Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 10, 25 avril 2024, n° 21/08106
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRET DU 25 AVRIL 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08106 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSDE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2021 -TJ d'EVRY RG n° 17/05623
APPELANT
Monsieur [V] [G] exerçant sous le nom commercial L'IMMOBILIERE DE [Adresse 9] ' CABINET [V] [G]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Assisté à l'audience de Me Sylvie NOACHOVITCH de la SELARL NOACHOVITCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1833
INTIMÉS
Monsieur [O] [Y]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 7]
ET
Monsieur [H] [T]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentés par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
Assistés à l'audience de Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été plaidée le 22 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame ANNE ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Catherine SILVAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 7 octobre 2009, Monsieur [V] [G] exerçant sous le nom commercial L'Immobilière de [Adresse 9]- Cabinet [V] [G], administrateur de biens, a déposé plainte pour abus de confiance à l'encontre d'une de ses employées, Madame [D] [Y], aide comptable, considérant qu'elle avait effectué des détournements d'honoraires (règlement de factures dues par les copropriétés au cabinet) à son profit, ainsi qu'au bénéfice de tierces personnes.
Par jugement du 7 mars 2018, le tribunal correctionnel de Paris a :
* Sur l'action publique
- Déclaré Madame [S], [Z], [C] [U], épouse [W] (mère de Madame [D] [Y]), coupable des faits de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance et en répression, l'a condamnée au paiement d'une amende de 25.000 euros, avec sursis total ;
- Déclaré Madame [D] [Y] coupable des faits d'abus de confiance commis de 2002 à 2009 à [Localité 11] et en répression, l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de 18 mois, avec sursis total, ainsi qu'au paiement d'une amende de 5.000 euros ;
- Déclaré Monsieur [J], [A] [W] (beau-père de Madame [D] [Y]) coupable des faits de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance et en répression, l'a condamné au paiement d'une amende de 25.000 euros, avec sursis total.
* Sur l'action civile
- Déclaré recevable la constitution de partie civile du cabinet [V] [G] ;
- Condamné solidairement Madame [D] [Y], Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et Monsieur [J], [A] [W] à payer au cabinet [V] [G], une somme de 1.486.894,25 euros en réparation du préjudice financier subi,
- débouté Monsieur [V] [G] du surplus de ses demandes concernant un préjudice matériel.
Monsieur [V] [G] et le cabinet [V] [G] ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 26 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a rappelé que les dispositions pénales du jugement attaqué étaient devenues définitives, confirmé cette décision en ses dispositions civiles sauf à limiter la solidarité de Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et de Monsieur [J], [A] [W] à la somme de 1.087.319,27 euros, et infirmant le jugement déféré a condamné solidairement Madame [D] [Y], Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et Monsieur [J], [A] [W] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 335.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel (somme apportée sur ses fonds personnels pour maintenir l'activité du cabinet face aux difficultés financières consécutives aux détournements) et la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier de justice en date du 26 mai 2017, Monsieur [V] [G] a fait assigner Monsieur [O] [Y] et Monsieur [H] [T] devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins de reconnaissance de responsabilité et d'indemnisation pour la somme de 101.225,76 euros par Monsieur [H] [T] et de 29.219,95 euros par Monsieur [O] [Y].
Par jugement du 1er février 2021, le tribunal judiciaire d'Evry a :
- Rejeté la demande de communication de pièces sous astreinte formulée par Messieurs [H] [T] et [O] [Y] ;
- Débouté Monsieur [V] [G] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;
- Condamné Monsieur [V] [G] à verser à Messieurs [H] [T] et [O] [Y], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [V] [G] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Antoine Morabito, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Le 26 avril 2021, Monsieur [V] [G] a interjeté appel.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, Monsieur [V] [G] demande à la Cour, au visa des articles 1240, 1303 et suivants du code civil, 31,699 et 700 du code de procédure civile de :
* Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [V] [G] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;
- Condamné Monsieur [V] [G] à verser à Messieurs [H] [T] et [O] [Y], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [V] [G] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Antoine Morabito, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
* Statuant à nouveau,
- Juger que Monsieur [H] [T] a commis une faute engageant sa responsabilité et qu'il s'est manifestement enrichi sans cause, au détriment de Monsieur [V] [G] ;
- Condamner Monsieur [H] [T] au paiement de la somme de 101.225,76 euros à Monsieur [V] [G] ;
- Juger que Monsieur [O] [Y] a commis une faute engageant sa responsabilité et qu'il s'est manifestement enrichi sans cause, au détriment de Monsieur [V] [G] ;
- Condamner Monsieur [O] [Y] au paiement de la somme de 29.219,95 euros à Monsieur [V] [G].
- Débouter Messieurs [H] [T] et [O] [Y] de l'ensemble de leurs demandes fins, et conclusions, en ce y compris leur demande de communication de pièces ;
- Condamner Messieurs [H] [T] et [O] [Y] au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Messieurs [H] [T] et [O] [Y] au paiement des entiers dépens dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelant fait valoir :
- que des fautes civiles ont été commises par Monsieur [H] [T] (ami d'enfance de Madame [Y]) et par Monsieur [O] [Y] (son frère) qui ont indûment perçu des fonds, sans son consentement et qu'ils se sont donc enrichis sans cause,
- que Monsieur [H] [T] a non seulement reçu indûment une somme totale de 101.225,76 euros mais l'a également utilisée, ainsi que Monsieur [O] [Y], qui a reçu la somme de 29.219,95 euros en provenance du compte de certaines copropriétés,
- qu'ils ont commis une faute en s'abstenant de vérifier leurs comptes afin de connaître la provenance de l'argent qu'ils percevaient,
- que Monsieur [V] [G] n'a commis aucune faute de gestion de nature à les exonérer de leur responsabilité,
- qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être aperçu plus tôt des transferts d'argent opérés
par Madame [D] [Y] pendant 7 ans, sa comptabilité étant confiée à un expert-comptable qui ne pouvait en raison des fausses factures qu'elle établissait, découvrir plus tôt les détournements,
- que suite à ceux-ci, il a été dans l'obligation de contracter un emprunt à hauteur de 170.000 euros et de vendre un bien personnel d'une valeur de 165.000 euros afin de pouvoir payer l'intégralité des charges du cabinet, dont notamment les salaires des 30 employés,
- que les sommes détournées étaient en réalité destinées au cabinet [V] [G] , en paiement de ses honoraires et il en résulte que Monsieur [G], tant en son nom propre qu'exerçant en son nom personnel sous l'enseigne [V] [G], a été directement victime des détournements commis, comme attesté par son expert comptable,
- que même si une condamnation au pénal est intervenue, le préjudice de Monsieur [G] n'a jamais été réparé et ne le sera pas au regard de la précarité de la situation financière de Madame [Y] et des époux [W] (sa mère et son beau-père), justifiant de ce fait son intérêt actuel à agir.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, Messieurs [O] [Y] et [H] [T] demandent à la Cour de :
* Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évry en date du 1er février 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de sa demande d'indemnisation
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évry en date du 1er février 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de communication sous astreinte des pièces visées.
* Statuant à nouveau de ce chef,
Principalement,
- Ordonner avant dire droit la communication des pièces suivantes sous astreinte de 100 euros par jour et par documents à compter du prononcé de la décision à intervenir :
1. Le grand-livre général de chacune des copropriétés dont il avait la gestion à compter de 2000.
2. Les contrats de mandats de syndic de chacune des copropriétés (mentionnant le montant annuels des honoraires de gestion courante).
3. Les procès-verbaux d'assemblées générales de chacune des copropriétés l'ayant désigné comme syndic depuis 2000).
4. Le récapitulatif annuel des comptes de chacune des copropriétés, sorti du système informatique AS 400 (logiciel informatique de l'immobilier). Ce document permettant de voir le détail ainsi que la date du paiement des honoraires.
5. Les déclarations fiscales de Monsieur [V] [G].
6. Les bilans comptables de Monsieur [V] [G].
- Déclarer Monsieur [V] [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter.
* Subsidiairement et à défaut de communication des pièces sollicitées,
- Dire et juger que Monsieur [V] [G] ne justifie pas de sa qualité à agir,
* En conséquence,
- Déclarer Monsieur [V] [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
* En tout état de cause
- Condamner Monsieur [V] [G] à payer la somme 2.500 euros à chacun des intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [V] [G] aux entiers dépens.
Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Antoine Morabito pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Les intimés soutiennent que :
- les fonds dont Monsieur [G] demande le remboursement n'ont pas été prélevés à son détriment mais plutôt au détriment des divers syndicats de copropriété et qu'il ne démontre pas avoir qualité pour agir,
- en effet, les détournements commis par Madame [Y] l'étaient au préjudice des copropriétés,
- en prélevant ses honoraires en avance, Monsieur [G], qui exerce en individuel et non en société, devenait dès lors détenteur illégitime de ces fonds,
- il est nécessaire de déterminer si les fonds détournés avaient préalablement été régulièrement perçus par le syndic en exécution de son mandat et non point comme cela a été dénoncé par Madame [Y] sur des fonds qu'il se serait octroyé hors mandat, c'est-à-dire sur une rémunération indue,
- l'ensemble des détournements effectués ont donné lieu à une condamnation prononcée à l'encontre de Madame [Y] par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 2019 et octroyer le montant sollicité reviendrait à indemniser une seconde fois le cabinet [G],
- seuls les virements causés par un prétendu paiement d'honoraires pourraient être revendiqués par Monsieur [G],
- Madame [Y] a pu procéder à des détournements aussi importants sur une période de sept ans en raison de la carence fautive de Monsieur [G] et de son cabinet qui n'ont vérifié manifestement ni les comptes du cabinet de Monsieur [G] ni les comptes des différentes copropriétés.
La clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la demande de communication de différentes pièces :
Messieurs [O] [Y] et [H] [T] sollicitent la communication de plusieurs pièces comptables. Monsieur [G] réplique que la communication de ces pièces est inutile et impossible, les archives de son cabinet n'étant conservées que pendant cinq ans.
Sur ce,
La cour observe que Messieurs [O] [Y] et [H] [T] avaient toute possibilité durant la procédure d'appel, qui a duré plusieurs années, de saisir le conseiller de la mise en état d'une demande de communication de pièces ce qu'ils n'ont pas fait.
A ce stade tardif et étant rappelé que la Cour est en mesure de tirer toute conséquence de la non communication de pièces par une partie, si tant est qu'elles soient utiles aux débats, il ne sera pas fait droit à la demande de communication de pièces de Messieurs [O] [Y] et [H] [T].
Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la qualité à agir de Monsieur [G] :
Aux motifs que les fonds auraient été détournés au préjudice des syndicats de copropriétaires, Messieurs [O] [Y] et [H] [T] soulèvent l'absence de qualité à agir de Monsieur [G] qui conteste cette fin de non- recevoir.
Sur ce,
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Monsieur [G] demande la réparation de son préjudice financier personnel (s'élevant à la somme de 335.000 euros) exposant qu'il a dû contracter un emprunt et vendre un bien personnel pour apporter des fonds à son cabinet qui était en difficulté notamment pour payer les salaires des employés suite aux détournements et non la réparation du préjudice subi par d'autres que lui-même.
Dès lors, il a bien qualité à agir.
La fin de non-recevoir soulevée par Messieurs [O] [Y] et [H] [T] est rejetée et Monsieur [G] est déclaré recevable en son action.
Sur le fond :
Monsieur [G] agit sur le fondement de l'article 1240 du code civil ainsi que sur celui des articles 1303 et suivants (enrichissement sans cause).
In limine litis, sur la procédure pénale :
Par ordonnance de renvoi partiel et de non-lieu en date du 21 juin 2016, Madame la vice-présidente chargée de l'instruction a estimé qu'il ne résultait pas de l'information de charges suffisantes à l'encontre de Messieurs [O] [Y] et [H] [T] et a prononcé un non-lieu les concernant.
En effet, le magistrat instructeur a considéré que l'élément moral de l'infraction pénale n'était pas caractérisé.
Plus précisément, il a constaté que « les montants versés par la mise en examen de l'ordre de 1.000 euros par mois environ ne sont pas incohérents avec le niveau élevé de rémunération que [D] [Y] prétendait percevoir ; que les explications des mis en examen selon lesquelles ils ne consultaient pas leurs relevés de compte et n'ont donc pas remarqué que les fonds provenaient de copropriété ne sont pas dénuées de vraisemblance'.
Il résulte de la pièce 8, synthèse réalisée par le capitaine [M] le 3 mai 2010 dans le cadre de l'enquête pénale, que l'examen des relevés bancaires montre que des chèques tirés de copropriétés en règlement de factures dues au cabinet [V] [G] ont été crédités sur le compte de Monsieur [H] [T] entre 2002 et 2009 pour la somme de 101.225,76 euros et sur celui de Monsieur [O] [Y] entre 2005 et 2007 pour la somme de 29.219,95 euros.
Madame [Y] a reconnu les détournements de fonds de son employeur débitant les comptes des copropriétés en règlement des honoraires dus au cabinet [V] [G]. Elle explique dans le cadre de la procédure pénale qu'elle falsifiait l'ordre sur le chèque ou mettait le RIB de ses proches en bénéficiaires des virements.
* sur la responsabilité délictuelle :
Il résulte de l'article 1382 ancien du code civil applicable en l'espèce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Monsieur [G] doit rapporter la preuve d'une faute des intimés, de son préjudice et du lien de causalité direct et certain.
Le préjudice, dont il demande réparation, est constitué par l'obligation de contracter un emprunt à hauteur de 170.000 euros et de vendre un bien personnel d'une valeur de 165.000 euros afin de pouvoir payer l'intégralité des charges du cabinet, dont notamment les salaires des 30 employés.
La faute alléguée est le fait pour les deux intimés de ne pas avoir vérifié leurs relevés de compte.
Cependant cette faute n'est pas en lien de causalité directe avec le préjudice subi par Monsieur [G]. Ce n'est pas parce que Messieurs [O] [Y] et [H] [T] n'ont pas vérifié leurs relevés de compte que l'appelant a dû apporter des capitaux afin de rééquilibrer les comptes de son cabinet mais en raison des détournements opérés par Madame [D] [Y].
Dès lors, en l'absence de lien de causalité direct entre la faute et le préjudice allégués, Monsieur [G] ne peut qu'être débouté de sa demande fondée sur l'article 1382 ancien du code civil.
* Sur l'enrichissement sans cause :
Il résulte de l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et de la jurisprudence, codifiée aux articles 1303 et suivants du code civil par ladite ordonnance, que nul ne peut s'enrichir sans cause au détriment d'autrui.
L'action au titre de l'enrichissement sans cause est une action subsidiaire qui ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte à Monsieur [G].
Madame [Y] ainsi que les époux [W] ont été condamnés par la cour d'appel de Paris par arrêt en date du 26 novembre 2019 à payer à Monsieur [G] la somme de 335.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.
Pour justifier qu'il n'a reçu aucun règlement suite à cette condamnation pénale, ce dernier produit le courrier de Maître Bilski, avocate, en date du 29 mars 2021.
Mais ce courrier est ancien et ne décrit ni ne rapporte la preuve des mesures d'exécution engagées ni qu'elles n'aient pas abouti depuis.
Il s'en déduit que Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve de ne pas disposer d'autres actions à l'encontre de Madame [Y] et les époux [W] afin de recouvrer les dommages et intérêts au paiement desquels ils ont déjà été condamnés.
De plus l'action fondée sur l'enrichissement sans cause nécessite un lien de connexité entre l'enrichissement des intimés et l'appauvrissement de Monsieur [G]. Or il n'y a en l'espèce pas de lien direct entre ceux-ci, les capitaux sortant du patrimoine de ce dernier, ayant permis de redresser les comptes de son cabinet, affectés par les détournements causés par son aide-comptable, Madame [Y], n'étant pas entrés dans le patrimoine de Messieurs [O] [Y] et [H] [T].
Dès lors, sans qu'il soit utile de statuer sur une faute qu'aurait ou non commise l'appelant, par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, le jugement déféré, qui a débouté Monsieur [G] de ses demandes à l'encontre de Messieurs [O] [Y] et [H] [T], est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [G] est condamné aux dépens d'appel qui seront recouvrés par le conseil des parties adverses conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
Déboute Messieurs [O] [Y] et [H] [T] de leur fin de non-recevoir,
Déclare Monsieur [G] recevable en son action comme ayant qualité à agir,
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [G] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil des parties adverses conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 10
ARRET DU 25 AVRIL 2024
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08106 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSDE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2021 -TJ d'EVRY RG n° 17/05623
APPELANT
Monsieur [V] [G] exerçant sous le nom commercial L'IMMOBILIERE DE [Adresse 9] ' CABINET [V] [G]
né le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 6]
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Assisté à l'audience de Me Sylvie NOACHOVITCH de la SELARL NOACHOVITCH & ASSOCIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1833
INTIMÉS
Monsieur [O] [Y]
né le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 11]
[Adresse 3]
[Localité 7]
ET
Monsieur [H] [T]
né le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 11]
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentés par Me Emmanuel JARRY de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209
Assistés à l'audience de Me Antoine MORABITO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0927
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été plaidée le 22 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Florence PAPIN, Présidente
Madame Valérie MORLET, Conseillère
Madame ANNE ZYSMAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Florence PAPIN dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Catherine SILVAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Catherine SILVAN, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
***
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Le 7 octobre 2009, Monsieur [V] [G] exerçant sous le nom commercial L'Immobilière de [Adresse 9]- Cabinet [V] [G], administrateur de biens, a déposé plainte pour abus de confiance à l'encontre d'une de ses employées, Madame [D] [Y], aide comptable, considérant qu'elle avait effectué des détournements d'honoraires (règlement de factures dues par les copropriétés au cabinet) à son profit, ainsi qu'au bénéfice de tierces personnes.
Par jugement du 7 mars 2018, le tribunal correctionnel de Paris a :
* Sur l'action publique
- Déclaré Madame [S], [Z], [C] [U], épouse [W] (mère de Madame [D] [Y]), coupable des faits de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance et en répression, l'a condamnée au paiement d'une amende de 25.000 euros, avec sursis total ;
- Déclaré Madame [D] [Y] coupable des faits d'abus de confiance commis de 2002 à 2009 à [Localité 11] et en répression, l'a condamnée à une peine d'emprisonnement de 18 mois, avec sursis total, ainsi qu'au paiement d'une amende de 5.000 euros ;
- Déclaré Monsieur [J], [A] [W] (beau-père de Madame [D] [Y]) coupable des faits de recel de bien obtenu à l'aide d'un abus de confiance et en répression, l'a condamné au paiement d'une amende de 25.000 euros, avec sursis total.
* Sur l'action civile
- Déclaré recevable la constitution de partie civile du cabinet [V] [G] ;
- Condamné solidairement Madame [D] [Y], Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et Monsieur [J], [A] [W] à payer au cabinet [V] [G], une somme de 1.486.894,25 euros en réparation du préjudice financier subi,
- débouté Monsieur [V] [G] du surplus de ses demandes concernant un préjudice matériel.
Monsieur [V] [G] et le cabinet [V] [G] ont interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt en date du 26 novembre 2019, la cour d'appel de Paris a rappelé que les dispositions pénales du jugement attaqué étaient devenues définitives, confirmé cette décision en ses dispositions civiles sauf à limiter la solidarité de Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et de Monsieur [J], [A] [W] à la somme de 1.087.319,27 euros, et infirmant le jugement déféré a condamné solidairement Madame [D] [Y], Madame [S], [Z], [C] [U] épouse [W] et Monsieur [J], [A] [W] à payer à Monsieur [V] [G] la somme de 335.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel (somme apportée sur ses fonds personnels pour maintenir l'activité du cabinet face aux difficultés financières consécutives aux détournements) et la somme de 5.000 euros au titre de son préjudice moral.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier de justice en date du 26 mai 2017, Monsieur [V] [G] a fait assigner Monsieur [O] [Y] et Monsieur [H] [T] devant le tribunal de grande instance d'Evry aux fins de reconnaissance de responsabilité et d'indemnisation pour la somme de 101.225,76 euros par Monsieur [H] [T] et de 29.219,95 euros par Monsieur [O] [Y].
Par jugement du 1er février 2021, le tribunal judiciaire d'Evry a :
- Rejeté la demande de communication de pièces sous astreinte formulée par Messieurs [H] [T] et [O] [Y] ;
- Débouté Monsieur [V] [G] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;
- Condamné Monsieur [V] [G] à verser à Messieurs [H] [T] et [O] [Y], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [V] [G] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Antoine Morabito, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.
Le 26 avril 2021, Monsieur [V] [G] a interjeté appel.
Par ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, Monsieur [V] [G] demande à la Cour, au visa des articles 1240, 1303 et suivants du code civil, 31,699 et 700 du code de procédure civile de :
* Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Débouté Monsieur [V] [G] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts ;
- Condamné Monsieur [V] [G] à verser à Messieurs [H] [T] et [O] [Y], la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné Monsieur [V] [G] aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Antoine Morabito, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
* Statuant à nouveau,
- Juger que Monsieur [H] [T] a commis une faute engageant sa responsabilité et qu'il s'est manifestement enrichi sans cause, au détriment de Monsieur [V] [G] ;
- Condamner Monsieur [H] [T] au paiement de la somme de 101.225,76 euros à Monsieur [V] [G] ;
- Juger que Monsieur [O] [Y] a commis une faute engageant sa responsabilité et qu'il s'est manifestement enrichi sans cause, au détriment de Monsieur [V] [G] ;
- Condamner Monsieur [O] [Y] au paiement de la somme de 29.219,95 euros à Monsieur [V] [G].
- Débouter Messieurs [H] [T] et [O] [Y] de l'ensemble de leurs demandes fins, et conclusions, en ce y compris leur demande de communication de pièces ;
- Condamner Messieurs [H] [T] et [O] [Y] au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Messieurs [H] [T] et [O] [Y] au paiement des entiers dépens dont le montant pourra être recouvré par Maître Jacques Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'appelant fait valoir :
- que des fautes civiles ont été commises par Monsieur [H] [T] (ami d'enfance de Madame [Y]) et par Monsieur [O] [Y] (son frère) qui ont indûment perçu des fonds, sans son consentement et qu'ils se sont donc enrichis sans cause,
- que Monsieur [H] [T] a non seulement reçu indûment une somme totale de 101.225,76 euros mais l'a également utilisée, ainsi que Monsieur [O] [Y], qui a reçu la somme de 29.219,95 euros en provenance du compte de certaines copropriétés,
- qu'ils ont commis une faute en s'abstenant de vérifier leurs comptes afin de connaître la provenance de l'argent qu'ils percevaient,
- que Monsieur [V] [G] n'a commis aucune faute de gestion de nature à les exonérer de leur responsabilité,
- qu'il ne peut lui être reproché de ne pas s'être aperçu plus tôt des transferts d'argent opérés
par Madame [D] [Y] pendant 7 ans, sa comptabilité étant confiée à un expert-comptable qui ne pouvait en raison des fausses factures qu'elle établissait, découvrir plus tôt les détournements,
- que suite à ceux-ci, il a été dans l'obligation de contracter un emprunt à hauteur de 170.000 euros et de vendre un bien personnel d'une valeur de 165.000 euros afin de pouvoir payer l'intégralité des charges du cabinet, dont notamment les salaires des 30 employés,
- que les sommes détournées étaient en réalité destinées au cabinet [V] [G] , en paiement de ses honoraires et il en résulte que Monsieur [G], tant en son nom propre qu'exerçant en son nom personnel sous l'enseigne [V] [G], a été directement victime des détournements commis, comme attesté par son expert comptable,
- que même si une condamnation au pénal est intervenue, le préjudice de Monsieur [G] n'a jamais été réparé et ne le sera pas au regard de la précarité de la situation financière de Madame [Y] et des époux [W] (sa mère et son beau-père), justifiant de ce fait son intérêt actuel à agir.
Par leurs dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 27 juillet 2021, Messieurs [O] [Y] et [H] [T] demandent à la Cour de :
* Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évry en date du 1er février 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [G] de sa demande d'indemnisation
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Évry en date du 1er février 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de communication sous astreinte des pièces visées.
* Statuant à nouveau de ce chef,
Principalement,
- Ordonner avant dire droit la communication des pièces suivantes sous astreinte de 100 euros par jour et par documents à compter du prononcé de la décision à intervenir :
1. Le grand-livre général de chacune des copropriétés dont il avait la gestion à compter de 2000.
2. Les contrats de mandats de syndic de chacune des copropriétés (mentionnant le montant annuels des honoraires de gestion courante).
3. Les procès-verbaux d'assemblées générales de chacune des copropriétés l'ayant désigné comme syndic depuis 2000).
4. Le récapitulatif annuel des comptes de chacune des copropriétés, sorti du système informatique AS 400 (logiciel informatique de l'immobilier). Ce document permettant de voir le détail ainsi que la date du paiement des honoraires.
5. Les déclarations fiscales de Monsieur [V] [G].
6. Les bilans comptables de Monsieur [V] [G].
- Déclarer Monsieur [V] [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter.
* Subsidiairement et à défaut de communication des pièces sollicitées,
- Dire et juger que Monsieur [V] [G] ne justifie pas de sa qualité à agir,
* En conséquence,
- Déclarer Monsieur [V] [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
* En tout état de cause
- Condamner Monsieur [V] [G] à payer la somme 2.500 euros à chacun des intimés en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [V] [G] aux entiers dépens.
Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Antoine Morabito pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Les intimés soutiennent que :
- les fonds dont Monsieur [G] demande le remboursement n'ont pas été prélevés à son détriment mais plutôt au détriment des divers syndicats de copropriété et qu'il ne démontre pas avoir qualité pour agir,
- en effet, les détournements commis par Madame [Y] l'étaient au préjudice des copropriétés,
- en prélevant ses honoraires en avance, Monsieur [G], qui exerce en individuel et non en société, devenait dès lors détenteur illégitime de ces fonds,
- il est nécessaire de déterminer si les fonds détournés avaient préalablement été régulièrement perçus par le syndic en exécution de son mandat et non point comme cela a été dénoncé par Madame [Y] sur des fonds qu'il se serait octroyé hors mandat, c'est-à-dire sur une rémunération indue,
- l'ensemble des détournements effectués ont donné lieu à une condamnation prononcée à l'encontre de Madame [Y] par la cour d'appel de Paris le 26 novembre 2019 et octroyer le montant sollicité reviendrait à indemniser une seconde fois le cabinet [G],
- seuls les virements causés par un prétendu paiement d'honoraires pourraient être revendiqués par Monsieur [G],
- Madame [Y] a pu procéder à des détournements aussi importants sur une période de sept ans en raison de la carence fautive de Monsieur [G] et de son cabinet qui n'ont vérifié manifestement ni les comptes du cabinet de Monsieur [G] ni les comptes des différentes copropriétés.
La clôture a été prononcée le 13 décembre 2023.
MOTIFS
Sur la demande de communication de différentes pièces :
Messieurs [O] [Y] et [H] [T] sollicitent la communication de plusieurs pièces comptables. Monsieur [G] réplique que la communication de ces pièces est inutile et impossible, les archives de son cabinet n'étant conservées que pendant cinq ans.
Sur ce,
La cour observe que Messieurs [O] [Y] et [H] [T] avaient toute possibilité durant la procédure d'appel, qui a duré plusieurs années, de saisir le conseiller de la mise en état d'une demande de communication de pièces ce qu'ils n'ont pas fait.
A ce stade tardif et étant rappelé que la Cour est en mesure de tirer toute conséquence de la non communication de pièces par une partie, si tant est qu'elles soient utiles aux débats, il ne sera pas fait droit à la demande de communication de pièces de Messieurs [O] [Y] et [H] [T].
Le jugement déféré est confirmé de ce chef.
Sur la qualité à agir de Monsieur [G] :
Aux motifs que les fonds auraient été détournés au préjudice des syndicats de copropriétaires, Messieurs [O] [Y] et [H] [T] soulèvent l'absence de qualité à agir de Monsieur [G] qui conteste cette fin de non- recevoir.
Sur ce,
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Monsieur [G] demande la réparation de son préjudice financier personnel (s'élevant à la somme de 335.000 euros) exposant qu'il a dû contracter un emprunt et vendre un bien personnel pour apporter des fonds à son cabinet qui était en difficulté notamment pour payer les salaires des employés suite aux détournements et non la réparation du préjudice subi par d'autres que lui-même.
Dès lors, il a bien qualité à agir.
La fin de non-recevoir soulevée par Messieurs [O] [Y] et [H] [T] est rejetée et Monsieur [G] est déclaré recevable en son action.
Sur le fond :
Monsieur [G] agit sur le fondement de l'article 1240 du code civil ainsi que sur celui des articles 1303 et suivants (enrichissement sans cause).
In limine litis, sur la procédure pénale :
Par ordonnance de renvoi partiel et de non-lieu en date du 21 juin 2016, Madame la vice-présidente chargée de l'instruction a estimé qu'il ne résultait pas de l'information de charges suffisantes à l'encontre de Messieurs [O] [Y] et [H] [T] et a prononcé un non-lieu les concernant.
En effet, le magistrat instructeur a considéré que l'élément moral de l'infraction pénale n'était pas caractérisé.
Plus précisément, il a constaté que « les montants versés par la mise en examen de l'ordre de 1.000 euros par mois environ ne sont pas incohérents avec le niveau élevé de rémunération que [D] [Y] prétendait percevoir ; que les explications des mis en examen selon lesquelles ils ne consultaient pas leurs relevés de compte et n'ont donc pas remarqué que les fonds provenaient de copropriété ne sont pas dénuées de vraisemblance'.
Il résulte de la pièce 8, synthèse réalisée par le capitaine [M] le 3 mai 2010 dans le cadre de l'enquête pénale, que l'examen des relevés bancaires montre que des chèques tirés de copropriétés en règlement de factures dues au cabinet [V] [G] ont été crédités sur le compte de Monsieur [H] [T] entre 2002 et 2009 pour la somme de 101.225,76 euros et sur celui de Monsieur [O] [Y] entre 2005 et 2007 pour la somme de 29.219,95 euros.
Madame [Y] a reconnu les détournements de fonds de son employeur débitant les comptes des copropriétés en règlement des honoraires dus au cabinet [V] [G]. Elle explique dans le cadre de la procédure pénale qu'elle falsifiait l'ordre sur le chèque ou mettait le RIB de ses proches en bénéficiaires des virements.
* sur la responsabilité délictuelle :
Il résulte de l'article 1382 ancien du code civil applicable en l'espèce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Monsieur [G] doit rapporter la preuve d'une faute des intimés, de son préjudice et du lien de causalité direct et certain.
Le préjudice, dont il demande réparation, est constitué par l'obligation de contracter un emprunt à hauteur de 170.000 euros et de vendre un bien personnel d'une valeur de 165.000 euros afin de pouvoir payer l'intégralité des charges du cabinet, dont notamment les salaires des 30 employés.
La faute alléguée est le fait pour les deux intimés de ne pas avoir vérifié leurs relevés de compte.
Cependant cette faute n'est pas en lien de causalité directe avec le préjudice subi par Monsieur [G]. Ce n'est pas parce que Messieurs [O] [Y] et [H] [T] n'ont pas vérifié leurs relevés de compte que l'appelant a dû apporter des capitaux afin de rééquilibrer les comptes de son cabinet mais en raison des détournements opérés par Madame [D] [Y].
Dès lors, en l'absence de lien de causalité direct entre la faute et le préjudice allégués, Monsieur [G] ne peut qu'être débouté de sa demande fondée sur l'article 1382 ancien du code civil.
* Sur l'enrichissement sans cause :
Il résulte de l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et de la jurisprudence, codifiée aux articles 1303 et suivants du code civil par ladite ordonnance, que nul ne peut s'enrichir sans cause au détriment d'autrui.
L'action au titre de l'enrichissement sans cause est une action subsidiaire qui ne peut être admise qu'à défaut de toute autre action ouverte à Monsieur [G].
Madame [Y] ainsi que les époux [W] ont été condamnés par la cour d'appel de Paris par arrêt en date du 26 novembre 2019 à payer à Monsieur [G] la somme de 335.000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.
Pour justifier qu'il n'a reçu aucun règlement suite à cette condamnation pénale, ce dernier produit le courrier de Maître Bilski, avocate, en date du 29 mars 2021.
Mais ce courrier est ancien et ne décrit ni ne rapporte la preuve des mesures d'exécution engagées ni qu'elles n'aient pas abouti depuis.
Il s'en déduit que Monsieur [G] ne rapporte pas la preuve de ne pas disposer d'autres actions à l'encontre de Madame [Y] et les époux [W] afin de recouvrer les dommages et intérêts au paiement desquels ils ont déjà été condamnés.
De plus l'action fondée sur l'enrichissement sans cause nécessite un lien de connexité entre l'enrichissement des intimés et l'appauvrissement de Monsieur [G]. Or il n'y a en l'espèce pas de lien direct entre ceux-ci, les capitaux sortant du patrimoine de ce dernier, ayant permis de redresser les comptes de son cabinet, affectés par les détournements causés par son aide-comptable, Madame [Y], n'étant pas entrés dans le patrimoine de Messieurs [O] [Y] et [H] [T].
Dès lors, sans qu'il soit utile de statuer sur une faute qu'aurait ou non commise l'appelant, par ces motifs se substituant à ceux des premiers juges, le jugement déféré, qui a débouté Monsieur [G] de ses demandes à l'encontre de Messieurs [O] [Y] et [H] [T], est confirmé.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La décision déférée est confirmée en ce qui concerne les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [G] est condamné aux dépens d'appel qui seront recouvrés par le conseil des parties adverses conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
Déboute Messieurs [O] [Y] et [H] [T] de leur fin de non-recevoir,
Déclare Monsieur [G] recevable en son action comme ayant qualité à agir,
Confirme la décision entreprise,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Monsieur [G] aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil des parties adverses conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,