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Décisions

CA Paris, Pôle 3 ch. 1, 24 avril 2024, n° 21/13800

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Grasso

Conseillers :

Mme Paulmier-Cayol, M. Gelot

Avocats :

Me Banide, Me Hugot

TJ Paris, Juge aux affaires familiales, …

18 mars 2021

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [E] [F] [Y], de nationalité américaine, et M. [B] [P] [D], de nationalité espagnole, se sont mariés le [Date mariage 3] 1996 à [Localité 14] (Espagne), sans contrat de mariage préalable.

Ils ont fixé leur première résidence habituelle commune en France.

Une requête en divorce a été déposée par M. [B] [P] [D] devant le tribunal de grande instance de Créteil.

Par ordonnance de non-conciliation du 6 mai 2011, le juge aux affaires familiales de ce tribunal a désigné Maître [G] [J] sur le fondement de l'article 255, 9° et 10° du code civil en vue d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager. Maître [J] a déposé son rapport le 6 septembre 2013.

Le 24 juillet 2014, le juge de la mise en état a désigné M. [R] [O], expert en bandes dessinées, pour déterminer la consistance de l''uvre globale de M. [B] [P] [D] créée durant le mariage, et évaluer la valeur des illustrations originales des auteurs américains acquises durant le mariage. A ce stade, il convient de préciser que M. [B] [P] [D] est dessinateur de bandes dessinées et en particulier de la série Blacksad dont le premier album est sorti en France en novembre 2000.

L'appel interjeté par M. [B] [P] [D] à l'encontre de cette décision a été déclaré irrecevable.

M. [R] [O] a déposé au greffe un rapport d'expertise daté du 4 mars 2015. Il a adressé au tribunal un courrier d'annexe à son rapport daté du 25 mars 2015.

Par ordonnance du 3 juillet 2015, le juge de la mise en état a ordonné un complément d'expertise et a enjoint à M. [O] d'inclure dans son rapport l'ensemble des pièces visées dans la mission initiale et de dresser un tableau récapitulatif par année et par album, aux fins de faciliter l'évaluation de l'ensemble des 'uvres.

En octobre 2015, M. [O] a déposé au greffe l'inventaire par dates des planches originales.

Par jugement du 29 juillet 2016, le juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des parties et fixé notamment la date des effets du divorce au 4 septembre 2009. Ce jugement est devenu définitif le 10 septembre 2016.

Par assignation en date du 19 janvier 2017, Mme [E] [F] [Y] a fait assigner M. [B] [P] [D] devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.

Par ordonnance du 13 octobre 2017, le juge de la mise en état a :

- ordonné à M. [B] [P] [D] de produire dans son intégralité et dans le délai d'une semaine le contrat conclu le 19 août 2016 avec la société [12],

- dit que ce document sera remis entre les mains du conseil de Mme [E] [F] [Y] qui devra le conserver en son cabinet avec toutes les précautions nécessaires à la préservation des éléments confidentiels qu'il contient,

- dit que Mme [E] [F] [Y] n'est autorisée à le consulter qu'au sein du cabinet de son conseil et ne doit en aucune façon en faire de copie ou photographie,

- interdit à Mme [E] [F] [Y] de divulguer à quiconque, personne physique ou morale, les informations contenues dans ce contrat de quelque nature que ce soit,

- interdit à Mme [E] [F] [Y] de faire usage de quelque manière que ce soit des informations contenues dans ce contrat ou de les utiliser dans une procédure autre que la présente instance.

Par jugement en date du 18 décembre 2018, le juge aux affaires familiales a :

- dit que le juge français est compétent et la loi française applicable,

- ordonné la poursuite des opérations de liquidation-partage des intérêts patrimoniaux,

- désigné Maître [G] [J] pour y procéder conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile,

- dit que les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant le mariage ainsi que les produits de la vente ou de l'exploitation de ces 'uvres, échus ou perçus pendant le mariage, sont des biens communs,

- dit que Mme [E] [F] [Y] doit une indemnité d'occupation à l'indivision post-communautaire pour la période du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015,

- dit n'y avoir lieu en l'état à statuer sur les autres désaccords persistants entre ex-époux, en l'absence de véritable projet notarié d'état liquidatif avec dires et annexes récents,

- débouté Mme [E] [F] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté M. [B] [P] [D] de ses demandes de dommages et intérêts.

C'est dans ce contexte procédural que les opérations de Maître [J] ont repris.

Maître [J] a établi un procès-verbal de dires et un projet d'état liquidatif en date du 6 février 2020.

Postérieurement à ce procès-verbal de dires et au projet d'état liquidatif établis par le notaire, les parties ont conclu devant le tribunal.

Par ce jugement en date du 18 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué dans les termes suivants :

vu le jugement du 18 décembre 2018,

- déclare recevables les demandes nouvelles de Mme [E] [F] [Y],

- rappelle que le divorce prend effet entre les parties, concernant leurs biens, à la date du 4 septembre 2009,

- dit que Mme [E] [F] [Y] est redevable d'une indemnité à l'égard de l'indivision au titre de sa jouissance privative du bien indivis du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 dont le montant s'élève à 3 200 € par mois,

- dit que le contrat conclu par M. [B] [P] [D] le 19 août 2016 portant sur les 'uvres créées durant le mariage est inopposable à Mme [E] [F] [Y],

- fait interdiction à Mme [E] [F] [Y] de divulguer à quiconque, personne physique ou morale, les informations contenues dans le contrat du 19 août 2016 de quelque nature que ce soit,

- fait interdiction à Mme [E] [F] [Y] de faire usage de quelque manière que ce soit des informations contenues dans le contrat du 19 août 2016 ou de les utiliser dans une procédure autre que la présente instance,

- fixe la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage à la somme de 853 700 € et déboute les parties du surplus de leur demande à ce titre,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de partage en nature des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage ou d'attribution d'une somme destinée à compenser la perte d'une attribution préférentielle des 'uvres à l'ex-époux,

- dit que le compte d'administration de Mme [E] [F] [Y] doit faire figurer, au titre des dépenses engagées par cette dernière et portant sur la maison sise à [Localité 20], une somme totale de 7 245 €,

- dit que les prix de cession des contrats d'édition perçus ou échus par M. [B] [P] [D] durant le mariage constituent des biens communs,

- dit que l'indemnité de licenciement perçue par M. [B] [P] [D] durant le mariage constitue un bien commun,

- déboute M. [B] [P] [D] de sa demande fondée sur un enrichissement sans cause,

- déboute M. [B] [P] [D] de sa demande fondée sur une sur-contribution aux charges du mariage,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de ses demandes tendant à lui attribuer une quote-part des redevances de droits d'auteur, des gains et salaires et des contrats d'édition de M. [B] [P] [D] acquis durant le mariage,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de ses demandes tendant à réintégrer 58 planches créées durant le mariage, à juger inopposables les actes de disposition conclus par M. [B] [P] [D], à juger nulles les donations passées par M. [B] [P] [D] et à juger que les 530 supports des 'uvres de M. [B] [P] [D] créés durant le mariage ainsi que les produits de leur exploitation et de leur vente, appartiennent à la communauté, et à en prononcer le partage,

- dit que seules les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage et valorisées par l'expert, M. [T], figureront au compte d'administration de M. [B] [P] [D],

- fixe la date de jouissance divise au 1er janvier 2019,

- dit que la vente du véhicule Volkswagen Sharan est inopposable à Mme [E] [F] [Y] et fixe la valeur de ce bien à 9 600 €,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de soulte en contrepartie de l'attribution à M. [B] [P] [D] du véhicule Volkswagen Sharan,

- déboute M. [B] [P] [D] de ses demandes relatives au véhicule Volkswagen Polo,

- dit que les illustrations d'auteurs américains constituent des biens communs et fixe leur valeur à 28 229 €,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de soulte en contrepartie de l'attribution à M. [B] [P] [D] des illustrations d'auteurs américains,

- dit que la bibliothèque constitue un bien commun et fixe sa valeur à 4 250 €,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de soulte en contrepartie de l'attribution à M. [B] [P] [D] de la bibliothèque,

- déboute les parties de leurs demandes relatives aux meubles meublant l'ancien domicile conjugal,

- dit que les deux peintures de [U] [N] constituent des biens communs et fixe leur valeur à 12 900 €,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de soulte en contrepartie de l'attribution à M. [B] [P] [D] des deux peintures,

- déboute M. [B] [P] [D] de sa demande tendant à condamner Mme [E] [F] [Y] à lui restituer, sous astreinte, des biens meubles lui appartenant,

- déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande d'attribution d'une quote-part des avoirs et placements bancaires,

- déboute M. [B] [P] [D] de sa demande au titre de l'intégration dans son compte d'administration des frais d'assurances, de scolarité, de garderie et de cantine des enfants,

- renvoie les parties devant Maître [G] [J], notaire à [Localité 21], pour achever les opérations de partage judiciaire conformément au projet d'état liquidatif du 6 février 2020 modifié selon ce qui a été tranché par la présente décision, dresser l'acte de partage et, s'il doit avoir lieu, réaliser le tirage au sort des lots,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- déboute les parties de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonne l'emploi des dépens en frais généraux de partage,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

M. [B] [P] [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 16 juillet 2021.

Par des conclusions notifiées le 15 décembre 2021, Mme [F] [Y] a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident aux fins de provision et de production de pièces.

Par ordonnance d'incident du 29 mars 2022, le conseiller de la mise en état a :

- condamné M. [P] [D] à payer à Mme [F] [Y] la somme de 13 814 € à titre de provision à valoir sur la soulte qui sera fixée lors des opérations de partage de leurs intérêts patrimoniaux,

- rejeté la demande de production de pièces de Mme [F] [Y],

- dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens d'incident,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 29 avril 2023, M. [B] [P] [D], appelant, demande à la cour de :

- juger recevable et fondé M. [B] [P] [D] en son appel et conclusions à l'appui,

- juger irrecevable, en partie prescrite et au surplus mal fondée Mme [E] [F] [Y] en son appel incident et ses moyens à l'appui,

- se déclarer non saisie du chef de l'inopposabilité des « donations et/ou ventes » relatives à 58 planches,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

* déclaré recevables les demandes nouvelles de Mme [F] [Y], en contradiction avec les dispositions des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile,

* limité le montant de l'indemnité d'occupation à 3 200 €,

* fixé la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage à la somme de 853 700 €, soit la valeur haute de l'expertise de M. [T],

* fixé ce montant, sans déduire les commissions et frais usuels et en statuant ultra petita,

* fixé la valeur du véhicule Volkswagen Sharan à la somme de 9 600 €,

* débouté l'appelant de ses demandes relatives au véhicule Volkswagen Polo,

* débouté sans motif pertinent M. [B] [P] [D] de sa demande relative aux meubles meublants de l'ancien domicile conjugal, comme de sa demande de restitution de diverses 'uvres d'art entrées (ou non) dans le patrimoine du fait de la personne même de M. [B] [P] [D],

* débouté sans distinction M. [B] [P] [D] de ses demandes au titre de son compte d'administration,

et statuant à nouveau :

- juger que les prétentions nouvelles de Mme [F] [Y] postérieures au procès-verbal de dires du notaire auraient dû faire l'objet d'une irrecevabilité sans débat au fond, et sont, en appel irrecevables,

- juger que l'indemnité d'occupation mensuelle due à l'indivision par Mme [F] [Y] correspond à un montant de quatre mille euros (4 000 €) après abattement (soit 5 000 € ' 20 %),

- rappeler que le contrat de vente du 19 août 2016 n'a pas été jugé nul,

- juger la valeur à l'unité des 'uvres créées par M. [P] [D] durant le mariage incompatible avec les dispositions de l'article 829 du code civil notamment,

- juger que la valeur des 'uvres créées par M. [P] [D] durant le mariage doit être retenue pour leur valeur globale, soit trois cent quarante et un mille quatre cent quatre-vingt euros (341 480 €),

- juger que des commissions et frais s'imputent sur la valeur des 'uvres,

- fixer le taux global des commissions et frais à 30 % de la valeur des 'uvres,

- fixer la valeur du véhicule Sharan à deux mille six cents euros (2 600 €),

- intégrer à l'état liquidatif le véhicule Polo, pour une valeur à parfaire,

- enjoindre à l'intimée de remettre la carte grise et une valeur certifiée dudit véhicule,

- juger que M. [P] [D] détient une créance au titre des infractions routières de son ex-épouse et la fixer à la somme de deux mille quarante euros (2 040 €),

- ordonner la remise sous astreinte qu'il plaira à la cour de fixer, par Mme [F] [Y] à M. [P] [D] des oeuvres suivantes :

* une peinture de l'illustrateur [C] [Z] acquise au prix de 2 000 €

* un tableau de l'illustrateur américain [M] [W] acquis 2 270 dollars

* un tableau de [K] [H] [V]

-à tout le moins fixer ces 'uvres précitées pour leur valeur à l'actif de communauté, à parfaire,

- juger que les biens mobiliers suivants sont des propres et en ordonner la restitution sous astreinte qu'il plaira à la cour de fixer, par Mme [F] [Y] à M. [P] [D] :

* un coffre en bois ancien de sa grand-mère,

* une huile sur toile représentant un sphynx réalisée par M. [P] [D],

-à défaut d'ordonner la restitution de l''uvre Sphynx, renvoyer les parties devant le notaire commis, qui aura à charge d'évaluer l''uvre intitulée Sphynx dans le cadre des opérations de partage,

- juger que M. [P] [D] détient une créance à l'égard de la communauté au titre du poste « meubles meublants » et fixer cette créance à un montant de 20 000 €, à parfaire,

- rejeter du compte d'administration de Mme [F] [Y] la somme de 7 245 €, a fortiori celle majorée de 13 518,84 €, au titre de frais afférents au domicile conjugal,

- juger que M. [P] [D] détient une créance sur l'indivision au titre des primes d'assurance qu'il a réglées et fixer son montant à trente-quatre mille huit cent vingt-trois euros (34 823 €),

- confirmer le jugement pour le surplus et en particulier en ce qu'il a :

* rappelé que le divorce prenait effet entre les parties concernant leurs biens au 4 septembre 2009,

* fait interdiction à Mme [F] [Y] de divulguer à quiconque, personne physique ou morale, les informations contenues dans le contrat du 19 août 2016 de quelque nature que ce soit,

* fait interdiction à Mme [E] [F] [Y] de faire usage de quelque manière que ce soit des informations contenues dans le contrat du 19 août 2016 ou de les utiliser dans une procédure autre que la présente instance,

* retenu au crédit de M. [P] [D] une créance au titre des remboursements d'emprunts, taxes d'habitation et taxes foncières de 45 773,20 €,

* débouté Mme [F] [Y] de ses demandes tendant à réintégrer 58 planches créées durant le mariage, à juger inopposables les actes de disposition conclus par M. [B] [P] [D], à juger nulles les donations passées par M. [B] [P] [D] et à juger que 530 supports des 'uvres de M. [B] [P] [D] créés durant le mariage ainsi que les produits de leur exploitation et de leur vente, appartiennent à la communauté, et en prononcer le partage,

* dit que seules les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage et valorisées par l'expert M. [T] figureront au compte d'administration de M. [B] [P] [D],

* fixé la date de jouissance divise au 1er janvier 2019,

- débouter ce faisant Mme [F] [Y] de sa demande d'intégration au compte d'administration de M. [P] [D] de la valeur de 58 planches complémentaires au rapport de l'expert [T], à défaut d'en retenir la prescription,

-à défaut encore, ordonner à Mme [F] [Y] d'identifier précisément chacune des 58 planches qu'elle estime devoir être réintégrée à l'actif, avec pour chacune son numéro, la date et le tome dont elle est issue,

- débouter ce faisant Mme [F] [Y] de sa demande d'intégration au compte d'administration de M. [P] [D] de redevances de droits d'auteur, à défaut d'en retenir l'irrecevabilité,

- débouter Mme [F] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

- plus généralement débouter Mme [F] [Y] de l'ensemble de ses moyens et prétentions contraires au présent dispositif,

- condamner Mme [F] [Y] aux entiers dépens d'instance et d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 février 2023, Mme [E] [F] [Y], intimée, demande à la cour de :

- recevoir Mme [F] en son appel incident, la déclarer recevable et toutes ses demandes et tous ses moyens,

se faisant :

- infirmer le jugement du 28 mars 2021 en ses dispositions suivantes :

* déboute Mme [F] de sa demande de partage en nature des 'uvres créées par M. [P] durant le mariage ou d'attribution d'une somme destinée à compenser la perte d'une attribution préférentielle des 'uvres à l'ex-époux,

* déboute Mme [F] de ses demandes tendant à lui attribuer une quote-part des redevances de droit d'auteur, des gains et salaires et des contrats d'éditions de M. [P] acquis (perçus ou échus) pendant le mariage,

* déboute Mme [F] de ses demandes tendant à réintégrer 58 planches manquantes créées pendant le mariage,

* limite à 7 245 € le montant des sommes à intégrer au compte d'administration de Mme [F],

* dit que seules les 'uvres créées par M. [P] durant le mariage et valorisées par l'expert M. [T] figureront au compte d'administration de M. [P],

et statuant à nouveau sur les motifs dont appel :

- intégrer au compte d'administration de M. [P] le montant de redevances de droit d'auteur perçues par lui pendant le mariage mais non partagées et celles échues pendant le mariage mais perçues après, selon les éléments à fournir par M. [P] (à parfaire),

- juger que le montant de la créance de Mme [F] sur l'indivision s'élève à 13 518,84 €,

- intégrer au compte d'administration de M. [P], la valeur des 58 planches (selon les montants retenus par l'expert M. [T]) n'apparaissant pas dans le rapport de M. [T], en la diminuant de la valeur des planches vendues pendant le mariage et qui auraient effectivement profité à la communauté, selon les preuves rapportées par M. [P],

et pour le reste du jugement :

- confirmer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [F] tel que déterminée par le jugement du 18 mars 2021,

- confirmer l'existence d'une créance de Mme [F] sur l'indivision,

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la valeur déterminée par M. [T] dans son rapport de juin 2019, à savoir la somme de 853 700 €,

- confirmer la recevabilité des demandes de Mme [F] quant aux redevances de droit d'auteur perçues et échues pendant le mariage,

- confirmer que les 530 supports des 'uvres de M. [P] créés durant le mariage ainsi que les produits de leur exploitation et de leur vente, appartiennent à la communauté,

- confirmer l'inopposabilité à Mme [F] du contrat de vente du 19 août 2016 et de la vente du véhicule Sharan et juger qu'en conséquence le prix de vente ne peut être retenu dans le cadre des opérations de partage et de liquidation pour calculer la part de Mme [F],

- confirmer les dispositions du jugement s'agissant des illustrations d'auteurs américains, la bibliothèque, les peintures de [U] [N], et les meubles du domicile,

- confirmer le jugement dans ses dispositions concernant les meubles dont M. [P] se prévaut à savoir les peintures d'[C] [Z], [M] [W], et M. [P],

- confirmer le jugement en ses dispositions sur les avoirs et placements bancaires,

- confirmer le jugement en ses dispositions sur le Véhicule Sharan et le véhicule Polo,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [P] de sa demande au titre de l'intégration dans son compte d'administration des frais d'assurances, de scolarité, de garderie et de cantine des enfants,

en tout état de cause :

- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes formulées dans le cadre de son appel et partant de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et notamment celles tendant à la prise en compte de commissions sur le montant de l'expertise [T], celle tendant à la retenue du montant le plus faible de l'expertise de M. [T], celle tendant à l'irrecevabilité des demandes de Mme [F] quant aux redevances de droits d'auteurs, celle tendant à la restitution d''uvres ou de biens qui ne sont plus en possession de Mme [F], et celles concernant les demandes de créances qu'aurait M. [P] sur la communauté,

- condamner M. [B] [K] [P] [D] à payer à Mme [E] [F] la somme de 30 000 € au titre de la procédure abusive et de sa résistance abusive,

- condamner M. [B] [K] [P] [D] à payer à Mme [E] [F] [Y] épouse [P] la somme de vingt mille € (20 000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [B] [K] [P] [D] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties au soutien de leurs prétentions, il sera renvoyé à leurs écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 février 2024.

L'affaire a été appelée à l'audience du 27 février 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

La problématique de la liquidation du régime matrimonial et des intérêts patrimoniaux des ex-époux [P] [D] [F] [Y] tient en grande partie au sort des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] entre la date de la célébration du mariage et la date du 4 septembre 2009, date des effets patrimoniaux du divorce définitivement fixée par le jugement de divorce, période désignée dans le langage courant comme étant celle du vif mariage.

Avant d'aborder les demandes relatives à ces 'uvres présentées tant dans le cadre de l'appel principal que de l'appel incident, il y a lieu de statuer sur le chef du jugement qui a écarté l'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D] sur le fondement des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile.

Seront également abordées les autres demandes ayant trait à l'actif ou au passif de l'indivision post-communautaire ainsi que les demandes de créances de l'un des ex-époux à l'encontre de l'autre.

Il est également précisé que le présent arrêt réservera l'expression « comptes d'administration de l'indivision » aux situations où est revendiquée une créance par l'un des ex-époux sur l'indivision ou alors une créance pour le compte de l'indivision à l'encontre de son ex-conjoint.

Il sera aussi rappelé qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. En application de son alinéa 3, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils ont invoqués dans la discussion.

Les demandes tendant à voir "constater" ne sont pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile lorsqu'elles ne tendent pas à conférer de droits à la partie qui les présente, mais relèvent des moyens au soutien de ses prétentions. La cour n'est dès lors pas tenue de statuer distinctement sur de telles demandes qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués, même lorsqu'elles sont rédigées en utilisant un autre verbe, tel qu'« ordonner » en l'espèce.

Sur l'appel principal du chef du jugement ayant rejetée l'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D] sur le fondement des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile

Le premier juge a écarté l'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D] au visa de ces articles à l'encontre de plusieurs demandes de Mme [E] [F] [Y] au motif que le juge commis n'ayant pas établi de rapport, toutes les demandes relatives au partage judiciaire sont recevables.

L'article 1374 du code de procédure civile dispose que « toutes les demandes faites en application de l'article 1373 entre les mêmes parties, qu'elles émanent du demandeur ou défendeur, ne constituent qu'une seule instance. Toute demande distincte est irrecevable à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l'établissement du rapport par le juge commis. ».

Aux termes de l'article 1373 du code de procédure civile, « en cas de désaccord des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmet au juge commis le procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif.

Le greffe invite les parties non représentées à constituer avocat.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants et le notaire et tenter une conciliation.

Il fait rapport au tribunal des points de désaccord subsistants.

Il est, le cas échéant, juge de la mise en état. ».

En l'espèce, le notaire désigné par le tribunal a dressé un projet d'état liquidatif et un procès-verbal de dires contenant un développement en page 12 sur « les points litigieux subsistant entre les parties » ; mais, le juge commis n'a pas établi de rapport à destination du tribunal listant à nouveau les points de désaccord subsistants.

M. [B] [P] [D] au soutien de son appel, fait valoir que :

- le procès-verbal de difficultés et le projet d'état liquidatif ont bien été remis au juge commis,

- s'affranchir de la règle de l'unicité de l'instance en partage au seul motif que le juge commis n'a pas établi le rapport qui lui incombe a pour conséquence de vider de leur substance les dispositions de l'article 1374 du code de procédure civile,

- il s'évince de l'article 267 du code civil que la liquidation englobe le règlement de tous les rapports pécuniaires entre époux de sorte que celui qui se prétend créancier doit faire valoir sa créance lors des opérations de comptes liquidation, cette liquidation s'opérant sur la base du procès-verbal de dires sériant les points de désaccords subsistants,

- que les décisions de jurisprudence dont se prévaut Mme [E] [F] [Y] reposent sur des hypothèses où aucun procès-verbal de dires n'avait été établi ou en l'absence de projet d'état liquidatif, et que tel n'est pas la situation en l'espèce.

Il soulève donc l'irrecevabilité des demandes de Mme [E] [F] [Y] tendant :

- à un partage en nature,

- à l'attribution d'une quote-part des redevances de droit d'auteur pour 64 078 € à parfaire,

- à la requalification en gains et salaires des redevances d'exploitation issues des contrats d'édition et à l'attribution d'une quote-part de ces gains et salaires pour 293 611 €,

- à l'inopposabilité des actes de disposition des 'uvres (ventes et donations) et de nullité des donations effectuées par l'auteur.

M. [B] [P] [D] ajoute que le chef de demande de Mme [E] [F] [Y] sur l'intégration de la valeur de 58 planches en la diminuant de celles qui auraient été vendues pendant le mariage et dont le prix aurait profité à la communauté ne figurait pas dans ses premières conclusions d'intimée, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Mme [E] [F] [Y], qui soutient pour sa part que le tribunal a appliqué une jurisprudence constante et éprouvée, demande la confirmation du jugement qui a rejeté l'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D] à l'encontre de plusieurs de ses demandes.

L'article 267 du code civil issu de l'ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015 dispose que « A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l'indivision, d'attribution préférentielle et d'avance sur part de communauté ou de biens indivis.

Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du code de procédure civile, s'il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties, notamment en produisant :

- une déclaration commune d'acceptation d'un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;

- le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255.

Il peut, même d'office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux. »

Or, selon les mesures transitoires de cette ordonnance, cet article est applicable aux requêtes en divorce introduites avant la date de son entrée en vigueur fixée au 1er janvier 2016 qui, au jour de celle-ci, n'ont pas donné lieu à une demande introductive d'instance. D'une part, cet article est relatif à la procédure de divorce, laquelle s'est achevée par le jugement de divorce prononcé le 29 juillet 2016 qui est devenu définitif. D'autre part, l'assignation en divorce, qui est l'acte introductif d'instance de la procédure de divorce, a été délivrée le 25 juillet 2011 soit antérieurement à la date du 1er janvier 2016. Cet article n' est donc pas applicable à liquidation et au partage du régime matrimonial des époux [P] [S] ; le moyen défendu par M. [B] [P] [D] tendant à son application est par conséquent inopérant.

Le jugement de divorce du 29 juillet 2016 a enjoint les parties de saisir Me [G] [J] afin de liquider leur régime matrimonial et leur a rappelé que si elles ne parviennent pas à liquider leur régime matrimonial, elles seront invitées à se rapprocher à titre amiable sur la liquidation, et à défaut, elles pourront saisir le juge aux affaires familiales pour qu'il soit statué sur le partage judiciaire, sur le fondement de l'article 1476 du code civil.

M. [B] [P] [D] et Mme [E] [F] [Y] n'étant pas parvenus de façon amiable à liquider leurs intérêts patrimoniaux, Mme [E] [F] [Y] a fait assigner par acte d'huissier du 19 janvier 2017, M. [B] [P] [D] afin qu'il y soit procédé de façon judiciaire.

Ainsi, le jugement du 18 décembre 2018 a ordonné la poursuite des opérations de comptes liquidation partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux, et a désigné un notaire pour y procéder en la personne de Me [J], rappelant dans son dispositif les prescriptions des articles 1368 et 1373 selon lesquelles il appartient au notaire de dresser un état liquidatif de leurs intérêts patrimoniaux, d'établir les comptes entre les parties, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir dans le délai d'un an à compter de sa désignation et d'en informer le juge commis dès signature et qu'à défaut de signature de cet état liquidatif par les ex-époux, de transmettre au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d'état liquidatif et ses annexes. Parallèlement, le jugement commettait le juge du cabinet 102 pour surveiller le déroulement des opérations et dresser rapport en cas de difficultés, lequel exerçant également les fonctions de juge de la mise en état.

Me [J] a dressé le 6 février 2020 un procès-verbal de dires comprenant en son annexe 3 un état liquidatif ; Mme [E] [F] [Y], qui était présente devant le notaire et assistée de son conseil, a déclaré n'avoir rien à ajouter aux dires déjà communiqués par son conseil en date des 13 et 27 février, 5, 13 et 15 mars, 4 avril, 7 août et 11 septembre 2019 et 10 janvier 2020, étant précisé au procès-verbal que ces dires seront envoyés avec celui-ci. Le dernier dire de M. [B] [P] [D] en date du 6 février 2020 était reproduit au procès-verbal.

Le notaire, après avoir entendu les dires des parties, a dans un développement intitulé « les points litigieux subsistant entre les parties » figurant page 12 du procès-verbal, listé douze points de désaccords. L'état liquidatif, en page 21 de l'acte dressé par le notaire, contient également un développement introduit par la phrase « les questions à trancher sont les suivantes » reprenant les douze points déjà évoqués.

Me [J], indique dans l'acte dressé par elle qu'une copie sera adressée au magistrat avec les dires de chaque époux et ses annexes.

Le jugement dont appel, dans le paragraphe sur l'exposé des faits, rappelle que Me [J] a établi un procès-verbal de dires et un projet d'état liquidatif en date du 6 février 2020. Les parties ont consécutivement remis leurs conclusions au tribunal sur lesquelles le jugement a statué.

Il n'y a donc pas lieu de douter que le procès-verbal de dires contenant l'état liquidatif établi par le notaire a donc bien été transmis au juge commis.

Mme [E] [F] [Y] d'ailleurs ne prétend pas que la liste des points de désaccords figurant à deux reprises dans l'acte dressé par le notaire n'était pas complète et aurait omis de reprendre une de ses réclamations telle qu'exprimée dans un de ses dires qui constitue une demande en justice.

Quand bien même suite à cette transmission, le juge commis n'a pas consigné dans un rapport les points de désaccord subsistants, dès lors que parties ont pu conformément à l'article 1373 du code de procédure civile formuler leurs demandes en justice au travers de leurs dires et que le notaire a dressé un projet d'état liquidatif prenant en compte les dires des parties de sorte que le litige était lié, il n'y a pas lieu d'écarter le principe qui découle de l'article 1374 du code de procédure civile de l'unicité de l'instance et dont l'objet est de concentrer les demandes des co-partageants en empêchant des réclamations incessantes qui se développent à la faveur de l'écoulement du temps.

Partant, sont déclarées irrecevables les demandes de Mme [E] [F] [Y] qui n'ont pas fait l'objet des dires adressés par cette dernière au notaire désigné pour procéder aux opérations de comptes liquidation partage et tendant à un partage en nature des 'uvres créées par M. [B] [P] [D], à l'attribution d'une quote-part des redevances de droits d'auteur pour un montant de 64 078 €, à la requalification en gains et salaires des redevances d'exploitation issues des contrats d'édition et d'attribution d'une quote-part de ces gains et salaires pour la somme de 293 611 €, et le jugement infirmé en ce qu'il a statué en sens contraire.

En revanche, Mme [E] [F] [Y] en page 3 de son dire du 10 janvier 2020 adressé au notaire liquidateur, se plaignait du fait que 58 planches et des esquisses créées par M. [B] [P] [D] sont manquantes et demandait que leur valeur soit rapportée à la communauté. La liste des points litigieux établie par le notaire dans le procès-verbal de dires fait d'ailleurs mention de la revendication de Mme [E] [F] [Y] s'agissant de la réintégration à l'actif de la communauté de ces 58 planches. La demande de Mme [E] [F] [Y] à ce titre n'encoure donc pas d'irrecevabilité sur le fondement des articles 1373 et 1374 du code de procédure civile et le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D].

Les premières conclusions d'intimée de Mme [E] [F] [Y], contrairement à ce que soutient M. [B] [P] [D], tendent bien à l'infirmation du chef du jugement qui l'a déboutée de sa demande à ce titre (page 29) et sa demande d'infirmation est immédiatement suive d'une demande tendant à l'intégration de ces 58 planches, de sorte que la cour est bien saisie d'une prétention à ce titre.

La demande de réintégration de ces 'uvres de Mme [E] [F] [Y] ne saurait donc être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile, ni sur le fondement de l'article 954 du même code invoqué mal à propos par M. [B] [P] [D].

Sur l'appel principal et l'appel incident des chefs du jugement ayant statué sur les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] avant la date de dissolution de la communauté

La date des effets patrimoniaux ayant été fixée à la date du 4 septembre 2009 par le jugement de divorce devenu irrévocable, il en découle que la communauté est dissoute rétroactivement à compter de cette même date qui a pour corollaire d'être aussi celle de la naissance de l'indivision post-communautaire.

Il suit donc que les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] postérieurement au 4 septembre 2009 alors que la communauté est rétraoctivement dissoute ne sont pas tombées en communauté et ne peuvent relever de l'actif de l'indivision post-communautaire ; sur ces 'uvres créées postérieurement au 4 septembre 2009, M. [B] [P] [D], outre le droit de propriété incorporelle qu'il exerce et qui comporte aux termes de l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle des attributs d'ordre intellectuel et moral et des attributs d'ordre patrimonial, a la propriété de leur support matériel tant qu'il n'en a pas disposé en vertu précisément de son droit de propriété au sens classique du terme.

S'agissant des 'uvres créées avant la date de la dissolution de la communauté, elles se voient appliquées les dispositions de l'article L.121-9 du code de la propriété intellectuelle :

« Sous tous les régimes matrimoniaux et à peine de nullité de toutes clauses contraires portées au contrat de mariage, le droit de divulguer l''uvre, de fixer les conditions de son exploitation et d'en défendre l'intégrité reste propre à l'époux auteur ou à celui des époux à qui de tels droits ont été transmis. Ce droit ne peut être apporté en dot, ni acquis par la communauté ou par une société d'acquêts.

Les produits pécuniaires provenant de l'exploitation d'une 'uvre de l'esprit ou de la cession totale ou partielle du droit d'exploitation sont soumis au droit commun des régimes matrimoniaux, uniquement lorsqu'ils ont été acquis pendant le mariage ; il en est de même des économies réalisées de ces chefs.

Les dispositions prévues à l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le mariage a été célébré antérieurement au 12 mars 1958.

Les dispositions législatives relatives à la contribution des époux aux charges du ménage sont applicables aux produits pécuniaires visés au deuxième alinéa du présent article. ».

Le principe énoncé par l'article L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, selon lequel la propriété incorporelle est indépendante de la propriété de l'objet matériel, trouve alors toute sa portée.

En effet, ce support matériel qui a été créé au temps du vif mariage constitue, en application de l'article 1401 du code civil, un acquêt de communauté et relève après sa dissolution de l'indivision post-communautaire dont il constitue un élément de son actif.

Le jugement du 18 décembre 2018, qui n'a pas fait l'objet d'un appel, avait d'ailleurs dans son dispositif « dit que les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant le mariage ainsi que les produits des ventes ou de l'exploitation de ces 'uvres, échus ou perçus pendant le mariage, sont des biens communs » ; ce chef est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; le présent arrêt apporte seulement la précision que la période du mariage s'entend de celle qui s'est écoulée jusqu'à la date de la dissolution de la communauté.

Sur le chef du jugement ayant fixé la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage à la somme de 853 700 €

A été mis aux débats un contrat en date du 19 août 2016 passé entre la société [12] et M. [B] [P] [D] par lequel ce dernier a cédé à la première la totalité des planches et dessins originaux qu'il a créés entre 1998 et 2009 au prix global de 196 880 €, les 'uvres vendues étant listées dans un inventaire annexé au contrat.

Le premier juge, au motif que le droit de divulguer une 'uvre et de fixer les conditions de son exploitation inscrit à l'article L.121-9 du code de la propriété intellectuelle ne recouvre pas le droit de vendre seul une 'uvre et qu'en l'espèce le consentement de Mme [E] [F] [Y] était nécessaire pour réaliser un acte de disposition sur des 'uvres créées avant la date des effets patrimoniaux du divorce, a déclaré ce contrat comme étant inopposable à cette dernière. Même si le jugement ne mentionne pas expressément la nature indivise de ces 'uvres, celle-ci résulte implicitement de ce motif.

Le chef du jugement ayant déclaré ce contrat inopposable à Mme [E] [F] [Y] n'a pas été dévolu par la déclaration d'appel à la cour. En l'absence de demande d'infirmation dans les premières conclusions de l'intimé, il ne fait pas non plus l'objet de l'appel incident. Ce même chef est donc devenu irrévocable. Il en résulte que les développements contenus dans les écritures de Mme [E] [F] [Y] pour demander sa confirmation sont inutiles. Le cour ne statuera donc pas à nouveau de ce chef.

En revanche, les parties s'opposent sur la valeur à réintégrer dans l'actif de la communauté au titre du support matériel des 'uvres cédées par ce contrat.

Devant le désaccord persistant des ex-époux sur la valeur de ces 'uvres, le notaire liquidateur a chargé un expert en bandes dessinées en la personne de M. [T] de procéder à une estimation de la valeur vénale des 'uvres originales qui, en tant que support matériel, doivent figurer à l'actif de la communauté. M. [T] a remis son rapport dans le courant du mois de juin 2019.

Ce rapport récapitule les 'uvres concernées, en fonction des tomes des albums auxquels elles se rapportent ; ces 'uvres sont constituées de ''planches'', de pages de couverture et de crayonnés (3 tomes album Blacksad, 8 tomes album Voyageur, 2 tomes albums de Sorcelleries) ; s'y ajoutent des illustrations diverses, un carnet de recherches et des esquisses en couleurs.

L'expert a donné une valeur unitaire pour chacune des 'uvres qu'il a listées, précisant que cette estimation tient compte des différents résultats obtenus lors de ventes aux enchères et des ventes sur site d'enchères. En additionnant chacune de ces valeurs unitaires, il aboutit à une somme totale de 853 700 €, puis il fait immédiatement remarquer que si la totalité de ces 'uvres était proposée dans une seule et même vente, à un seul endroit et le même jour, le prix obtenu serait, de toute évidence loin de ce résultat du fait que le marché de la bande dessinée encore très récent serait incapable d'absorber la totalité des 'uvres de M. [B] [P] [D], tout en rappelant qu'il est un des créateurs les plus renommés du neuvième art. L'expert estime alors que le prix qui pourrait être obtenu en cas de vente globale serait de l'ordre de 40 % par rapport au total des prix unitaires, ce qui équivaut à la somme de 341 480 €.

Le projet d'état liquidatif proposait deux hypothèses, l'une où la vente des 'uvres par le contrat du 19 août 2016 est opposable à Mme [E] [F] [Y] en fonction du prix de vente de 196 880 € et l'autre où la vente des 'uvres en vertu de ce contrat est inopposable à Mme [E] [F] [Y] en fonction de la valeur actuelle des 'uvres pour leur valeur définie par M. [T] si elles étaient vendues séparément (853 700 €).

Le juge aux affaires familiales, au motif qu'un partage en nature était possible, a considéré qu'il convenait de retenir une valorisation de ces 'uvres en fonction d'un prix de vente à l'unité, soit à hauteur de la somme de 853 700 €, rejetant donc la demande de M. [B] [P] [D] tendant à voir retenir la valeur en fonction d'une vente globale (vente d'atelier) au prix estimé par l'expert de 341 480 € ; le juge a également rejeté la demande de M. [B] [P] [D] tendant à voir pris en compte des frais et commissions au motif qu'une vente de gré à gré ou à un galeriste était possible.

M. [B] [P] [D] fait grief au jugement dont appel d'entrer en contradiction avec le précédent jugement du 18 décembre 2018 qui avait jugé que pour les 'uvres créées pendant le mariage qui ont été vendues, il conviendra de retenir le montant réellement perçu au moment des ventes, en n'ayant pas retenu le prix de cession à hauteur de 196 880 €, faisant valoir que « seul le prix d'un bien vendu au cours de l'indivision doit figurer dans la masse à partager ».

Le chef du jugement du 18 décembre 2018 auquel M. [B] [P] [D] entend se référer est ainsi libellé : « dit que les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant le mariage ainsi que les produits de la vente ou de l'exploitation de ces 'uvres, échus ou perçus pendant le mariage, sont des biens communs » ; même si le contrat du 19 août 2016 a été évoqué lors des débats, ce jugement ne s'est pas directement prononcé sur sa validité et son opposabilité à Mme [E] [F] [Y].

Or, le jugement dont appel a déclaré ce contrat inopposable à Mme [E] [F] [Y] et ce chef du jugement qui n'est pas expressément visé dans la déclaration d'appel n'a pas été dévolu à la cour ; il est donc devenu définitif. Il en résulte que le prix de vente fixé par ce contrat n'est donc pas opposable Mme [E] [F] [Y]. Il n'y a donc pas une contrariété de jugement puisque la chose jugée n'est pas la même. De plus, la cour relève que dans le dispositif de ses conclusions, M. [B] [P] [D] ne demande pas de retenir le prix de vente à hauteur de 196 880 € mais le montant de l'une des estimations de M. [T], expert missionné par le notaire liquidateur, à hauteur de 341 480 €. Ce moyen ne tient donc pas.

M. [B] [P] [D] critique le jugement qui a retenu la valeur haute de l'expertise [T] ; à l'appui de cette critique, il fait valoir que cette valeur correspond à un prix de vente à l'unité totalement incompatible en matière d''uvres picturales avec le principe d'évaluation à la date la plus proche du partage au sens de l'article 829 du code civil ; qu'une vente à l'unité ne peut s'entendre que dans le temps, au sens même du rapport d'expertise [T] ; que le courrier du 25 mars 2015 de M. [O], expert désigné par l'ordonnance du 24 juillet 2014 rendue par le juge de la mise en état, avait souligné cette particularité ainsi que d'autres spécialistes en matière de bandes dessinées ; que le projet d'état liquidatif est arbitraire car il ne retient que deux hypothèses, soit l'opposabilité du contrat de vente du 19 août 2016 et partant le prix stipulé, soit l'estimation du rapport d'expertise [T] en fonction d'une vente à l'unité; que ce prix a été retenu au motif qu'une attribution en nature serait possible alors que Mme [E] [F] [Y] a été déboutée de sa demande de partage en nature; que les 'uvres ont été vendues par le contrat du 19 août 2016 qui n'a pas été annulé par le jugement mais déclaré inopposable à Mme [E] [F] [Y] ; que si le support matériel confère la qualité de biens communs à ces 'uvres, elles intègrent aussi des droits de propriété incorporelle qui sont strictement personnels à l'auteur et ne rentrent pas dans la masse partageable ; qu'à ce titre il dispose du droit exclusif de fixer les conditions d'exploitation de ses 'uvres comme d'en défendre l'intégrité ; qu'il ne peut être imposé à l'auteur un partage en nature des 'uvres qu'il a créées.

Mme [E] [F] [Y] soutient que la valeur des 'uvres découlant de l'estimation réalisée par M. [T] à hauteur de 853 700 € se rapproche davantage de la date de la jouissance divise fixée au 1er janvier 2019 que la vente intervenue dans des conditions discutables en 2016 ; que le rapport d'expertise conclut que « l'ensemble des 'uvres de M. [P], listées ci-dessus, est évalué à 853 700 € »; que la demande de ce dernier de fixer la valeur des 'uvres à la somme de 341 480 € dénaturerait inévitablement le rapport d'expertise; que cette valeur qui « renvoie à une hypothèse de vente invraisemblable en une seule fois ne saurait se substituer à la valeur expressément déterminée à 853 700 € ».

L'expert [A], dont le sérieux, les compétences et l'impartialité ne sont pas discutés, conclut à une évaluation à hauteur de 853 700 euros, qui est la somme de l'évaluation individuelle de chacune des pièces constitutives des 'uvres en question et à une évaluation de la totalité des 'uvres à hauteur de 341 480 € dans l'hypothèse d'une seule et même vente sans marquer sa préférence pour l'une ou l'autre de ses estimations qui aurait impliqué de sa part une appréciation d'ordre juridique ce qui ne relève pas de mission en tant qu'expert.

Mme [E] [F] [Y] ne peut donc être sérieusement soutenir que M. [B] [P] [D] dénature le rapport d'expertise en se fondant sur celui-ci pour demander que la valeur de ses 'uvres créées pendant le vif mariage soit fixée à la somme de 341 480 €.

Aux termes de l'article 829 du code civil, « en vue de leur répartition, les biens sont estimés à leur valeur à la date de la jouissance divise telle qu'elle est fixée par l'acte du partage, en tenant compte, s'il y a lieu, des charges les grevant.

Cette date est la plus proche possible du partage.

Cependant, le juge peut fixer la jouissance divise à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité. ».

En l'occurrence, le jugement a fixé la date de la jouissance divise au 1er janvier 2019, chef du jugement sur lequel il n'a pas été relevé appel et qui est donc devenu définitif ; l'unicité de la date de jouissance qui en découle conduit à retenir l'hypothèse d'un prix qui se dégagerait d'une vente unique réalisée le même jour et au même lieu de la totalité des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant le mariage jusqu'à la date de la dissolution de la communauté; en effet, alors que le projet d'état liquidatif n'a pas envisagé l'hypothèse d'un partage partiel, aucune demande n'ayant été formulée en ce sens, les opérations de partage aboutiront à allotir chacune des parties simultanément et en une seule fois de façon instantanée.

Les sommes de 853 700 € et de 341 800 € ont été retenues par l'expert [T] au terme de son rapport déposé au mois de juin 2019 qui est contemporain de la date de la jouissance divise. C'est donc inexact de prétendre comme le fait Mme [E] [F] [Y] que l'estimation des 'uvres à hauteur de la somme de 853 700 € serait plus proche de la date de la jouissance divise.

Déjà, l'expert [O] désigné par le juge de la mise en état du tribunal, dans un courrier daté du 25 mars 2015 adressé en complément de son rapport au magistrat, indiquait que la valeur patrimoniale des 'uvres de M. [B] [P] [D] ne peut en aucun cas être déterminée par l'addition des prix estimatifs listés dans son inventaire.

Par ailleurs, si les premières conclusions de l'intimée qui constituent son acte d'appel incident tendent à l'infirmation du chef du jugement ayant « débouté Mme [E] [F] [Y] de sa demande de partage en nature des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage ou d'attribution d'une somme destinée à compenser la perte d'une attribution préférentielle déclaration de succession 'uvres à l'ex-époux », force est de constater qu'elle n'a pas demandé dans ses premières conclusions, ni d'ailleurs dans celles ultérieures, un partage en nature de ses 'uvres ; la cour ne pourra donc que confirmer le chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande de partage en nature. De surcroît sa demande tendant à un partage en nature est déclarée irrecevable par le présent arrêt.

Indépendamment même du fait que le contrat du 19 août 2016 n'a pas été annulé mais déclaré inopposable, sur le plan processuel, ce partage en nature ne peut donc plus être ordonné. Il en résulte que dans le cadre du litige soumis à la cour, les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant le temps du vif mariage ne peuvent donc plus être attribuées à Mme [E] [F] [Y] ; cette dernière se verra donc allotir de la moitié en valeur de ces 'uvres d'art ; cet allotissement en valeur se faisant de façon instantanée, il convient donc de se placer dans l'hypothèse la plus proche au niveau factuel, à savoir celle d'une vente globale de ces 'uvres le même jour de sorte que doit être retenue la valeur dans le cadre d'une vente globale de l'ensemble des 'uvres telle qu'estimée par l'expert [T], soit la somme de 341 480 €.

Le jugement a également débouté M. [B] [P] [D] de sa demande tendant à voir pris en compte les commissions et frais pris par la maison de ventes aux enchères au motif qu'une vente de gré à gré ou un galeriste étant possible, il n'y a pas lieu de diminuer la valeur des 'uvres de frais hypothétiques.

M. [B] [P] [D], sur le fondement de l'article 829 du code civil, soutient que le premier juge a commis une erreur sur la notion de vente de gré à gré qui ne se limite pas à une vente directe de l'artiste à un particulier, cas rarissime en l'occurrence sur le micro-marché de la bande dessinée mais renvoie à toutes les ventes qui sont réalisées par l'intermédiaire d'un professionnel donnant lieu à des commissions et frais et pointe une méconnaissance du premier juge du marché de l'article.

Il précise que le notaire, en dépit des dires qu'il lui a adressés, n'a pas interrogé l'expert qu'il a missionné sur l'existence et l'importance de ces frais et commissions que l'expert [O] avait pourtant retenus ; il indique que les commissions vendeurs sont comprises dans une échelle de 10% à 30% du prix marteau et que s'y ajoutent souvent les honoraires d'un expert, la participation du vendeur aux frais de publicité et de catalogue, de transport et gardiennage, lesquels frais se déduisent du prix d'adjudication. Il relève que l'expert [A] s'est référé pour déterminer les valeurs à des prix de ventes aux enchères qui sont intrinsèquement soumis à commissions.

M. [B] [P] [D] fait remarquer que Mme [E] [F] [Y] ne contestait pas le principe des commissions dans le cadre de ses conclusions prises en 2018 et 2020 mais seulement le taux de 40%, prétendant alors qu'il se situait entre 18% et 25%. Il fait valoir qu' « elle ne peut pas sérieusement se positionner différemment en appel. ».

Mme [E] [F] [Y] rappelle que l'expert [T] a été désigné du commun accord des parties qui connaissaient parfaitement sa réputation de sérieux et de respectabilité ; que la mission confiée à ce dernier était de déterminer la valeur vénale des 'uvres dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial en vue de déterminer la quote-part en valeur devant lui revenir ; que la notion de valeur vénale est claire, et s'entend comme le prix net une fois déduits les frais et charges éventuellement applicables ; que les estimations de M. [T] sont inférieures au montant du prix de vente et prennent en compte ces frais ; elle ajoute que le taux de commissions invoqué par M. [B] [P] [D] est de surcroît exagéré au vu même des pièces qu'il produit.

L'expert [A], spécialiste reconnu de la bande dessinée et qui n'ignore pas les frais et charges qui sont amenés à grever une vente, en utilisant dans son rapport l'expression « produit de la vente » et non celle de prix marteau, a retenu une valeur nette déduction faite des frais et commissions susceptibles d'affecter le prix de vente.

Partant, M. [B] [P] [D] se voit débouté de ses demandes tendant à « juger que des commissions et frais s'imputent sur la valeur des 'uvres » et à « fixer le taux global des commissions et frais à 30% de la valeur des 'uvres ».

Infirmant le jugement en ce qu'il a fixé la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage à la somme de 853 700 €, il y a lieu de fixer à la somme de 341 480 € la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] pendant la durée du vif mariage. Le jugement a débouté les parties du surplus de leurs demandes à ce titre ; or, parmi ces demandes, figuraient celles de M. [B] [P] [D] au titre des frais et commissions ; le jugement est donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] [P] [D] de ses demandes de frais et commissions.

Sur l'appel incident de Mme [E] [F] [Y] du chef du jugement l'ayant déboutée de sa demande de réintégration à l'actif de la communauté portant sur 58 planches créées par M. [B] [P] [D]

Comme il a été précédemment retenu, la demande de Mme [E] [F] [Y] à ce titre est recevable.

Le jugement a débouté Mme [E] [F] [Y] sur le fondement de l'article 1427 du code civil de sa demande de réintégration portant sur des planches dont M. [B] [P] [D] a disposé à titre onéreux ou gratuit avant la date de dissolution de la communauté, au motif que cette dissolution étant intervenue le 4 septembre 2009, Mme [E] [F] [Y] ne peut plus remettre en cause les actes passés durant la vie commune et qu'au surplus, elle ne rapporte pas la preuve de l'affectation des sommes liées à la vente des 'uvres au cours du mariage.

L'article 1427 du code civil dispose que « si l'un des époux a outrepassé ses pouvoirs sur les biens communs, l'autre à moins qu'il n'ait ratifié l'acte, peut en demander l'annulation.

L'action en nullité est ouverte au conjoint pendant deux années à partir de la connaissance de l'acte, sans jamais être intentée plus de deux ans après la dissolution de la communauté ».

Aux termes de l'article 1421 du même code, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seuls les biens communs et d'en disposer sauf à répondre des fautes qu'il a commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l'autre.

L'époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d'accomplir les actes d'administration et de disposition nécessaires à celle-ci.

L'article 1422 du même code prévoit que « les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté.

Ils ne peuvent non plus, l'un sans l'autre, affecter l'un de ces biens à la garantie de la dette d'un tiers. ».

Selon l'article 1424 de ce code, « les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, aliéner ou grever de droits réels les immeubles, fonds de commerce et exploitations dépendant de la communauté, non plus que les droits sociaux non négociables et les meubles corporels dont l'aliénation est soumise à publicité. Ils ne peuvent, sans leur conjoint, percevoir les capitaux provenant de telles opérations.

De même, ils ne peuvent, l'un sans l'autre, transférer un bien de la communauté dans un patrimoine fiduciaire.».

M. [B] [P] [D] qui ne conteste pas avoir vendu durant la durée du vif mariage certaines de ses 'uvres créées au cours de cette période, fait valoir que le produit de leur vente a été encaissé par la communauté ; ces 'uvres ne relevant pas du champ de l'article 1424 du code civil pour lequel le consentement des deux époux est requis, ce dernier avait donc, sauf hypothèse de fraude, la faculté d'en disposer à titre onéreux en application de l'article 1421 du code civil.

Il ne résulte d'aucun élément du dossier l'existence d'une fraude commise à l'occasion de ces actes de disposition. Mme [E] [F] [Y] ne rapportant pas la preuve que M. [B] [P] [D] aurait ainsi détourné des fonds devant revenir à la communauté, preuve qui lui incombe en application de l'article 9 du code de procédure civile, elle se voit déboutée de toute demande à ce titre et le jugement confirmé de ce chef.

Mme [E] [F] [Y] prétend qu'en sus des 'uvres vendues dans le cadre du contrat du 19 août 2016, M. [B] [P] [D] aurait vendu des 'uvres créées pendant le vif mariage après la date de la dissolution de la communauté. Si M. [B] [P] [D] a reconnu avoir vendu ses 'uvres dans le cadre du contrat du 19 août 2016, il conteste formellement avoir passé postérieurement à la date de dissolution de la communauté d'autres ventes de ses 'uvres créées pendant la durée du vif mariage ; Mme [E] [F] [Y] ne rapportant pas la preuve des faits au soutien de ses prétentions, elle se voit déboutée de ses prétentions relatives à de telles ventes et le jugement confirmé de ce chef.

S'agissant des 'uvres que M. [B] [P] [D] admet avoir données et pour lesquelles le consentement de Mme [E] [F] [Y] aurait été requis en application de l'article 1422 du code civil, cette dernière n'a pas exercé l'action en nullité qui lui est ouverte par l'article 1427 du code civil dans le délai requis ; sous le couvert d'une demande d'intégration de leur valeur qui tend à annihiler les effets de ces donations, elle ne saurait échapper à la prescription encourue par cet article.

S'agissant des 'uvres créées pendant la durée du vif mariage et qui ont été données, il y a lieu en infirmant le jugement entrepris qui a débouté Mme [E] [F] [Y] de sa demande à voir juger nulles les donations passées par M. [B] [P] [D], de déclarer irrecevable Mme [E] [F] [Y] en sa demande de réintégration des 'uvres créées par ce dernier pendant la durée du vif mariage et données par celui-ci.

En conséquence de ce qui vient d'être jugé, est confirmé le chef du jugement ayant dit que seules les 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage et valorisées par l'expert M. [T] figureront au compte d'administration de ce dernier nonobstant qu'il s'agit de l'actif de l'indivision post-communautaire.

Sur l'appel de M. [B] [P] [D] des chefs du jugement ayant statué sur les véhicules

Pour débouter M. [B] [P] [D] de sa demande tendant à voir fixer la valeur du véhicule Volkswagen de modèle Sharan à hauteur de 2 600 € et faire droit à la demande de Mme [E] [F] [Y] de voir fixer cette valeur à l'actif de l'indivision post-communautaire à la somme de 9 600 €, le premier juge a considéré que la vente de ce véhicule intervenue sans l'accord de Mme [E] [F] [Y] était inopposable à cette dernière et faute pour M. [B] [P] [D] de justifier de sa valeur à la date de la jouissance divise fixée par le jugement au 1er janvier 2019, il a retenu la valeur proposée par Mme [E] [F] [Y] à hauteur de 9 600 €.

Il n'est pas contesté que ce véhicule a été acquis en 2005, qu'il s'agissait d'un véhicule neuf et qu'après la séparation du couple, ce véhicule est resté en possession de M. [B] [P] [D]. Ce dernier justifie par la production du certificat d'immatriculation barré avec la mention vendu le 27 juin 2019 et la facture d'achat de la société [18] avoir vendu ce véhicule au mois de juin 2019 à un professionnel de l'automobile au prix de 2 600 €. Mme [E] [F] [Y] produit pour sa part un extrait du site internet de la Centrale qui indique qu'au 1er janvier 2015, la valeur d'un véhicule immatriculé en 2005, de cette marque et de ce modèle était de 9 600 €.

Le prix auquel M. [B] [P] [D] a vendu ce véhicule six mois après la date de la jouissance divise définitivement fixée par le jugement dont appel au 1er janvier 2019 sera préféré à la valeur proposée par Mme [E] [F] [Y] qui remonte au mois de janvier 2015, soit quatre ans avant cette date ; de surcroît, ce prix a été déterminé selon l'état du véhicule par un professionnel de l'automobile et ne résulte pas d'une évaluation abstraite comme c'est le cas de la consultation du site internet de la Centrale.

Partant, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a fixé la valeur de ce bien à la somme de 9 600 €, il y a lieu de fixer cette valeur à la somme 2 600 €.

Le jugement dont appel a débouté M. [B] [P] [D] de l'ensemble de ses demandes afférentes à un véhicule Volkswagen de type Polo au motif que ce dernier ne produisait aucune pièce telle que la carte grise, l'estimation de la valeur de ce véhicule, ou les justificatifs du paiement des contravention à la place de Mme [E] [F] [Y] qui les aurait commises.

Le projet d'état liquidatif note qu'il appartient à Mme [E] [F] [Y] de justifier de la valeur du véhicule Volkswagen Polo ; M. [B] [P] [D] produit des pièces qui font apparaître que circulait un véhicule appartenant aux époux [P] [S] ayant un numéro d'immatriculation différent de celui du véhicule Sharan ; Mme [E] [F] [Y] n'a pas contesté avoir conservé après la séparation l'usage du véhicule Polo ; l'existence de ce véhicule et son utilisation exclusive par Mme [E] [F] [Y] après la séparation sont ainsi établies.

Parce qu' il y a lieu de trancher par le présent arrêt les désaccords persistant entre les ex-époux au vu des éléments de preuve qui sont mis aux débats, M. [B] [P] [D], qui devant la cour, ne fournit aucune indication sur date de première immatriculation et d'acquisition de ce véhicule et justifie pas de sa valeur de ce véhicule, se voit débouté de sa demande qui ne tend qu'à retarder la solution de ce point litigieux, de voir intégrer à l'état liquidatif le véhicule Polo « pour une valeur à parfaire ».

Si M. [B] [P] [D] produit un bordereau de situation des amendes et condamnations pécuniaires en date du 13 janvier 2017 établi par la trésorerie des amendes qui fait apparaître que le montant total des recouvrements s'est élevé à 1 191,60 € et qu'il reste dû un montant de 788,50 €, cette pièce n'est pas de nature à prouver qu'il a payé les contraventions sur ses deniers personnels ; de plus, il résulte de plusieurs avis de contravention produits que celles-ci ont été commises avant la séparation du couple ; il n'est donc pas établi qu'elles sont du seul fait de Mme [E] [F] [Y].

Partant, pour les motifs qui précèdent qui complètent ceux retenus par le premier juge, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] [P] [D] de ses demandes relatives au véhicule Polo.

Sur l'appel de M. [B] [P] [D] sur les chefs du jugement ayant statué sur ses demandes relatives à des tableaux et autres meubles meublant

Le jugement a débouté M. [B] [P] [D] de ses demandes portant sur un tableau d'un illustrateur, [C] [Z], et sur un tableau d'un illustrateur américain, [M] [W], au motif qu'il ne rapportait pas la preuve de l'existence de ces biens et de leur possession par Mme [E] [F] [Y].

Il est précisé que ces 'uvres ne font pas partie des illustrations d'auteurs américains évaluées à la somme de 28 229 € par l'expert [O] et qui font l'objet du chef du jugement ayant dit que ces illustrations constituent des biens communs et fixé leur valeur à la somme précitée, chef du jugement qui ne fait pas l'objet de l'appel principal, ni de l'appel incident.

Si en cause d'appel, M. [B] [P] [D] produit une attestation de M. [C] [Z] qui déclare lui avoir vendu en 2007 un de ses tableaux au prix de 2 000 € et un certificat accompagné d'une facture établissant qu'il a acquis un tableau de [M] [W] au prix de 2 270 $, il n'est pas fait mention de ces deux tableaux dans le cadre des courrier échangés entre avocats précédent la vente de l'ancien domicile conjugal, courriers qui avaient précisément pour objet la récupération par M. [B] [P] [D] des biens laissés par lui au domicile conjugal puisqu'après la vente, il serait alors trop tard. En l'absence de mention par M. [B] [P] [D] de ces tableaux dans le cadre cet échange de correspondances, il ne peut être retenu que ce dernier établit qu'ils sont restés en possession de Mme [E] [F] [Y] après son départ du domicile conjugal.

Faute de rapporter la preuve que ces deux 'uvres sont restées au domicile conjugal consécutivement à son départ, M. [B] [P] [D] se voit débouté de sa demande à ce titre et le chef du jugement confirmé sur le débouté des parties de leurs demandes relatives aux meubles meublant en ce que ce débouté porte sur ces deux tableaux.

Devant la cour, M. [B] [P] [D] demande la remise d'un tableau de [K] [V], peintre espagnol contemporain et qui avait été en même temps que lui étudiant à l'école des Beaux Arts de [Localité 15].

Cette demande, qui s'inscrit dans les opérations de compte liquidation partage des intérêts patrimoniaux des ex-époux, n'apparaît pas frappée par l'irrecevabilité des demandes nouvelles et ses aménagements prévus par les articles 564 et suivants du code de procédure civile.

Au soutien de cette demande, M. [B] [P] [D] produit une attestation de M. [K] [V] qui déclare avoir donné cette 'uvre à ce dernier à l'occasion de son mariage tout en précisant qu'il ne connaissait pas Mme [E] [F] [Y]; il est donc retenu que cette 'uvre a été donnée personnellement à M. [B] [P] [D] et non pas « au couple ».

Si la preuve de l'existence de cette 'uvre est rapportée, il n'est pas établi qu'elle soit restée en possession de Mme [E] [F] [Y] après le départ du domicile conjugal alors que la charge de cette preuve repose sur M. [B] [P] [D] en application de l'article 9 du code de procédure civile ; en effet, la cour relève là encore qu'il n'est pas fait mention de ce tableau dans le cadre de l'échange de correspondances entre les conseils des parties et qui portait sur les objets que M. [B] [P] [D] souhaitait voir récupérer avant la vente du domicile conjugal.

Partant, ajoutant au jugement, M. [B] [P] [D] se voit débouté de sa demande tendant à se voir remettre par Mme [E] [F] [Y] le tableau peint par M. [K] [V].

M. [B] [P] [D] demande de récupérer au titre de ses effets personnels une 'uvre picturale dont il est l'auteur et qui représente un sphinx, demande dont il a été débouté par le chef du jugement visant des biens meubles meublant dont faisait partie cette 'uvre.

Mme [E] [F] [Y], par la plume de son conseil, n'a pas contesté être en possession de cette 'uvre mais a refusé de la remettre à M. [B] [P] [D] au motif qu'il lui en avait fait cadeau avant leur mariage.

L'intention libérale ne se présumant pas, faute pour Mme [E] [F] [Y] de rapporter la preuve d'une telle intention, il ne peut être retenu que cette 'uvre lui a été donnée par M. [B] [P] [D] ; cette 'uvre créée avant le mariage par M. [B] [P] [D] constitue un bien qui lui est propre.

Partant, infirmant le chef du jugement en ce que le débouté de la demande de M. [B] [P] [D] sur la restitution des meubles meublant portait sur ce tableau, il y a lieu d'ordonner à Mme [E] [F] [Y] de remettre à M. [B] [P] [D] l''uvre intitulée « le Sphinx » créée par ce dernier.

Au titre de ses effets personnels, devant la cour, M. [B] [P] [D] demande à Mme [E] [F] [Y] de lui remettre un coffre en bois ancien ayant appartenu à sa grand-mère. Il produit une attestation établie le 17 septembre 2022 émanant de sa propre mère qui déclare avoir donné à son fils un coffre en bois ancien qu'elle tenait de sa propre mère d'environ 1,50 mètre de large qu'elle a fait expédier au domicile de ce dernier à [Localité 20] il y a environ une quinzaine d'années.

Cette demande, qui relève du règlement des intérêts pécuniaires des ex-époux pour les mêmes motifs ci-avant retenus, n'est pas irrecevable en appel.

L'attestation produite par M. [B] [P] [D] est de nature à rapporter la preuve de l'existence de ce coffre. M. [B] [P] [D] en a demandé la remise sous la plume de son conseil dans le cadre des correspondances échangées entre avocats quelques semaines avant la vente de l'ancien domicile conjugal. Mme [E] [F] [Y] a fait dire sous la plume de son conseil qu'elle n'était pas en mesure d'identifier plusieurs des biens faisant partie de la liste que M. [B] [P] [D] avait indiqué par le truchement de son conseil vouloir récupérer ; si cette réponse de Mme [E] [F] [Y] peut s'entendre pour les demandes vagues de M. [B] [P] [D] portant sur des « livres (en grande quantité) », des « cartons à dessin » et des «affaires personnelles provenant d'Espagne » sans autres précisions, s'agissant de ce coffre, du fait de ses caractéristiques tenant à son origine, à son expédition au domicile conjugal par la mère de M. [B] [P] [D], à son ancienneté et à son volume, il est parfaitement identifiable. Il est donc retenu que ce coffre est resté en possession de Mme [E] [F] [Y] après le départ de M. [B] [P] [D] du domicile conjugal.

Ce bien, qui lui a été donné par sa mère, constitue un bien qui lui est propre. M. [B] [P] [D] est donc fondé à en demander la remise.

Partant, ajoutant au jugement, il est fait droit à sa demande à ce titre.

Aucun élément du dossier ne montrant que Mme [E] [F] [Y] refuserait d'exécuter les chefs de l'arrêt lui ayant ordonné la remise des biens précités, la demande d'astreinte de ce dernier apparaît prématurée et il s'en voit débouté.

Sur l'appel principal et l'appel incident des chefs du jugement portant sur les comptes d'administration de l'indivision post-communautaire

Sur l'indemnité d'occupation

L'article 815-9 du code civil dispose que chaque indivisaire peut user et jouir des biens indivis conformément à leur destination, dans la mesure compatible avec le droit des autres indivisaires et avec l'effet des actes régulièrement passés au cours de l'indivision. A défaut d'accord entre les intéressés, l'exercice de ce droit est réglé, à titre provisoire, par le président du tribunal. L'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

L'autorité de la chose jugée s'attache au chef du jugement du 18 décembre 2018 ayant dit que Mme [E] [F] [Y] doit une indemnité d'occupation à l'indivision post-communautaire pour la période allant du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015, ce jugement n'ayant pas fait l'objet d'un recours.

Pour fixer le montant de cette indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 3 200 €, le premier juge a repris la valeur locative de 4 000 € telle que retenue par le notaire en fonction de ce que ce dernier a indiqué être la moyenne des estimations fournies par les deux parties et y a appliqué un abattement de 20% lié à la précarité de la situation de l'indivisaire occupant.

M. [B] [P] [D], au soutien de son appel, fait valoir que Mme [E] [F] [Y] a produit elle-même une pièce qui retenait une valeur locative mensuelle de 5 208 € et que lui-même avait proposé une valeur locative de 5 997 € et non pas à hauteur de 5 000 € comme en fait mention le projet d'état liquidatif.

La pièce n°26 initialement produite par Mme [E] [F] [Y] est la dernière page d'une étude réalisée par l'agence [9] en date du 17 juin 2011 sur l'estimation de la valeur locative en fonction de la méthode dite par capitalisation ; cette méthode consiste à partir d'une valeur estimée de la valeur vénale estimée à hauteur de 1 785 600 € en fonction de la prise en considération d'une surface pondérée hors 'uvre (SDPHO) de 372 m², d'appliquer à cette valeur vénale un coefficient de 3,50% ; il en résulte une valeur locative annuelle de 62 496 €, soit un montant mensuel de 5 208 €.

L'immeuble ayant été vendu par acte authentique reçu le 2 juillet 2015 au prix de 994 947,12 €, le notaire liquidateur, appliquant ce coefficient à ce montant, a donc considéré que l'estimation proposée par Mme [E] [F] [Y] aboutissait à une valeur locative d'un montant de 2 857 € par mois. Outre que ce calcul n'est pas exact sur le plan arithmétique (994 947 X 3,5% = 34 823,15 €, soit mensuellement 2 901,92 €), ce coefficient de 3,5 % qui avait été retenu en fonction d'une valeur vénale de près du double ne pouvait être appliqué de façon automatique, étant de notoriété qu'il varie à la baisse en fonction de l'augmentation de la valeur du bien et de l'importance des surfaces.

Il résulte par ailleurs de l'acte de vente que ce bien immobilier a fait l'objet d'une procédure de saisie vente par la banque qui avait financé une partie du prix d'acquisition, un jugement d'orientation ayant été rendu le 8 janvier 2015 qui a autorisé cette vente à l'amiable, le créancier saisissant ayant accepté ce prix; du fait du refus de Mme [E] [F] [Y] de vendre cette maison, M. [B] [P] [D] a été autorisé par deux fois par jugements des 10 décembre 2013 et 24 février 2015 à vendre cette maison d'abord au prix de 1 200 000 € puis au prix de 950 000 €. Ainsi par son obstruction à la vente du bien, Mme [E] [F] [Y] n'est pas étrangère au fait que ce bien immobilier n'a pas été vendu à un prix proche de celui initialement escompté.

M. [B] [P] [D] pour sa part s'est prévalu devant le notaire d'une valeur locative de 5 000 € par mois pour la période considérée, s'appuyant sur une estimation de 2015 du site internet La côte Immo, selon laquelle le prix locatif au m² à [Localité 20], était de 20,68 € le m².

Certes, sur la base d'une surface habitable de la maison principale de 290 m², le produit du montant d'une telle surface avec la somme de 20,68 € au m² aboutit à un résultat de 5 997,20 € ; cependant, il n'y a pas de contradiction entre ce montant et la somme de 5 000 € proposée par M. [B] [P] [D] lui-même puisqu'il proposait cette somme sur toute la période considérée pendant laquelle l'indemnité d'occupation est due et qui remonte à l'année 2012.

Le projet d'état liquidatif ne pouvait donc valablement indiqué que la moyenne des estimations produites par les parties aboutissait à une valeur locative de 4 000 € par mois et le jugement se fier à ce montant.

Partant, au vu de ces éléments, il y a lieu de retenir une valeur locative de 5 000 € et de lui appliquer un abattement de 20% tenant à la situation de précarité de l'indivisaire occupant mais aussi plus généralement aux conditions d'occupation d'un bien indivis par un coïndivisaire qui diffèrent de celle d'un bien mis sur le marché locatif.

Infirmant le jugement entrepris, il y a donc lieu de fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] [F] [Y] à la somme mensuelle de 4 000 € par mois.

Sur l'appel par Mme [E] [F] [Y] et M. [B] [P] [D] du chef du jugement ayant fixé à la somme de 7 245 € le montant des dépenses engagées par Mme [E] [F] [Y] pour le bien indivis sis à [Localité 20]

L'article 815-13 du code civil dispose que « lorsqu'un coindivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses derniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. »

Le projet d'état liquidatif a proposé de fixer à la somme de 9 098,84 € le compte d'administration de Mme [E] [F] [Y] au titre des dépenses qu'elle engagées afférentes au bien indivis ; Mme [E] [F] [Y] prétendait à ce titre à une somme de 13 518,84 € ; le jugement a limité à la somme sus-dite de 7 245 € les dépenses de conservation engagées par Mme [E] [F] [Y] correspondant au coût de travaux tels qu'ils résultent de deux factures de 3 500 € et 3 745 € et a rejeté le surplus des prétentions de cette dernière aux motifs que leur faible montant et leur nature ne caractérisaient pas des dépenses d'amélioration ou de conservation mais seulement des dépenses d'entretien à la charge de l'occupant et que Mme [E] [F] [Y] ne produisait pas un justificatif du paiement de la taxe d'habitation.

Devant la cour, au soutien de voir fixer sa créance sur l'indivision post-communautaire au titre des dépenses qu'elle engagées à la somme de 13 518,84 €, Mme [E] [F] [Y] se réfère au projet d'état liquidatif qui a pris en compte plusieurs des factures qu'elle avait remises et qui selon elle portaient sur la conservation des installations de chauffage, de plomberie et de la façade ou permettaient d'assurer la conformité du bien indivis à des exigences sanitaires et de sécurité ; elle ajoute avoir payé la somme de 3 381 € au titre de la taxe d'habitation de l'année 2009, 650 € au titre de cette même taxe pour l'année 2011 et 389 € de frais de plomberie en 2012.

Au soutien de son appel incident, M. [B] [P] [D] fait valoir que les deux factures retenues par le premier juge, si elles relèvent dans leur principe de dépenses de conservation, que les prestations qui y sont mentionnées font doublon ; que la réalisation des travaux correspondant n'est pas établie sauf à ce que l'intimée justifie de leur règlement.

Ces deux factures, l'une à l'entête de l'entreprise [16] en date du 18 septembre 2013, l'autre de l'entreprise [8] en date du 10 janvier 2014, portent sur des prestations à réaliser en façade et sur le remplacement ou le nettoyage de tuiles de sorte que la remarque de M. [B] [P] [D] selon laquelle certains des postes seraient en doublon n'est pas dénuée de pertinence ; comme il le faisait également remarquer, sur l'une ne figure aucun numéro Siret. Surtout, Mme [E] [F] [Y] ne justifie pas de leur règlement, elle ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe d'avoir supporté les dépenses de conservation relatives à ces factures.

Le projet d'état liquidatif ne constituant un mode de preuve en lui-même, dès lors que sont contestés les postes de travaux retenus par le notaire, il appartient à la partie qui entend voir reconnaître sa créance à ce titre de la prouver par les justificatifs correspondants.

Sous sa pièce 105, Mme [E] [F] [Y] produit une facture ayant pour objet le contrôle de conformité de l'assainissement, et le « contrôle de la bonne séparativité ». Or, il n'est pas justifié que ces travaux d'assainissement et « séparativité » résultaient d'une mise en conformité ; la facture afférente à ces travaux d'assainissement n'est d'ailleurs pas produite ; il ne peut donc être retenu que ces travaux d'assainissement et de « séparativité » étaient nécessaires à la conservation du bien indivis il en est de même de la prestation ayant consisté à contrôler la conformité de ces travaux d'assainissement.

Les deux factures de l'entreprise « [22] ' la tranquillité chauffage » portant en objet « contrat » pour les montants de 166,54 € et 171,37 € correspondent sans aucun doute à un contrat d'entretien et sont liées à l'occupation du bien indivis et ne peuvent donc entrer dans les comptes de l'administration de l'indivision.

La facture de l'entreprise [10] d'un montant de 449 € en date du 29 septembre 2011, à la rubrique désignation, mentionne « amiante plomb, état parasitaire DPE, loi Carrez Gaz électricité ERNT». Il s'agit apparemment de frais de diagnostic ; il n'est toutefois pas démontré que ces frais ont été engagés en vue de parvenir à la vente, étant rappelé que celle-ci est intervenue le 3 juillet 2015. Il ne peut donc être considéré que la dépense engagée participe à des dépenses de conservation.

La facture de l'entreprise [17], qui intervient dans le domaine de l'automatisme pour portes de garage, volets, portails, en date du 30 mai 2012, d'un montant de 257,14 €, a porté sur le remplacement d'un moteur ; ces travaux relevant donc de dépenses de conservation, elle fait la preuve d'une créance de Mme [E] [F] [Y] à ce titre.

Les factures de l'entreprise [19], qui exerce dans le domaine de l'adoucissement des eaux, pour les montants de 161,92 € et 221,92 €, sont relatives à un contrat d'entretien et ont notamment porté sur des consommables ; elles ne relèvent pas des dépenses de conservation et doivent être supportées par l'occupant.

Le devis de l'entreprise [13] pour le remplacement de pièces défectueuses d'une chaudière pour un montant de 292,50 € ne fait pas preuve de la réalisation de cette prestation.

Mme [E] [F] [Y] ne justifie pas par ailleurs avoir supporté les sommes dont elle se prévaut au titre de la taxe d'habitation dont il est admis qu'elle constitue une dépense de conservation. En effet, si un avis de taxe d'habitation pour l'année 2009 figure en annexe du projet d'état liquidatif ainsi qu'un avis portant sur la taxe foncière 2011, impôt qui relève également des dépenses de conservation, il ne peut être déduit de ces seuls avis que cette dernière a assumé le paiement de ces impôts.

Partant, au vu des motifs qui précèdent, infirmant le jugement entrepris qui a fixé à la somme de 7 245 € la créance de Mme [E] [F] [Y] sur l'indivision post-communautaire au titre des dépenses engagées pour la maison de [Localité 20], sa créance est fixée à hauteur de la somme de 257,14 €.

Sur l'appel de M. [B] [P] [D] du chef du jugement l'ayant débouté de sa demande d'intégration dans les comptes d'administration des frais d'assurances, de scolarité, de garderie et de cantine des enfants

Le premier juge a repris l'analyse du notaire liquidateur qui a rejeté la demande de M. [B] [P] [D] à ce titre dès lors qu'il s'agissait de frais nés après la date des effets du divorce et relatifs aux enfants.

Au soutien de son appel, M. [B] [P] [D] fait valoir que le juge du partage est compétent pour connaître de tous les intérêts patrimoniaux existant entre les ex-époux dont relève la créance dont il se prévaut.

Si M. [B] [P] [D] a, de son propre chef, assumé en sus des obligations mises à sa charge par l'ordonnance de non-conciliation et le jugement de divorce, des dépenses liées la scolarité de ses enfants, des frais de cantine, de garderie ou le coût de la mutuelle de santé, cela ne crée pas pour autant un rapport d'obligation à l'égard de Mme [E] [F] [Y].

Partant, pour les motifs qui précèdent qui se substituent à ceux retenus par le premier juge, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] [P] [D] de sa demande à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts abusive présentée par Mme [E] [F] [Y]

Ester en justice en demande ou en défense, en première instance ou en appel est un droit ne donnant pas lieu à réparation de la part de la partie qui échoue en ses prétentions sauf si celle-ci a fait dégénérer ce droit en abus ou a commis dans l'appréciation de ses prétentions une faute équipollente au dol.

La solution apportée au litige suffit à démontrer l'absence d'abus de la part de M. [B] [P] [D] dans l'exercice de son action en justice.

Partant, Mme [E] [F] [Y] se voit déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie.

Les parties échouant partiellement en leurs demandes, chacune supportera les dépens engagés par elle.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ; il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations dire qu'il n'y a pas lieu à condamnation.

Au vu de cette répartition des dépens, les parties se verront déboutées de leurs demandes respectives de dommages-intérêts.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire et dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement rendu le 18 mars 2021 par le juge aux affaires familiales près du tribunal judiciaire de Paris, en ce qu'il a :

- Déclaré recevables plusieurs des demandes nouvelles de Mme [E] [F] [Y] ;

- Fixé la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] durant le mariage à la somme de 853 700 € ;

- Débouté Mme [E] [F] [Y] de sa demande à voir juger nulles les donations passées par M. [B] [P] [D] ;

- Fixé la valeur du véhicule Volkswagen de modèle Sharan à la somme de 9 600 € ;

- Débouté M. [B] [P] [D] de sa demande de restitution du tableau dont il est l'auteur « le Sphinx » ;

- Fixé à la somme mensuelle de 3 200 € le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] [F] [Y] au titre de sa jouissance privative du bien indivis du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 ;

- Fixé à la somme de 7 245 € la créance de Mme [E] [F] [Y] sur l'indivision post-communautaire au titre des dépenses engagées pour la maison de [Localité 20],

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

- Déclare irrecevables les demandes de Mme [E] [F] [Y] tendant à :

* un partage en nature des 'uvres créées par M. [B] [P] [D],

* l'attribution d'une quote-part des redevances de droits d'auteur pour un montant de 64 078 €,

* la requalification en gains et salaires des redevances d'exploitation issus des contrats d'édition et d'attribution d'une quote-part de ces gains et salaires pour la somme de 293 611 € ;

- Fixe à la somme de 341 480 € la valeur des 'uvres créées par M. [B] [P] [D] entre la date de célébration du mariage et la date de la dissolution de la communauté ;

- Déclare irrecevable Mme [E] [F] [Y] en sa demande de réintégration des 'uvres créées pendant le mariage et données par M. [B] [P] [D] ;

- Fixe la valeur du véhicule Volkswagen de modèle Sharan à la somme 2 600 € ;

- Ordonne à Mme [E] [F] [Y] de remettre à M. [B] [P] [D] l''uvre intitulée « le Sphinx » créée par ce dernier ;

- Fixe à la somme mensuelle de 4 000 € le montant de l'indemnité d'occupation due par Mme [E] [F] [Y] au titre de sa jouissance privative du bien indivis du 1er janvier 2012 au 30 juin 2015 ;

Fixe à la somme de 257,14 €, la créance de Mme [E] [F] [Y] au titre des dépenses de conservation ayant porté sur le bien indivis ;

Confirme le jugement pour le surplus des chefs dévolus à la cour ;

Y ajoutant :

Rejette la demande d'irrecevabilité soulevée par M. [B] [P] [D] tirée de ce que la demande de Mme [E] [F] [Y] de voir réintégrer 58 planches n'a pas été présentée dans ses premières conclusions d'intimée ;

Déboute M. [B] [P] [D] de sa demande tendant à se voir remettre par Mme [E] [F] [Y] le tableau peint par M. [K] [V] ;

Ordonne à Mme [E] [F] [Y] de remettre à M. [B] [P] [D] le coffre ancien en bois qui lui a été donné par sa mère ;

Dit prématurée la demande d'astreinte présentée par M. [B] [P] [D] et l'en déboute ;

Déboute Mme [E] [F] [Y] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés ;

Déboute M. [B] [P] [D] et Mme [E] [F] [Y] de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile.