CA Grenoble, ch. com., 1 février 2024, n° 21/01261
GRENOBLE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
AXA FRANCE IARD (S.A.), PURODOR - MAROSAM (S.A.S.)
Défendeur :
DEPAZ (S.A.R.L.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme FIGUET
Conseillers :
Mme FAIVRE, M. BRUNO
Avocats :
Me CHARMASSON, SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY
La SARL Depaz exploite un fonds de commerce de restauration et d'hôtellerie dénommé « [6] » sur la commune de [Localité 8] (05).
Depuis plusieurs années, afin de parfumer et « rafraichir » les chambres de son hôtel, la société Depaz achète auprès de la société Purodor Marosam, un produit dénommé « Purair Surodoran de contact » au citron.
La société Depaz, se prévalant de ce que vers la fin de l'année 2018, début de l'année 2019, après l'utilisation du produit, la moquette semblait ultérieurement se décolorer, elle a déclaré son sinistre auprès de son assureur qui a lui-même pris attache avec la société Purodor Marosam aux fins de l'aviser des dégâts nouvellement causés par le produit et du préjudice subi par sa cliente.
Une expertise amiable s'est déroulée le 29 mai 2019 en présence de la société Depaz, l'expert désigné par son assureur et l'expert désigné par l'assureur de la société Purodor Marosam, mais en l'absence de cette dernière. Le 21 juin 2019, le cabinet Saretec a rendu son rapport.
Faute de solution amiable, la société Depaza a fait délivrer assignation à la société Purodor Marosam pour solliciter la réparation intégrale de son préjudice.
Suivant jugement en date du 5 février 2021, le tribunal de commerce de Gap a :
- déclaré recevable et partiellement fondée la société Depaz en sa demande,
- dit que la société Purodor Marosam a manqué à son obligation de conseil et d'information,
- dit que le manquement de conseil de la société Purodor Marosam est à l'origine du sinistre,
- condamné, in solidum, la société Purodor Marosam et la société AXA France Iard, son assureur, au paiement de la somme de 15.000 euros HT au titre des réparations des dommages,
- condamné, in solidum, la société Purodor Marosam et la société AXA France Iard, son assureur, à payer à la société Depaz la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de surplus de leurs demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration du 12 mars 2021 visant expressément l'ensemble des chefs du jugement, la société AXA France Iard et la société Purodor Marosam ont interjeté appel de celui-ci.
Suivant ordonnance en date du 23 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné une expertise judiciaire et nommé, à cet effet, M. [M] [F] pour y procéder. L'expert a rendu son rapport le 20 février 2023.
Suivant ordonnance juridictionnelle en date du 19 octobre 2023, le conseiller de la mise en état a :
- déclaré irrecevable l'appel incident formé le 03 juillet 2023 par la société Depaz,
- déclaré irrecevable devant le conseiller de la mise en état la demande des sociétés appelantes tendant à voir juger irrecevables les demandes nouvelles émises par la société Depaz dans ses dernières écritures officialisées le 03 juillet 2023,
- dit que chacune des parties gardera la charge de ses dépenses d'incident,
- dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Prétentions et moyens de la société AXA France Iard et de la société Purodor Marosam :
Aux termes de leurs dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 9 novembre 2023, la société Axa France Iard et la société Purodor Marosam, demandent à la cour de :
- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,
- juger irrecevables les demandes nouvelles émises par la Depaz contenues dans ses dernières écritures officialisées le 3 juillet 2023,
- juger que le lien de causalité entre le produit surodorant « Purair Surodorant » et la décoloration des moquettes, n'est pas démontré,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Gap du 5 février 2021,
- rejeter la demande en réparation de la société Depaz,
- condamner la société Depaz à leur payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens comprenant les honoraires de l'expert judiciaire,
Subsidiairement,
- réduire en de très nettes proportions le coût des travaux réparatoires par rapport à la réclamation de la société Depaz,
- rejeter toute indemnisation de la société Depaz pour pertes d'exploitation,
- dire et juger que devront être déduites des sommes mises à la charge de la compagnie AXA, les franchises prévues à sa police d'assurance,
- rejeter tout octroi à la société Depaz d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de leur moyen d'irrecevabilité, elles font valoir que :
- en appel, les premières écritures officialisées par la société Depaz, intimée, le 26 août 2021, se limitaient à solliciter la somme de 15.000 euros, identique à cette retenue par le jugement du 5 février 2021,
- ses demandes formulées désormais à hauteur de 39.283 euros au titre des travaux de remplacement des moquettes et de 9.461 euros au titre des pertes d'exploitations sont des demandes nouvelles, comportant expressément appel incident du jugement du 5 février 2021, pourtant émises bien au-delà du délai de 3 mois imposé par les articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile, alors par ailleurs qu'en application de l'article 910-4 du même code, les parties doivent, dès les conclusions du premier délai de 3 mois, présenter l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, et ce, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office,
- l'expertise judiciaire n'est pas constitutive d'un fait nouveau qui permettrait à l'intimé de présenter des prétentions nouvelles puisque le rapport de M. [F] ne contient cependant aucun élément ignoré à la date du jugement du tribunal de commerce du 5 février 2021 voire à la date des premières écritures d'intimée émises en août 2021,notamment les pertes d'exploitation liées à des annulations de réservations intervenues en 2020,
- les investigations de l'expert judiciaire n'ont mis à jour aucun élément technique qui n'était pas présent au rapport du Cabinet Saretec,
- quand bien même, l'expert judiciaire aurait relevé une prétendue évolution de la décoloration dans les chambres 1, 2 et 7 par rapport à l'expertise amiable, il n'en demeure pas moins que le premier devis de l'entreprise Spinelli établi en février 2019 prévoyait expressément des travaux de reprise dans ces chambres 1, 2 et 7, preuve qu'à cette époque, la décoloration y était déjà présente.
Pour contester la responsabilité de la société Purodor Maroson, elles indiquent que :
- l'expert judiciaire aurait mis en évidence la présence d'un oxydant qui serait, selon lui, le peroxyde d'hydrogène (H2O2) dans la moquette décolorée,
- toutefois, il n'est pas établi que ce soit précisément le peroxyde d'hydrogène qui est véritablement dans les fibres décolorées, alors que la spectroscopie par infrarouge utilisée par M. [F] n'a permis de conclure qu'à une oxydation mais l'oxydant en cause n'a pas été identifié,
- d'autorité et sans apporter de raisonnement technique, l'expert judiciaire affirme que ce serait obligatoirement du peroxyde d'hydrogène,
- de même, sans disposer du moindre échantillon de produit Purair ni même de la formule chimique de ce produit Purair, il affirme qu'il est raisonnable de considérer que du peroxyde d'hydrogène était présent dans le produit anti-odeur,
- M. [F], docteur en chimie, se permet de conclure à un dosage inadéquat d'un produit oxydant qu'il n'a pas clairement identifié, et évoque un surdosage sauf que le dosage approprié est indéterminé et indéterminable, ce qui manifeste un ensemble de raccourcis inacceptables de la part d'un scientifique, son raisonnement reposant uniquement sur ce qu'il estime être l'usage courant du peroxyde d'hydrogène pour supprimer les odeurs.
- le « brevet WO2009064453A1 qui décrit un procédé à base de peroxyde d'hydrogène pour combattre les odeurs » produit par l'expert et joint en annexe du rapport est totalement rédigé en langue étrangère et incompréhensible,
- M.[F] fait également référence à la fiche technique d'un produit à base de peroxyde d'hydrogène qui aurait aussi une propriété désodorisante, alors que le produit Purair n'était pas un détergent et le parallèle est incongru,
- M. [F] a admis expressément que sa « conclusion est basée sur une hypothèse scientifique en l'absence d'échantillon du produit anti-odeur disponible pour analyse, de sorte que le sérieux intellectuel imposait qu'il reconnaisse l'impossibilité d'accomplir sa mission de manière pragmatique et son avis est dénué de toute portée et ne peut aucunement être retenu par la cour qui se refusera à homologuer ses investigations,
- il n'y a pas de preuve d'un lien de causalité entre le produit surodorant « Purair Surodorant» et la décoloration des moquettes, puisque initialement seulement certaines chambres de l'hôtel subissent ce phénomène de décoloration (les chambres 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 17, 18, 19, 20) alors que pourtant ce produit était diffusé dans l'intégralité des chambres sans exception ni distinction, comme cela avait été constaté dans le cadre de l'expertise amiable et que l'expert a remarqué que des chambres jusque-là épargnées par le phénomène étaient maintenant affectées à leur tour, alors que le produit Purair n'est évidemment plus appliqué depuis plusieurs années.
- rien ne vient expliquer cette différence dans le développement et l'apparition de la décoloration des moquettes, sauf à ce qu'une autre cause explique cette décoloration,
- faute d'identifier la molécule à l'origine de la décoloration et d'avoir la certitude que cette molécule entre dans la composition du produit « Purair Surdorant », celui-ci ne peut être retenu comme générateur de la décoloration.
S'agissant du montant des demandes indemnitaires, elles font valoir que l'étendue réelle des dommages reste incertaine et non connue alors que :
- le coût des travaux réparatoires présenté par la société Depaz correspond à un devis de la société Spinelli qui chiffre le remplacement de la moquette dans toutes les chambres y compris celles qui ne sont pas l'objet de décolorations
- dans le rapport amiable du Cabinet Saretec, aucune photographie ne venait étayer la nécessité de remplacer les moquettes dans les chambres 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 17, 18, 19 et 20 et si l'expert judiciaire indique valider les relevés du Cabinet Saretec après avoir visité les chambres, il ne donne pas non plus d'indication sur l'ampleur des décolorations et son rapport est tout aussi dénué de photographie.
S'agissant de la demande indemnitaire pour pertes d'exploitation, la société Depaz n'a communiqué que des attestations de complaisance de prétendus clients,
- l'expert judiciaire a d'ailleurs remarqué que l'attestation GTA comporte le tampon d'un établissement fermé de longue date,
- en tout état de cause, devront être déduites des sommes mises à la charge de la Compagnie AXA, les franchises prévues à sa police d'assurance et opposables aux tiers.
Prétentions et moyens de la société Depaz:
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par voie dématérialisée le 22 novembre 2023, la société Depaz, demande à la cour au visa des articles 564 et suivants du code de procédure civile, des articles 1112-1, 1602 et 1231-1 du code civil de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné in solidum, la société Purodor Marosam et son assureur, la société AXA France Iard, à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais et dépens de 1ère instance, conformément à l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- constater, après expertise, que son préjudice s'élève à la somme de 48.744 euros,
- condamner, en conséquence, la société Purodor Marosam et son assureur, la société AXA France Iard, à lui payer la somme de 48.744 euros au titre des réparations des dommages subis,
Subsidiairement,
- condamner, in solidum, la société Purodor Marosam et son assureur, la société AXA France Iard à lui payer la somme de 15.000 euros au titre des réparations des dommages subis,
Dans tous les cas,
- condamner in solidum, la société Purodor Marosam et son assureur, la société AXA France Iard à lui payer une somme 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, et qui comprendront les frais d'expertise.
Elle fait d'abord valoir que sa demande de condamnation des intimées à lui payer la somme de 48.744 euros en réparation de ses préjudices, n'est pas une demande nouvelle en appel alors que déjà en 1ère instance, elle sollicitait leur condamnation à indemniser son entier préjudice et que conformément aux dispositions des articles 564 et suivants du code de procédure civile précitées, l'expertise doit être considérée comme la survenance d'un fait et le rapport de l'expert a révélé de nouveaux faits notamment en relevant de nouveaux désordres dans l'enceinte de ses locaux et a ainsi augmenté le montant du préjudice par rapport à l'expertise amiable qui avait eu lieu en date du 29 mai 2019.
Au soutien de sa demande indemnitaire, elle expose que :
- l'expert judiciaire a conclu que la cause de la décoloration dans les angles des sols en moquette, voire parfois sur des zones en plein panneau de moquette (distance de 1m du mur) provient du produit surodorant Purair et plus spécialement d'un dosage inadéquat de l'oxydant anti-odeur qu'il contient,
- selon l'expert judiciaire, les conditions d'application du produit ne sont pas à l'origine des désordres car elles sont inchangées avant et après juin 2018 et sont conformes aux recommandations du commercial de la société Purodor Marosam,
- l'expert judiciaire chiffre le préjudice financier subi par la société Depaz à la somme de 48.744 euros,
- si selon les sociétés appelantes, la spectroscopie par infrarouge utilisée par l'expert judiciaire n'aurait permis de conclure qu'à une oxydation sans toutefois que l'oxydant en cause n'ait été identifié, il convient de relever que, contrairement à ce que soutiennent les appelantes, l'expert a, tout d'abord, parfaitement démontré que le peroxyde d'hydrogène pouvait être utilisé contre les odeurs, et que si sa demande d'échantillon auprès de Me [L] s'est heurtée au fait que la société produisant le produit Surodorant de contact n'existe plus et que la société Purodor Marosam dit ne pas avoir conservé d'échantillon, il retient néanmoins que les analyses chimiques démontrent que la moquette a été altérée par un oxydant fort, qui est certainement du peroxyde d'hydrogène,
- l'expert relève également qu'en matière scientifique, les hypothèses font partie de toute démarche que les analyses viennent confirmer, et que selon lui, en l'état, l'hypothèse de la présence de peroxyde d'hydrogène est étayée par ses effets anti-odeur et décolorant, que par ailleurs, la modification de formule est étayée par l'apparition du problème à compter de 2018 et que la réaction chimique avec le peroxyde d'hydrogène est attestée par l'analyse par spectrométrie infra-rouge des échantillons de moquette, de sorte que selon l'expert, l'ensemble de ces éléments apporte la conviction que du peroxyde d'hydrogène contenu dans le produit Surodorant de contact Purair pulvérisé a conduit à la décoloration,
Au soutien de ses demandes indemnitaires, elle expose que :
- en application des articles 1112-1, 1231-1 et 1602 du code civil, le vendeur est tenu d'une obligation de conseil et d'information et en cas de manquement à cette obligation, ce dernier commet une faute qu'il doit réparer,
- depuis 2016, elle achète, auprès de l'appelante un produit dénommé « Purair Surodoran de contact » aux fins de parfumer et rafraichir les chambres de son hôtel,
- l'utilisation de ce produit lui avait été expliquée par le commercial de la société Purodor Marosam,
- à aucun moment, il ne lui avait été indiqué que le produit ne devait pas être pulvérisé sur les textiles,
- l'expert a relevé « que dans les couloirs, les plinthes sont en moquettes, ce qui aurait dû attirer l'attention du commercial de Marosam lors de ses visites,
- la société Depaz a donc, dès la première utilisation du « Purair Surodoran de contact », pulvérisé le produit sur les plinthes sur lesquelles il devait être appliqué par pulvérisation, pour parfumer les lieux, ce qui a inévitablement atteint la moquette jouxtant les plinthes
- ni la société Purodor Marosam ni son commercial n'ont jamais estimé devoir l'informer du changement de formule et du risque qu'elle pouvait encourir en continuant à se servir du produit tel qu'elle l'avait toujours fait,
- il ressort du rapport d'expertise amiable, que les revêtements des sols des chambres 3, 4, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 17, 18, 19, et 20 de l'hôtel ont été endommagés par l'utilisation du produit,
- le rapport de l'expert judiciaire fait également état de traces de décoloration dans les chambres 1, 2 et 7,
- l'expert a ainsi conclu, que son préjudice financier global s'élève à la somme de 48.744 euros, soit 39.283 euros pour le remplacement des moquettes des zones impactées et le coût lié à la perte d'exploitation pour fermeture des lieux pendant les travaux et la somme de 9.461 euros pour le préjudice financier subi et lié à la perte d'exploitation due aux annulations des séminaires,
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023 l'affaire a été appelée à l'audience du 8 décembre 2023 et la décision mise en délibéré a été prononcée le 25 janvier 2024.
Motivation
MOTIFS
A titre liminaire, il est rappelé que les demandes tendant à « constater », « juger » et « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile lorsqu'elles expriment en réalité des moyens et, en conséquence, ne saisissent pas la cour.
Sur l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de la société Depaz
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, une prétention n'est pas nouvelle lorsqu'elle tend aux mêmes fins que celles soumises au premier juge.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Par ailleurs en application de l'article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, présenter dès les premières conclusions d'appel, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond, en ce compris les prétentions qui ne seraient pas nouvelles au sens notamment de l'article 565 du code de procédure civile.
Selon le second alinéa de ce texte, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait demeurent néanmoins recevables.
En l'espèce, la société Purodor Marosam et la société AXA se prévalent du caractère nouveau de la demande indemnitaire formée par l'intimée aux termes de ses dernières écritures à hauteur de 48.744 euros, motifs pris de ce que cette demande indemnitaire était de 19.434 euros en première instance et motif pris de ce que cette demande était formulée à hauteur de 15.000 euros dans ses premières écritures du 26 août 2021.
Il convient de rappeler que les dispositions du code de procédure civile distinguent entre l'irrecevabilité des demandes nouvelles en appel qui relèvent de l'article 565 du code de procédure civile précité et l'irrecevabilité des prétentions qui ne sont pas contenues dans les premières écritures de l'appelant, laquelle fin de non recevoir relève de l'article 910-4 du code civil.
En l'espèce, la demande indemnitaire formée par la société Depaz à hauteur de 48.744 euros dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2023 ne constitue pas une demande nouvelle en appel au sens de l'article 565 précité, en ce qu'elle tend à la même fin d'indemnisation de son préjudice.
Par ailleurs, cette demande indemnitaire de 48.744 euros ne figure pas dans les premières conclusions d'appel de la société Depaz notifiées par voie dématérialisée le 26 août 2021, aux termes desquelles elle sollicite en effet la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné, in solidum, la société Purodor Marosam et la société AXA France Iard, son assureur, à lui payer la somme de 15.000 euros HT en réparation de ses préjudices.
Pour autant, cette demande, qui vise à obtenir indemnisation de son préjudice tel que chiffré par l'expert judiciaire à la somme de 48.744 euros et qui porte sur de nouveaux désordres dans les chambres 1, 2 et 7 demeure recevable en ce qu'elle consiste ainsi à faire trancher de nouveaux points s'agissant de la consistance et du montant du préjudice, résultant du dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 20 février 2023, soit postérieurement à ses premières conclusions du 26 août 2021. Le moyen d'irrecevabilité ne peut ainsi prospérer.
Sur la responsabilité de la société Purodor Marosam
En application des articles 1231-1 et 1602 du code civil, le vendeur est tenu d'une obligation de renseignement et d'information à l'égard de son client quant à la chose vendue.
Il lui appartient de prouver qu'il s'est acquitté de cette obligation, à défaut de quoi il engage sa responsabilité contractuelle et doit réparer le préjudice lié à cette absence d'information.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise judiciaire de M.[M] [F] qu'il existe une décoloration dans les angles des sols en moquette, voire parfois sur des zones en plein panneaux de moquette. L'expert retient que la cause de la décoloration provient d'un dosage inadéquat de l'oxydant anti-odeur contenu dans le produit surodorant Purair projeté sur les moquettes de l'hôtel. Il conclut également que la cause du problème n'est pas liée à une mauvaise utilisation du produit par la société Depaz puisque la méthode d'application n'a pas changé lors de la survenance du problème, attestée par le commercial de la société Purodro Marosam.
L'expert affirme encore que, bien que sa demande d'échantillon du produit litigieux est rendue impossible par la disparition de la société productrice et par l'absence de conservation d'échantillons par la société Purodor Marosam, le peroxyde d'hydrogène a également des propriétés de décoloration et c'est la concomitance des effets recherchés (anti odeur) et non recherchés (décoloration) qui permettent de dire que le peroxyde d'hydrogène était présent dans le produit surodorant de contact après juin 2018, provoquant les dégâts évoqués sur les moquettes.
Le fait que le raisonnement de l'expert repose sur des hypothèses scientifiques n'est pas de nature à remettre en cause cette conclusion, alors que comme il le relève justement ainsi qu'il suit: « en matière scientifique, les hypothèses font partie de toute démarche que les analyses viennent confirmer. En l'état, l'hypothèse de la présence de peroxyde d'hydrogène est étayée par les effets anti-odeurs et décoloration. Le surdosage ou la modification de formule sont étayés par l'apparition du problème à compter de 2018. La réaction chimique avec le peroxyde d'hydrogène est attestée par l'analyse par spectométrie infra-rouge des échantillons de moquette. L'ensemble de ces éléments apporte la conviction que du peroxyde d'hydrogène contenu dans le produit Surororant de contact Purair pulvérisé a conduit à la décoloration ».
Contrairement à ce que soutiennent encore les appelantes, l'apparition de désordre dans les chambres 1, 2 et 7 alors que le produit n'était plus utilisé indique seulement que le phénomène de décoloration s'est poursuivi en l'absence de pulvérisation supplémentaire et ne remet pas en cause l'origine de la décoloration. Il se déduit de l'ensemble de ces constatations que l'expert judiciaire a bien établi, au terme d'un rapport circonstancié et techniquement argumenté, la causalité entre la pulvérisation du produit litigieux et la décoloration des moquettes.
L'expert relève enfin que la fiche technique et l'étiquette du produit Surodorant indiquent que le produit ne doit pas être pulvérisé sur les textiles et surfaces peintes. Or il n'est ni allégué ni a fortiori démontré que la société Purodor Marosam a transmis cette fiche technique à la société Depaz ni qu'elle l'a informée des risques d'une utilisation du produit litigieux sur les moquettes de l'établissement, alors qu'il ressort du témoignage d'une femme de ménage qu'elle n'a jamais été informée des risques de l'utilisation du produit, ce que confirme le commercial de la société Purodor Marosam, M. [I], comme l'a constaté l'expert judiciaire en page 10 de son rapport, lequel ajoute que les plinthes en moquettes des couloirs de l'établissement auraient dû attirer son attention.
En conséquence, l'intimée est bien fondée à soutenir que la société Purodor Marosam a commis une faute en ne l'informant pas sur les modalités d'utilisation de son produit et sur les risques d'une pulvérisation sur les moquettes.
S'agissant du préjudice, l'expert judiciaire conclut qu'il n'existe pas de solution alternative au remplacement complet des moquettes des pièces impactées, et la seule absence de photographies dans son rapport n'est pas de nature à remettre en cause ses conclusions, lesquelles reposent sur des constatations visuelles dont aucun élément ne vient contester la réalité. S'agissant des pertes d'exploitation, le sapiteur précise dans une réponse à dire que si la société GTA a utilisé le tampon de son ancien établissement situé à [Localité 4], cet élément n'est pas de nature à remettre en cause la prise en compte de son attestation relative à l'annulation d'un séminaire d'une journée pour 6 personnes alors qu'il a lui-même vérifié que la société GTA a bien existé. Le sapiteur réfute en outre le caractère complaisant des attestations de clients sur lesquelles il fonde sa détermination du préjudice de perte d'exploitation alors qu'il a considéré ces pièces comme un échantillon représentatif à minima du manque à gagner résultant des annulations de réservation des séminaires et qu'il a vérifié la cohérence du montant du chiffre d'affaire concerné sur la période avec le tableau ventilé des recettes présenté. En tout état de cause, aucun élément de la procédure, hormis les allégations des appelantes, ne permet d'établir le caractère complaisant des témoignages retenus par le sapiteur dans le cadre de la détermination de la perte d'exploitation.
L'expert judiciaire, sur la base des conclusions du sapiteur, fixe ainsi le préjudice de la société Depaz à la somme de 48.744 euros soit la somme de 9.461 euros au titre des pertes d'exploitation liées à des annulations de séminaires et la somme de 39.283 euros au titre de manque à gagner et du coût inhérent au remplacement des moquettes de l'hôtel.
Toutefois, la cour ne peut pas aggraver le sort de l'appelant sur son appel unique et en l'absence d'appel incident de l'intimé. Or, l'appel incident de la société Depaz critiquant le chef du jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés appelantes au paiement de la somme de 15.000 euros a été déclaré irrecevable par ordonnance juridictionnelle du 19 octobre 2023 du conseiller de la mise en état.
Ce chef de jugement n'étant critiqué que par l'appel principal, il s'ensuit que les sociétés appelantes ne peuvent être condamnées à une indemnisation supérieure à 15.000 euros.
S'agissant de la franchise dont se prévaut la société AXA France Iard aux fins de réduire sa condamnation, il est rappelé qu'en application de L.1126- du code des assurances, l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire, de sorte qu'en assurance de responsabilité civile, sauf disposition légale contraire, les franchises contractuellement mises à la charge de l'assuré sont opposables à la victime. Il s'ensuit que la société Axa France Iard est bien fondée à opposer sa franchise contractuelle à la société Purodor.
Dès lors, il y a lieu de condamner, in solidum la société Purodor et la société AXA France Iard, ès-qualité d'assureur de la société Purodor, au paiement de la somme de 15.000 euros HT à la société Depaz en réparation de ses dommages, sous déduction, s'agissant de la société Axa France Iard, de la franchise prévue au contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la société Purodor. Il convient donc de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il n'a pas déduit la franchise par la société Axa France Iard.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de condamner in solidum les sociétés AXA France IARD et Purodor Marosam aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens afférents à l'expertise judiciaire.
Il y a lieu également de condamner in solidum, les sociétés AXA France IARD et Purodor Marosam au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Il y a également lieu de débouter les sociétés AXA France IARD et Purodor Marosam de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Déclare recevable la demande de la société Depaz de condamnation de la société Purodor Marosam et de son assureur, la société AXA France Iard, à lui payer la somme de 48.744 euros au titre des réparations des dommages subis,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il n'a pas déduit la franchise contractuelle des sommes dues par la société Axa France Iard à la société Depaz
Statuant à nouveau et ajoutant,
Condamne in solidum la société Purodor et la société AXA France Iard, ès-qualité d'assureur de la société Purodor, au paiement de la somme de 15.000 euros HT à la société Depaz, sous déduction, s'agissant de la société Axa France Iard de la franchise contractuelle prévue au contrat d'assurance souscrit par la société Purodor Marosam,
Condamne in solidum les sociétés AXA France IARD et Purodor Marosam au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
Condamne in solidum, les sociétés AXA France IARD et Purodor Marosam aux dépens de première instance et d'appel en ce compris les dépens afférents à l'expertise judiciaire.