuve que des travaux supplémentaires ont été acceptés par écrit par la Société VM INVESTIR, et qu'un accord est intervenu sur leur prix ;
o dit qu'il n'y a pas d'obligation au paiement de la Société VM INVESTIR pour les travaux supplémentaires dont la Société ND BATIMENT se prévaut,
o débouté la Société ND BATIMENT de sa demande principale formée à ce titre.
INFIRMER le Jugement en ce qu'il a :
o débouté la Société VM INVESTIR de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais exposés en sus du marché de travaux confié à la Société ND BATIMENT,
o débouté la Société VM INVESTIR de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier.
Et statuant à nouveau :
o constater la faute commise par la Société ND BATIMENT dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de la Société VM INVESTIR,
o constater le préjudice consécutif causé par la Société ND BATIMENT à la Société VM INVESTIR,
o dire et juger abusive la résiliation unilatérale du contrat par la Société ND BATIMENT, o condamner la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR la somme de 86.760,58 euros TTC à titre de dommages-intérêts en règlement des frais exposés en sus du marché de travaux qu'elle lui avait confié, outre les intérêts aux taux légal,
o condamner la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
DEBOUTER la Société ND BATIMENT de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,
CONDAMNER la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER la Société ND BATIMENT aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Philippe REZEAU, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
La clôture était prononcée le 7 février 2023.
SUR QUOI,
LA COUR
1- La demande principale en paiement
Le tribunal a retenu que la société VM Investir produit deux devis DVS 058 et DVS 062 émis par la société ND Bâtiment datés du 4 mars 2014, signés respectivement du 4 mars 2014 et du 4 avril 2013, objet d'une plainte portée par cette dernière pour tentative d'escroquerie au jugement faux et usage de faux, lesquels comportent de nombreux changements manuscrits et ne sont confirmés par aucune signature ou paraphe indiquant l'accord de VM Investir sur les montants consignés. Au constat que les deux parties s'accordent sur l'établissement par la société ND Bâtiment, à la demande de la société VM Investir, d'un devis pour les 2 chalets au prix global de 908 680,39 euros TTC le tribunal a jugé que les factures FCT 138 et 139 émises par la société ND Bâtiment qui ne font référence à aucun devis, ne font pas la preuve d'une créance certaine, liquide et exigible et a débouté en conséquence la société ND Bâtiment de sa demande principale en paiement.
La société ND Bâtiment fait valoir que les devis initiaux ont été ramenés aux montants manuscrits figurant sur le devis du chalet n°2 soit :
- Chalet n°1 218 484,43 euros HT ( 262 181,31 euros TTC)
- Chalet n°2 152 676,92 euros HT soit 183 212,30 euros TTC, certains travaux lui ayant été retirés et confiés à d'autres entreprises pour des raisons de coût et des matériaux ayant été retenus par la société VM Investir comme reportés sur la facture récapitulative n°138.
Elle soutient que les travaux supplémentaires qu'elle invoque sont justifiés par les devis, les factures et le témoignage des intervenants, que contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, aucun abandon de chantier ne peut lui être imputé et n'est d'ailleurs démontré. Elle conteste les allégations de l'intimée concernant une prétendue dégradation de leurs relations d'affaires, le différent les ayant opposées étant, selon l'appelante, apparu en 2016 dans le cadre d'un autre chantier. Au vu des photographies produites résultant du constat d'huissier que l'intimée a fait établir, elle estime que le bon achèvement du chantier est démontré alors que la mauvaise foi de la société VM Investir qui se prévaut de la non communication de compte rendus de chantier dont elle sait pertinemment qu'ils sont inexistants puisque le Maître d''uvre a quitté le chantier à défaut d'avoir été réglé de ses honoraires, est avérée. Elle observe que le marché n'est pas à prix fait mais à évolué et ne ressortit donc pas des dispositions de l'article 1793 du Code civil. Sur le faux, elle oppose que les prétendus " vrais " devis dont fait état l'intimée sont des devis revus à la baisse sans lien avec la réalité des travaux, qui ont été établis à la demande de la société VM Investir pour obtenir un financement bancaire. Elle observe en tout état de cause que la plainte pour faux ayant été classée sans suite par le Parquet le 12 décembre 2018, le débat sur les " faux devis " est sans objet et ne fait que refléter la déloyauté de l'intimé qui a joué sur les relations anciennes et suivies des deux parties pour solliciter sans régulariser d'avenants, des modifications des engagements initiaux.
Sur les sommes dues, elle demande à titre principal la condamnation de la société VM Investir à lui verser une somme de 156 863,30 euros TTC au titre du solde des travaux affirmant avoir répondu sur l'ensemble des demandes qui lui ont été adressées alors que le constat d'huissier non contradictoire ne relève pas le faux aplomb, prétendument imputé à son intervention, quand la plupart des désordres relevés ont été retirés de son marché comme la création de caniveaux et le lot étanchéité.
Elle conteste le caractère prétendument nouveau de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 562 103,22 euros, si la cour jugeait du caractère forfaitaire du marché, cette demande s'inscrivant dans la continuité de ses précédentes demandes tendant à voir solder sa créance.
La société VM Investir, au soutien de la confirmation du jugement, oppose l'existence d'un premier faux devis communiqué en pièce n°8 daté du 3 mars 2014 comportant de grossiers ajouts manuscrits dont la signature par le gérant de la société VM Investir a fait l'objet d'un copier-coller manifeste et d'un second faux devis daté du 4 mars 2013, également grossièrement annoté dont les signatures apparaissent différentes. Elle relève qu'en dépit d'une sommation de communiquer qui lui a été délivrée le 22 décembre 2016 l'appelante n'a jamais communiqué les originaux des devis.
Elle conteste l'extension du périmètre du marché alléguée par l'appelante au regard des différentes factures produites qui établissent que de nombreux lots lui ont été retirés et confiés à d'autres entreprises.
Elle fait valoir que les factures FCT 138 et 139 ont été envoyées sans qu'aucune relance précédente ne lui ait été adressée et qu'elle les a découvertes par le courrier recommandé envoyé le 19 novembre 2015, 8 mois après la constatation des malfaçons affectant les travaux et l'obligation de satisfaire à la garantie de parfait achèvement et alors même qu'en première instance l'appelante a reconnu qu'il avait été convenu dès le départ qu'elle n'effectuerait pas toutes les prestations prévues au devis. Elle affirme que la société ND Bâtiment a modifié à la hausse les prix figurant aux devis 058 et 062 et reporté un bon pour accord par un grossier copier-coller cependant que le montant du marché est corroboré par les devis transmis à la banque et la note d'honoraire du Maître d''uvre estimant le coût des travaux à 950 000 euros TTC.
Elle conteste toute évolution du marché à la hausse au regard des carences de la société ND Bâtiment qui n'a pu réaliser certaines prestations, a présenté des devis complémentaires non signés, et s'est révélée incapable de lister les matériaux qui auraient été commandés en sus du devis initial.
Au visa du Consuel, du constat d'huissier et de plusieurs témoignages elle excipe des malfaçons imputables à l'appelante, coutumière du fait selon l'intimée, compte tenu des autres litiges survenus dans le cadre d'autres chantiers dont elle rapporte la preuve.
Elle affirme que le marché a été conclu à forfait conclu au prix de 357 400,90 euros et que la société ND Bâtiment ayant modifié à l'insu du Maître d'Ouvrage les devis 058 et 062 ne peut se prévaloir d'aucun travaux supplémentaires, que les factures émises à la date du 8 février 2015 ont été antidatées, que les deux maître d''uvres ont successivement quitté le chantier pour des raisons non liées à un défaut de paiement d'honoraires mais, pour le second, aux nombreuses malfaçons imputables à l'appelante.
Elle oppose le caractère nouveau au regard de l'article 564 du Code de procédure civile de la demande subsidiaire de se conformer au marché et au paiement de la somme de 562 103,22 euros.
Réponse de la cour
1-1 Le faux
Le faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal est constitué dès lors qu'une personne altère frauduleusement la vérité d'un écrit, de manière matérielle ou intellectuelle, en vue de parvenir à des conséquences juridiques préjudiciables. Le faux peut être commis par altération, fabrication, dénaturation ou suppression d'un écrit authentique ou privé.
Les devis 058 et 062 ont été émis le 3 mars 2014, ils visent des travaux décrits lot par lot au prix respectif de 519 270,92 euros TTC pour le chalet 1 et 491 595,91 euros TTC pour le chalet 2.
Les deux devis sont revêtus en leur dernière page de la signature de Monsieur [F] pour la SAS ND Bâtiment et de Monsieur [G] pour la société VM Investir sur lesquelles le cachet de chacune des sociétés a été apposé.
La circonstance que les deux devis soient produits en copie n'est pas en soi significative d'un faux matériel ou intellectuel en l'absence de signe visible d'altération et ou de dénaturation des signatures et mentions relatives au " Bon pour Accord " tandis que les mentions manuscrites et les ratures visibles visant la suppression de certains lots et la diminution consécutive du prix ne procèdent manifestement pas d'une intention de produire des conséquences juridiques préjudiciables mais seulement d'une réfaction du prix étant observé qu'aucune suite n'a été donné par le Parquet au courrier de plainte déposé en ce sens par la société VM Investir qui ne conteste pas le classement sans suite de celle-ci, intervenu le 12 décembre 2018.
Ainsi l'allégation de faux en écriture privé qui ne peut se déduire des seules affirmations de l'intimée sera écartée.
1-2 La qualification du marché
Il sera liminairement observé que les marchés ayant été convenu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, seules sont applicables les dispositions du Code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016.
Selon les dispositions de l'article 1793 du Code civil : " Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. "
Le marché à forfait suppose donc un contrat écrit passé avec le propriétaire de l'immeuble ayant pour objet la construction d'un bâtiment selon un plan convenu avec le maître de l'ouvrage pour un prix fixé globalement et définitivement avant la conclusion du contrat.
Le contrat de louage d'ouvrage, selon les dispositions de l'article 1710 du Code civil, est : celui " par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. "
Si, en matière de marchés à forfait, l'écrit est exigé par l'article 1793 du code civil, quel que soit le montant des travaux supplémentaires, cette règle n'est pas étendue entre commerçants aux autres marchés, qui demeurent soumis au droit commun contractuel.
En l'espèce les devis 062 et 058 du 3 mars 2014 ne font pas référence à un prix global et forfaitaire ni ne décomposent celui-ci selon les quantités de fournitures et prestations auxquelles les parties ont entendu soumettre les deux constructions quand l'une et l'autre reconnaissent que les prix ont évolué à la baisse, la société VM Investir affirmant avoir déchargé la société ND de l'exécution de certains lots, ce que ne conteste pas celle-ci qui sollicite le règlement des travaux réalisés dont elle n'a pas été déchargée, en ce compris les travaux supplémentaires non précédés d'un avenant.
Ces deux devis sont des contrats de louage d'ouvrage, le fait que les travaux supplémentaires aient été commandés oralement entre commerçants n'empêche pas leur prise en compte si le marché n'est pas à forfait (3e Civ., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-19.410, Bull. 2014, III, n° 81).
Le moyen tiré de l'application des règles du marché à forfait soulevé par la société VM Investir sera donc écarté.
1-3 Les demandes en paiements
Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. "
Selon les dispositions de l'article 1315 du Code Civil : " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. "
La réalisation des travaux est attestée par les échanges de courriels entre les parties du 8 avril 2014 au 6 novembre 2014 dont la transmission des plans d'exécution par le maître d''uvre Monsieur [L] à la société ND Bâtiment puis du 6 février au 19 novembre 2015 ainsi que les photographies qui témoignent de l'évolution du chantier pour la période du 31 mars 2014 au 20 décembre 2014. Elle est expressément reconnue par la société VM Investir dans sa demande de réception adressée le 12 novembre 2015 à la société ND Bâtiment par référence aux devis 062,058 et 063, demande à laquelle la société ND Bâtiment n'a pas donné suite en raison du non-paiement des deux factures litigieuses à hauteur des sommes respectives de 32 263,46 euros et 124 599,84 euros et du départ du chantier de l'architecte Monsieur [L] lequel a attesté le 21 avril 2017 avoir signifié la rupture de son contrat au Maître d'Ouvrage alors que les travaux n'étaient pas encore réceptionnables au mois de novembre 2014, pour défaut et refus de paiement de ses honoraires.
Le constat d'huissier établi le 31 mars 2015 de manière non contradictoire à l'égard de la société ND Bâtiment qui n'a pas été appelée aux opérations de constat, ne peut servir la preuve des malfaçons invoquées s'il n'est étayé par d'autres éléments or, outre qu'il ne relève que des défauts de finition aisément rectifiables à l'exception de la présence d'infiltrations en sous-sol dans le chalet 1, lesquelles ne sont corroborées par aucun autre élément, les malfaçons constatées : Insuffisance de fixation d'un garde-corps, absence d'un garde-corps dans l'escalier, cuvette des WC mal fixées, un vide de 32 cm entre les deux marches de l'escalier, finition non réalisée dans l'habillage de bois, pose d'une chaudière Daikin non vendue en France avec un système de rampe de chauffage dont la requérante indique qu'il serait défectueux sans que la défectuosité ait été constatée, n'ont jamais fait l'objet de réclamation élevée par le maître d'ouvrage à l'encontre de la société ND Bâtiment.
La preuve des inexécutions alléguées par la société VM Investir ne saurait se déduire de l'attestation de Monsieur [E] produite en pièce n°18, gérant d'une société d'espace et de jardins, qui atteste que la société ND Bâtiment n'a pas travaillé sur le chantier de Monsieur [G] à Genève durant toute l'année 2015 ni de celle de Monsieur [W] en pièce n°19 rédigée en des termes identiques alors qu'elles sont contredites par la demande de réception des travaux adressée le 12 novembre 2015 à la société ND Bâtiment par référence aux devis litigieux.
Elle ne peut non plus s'évincer des factures de travaux émises par des sociétés tiers, non précédées d'une réclamation venant à l'appui d'un constat de désordre contradictoire : Electrotua, travaux non détaillés facturés en 2015, CH 20 pour le remplacement de la chaudière en 2015 et [H] [N], pour la charpente couverture travaux réceptionnés en 2015, lot pour lequel la société ND Bâtiment ne revendique aucun paiement cependant que l'attestation rédigé par l'architecte vient au soutien de l'affirmation de la société ND Bâtiment indiquant n'avoir pu mener à bien la réception du fait du non-paiement des honoraires de la maîtrise d''uvre.
Elle ne peut enfin s'inférer du document du Consuel du 13 juillet 2015 faisant état de réserves sur l'installation électrique alors même que la société VM Investir a fait travailler sur le chantier pour le lot électricité la société Electrotua dont le domaine d'activité est l'électricité qui est intervenue pour la première fois au mois de juin 2015 sur le chantier de Contamine donc antérieurement à la visite du Consuel et alors qu'aucune réclamation n'avait été élevée par le maître d'ouvrage à l'encontre des travaux réalisés par la société ND Bâtiment.
La facture 138 du 8 février 2015 reprend les postes du devis du chalet 1 y ajoutant la fourniture de matériaux non compris dans le devis initial au prix de 32 263,46 euros et tient compte du versement de la somme de 233 333,33 euros.
La facture 139 du 8 février 2015 reprend les postes du devis du chalet 2 pour la partie des travaux réalisés par la société ND Bâtiment : terrassement, maçonnerie, gros-'uvre et escalier au prix de 124 599,84 euros et tient compte du versement d'un acompte de 41 566,67 euros.
La société VM Investissement sera donc sur infirmation du jugement, condamnée à régler à la société ND Bâtiment la somme de 156 863,30 euros TTC.
La société VM Investir qui ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité des interventions des entreprises qu'elle a mandatées à la société ND Bâtiment sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise.
2-Les demandes de dommages et intérêts
Le tribunal a débouté la société VM Investir de sa demande de dommages et intérêts retenant qu'elle ne fait pas la preuve des malfaçons qu'elle impute à la société ND Bâtiment lesquelles ne peuvent s'évincer du constat d'huissier du 31 mars 2015 qui ne fait pas la preuve de la responsabilité de la société ND Bâtiment.
La société ND Bâtiment demande une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil en réparation du préjudice distinct du simple retard en paiement ensuite des démarches amiables vaines exposées auprès de l'intimée.
Elle demande également une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1231-6 pour la résistance abusive de l'intimée.
La société VM Investir soulève le caractère nouveau au regard de l'article 564 du Code de procédure civile des demandes fondées sur l'article 1104 et 1231-1 du Code civil et conclut au débouté de la demande fondée sur l'article 1231-6 malvenue selon elle.
Au visa de l'article 1142 du Code civil ancien et au rappel des désordres signalés affectant le système de drainage, les marches d'escalier, le défaut d'aplomb des murs, désordres ressortissant des lots dont la réalisation était confiée à la société ND Bâtiment elle affirme avoir été contrainte de confier la remise en état des deux chalets aux société CH 20 et Electrotua et qu'ayant dépensé une somme totale de 86 760,58 euros la reprise des désordres après l'abandon du chantier imputable à l'appelante en date du 21 décembre 2014 outre les intérêts au taux légal.
Elle sollicite en outre une somme de 10 000 euros pour réparer le préjudice financier lié à la rupture abusive des relations contractuelles.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 1149 du Code civil dans sa version applicable au litige les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte faite et du gain dont il a été privé.
La société ND Bâtiment a été privée de la jouissance de sa trésorerie pendant près de 10 ans elle n'a pu réinvestir dans sa société ou faire fructifier le montant de la somme de 156 863,30 euros lui revenant. Ce préjudice distinct de celui qui sera réparé par les intérêts au taux légal sera réparé une somme de 8 000 euros que la société VM Investir sera condamnée à lui régler.
Selon les dispositions de l'article 1382 du Code civil " Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage l'oblige à réparation.
Selon les dispositions de l'article 32-1du Code de procédure civile : " Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. "
La défense à un recours et ou l'exercice d'un appel incident sont des droits fondamentaux et la société ND Bâtiment ne caractérise pas la matérialité d'une faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice de ce droit par la société intimée. Elle sera donc déboutée de ce chef.
Il a été vu plus haut que la société VM Investir ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des inexécutions qu'elle impute à la société ND Bâtiment. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts en ce compris au titre du préjudice financier aucune faute n'étant établie à l'encontre de la société appelante.
3-Les frais irrépétibles et les dépens
Le tribunal a condamné la société ND Bâtiment aux dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement de ces chefs, à condamner la société VM Investir aux dépens outre le règlement à la société ND Bâtiment de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel soit une somme totale de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement ;
Statuant à nouveau
CONDAMNE la société VM Investissement à régler à la société ND Bâtiment la somme de 156 863,30 euros TTC au titre des factures impayées ;
CONDAMNE la société VM Investissement à régler à la société ND Bâtiment les sommes de :
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts
- 10 000 euros au titre des frais irrépétibles
DEBOUTE la société VM Investir de ses demandes ;
CONDAMNE la société VM Investir aux entiers dépens ;
La greffière La présidente de chambre
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRET DU 24 AVRIL 2024
(n° /2024, 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08899 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B72LL
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 octobre 2018 - tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2016080081
APPELANTE
S.A.S. ND BATIMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée et assistée à l'audience par Me Jean-sébastien TESLER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau D'ESSONNE
INTIMEE
S.A.R.L. VM INVESTIR prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Philippe REZEAU de la SELARL QUANTUM IMMO, avocat au barreau de PARIS, toque : L158
Ayant pour avocat plaidant Me Philippe REZEAU, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience Me Louis DE MEAUX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre
Mme Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère
Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente faisant fonction de conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre DARJ
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 02 novembre 2023 et prorogé plusieurs fois jusqu'au 24 avril 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Manon CARON, greffière, présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La société SAS ND Bâtiment, dirigée par Monsieur [K] [S] [F], a pour activité les travaux dans le bâtiment.
La société SARL VM Investir a pour gérant Monsieur [R] [G] et pour activité la vente, l'achat, la location et l'échange de tous biens immobiliers.
Monsieur [K] [S] [F] et Monsieur [R] [G] sont par ailleurs associés d'une société civile immobilière crée en 2006, la SCI NPV.
Un devis n°DVS062 en date du 3 mars 2014 a été émis par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir 43 [Adresse 3] pour un projet de construction d'un chalet n°2 chantier [Adresse 9] au prix de 409 663,26 euros HT soit 491 595,91 euros TTC, portant la signature des représentants et le cachet des deux sociétés en date du 4 mars 2013.
Ce devis exclut les plans d'architecte, les plans Bureau d'Etudes et plans d'exécution, indiqués comme étant à la charge du Maître d'Ouvrage ; il mentionne les lots Implantation, terrassement, VRD, Gros-'uvre, Escalier béton, Maçonnerie, Plancher sous-sol, Montage de la construction en briques, Charpente et Couverture, Bardage vieux bois, Menuiserie extérieures bois et vitrage, Isolation intérieure, Escalier intérieur bois métal inox, Plomberie, Chauffage, Chape Flottant sur plancher chauffant, Electricité.
Certains postes ont été raturés à la main et des mentions de prix sont ajoutées manuscritement sans toutefois être contresignées des parties.
Une facture FCT139 a été émise le 8 février 2015 par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir, [Adresse 3], pour le projet de construction de chalet n°[Adresse 1] (sic) portant sur les mêmes lots à hauteur de 145 499,87 euros HT mentionnant un acompte de 41 666,67 euros soit un solde TTC de 124 599,84 euros.
Un devis n° DVS 058 du 3 mars 2014 a été émis par la société ND Bâtiment à l'adresse de la société VM Investir 43 [Adresse 3] pour un projet de construction d'un chalet n°1 chantier [Adresse 9] (sic) au prix de 432 725,77 euros HT soit 519 270,92 euros TTC, portant la signature des représentants et le cachet des deux sociétés le 4 avril 2013.
Ce devis exclut les plans d'architecte, les plans Bureau d'Etudes et plans d'exécution indiqués comme étant à la charge du Maître d'Ouvrage et mentionne les lots Implantation, Terrassement, VRD, Gros-'uvre, Escalier béton, Maçonnerie, Plancher sous-sol, Montage de la construction en briques, Charpente et Couverture, Bardage vieux bois, Menuiserie extérieures bois et vitrage, Isolation intérieure, Escalier intérieur bois métal inox, Plomberie, Chauffage, Chape Flottant sur plancher chauffant, Electricité.
Ce devis comporte également des ratures pour certains postes et des mentions manuscrites de prix non contresignées.
Une facture n°FCT138 du 8 février 2015 a été établie pour le projet de construction du chalet n°1 à hauteur de 260 219,55 euros HT mentionnant un acompte de 233 333,33 euros représentant un solde dû de 26 886,22 euros soit 32 263,46 euros TTC.
Le 24 juin 2013 un devis SV063 a été établi par la société ND Bâtiment pour un projet de construction de deux chalets situés chantier [Adresse 9] au prix global de 759 766,21 euros HT soit 908 680,39 euros TTC. Il porte la signature des deux représentant des sociétés et leur cachet et ne comporte aucune mention manuscrite hormis le Bon pour Accord de la société VM Investir.
Les plans de masse du chalet 1 et [Adresse 2] et le plan du sous-sol du Chalet 1 avec le cartouche de l'architecte [D] [L] ont été établis le 10 mars 2014.
Le rapport initial de contrôle technique pour les deux chalets était rédigé le 10 juin 2014 par la société Alpes Contrôles.
La société ND Bâtiment a émis un devis DVS077 le 30 septembre 2014 pour des travaux supplémentaires concernant le chalet n°1 et n°2 situés chantier chemin d'Arbon à [Localité 10] au prix de 65 728,85 euros HT soit 78 874,62 euros TTC.
Ce devis transmis à la société VM Investir, Monsieur [G] le même jour n'est pas signé.
Par un courrier du 12 novembre 2015, la société VM Investir, aux visas des devis DVS 063, DVS 062 et DVS 058 notifiait à la société ND Bâtiment la réception du chantier prévue au 1er décembre à 16 heures 30.
La société ND Bâtiment répondait le 19 novembre 2015 : " Nous ne pouvons pas vous remettre un PV de réception. C'est au Maître d''uvre M. [D] [L] (Architecte DESA) [Adresse 4]. Nous sommes prêts à faire un PV de réception final en présence du Maître d''uvre qui avait été missionné pour le projet Contamines [Localité 8] d'Arbon 74 120 [Localité 10] ( Chalet 1 et Chalet 2 Ref Devis DVS058 et DVS062. Nous ferons réception des ouvrages uniquement celles que l'entreprise ND Bâtiment tous corps d'état a réalisé sur votre chantier. Puisque d'autres sociétés sont intervenues sur le chantier.
Je tiens à vous informer que je suis toujours dans l'attente de votre règlement pour les factures FCT 138 d'un montant de 32 263,46 euros et de la FCT 139 d'un montant de 124 599,84 euros.
Nous sommes toujours en attente du rapport final du contrôle technique des ouvrages projet Contamines [Localité 8] d'Arbon 74 120 [Localité 10] Chalet 1 et Chalet 2. "
Le conseil de la société ND Bâtiment envoyait à la société VM Investir par lettre recommandée du 6 janvier 2016 une mise en demeure de régler la somme totale de 156 863,30 euros au titre du solde du prix des travaux réalisés pour la réalisation des deux chalets sis [Adresse 9] indiquant attendre ce règlement depuis le mois de février 2015.
Par exploit du 9 décembre 2016 la Sarl ND Bâtiment a fait assigner la société VM Investir en paiement de la somme de 156 863,30 euros TTC au titre des factures FCT 138 et FCT139 assortie des intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 6 janvier 2016 outre 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-exécution de l'obligation lui incombant, 5 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et l'exécution provisoire.
Le jugement prononcé par la 9ème chambre du Tribunal de Commerce de Paris a ainsi statué :
" Déboute la SARL-ND BATIMENT Tous Corps d'Etat de sa demande principale,
Déboute la SARL VM INVESTIR de sa demande reconventionnelle,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit qu'il n'y a donc lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision,
Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Condamne la SARL ND BATIMENT Tous Corps d'Etat aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer parle greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA. "
La société ND Bâtiment a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 23 avril 2019.
Par conclusions signifiées le 20 novembre 2020, la société ND Bâtiment demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1104 du Code Civil,
Vu les articles 1231-1 et 1231-6 du Code Civil,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
o Dire et juger la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat recevable et bien fondée en toutes ses demandes
o Débouter purement et simplement la société VM INVESTIR de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions
EN CONSEQUENCE :
o Confirmer le jugement rendu le 29 octobre 2018 en ce qu'il a :
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande de condamnation de la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat à lui verser la somme de 86 760,58 euros TTC à titre de dommages et intérêts ;
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande de condamnation de la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice financier ;
Débouté la société VM INVESTIR de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
o Infirmer le jugement rendu le 29 octobre 2018 en ce qu'il a :
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de sa demande de condamnation de la société VM INVESTIR au paiement de la somme de 156 863,30 euros TTC ;
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de ses demandes autres, plus amples ou contraires ;
Débouté la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Condamné la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat aux dépens.
o Le confirmer pour le surplus.
LE REFORMANT EN CONSEQUENCE SUR LES POINTS EVOQUES ET Y AJOUTANT :
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 156 863,30 euros TTC ;
A titre subsidiaire, condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 562 103,22 euros TTC correspondant au solde du marché selon devis initiaux signés et non contestés par la société VM INVESTIR ;
A titre très subsidiaire, condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 150 000 euros en réparation de son préjudice financier, en raison de l'exécution déloyale du contrat et de sa négociation menée de mauvaise foi ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts pour non- exécution de son obligation de paiement, en application de l'article 1231-1 du Code Civil ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, en application de l'article 1231-6 du Code Civil ;
Condamner la société VM INVESTIR à verser à la société ND BATIMENT Tout Corps d'Etat la somme de 8000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que la somme de 8000 euros au titre du même article, en cause d'appel ;
Condamner la société VM INVESTIR aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction est requise au profit de la SELARL AD LITEM JURIS, représentée par Maître [Y] [U], en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions signifiées le 30 novembre 2020 la société VM Investir demande à la cour de :
Vu les articles 1134 et 1793 du Code civil,
Vu la jurisprudence visée applicable aux débats,
DECLARER la Société ND BATIMENT irrecevable et mal fondée en son appel,
CONFIRMER le Jugement en ce qu'il a :
o dit que la Société ND BATIMENT ne rapporte pas la preuve que des travaux supplémentaires ont été acceptés par écrit par la Société VM INVESTIR, et qu'un accord est intervenu sur leur prix ;
o dit qu'il n'y a pas d'obligation au paiement de la Société VM INVESTIR pour les travaux supplémentaires dont la Société ND BATIMENT se prévaut,
o débouté la Société ND BATIMENT de sa demande principale formée à ce titre.
INFIRMER le Jugement en ce qu'il a :
o débouté la Société VM INVESTIR de sa demande de dommages-intérêts au titre des frais exposés en sus du marché de travaux confié à la Société ND BATIMENT,
o débouté la Société VM INVESTIR de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier.
Et statuant à nouveau :
o constater la faute commise par la Société ND BATIMENT dans l'exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de la Société VM INVESTIR,
o constater le préjudice consécutif causé par la Société ND BATIMENT à la Société VM INVESTIR,
o dire et juger abusive la résiliation unilatérale du contrat par la Société ND BATIMENT, o condamner la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR la somme de 86.760,58 euros TTC à titre de dommages-intérêts en règlement des frais exposés en sus du marché de travaux qu'elle lui avait confié, outre les intérêts aux taux légal,
o condamner la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice financier.
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
DEBOUTER la Société ND BATIMENT de l'intégralité de ses demandes, fins, et conclusions,
CONDAMNER la Société ND BATIMENT à payer à la Société VM INVESTIR une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC,
CONDAMNER la Société ND BATIMENT aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement par Maître Philippe REZEAU, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
La clôture était prononcée le 7 février 2023.
SUR QUOI,
LA COUR
1- La demande principale en paiement
Le tribunal a retenu que la société VM Investir produit deux devis DVS 058 et DVS 062 émis par la société ND Bâtiment datés du 4 mars 2014, signés respectivement du 4 mars 2014 et du 4 avril 2013, objet d'une plainte portée par cette dernière pour tentative d'escroquerie au jugement faux et usage de faux, lesquels comportent de nombreux changements manuscrits et ne sont confirmés par aucune signature ou paraphe indiquant l'accord de VM Investir sur les montants consignés. Au constat que les deux parties s'accordent sur l'établissement par la société ND Bâtiment, à la demande de la société VM Investir, d'un devis pour les 2 chalets au prix global de 908 680,39 euros TTC le tribunal a jugé que les factures FCT 138 et 139 émises par la société ND Bâtiment qui ne font référence à aucun devis, ne font pas la preuve d'une créance certaine, liquide et exigible et a débouté en conséquence la société ND Bâtiment de sa demande principale en paiement.
La société ND Bâtiment fait valoir que les devis initiaux ont été ramenés aux montants manuscrits figurant sur le devis du chalet n°2 soit :
- Chalet n°1 218 484,43 euros HT ( 262 181,31 euros TTC)
- Chalet n°2 152 676,92 euros HT soit 183 212,30 euros TTC, certains travaux lui ayant été retirés et confiés à d'autres entreprises pour des raisons de coût et des matériaux ayant été retenus par la société VM Investir comme reportés sur la facture récapitulative n°138.
Elle soutient que les travaux supplémentaires qu'elle invoque sont justifiés par les devis, les factures et le témoignage des intervenants, que contrairement à ce qui est soutenu par l'intimée, aucun abandon de chantier ne peut lui être imputé et n'est d'ailleurs démontré. Elle conteste les allégations de l'intimée concernant une prétendue dégradation de leurs relations d'affaires, le différent les ayant opposées étant, selon l'appelante, apparu en 2016 dans le cadre d'un autre chantier. Au vu des photographies produites résultant du constat d'huissier que l'intimée a fait établir, elle estime que le bon achèvement du chantier est démontré alors que la mauvaise foi de la société VM Investir qui se prévaut de la non communication de compte rendus de chantier dont elle sait pertinemment qu'ils sont inexistants puisque le Maître d''uvre a quitté le chantier à défaut d'avoir été réglé de ses honoraires, est avérée. Elle observe que le marché n'est pas à prix fait mais à évolué et ne ressortit donc pas des dispositions de l'article 1793 du Code civil. Sur le faux, elle oppose que les prétendus " vrais " devis dont fait état l'intimée sont des devis revus à la baisse sans lien avec la réalité des travaux, qui ont été établis à la demande de la société VM Investir pour obtenir un financement bancaire. Elle observe en tout état de cause que la plainte pour faux ayant été classée sans suite par le Parquet le 12 décembre 2018, le débat sur les " faux devis " est sans objet et ne fait que refléter la déloyauté de l'intimé qui a joué sur les relations anciennes et suivies des deux parties pour solliciter sans régulariser d'avenants, des modifications des engagements initiaux.
Sur les sommes dues, elle demande à titre principal la condamnation de la société VM Investir à lui verser une somme de 156 863,30 euros TTC au titre du solde des travaux affirmant avoir répondu sur l'ensemble des demandes qui lui ont été adressées alors que le constat d'huissier non contradictoire ne relève pas le faux aplomb, prétendument imputé à son intervention, quand la plupart des désordres relevés ont été retirés de son marché comme la création de caniveaux et le lot étanchéité.
Elle conteste le caractère prétendument nouveau de sa demande subsidiaire en paiement de la somme de 562 103,22 euros, si la cour jugeait du caractère forfaitaire du marché, cette demande s'inscrivant dans la continuité de ses précédentes demandes tendant à voir solder sa créance.
La société VM Investir, au soutien de la confirmation du jugement, oppose l'existence d'un premier faux devis communiqué en pièce n°8 daté du 3 mars 2014 comportant de grossiers ajouts manuscrits dont la signature par le gérant de la société VM Investir a fait l'objet d'un copier-coller manifeste et d'un second faux devis daté du 4 mars 2013, également grossièrement annoté dont les signatures apparaissent différentes. Elle relève qu'en dépit d'une sommation de communiquer qui lui a été délivrée le 22 décembre 2016 l'appelante n'a jamais communiqué les originaux des devis.
Elle conteste l'extension du périmètre du marché alléguée par l'appelante au regard des différentes factures produites qui établissent que de nombreux lots lui ont été retirés et confiés à d'autres entreprises.
Elle fait valoir que les factures FCT 138 et 139 ont été envoyées sans qu'aucune relance précédente ne lui ait été adressée et qu'elle les a découvertes par le courrier recommandé envoyé le 19 novembre 2015, 8 mois après la constatation des malfaçons affectant les travaux et l'obligation de satisfaire à la garantie de parfait achèvement et alors même qu'en première instance l'appelante a reconnu qu'il avait été convenu dès le départ qu'elle n'effectuerait pas toutes les prestations prévues au devis. Elle affirme que la société ND Bâtiment a modifié à la hausse les prix figurant aux devis 058 et 062 et reporté un bon pour accord par un grossier copier-coller cependant que le montant du marché est corroboré par les devis transmis à la banque et la note d'honoraire du Maître d''uvre estimant le coût des travaux à 950 000 euros TTC.
Elle conteste toute évolution du marché à la hausse au regard des carences de la société ND Bâtiment qui n'a pu réaliser certaines prestations, a présenté des devis complémentaires non signés, et s'est révélée incapable de lister les matériaux qui auraient été commandés en sus du devis initial.
Au visa du Consuel, du constat d'huissier et de plusieurs témoignages elle excipe des malfaçons imputables à l'appelante, coutumière du fait selon l'intimée, compte tenu des autres litiges survenus dans le cadre d'autres chantiers dont elle rapporte la preuve.
Elle affirme que le marché a été conclu à forfait conclu au prix de 357 400,90 euros et que la société ND Bâtiment ayant modifié à l'insu du Maître d'Ouvrage les devis 058 et 062 ne peut se prévaloir d'aucun travaux supplémentaires, que les factures émises à la date du 8 février 2015 ont été antidatées, que les deux maître d''uvres ont successivement quitté le chantier pour des raisons non liées à un défaut de paiement d'honoraires mais, pour le second, aux nombreuses malfaçons imputables à l'appelante.
Elle oppose le caractère nouveau au regard de l'article 564 du Code de procédure civile de la demande subsidiaire de se conformer au marché et au paiement de la somme de 562 103,22 euros.
Réponse de la cour
1-1 Le faux
Le faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal est constitué dès lors qu'une personne altère frauduleusement la vérité d'un écrit, de manière matérielle ou intellectuelle, en vue de parvenir à des conséquences juridiques préjudiciables. Le faux peut être commis par altération, fabrication, dénaturation ou suppression d'un écrit authentique ou privé.
Les devis 058 et 062 ont été émis le 3 mars 2014, ils visent des travaux décrits lot par lot au prix respectif de 519 270,92 euros TTC pour le chalet 1 et 491 595,91 euros TTC pour le chalet 2.
Les deux devis sont revêtus en leur dernière page de la signature de Monsieur [F] pour la SAS ND Bâtiment et de Monsieur [G] pour la société VM Investir sur lesquelles le cachet de chacune des sociétés a été apposé.
La circonstance que les deux devis soient produits en copie n'est pas en soi significative d'un faux matériel ou intellectuel en l'absence de signe visible d'altération et ou de dénaturation des signatures et mentions relatives au " Bon pour Accord " tandis que les mentions manuscrites et les ratures visibles visant la suppression de certains lots et la diminution consécutive du prix ne procèdent manifestement pas d'une intention de produire des conséquences juridiques préjudiciables mais seulement d'une réfaction du prix étant observé qu'aucune suite n'a été donné par le Parquet au courrier de plainte déposé en ce sens par la société VM Investir qui ne conteste pas le classement sans suite de celle-ci, intervenu le 12 décembre 2018.
Ainsi l'allégation de faux en écriture privé qui ne peut se déduire des seules affirmations de l'intimée sera écartée.
1-2 La qualification du marché
Il sera liminairement observé que les marchés ayant été convenu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance du 10 février 2016, seules sont applicables les dispositions du Code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016.
Selon les dispositions de l'article 1793 du Code civil : " Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire. "
Le marché à forfait suppose donc un contrat écrit passé avec le propriétaire de l'immeuble ayant pour objet la construction d'un bâtiment selon un plan convenu avec le maître de l'ouvrage pour un prix fixé globalement et définitivement avant la conclusion du contrat.
Le contrat de louage d'ouvrage, selon les dispositions de l'article 1710 du Code civil, est : celui " par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. "
Si, en matière de marchés à forfait, l'écrit est exigé par l'article 1793 du code civil, quel que soit le montant des travaux supplémentaires, cette règle n'est pas étendue entre commerçants aux autres marchés, qui demeurent soumis au droit commun contractuel.
En l'espèce les devis 062 et 058 du 3 mars 2014 ne font pas référence à un prix global et forfaitaire ni ne décomposent celui-ci selon les quantités de fournitures et prestations auxquelles les parties ont entendu soumettre les deux constructions quand l'une et l'autre reconnaissent que les prix ont évolué à la baisse, la société VM Investir affirmant avoir déchargé la société ND de l'exécution de certains lots, ce que ne conteste pas celle-ci qui sollicite le règlement des travaux réalisés dont elle n'a pas été déchargée, en ce compris les travaux supplémentaires non précédés d'un avenant.
Ces deux devis sont des contrats de louage d'ouvrage, le fait que les travaux supplémentaires aient été commandés oralement entre commerçants n'empêche pas leur prise en compte si le marché n'est pas à forfait (3e Civ., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-19.410, Bull. 2014, III, n° 81).
Le moyen tiré de l'application des règles du marché à forfait soulevé par la société VM Investir sera donc écarté.
1-3 Les demandes en paiements
Selon les dispositions de l'article 1134 du Code civil : " Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. "
Selon les dispositions de l'article 1315 du Code Civil : " Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. "
La réalisation des travaux est attestée par les échanges de courriels entre les parties du 8 avril 2014 au 6 novembre 2014 dont la transmission des plans d'exécution par le maître d''uvre Monsieur [L] à la société ND Bâtiment puis du 6 février au 19 novembre 2015 ainsi que les photographies qui témoignent de l'évolution du chantier pour la période du 31 mars 2014 au 20 décembre 2014. Elle est expressément reconnue par la société VM Investir dans sa demande de réception adressée le 12 novembre 2015 à la société ND Bâtiment par référence aux devis 062,058 et 063, demande à laquelle la société ND Bâtiment n'a pas donné suite en raison du non-paiement des deux factures litigieuses à hauteur des sommes respectives de 32 263,46 euros et 124 599,84 euros et du départ du chantier de l'architecte Monsieur [L] lequel a attesté le 21 avril 2017 avoir signifié la rupture de son contrat au Maître d'Ouvrage alors que les travaux n'étaient pas encore réceptionnables au mois de novembre 2014, pour défaut et refus de paiement de ses honoraires.
Le constat d'huissier établi le 31 mars 2015 de manière non contradictoire à l'égard de la société ND Bâtiment qui n'a pas été appelée aux opérations de constat, ne peut servir la preuve des malfaçons invoquées s'il n'est étayé par d'autres éléments or, outre qu'il ne relève que des défauts de finition aisément rectifiables à l'exception de la présence d'infiltrations en sous-sol dans le chalet 1, lesquelles ne sont corroborées par aucun autre élément, les malfaçons constatées : Insuffisance de fixation d'un garde-corps, absence d'un garde-corps dans l'escalier, cuvette des WC mal fixées, un vide de 32 cm entre les deux marches de l'escalier, finition non réalisée dans l'habillage de bois, pose d'une chaudière Daikin non vendue en France avec un système de rampe de chauffage dont la requérante indique qu'il serait défectueux sans que la défectuosité ait été constatée, n'ont jamais fait l'objet de réclamation élevée par le maître d'ouvrage à l'encontre de la société ND Bâtiment.
La preuve des inexécutions alléguées par la société VM Investir ne saurait se déduire de l'attestation de Monsieur [E] produite en pièce n°18, gérant d'une société d'espace et de jardins, qui atteste que la société ND Bâtiment n'a pas travaillé sur le chantier de Monsieur [G] à Genève durant toute l'année 2015 ni de celle de Monsieur [W] en pièce n°19 rédigée en des termes identiques alors qu'elles sont contredites par la demande de réception des travaux adressée le 12 novembre 2015 à la société ND Bâtiment par référence aux devis litigieux.
Elle ne peut non plus s'évincer des factures de travaux émises par des sociétés tiers, non précédées d'une réclamation venant à l'appui d'un constat de désordre contradictoire : Electrotua, travaux non détaillés facturés en 2015, CH 20 pour le remplacement de la chaudière en 2015 et [H] [N], pour la charpente couverture travaux réceptionnés en 2015, lot pour lequel la société ND Bâtiment ne revendique aucun paiement cependant que l'attestation rédigé par l'architecte vient au soutien de l'affirmation de la société ND Bâtiment indiquant n'avoir pu mener à bien la réception du fait du non-paiement des honoraires de la maîtrise d''uvre.
Elle ne peut enfin s'inférer du document du Consuel du 13 juillet 2015 faisant état de réserves sur l'installation électrique alors même que la société VM Investir a fait travailler sur le chantier pour le lot électricité la société Electrotua dont le domaine d'activité est l'électricité qui est intervenue pour la première fois au mois de juin 2015 sur le chantier de Contamine donc antérieurement à la visite du Consuel et alors qu'aucune réclamation n'avait été élevée par le maître d'ouvrage à l'encontre des travaux réalisés par la société ND Bâtiment.
La facture 138 du 8 février 2015 reprend les postes du devis du chalet 1 y ajoutant la fourniture de matériaux non compris dans le devis initial au prix de 32 263,46 euros et tient compte du versement de la somme de 233 333,33 euros.
La facture 139 du 8 février 2015 reprend les postes du devis du chalet 2 pour la partie des travaux réalisés par la société ND Bâtiment : terrassement, maçonnerie, gros-'uvre et escalier au prix de 124 599,84 euros et tient compte du versement d'un acompte de 41 566,67 euros.
La société VM Investissement sera donc sur infirmation du jugement, condamnée à régler à la société ND Bâtiment la somme de 156 863,30 euros TTC.
La société VM Investir qui ne rapporte pas la preuve de l'imputabilité des interventions des entreprises qu'elle a mandatées à la société ND Bâtiment sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre des travaux de reprise.
2-Les demandes de dommages et intérêts
Le tribunal a débouté la société VM Investir de sa demande de dommages et intérêts retenant qu'elle ne fait pas la preuve des malfaçons qu'elle impute à la société ND Bâtiment lesquelles ne peuvent s'évincer du constat d'huissier du 31 mars 2015 qui ne fait pas la preuve de la responsabilité de la société ND Bâtiment.
La société ND Bâtiment demande une somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1231-1 du Code civil en réparation du préjudice distinct du simple retard en paiement ensuite des démarches amiables vaines exposées auprès de l'intimée.
Elle demande également une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 1231-6 pour la résistance abusive de l'intimée.
La société VM Investir soulève le caractère nouveau au regard de l'article 564 du Code de procédure civile des demandes fondées sur l'article 1104 et 1231-1 du Code civil et conclut au débouté de la demande fondée sur l'article 1231-6 malvenue selon elle.
Au visa de l'article 1142 du Code civil ancien et au rappel des désordres signalés affectant le système de drainage, les marches d'escalier, le défaut d'aplomb des murs, désordres ressortissant des lots dont la réalisation était confiée à la société ND Bâtiment elle affirme avoir été contrainte de confier la remise en état des deux chalets aux société CH 20 et Electrotua et qu'ayant dépensé une somme totale de 86 760,58 euros la reprise des désordres après l'abandon du chantier imputable à l'appelante en date du 21 décembre 2014 outre les intérêts au taux légal.
Elle sollicite en outre une somme de 10 000 euros pour réparer le préjudice financier lié à la rupture abusive des relations contractuelles.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article 1149 du Code civil dans sa version applicable au litige les dommages et intérêts dus au créancier sont en général de la perte faite et du gain dont il a été privé.
La société ND Bâtiment a été privée de la jouissance de sa trésorerie pendant près de 10 ans elle n'a pu réinvestir dans sa société ou faire fructifier le montant de la somme de 156 863,30 euros lui revenant. Ce préjudice distinct de celui qui sera réparé par les intérêts au taux légal sera réparé une somme de 8 000 euros que la société VM Investir sera condamnée à lui régler.
Selon les dispositions de l'article 1382 du Code civil " Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage l'oblige à réparation.
Selon les dispositions de l'article 32-1du Code de procédure civile : " Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. "
La défense à un recours et ou l'exercice d'un appel incident sont des droits fondamentaux et la société ND Bâtiment ne caractérise pas la matérialité d'une faute ayant fait dégénérer en abus l'exercice de ce droit par la société intimée. Elle sera donc déboutée de ce chef.
Il a été vu plus haut que la société VM Investir ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des inexécutions qu'elle impute à la société ND Bâtiment. Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts en ce compris au titre du préjudice financier aucune faute n'étant établie à l'encontre de la société appelante.
3-Les frais irrépétibles et les dépens
Le tribunal a condamné la société ND Bâtiment aux dépens et débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement de ces chefs, à condamner la société VM Investir aux dépens outre le règlement à la société ND Bâtiment de la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel soit une somme totale de 10 000 euros.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement ;
Statuant à nouveau
CONDAMNE la société VM Investissement à régler à la société ND Bâtiment la somme de 156 863,30 euros TTC au titre des factures impayées ;
CONDAMNE la société VM Investissement à régler à la société ND Bâtiment les sommes de :
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts
- 10 000 euros au titre des frais irrépétibles
DEBOUTE la société VM Investir de ses demandes ;
CONDAMNE la société VM Investir aux entiers dépens ;
La greffière La présidente de chambre