CA Montpellier, ch. com., 24 avril 2024, n° 23/05693
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Banque Populaire Occitane (Sté)
Défendeur :
SARL Epilogue (ès qual.), Selarl Etude Balincourt (ès qual.), Chrono 12 (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
Mme Bourdon, M. Graffin
Avocats :
Me Senmartin, Me Vilanova, Me Thuery, Me Massol
EXPOSÉ DU LITIGE
La SA Banque Populaire Occitane a consenti à la SARL Starter 5 prêts :
' un prêt n° 08811632 d'un montant de 45 000 euros en date du 29 novembre 2019';
' un prêt garanti par l'État (PGE) n° 08865022 d'un montant de 100 000 euros en date du 25 juin 2021';
' un prêt express Socama Européen n° 08796671 d'un montant de 19 400 euros en date du 5 juin 2019';
' un prêt express Socama Européen n° 08838443 d'un montant de 21 677,47 euros en date du 7 août 2020,
' et un prêt express Socama Européen n° 08845671 d'un montant de 23 000 euros en date du 6 novembre 2020.
La Banque Populaire Occitane a consenti à la SARL Chrono 12 un prêt PGE n° 08829401 d'un montant de 40 000 euros le 20 mai 2020.
La société Starter et la société Chrono 12 ont été placées en redressement judiciaire respectivement le 12 avril 2022 et le 12 juillet 2022.
Par jugement du 14 mars 2023 ces procédures ont été converties en liquidation judiciaire.
La Banque Populaire Occitane a déclaré ses créances au passif de la société Starter pour 32 018,58 euros à titre privilégié, 132'991,81 à titre chirographaire et pour la société Chrono 1 242'761,04 euros à titre chirographaire.
Par ordonnance en date du 24 octobre 2023 (RG 2023-439 relative au passif de la société Starter) le juge-commissaire du tribunal de commerce Rodez a : admis la créance déclarée par la Banque Populaire Occitane pour :
- 29'856,81 euros admis à titre à échoir correspondant au prêt n° 08811632';
-100 000 euros à titre chirographaire à échoir correspondant au prêt pge n° 000865022';
- 4'962,89 euros à titre chirographaire à échoir correspondant au prêt n° 08799671';
-admis à titre chirographaire la créance de 12'676,86 euros à échoir correspondant au prêt n° 08838443';
-12'820,28 euros à titre chirographaire à échoir correspondant au prêt n° 08845671';
- et ordonné le rejet pour le surplus déclaré';
Par ordonnance rendue du 24 octobre 2023 ( RG 2023-440 relative au passif de la société Chrono 12)' le juge commissaire près le tribunal de commerce de Rodez a : admis la créance déclarée par la Banque Populaire Occitane pour 39 178,51 euros à titre chirographaire à échoir pour le PGE 11008829401, et ordonné le rejet pour le surplus déclaré
Le premier juge retient dans les deux ordonnances que le demandeur a intégré dans sa demande d'admission des intérêts postérieurs à l'ouverture de la procédure liquidés selon le tableau d'amortissement initial, dont l'exécution est par principe impactée par les dispositions de l'article L622-7 du code de commerce ; que la déclaration des intérêts postérieurs est insuffisamment précise en ce qu'elle ne précise pas leur assiette, rendant impossible leur liquidation et donc leur admission ; que l'indemnité de production n'apparaît pas devoir recevoir application dans la mesure où aucun ordre de distribution n'a été ouvert ; et que l'indemnité d'exigibilité anticipée est déclarée pour mémoire, rendant impossible son admission en état.
Par déclarations du 17 novembre 2023 la SA Banque Populaire Occitane a relevé appel de ces deux ordonnances.
Les deux procédures d'appel ont été jointes sous le n° RG-5693.
Par conclusions du 1er mars 2024, la banque demande à la cour de :
- de débouter la société Epilogue venant aux droits de l'étude Balincourt, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Starter et de la société Chrono 12 de l'ensemble de ses demandes';
- de la recevoir en ses appels ;
- d'infirmer les deux ordonnances attaquées ;
statuant à nouveau,
- de prononcer l'admission des créances de la Banque Populaire Occitane au passif de la société Starter comme suit :
-pour le prêt équipement n° 08811632 : à titre privilégié, la somme totale de 32'018,58 euros outre mémoire correspondant à :
-la somme de 31 086 euros au titre des échéances à échoir,
-pour mémoire au titre des intérêt de retard au taux de 0.90 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-la somme de 932,58 euros correspondant à une indemnité forfaitaire en cas de production pour ordre,
-pour mémoire au titre de l'indemnité forfaitaire en cas d'exigibilité anticipée,
-pour le prêt PGE n° 000865022 : à titre chirographaire, la somme totale de 100 347.46 euros outre mémoire correspondant à :
-la somme de 100 347.46 euros correspondant à 3 échéances à échoir,
-pour mémoire pour les intérêts de retard au taux 0.25 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-pour mémoire pour les intérêts de retard au taux de 3.25 % en cas d'exigibilité anticipée';
-pour le prêt express Socama Européen n° 08799671 : à titre chirographaire, la somme totale de 5 312.23 euros outre mémoire correspondant à :
-la somme de 5 052.60 euros au titre des échéances à échoir,
-pour mémoire au titre des intérêt de retard au taux de 0.49 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-la somme de 154.72 euros correspondant à une indemnité forfaitaire en cas de production pour ordre,
-pour mémoire au titre de l'indemnité forfaitaire en cas d'exigibilité anticipée,
-pour le prêt express Socama Européen n° 08838443 : à titre chirographaire, la somme totale de 13 619.11 euros outre mémoire correspondant à :
-la somme de 13'222,44 euros au titre des échéances à échoir,
-pour mémoire au titre des intérêt de retard au taux de 0.30 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-la somme de 396.67 euros correspondant à une indemnité forfaitaire en cas de production pour ordre,
-pour mémoire au titre de l'indemnité forfaitaire en cas d'exigibilité anticipée,
-pour le prêt express Socama Européen n° 08845671 : à titre chirographaire, la somme totale de 13'713,01 euros outre mémoire correspondant à :
-la somme de 13'313,60 euros au titre des échéances à échoir,
-pour mémoire au titre des intérêt de retard au taux de 0,50 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-la somme de 299,41 euros correspondant à une indemnité forfaitaire en cas de production pour ordre,
-pour mémoire au titre de l'indemnité forfaitaire en cas d'exigibilité anticipée';
-prononcer l'admission des créances de la Banque Populaire Occitane au passif de la société Chrono 12 à titre chirographaire pour le prêt PGE n° 08829401 comme suit :
-la somme de 41 515.57 euros correspondant aux échéances à échoir,
-pour mémoire pour les intérêts de retard de 0,73 % du 12 avril 2022 jusqu'à complet règlement,
-pour mémoire pour les intérêts de retard au taux de 3,73 % en cas d'exigibilité anticipée';
-la somme de 1'245,47 euros correspondant à une indemnité forfaitaire en cas de production pour ordre,
-pour mémoire au titre de l'indemnité forfaitaire en cas d'exigibilité anticipée';
- et de condamner la société Epilogue venant aux droits de l'étude Balincourt, ès qualités de mandataire-liquidateur de la société Starter et de la société Chrono 12 à régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile'et aux entiers dépens.
Par conclusions du 27 février 2024 la société Epilogue en la personne de Me [E] ayant remplacé la société Balincourt ès qualité de liquidateur judiciaire des sociétés Starter et Chrono 12 demande à la cour':
- de recevoir sa constitution ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Starter et Chrono 12 de ;
A titre principal
- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance attaquée ;
A titre subsidiaire
- de constater que les indemnités forfaitaires déclarées par la Banque Populaire Occitane au passif des sociétés Starter et Chrono 12 sont des clauses pénales aggravant significativement le sort du débiteur du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective ;
- par conséquent de rejeter ou plus subsidiairement, de réduire à concurrence de 1%l'admission au passif de ces indemnités forfaitaires';
- et en tout état de cause, de condamner la Banque Populaire Occitane au paiement de la somme de 2500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens.
Les sociétés Starter et Chrono 12, assignées à la personne de leurs représentants légaux le 12 janvier 2024 selon procès verbal de recherches infructueuses, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est datée du 6 mars 2024.
MOTIFS
Sur les intérêts de retard
La banque fait valoir au soutien de son appel :
' que le juge-commissaire a écarté les intérêts tant contractuels que de retard, en ne retenant que le capital restant dû ;
que selon la jurisprudence l'indication des modalités de calcul n'est requise que si le montant des intérêts ne peut pas être calculé au jour de l'ouverture de la procédure collective, ce qui n'est pas le cas des intérêts contractuels qui sont déterminés suivants le tableau d'amortissement ;
' que pour chaque prêt faisant l'objet de la déclaration de créance, elle a pris soin de mentionner à sa déclaration le taux d'intérêt de retard (et non à échoir qui sont compris dans le montant des échéances à échoir), et la date de début d'application des intérêts, et de faire un renvoi avec une astérisque à la modalité de calcul des intérêts qui était détaillée comme suit au bas de la première page « (*) Modalité de calcul des intérêts (article R622-23 du code de commerce : impayé(s) € x taux d'intérêt x nb de jours de retard / 365 » ;
' que pour les intérêts de retard, leur assiette porte sur les sommes à payer ;
Or le montant des impayés pour chaque prêt n'est pas connu et ne peut être précisé, de sorte que l'assiette des intérêts de retard n'est déterminée, et le calcul ne peut pas en être fait à partir de la déclaration créance.
Lorsque la détermination au jour de la liquidation des intérêts, du montant de ceux-ci, est impossible à partir des seuls éléments contenus dans la déclaration de créance, les dispositions de l'article R.622-23 ne sont pas respectées.
Les ordonnances déférées seront donc confirmées sur ce point.
Sur les indemnités forfaitaires de 3 % de production à un ordre et de 5 % en cas d'exigibilité anticipée
La banque fait valoir que ces indemnités forfaitaires n'aggravent pas les obligations du débiteur du seul fait de l'ouverture de la procédure collective puisqu'elles précédaient son ouverture et qu'elles étaient déjà prévues contractuellement ; et que ces clauses ont vocation à compenser les pertes subies par la banque concernant les frais engagés pour recouvrer sa créance, raison pour laquelle il y a lieu de rejeter la demande de modération.
Mais en réalité toute clause qui viendrait aggraver la situation du débiteur, du seul fait de l'ouverture de la procédure collective, comme en l'espèce des indemnités de recouvrement ou d'exigibilité anticipée des sommes, est source d'une rupture de l'égalité entre les créanciers.
Il n'est pas établi que le débiteur aurait déjà été défaillant dans le paiement de la créance, et que ces indemnités auraient pu être réclamées par le créancier même en l'absence de procédure collective, alors que l'application de clauses pénales ne peut être admise que si celles-ci viennent sanctionner l'inexécution par le débiteur de ses obligations, qu'il soit mis en procédure collective ou pas.
Ces clauses ne sont donc pas opposables à la procédure collective du débiteur.
Les ordonnances déférées seront en définitive entièrement approuvées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et par arrêt de défaut,
Confirme les ordonnances numéros RG 2023-439 et RG 2023-440 rendues par le juge-commissaire du tribunal de commerce de Rodez le 24 octobre 2023 en toutes leurs dispositions,
Condamne la société anonyme coopérative Banque Populaire Occitane aux dépens, et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.