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Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 1, 18 avril 2024, n° 20/03896

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Locam (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Benhamou

Conseillers :

M. Vitse, Mme Ménegaire

Avocats :

Me Fontaine, Me Deffrennes, Me Bohbot

CA Douai n° 20/03896

17 avril 2024

Exposé du litige

- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Selon acte sous seing privé en date du 24 janvier 2019, la SAS LOCAM a consenti à Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION un contrat de location de site web par lequel était concédé une licence d'utilisation du site web moyennant le versement de 48 loyers d'un montant de 185 euros TTC, soit 222 euros TTC.

Par acte en date du 28 février 2019, Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION a signé directement avec le fournisseur, la société KREATIC le procès verbal de livraison et de conformité.

Au regard de ce que Mme [L] [P] épouse [O] avait cessé d'acquitter à compter du 20 avril 2019 divers loyers, par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juillet 2019, la SAS LOCAM a adressé à Mme [L] [P] épouse [O] une demande de règlement des loyers impayés à défaut duquel il serait fait application de la clause résolutoire de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement des loyers.

Une telle mise en demeure est restée sans effet.

Par acte d'huissier en date du 3 octobre 2019, la SAS LOCAM a fait assigner en justice Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION aux fins notamment de la voir condamnée au paiement de sa créance.

Par jugement réputé contradictoire en date du 9 juin 2020, le tribunal judiciaire de Béthune, a :

- condamné Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION à verser à la SA LOCAM la somme de 11.138,29 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2019 et jusqu'à parfait paiement,

- condamné Mme [L] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- prononcé l'exécution provisoire de ladite décision.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 1er octobre 2020, Mme [L] [P] épouse [O] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a:

' condamné Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION à verser à la SA LOCAM la somme de 11.138,29 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2019 et jusqu'à parfait paiement,

' condamné Mme [L] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION aux dépens de l'instance,

' prononcé l'exécution provisoire.

Par arrêt avant dire droit en date du 20 octobre 2022, la 8ème chambre civile section 1 de la cour d'appel de Douai, a notamment ordonné une expertise en écritures, l'expert commis ayant pour mission en examinant la signature figurant dans le contrat litigieux et attribuée à Mme [L] [O] et en sollicitant toutes pièces de comparaison utiles, de déterminer si cette signature est ou non de la main de celle-ci, dit que dans l'attente de la mesure d'expertise il y avait lieu de surseoir à statuer sur tous les chefs de demandes, renvoyé l'affaire à la mise en état, et réservé les dépens d'appel.

L'expert commis a déposé son rapport d'expertise le 3 avril 2023.

Vu les dernières conclusions de Mme [L] [O] née [P] en date du 2 mai 2023, et tendant à voir :

- dire bien appelé, mal jugé,

En conséquence, réformer le jugement de première instance en date du 9 juin 2020 en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau,

- dire que Mme [O] n'est pas engagée à l'égard de LOCAM et débouter la SA LOCAM de l'ensemble de ses demandes en paiement,

- débouter la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre infiniment subsidiaire,

- accorder à Mme [O] les plus larges délais de paiement avec un échéancier de 100 euros par mois pendant 23 mois, le solde étant payable à la 24ème mensualité,

En tout état de cause,

- condamner la société LOCAM à payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la SAS LOCAM en date du 4 janvier 2024, et tendant à voir :

- débouter Mme [L] [O] née [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour considérerait le contrat LOCAM nul,

- condamner Mme [L] [O] née [P] à payer à la société LOCAM la somme de 6.924,77 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 28 février 2019 et jusqu'à parfait paiement,

A titre encore plus subsidiaire, sur le fondement des dispositions des articles 1302 et suivants du code civil :

- condamner Mme [L] [O] née [P] à payer à la société LOCAM la somme de 6.924,77 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 28 février 2019 et jusqu'à parfait paiement,

En tout état de cause,

- dire et juger qu'en cas d'octroi de délais de paiement, la dette devra être divisée sur 12 mensualités égales au maximum et de prévoir une clause de déchéance du terme habituelle indiquant qu'en cas de non paiement de la moindre mensualité, la totalité des sommes restant dues redeviendra immédiatement exigible,

- condamner Mme [L] [O] née [P] aux entiers dépens de l'instance,

- condamner Mme [L] [O] née [P] au paiement d'une somme de 2.500,00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2024.

Motivation

- MOTIFS DE LA COUR:

- SUR LE BIEN FONDÉ DES DEMANDES DE LA SOCIÉTÉ LOCAM:

L'article 1103 du code civil dispose :

'Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.'

L'article 1104 du même code quant à lui dispose:

'Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d'ordre public.'

Par ailleurs l'article 1156 alinéa 1er du code civil afférent au mandat apparent, dispose:

'L'acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté.'

Dans le cas présent la société LOCAM prétend être intervenue en sa qualité d'établissement financier et avance qu'elle a financé pour le compte de Mme [L] [O] la prestation et a réglé à la société KREATIC la facture relative à la création de ce site internet tel que commandé par Mme [L] [O] puis a conclu avec cette dernière le contrat de location de site web en cause. C'est dans de telles circonstances que la société LOCAM affirme avoir adressé ensuite à Mme [L] [O] sa facture unique de loyer récapitulant les loyers devant être prélevés par la société LOCAM entre le 20 mars 2019 et le 20 février 2023. La société LOCAM produit du reste aux débats la facture KREATIC qu'elle a acquittée pour le compte de Mme [L] [O] à concurrence d'un montant de 6.924,77 euros (pièce n°8 de l'intimée).

En ce qui la concerne Mme [L] [O] nie avoir signé le contrat litigieux et prétend que la signature qui y est apposée n'est pas la sienne.

Certes l'expert judiciaire dans son rapport élaboré avec soin et sérieux, indique en page 20: 'Mme [L] [O] n'est pas la rédactrice de la signature qui lui est attribuée sur le contrat de location de site web litigieux signé le 24 janvier 2019.'

Toutefois il apparaît symptomatique que l'expert judiciaire ait précisé en page 19 de son rapport qu'elle n'a pas relevé de trace suspecte de montage ou de falsification de la signature et qu'elle a mis en évidence des caractéristiques graphiques homogènes et cohérentes. L'expert commis mentionne aussi en page 19 de son rapport que 'le tracé spécifique questionné est spontané et a été rédigé par une seule main'.

Par suite, il ressort de ces constatations objectives qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une signature imitée de Mme [L] [O] mais bien d'une signature différente.

Par ailleurs il importe de relever qu'en page 5 de son rapport d'expertise, l'expert judiciaire faisant un compte rendu de la réunion d'expertise qu'elle a tenue le 10 janvier 2023 relève en substance: 'Mme [O] m'indique que les mentions manuscrites qui lui sont attribuées sur le document litigieux ne sont pas de sa main mais de celle de son mari qui n'avait pas pouvoir pour la représenter.'

Le fait que Mme [L] [O] ait reconnu spontanément que le contrat avait été signé par son mari qui n'a nullement tenté d'imiter la signature de son épouse, est objectivement de nature à accréditer la thèse selon laquelle Mme [L] [O] a dûment confié un mandat verbal à son mari pour signer le contrat en cause.

A tout le moins la société LOCAM en vertu de la théorie du mandat apparent a pu, du fait des circonstances particulières de l'espèce, avoir la croyance légitime que le mari, en qualité de mandataire, avait les pouvoirs lui permettant de conclure le contrat en cause, étant entendu que de telles circonstances autorisaient la société LOCAM à ne pas vérifier les limites exactes des pouvoirs du mari de Mme [L] [O].

Ainsi à raison des considérations qui précédent, il y a lieu de constater que le contrat litigieux est opposable à Mme [L] [O] et a donc valablement été conclu entre les parties.

Il convient dès lors au regard des justificatifs produits, s'agissant d'une créance tout à la fois certaine, liquide et exigible, de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné Mme [L] [P] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION à verser à la SA LOCAM la somme de 11.138,29 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2019 et jusqu'à parfait paiement.

Par ailleurs par des motifs pertinents que la cour adopte, c'est à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise, a

- condamné Mme [L] épouse [O] exerçant en nom propre sous l'enseigne TRANS EVASION aux dépens de l'instance,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, et prononcé l'exécution provisoire de ladite décision. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points.

- SUR LA DEMANDE DE DELAIS DE GRÂCE:

L'article 1343-5 du code civil dispose:

'Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliment.'

Force est de constater que Mme [L] [O] n'a opéré aucun règlement depuis avril 2019, date à laquelle elle a cessé de régler des sommes au titre du contrat litigieux.

Ce comportement met en exergue le fait qu'elle n'a pas témoigné de toute la bonne foi requise dans le cadre de l'exécution de ses obligations contractuelles.

Il convient dès lors de débouter Mme [L] [O] de sa demande de délais de paiement.

- SUR L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE AU TITRE DE L'INSTANCE D'APPEL:

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SAS LOCAM les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il y a lieu en conséquence de condamner Mme [L] [O] à payer à la SAS LOCAM la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] [O] les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il convient dès lors de débouter Mme [L] [O] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

- SUR LES DEPENS D'APPEL :

Il convient de condamner Mme [L] [O] qui succombe, aux entiers dépens d'appel.

Dispositif

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,

Y ajoutant,

- CONDAMNE Mme [L] [O] à payer à la SAS LOCAM la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- LA DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- LA CONDAMNE aux entiers dépens d'appel.