CA Paris, Pôle 1 ch. 2, 25 avril 2024, n° 23/15859
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Ice Express (SAS)
Défendeur :
Bathor (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Masseron
Conseillers :
Mme Chopin, M. Najem
Avocats :
Me Rep, Me Bardy
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat intitulé ' bail précaire'' la SCI Bathor a consenti à la société Ice express la location d'un terrain de 2.300 m2 situé [Adresse 1] à [Localité 3] (91), ce, pour une durée de six mois et moyennant un loyer mensuel de 5.000 euros.
La SCI Bathor a fait assigner la société Ice express devant le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry aux fins de voir :
recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions ;
ordonner l'expulsion de la société Ice express et de toute personne dans les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3] (91), au besoin avec le concours de la force publique ;
ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers, garnissant les lieux dans un garde meubles qu'elle désignera ou dans tel lieu au choix du bailleur et aux frais de la société Ice express ;
condamner la société Ice express à lui verser une indemnité d'occupation d'un montant de 6.060 euros par mois jusqu'à libération effective des lieux.
Par ordonnance contradictoire du 8 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry a :
dit que la société Ice express devra libérer les lieux et les rendre libres de tous occupants de son chef au plus tard 15 jours après signification de la présente décision ;
constaté que les conditions d'expiration du bail commercial dérogatoire liant les parties portant sur les lieux loués situés [Adresse 1] à [Localité 3] (91) sont réunies au 15 mars 2023, la société Ice express étant après cette date occupante sans droit ni titre ;
autorisé la SCI Bathor, à défaut de libération, à procéder à l'expulsion de la société Ice express et de tous occupants de son chef, passé ce délai, au besoin avec le concours de la force publique et de l'assistance d'un serrurier ;
dit que le sort des meubles et objets se trouvant dans les lieux loués sera régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
condamné par provision la société Ice express à payer à la société Bathor des indemnités d'occupation pour une somme de 6.060 euros par mois, pour la valeur locative et les provisions pour charges et taxe foncière, du 16 mars 2023 jusqu'à libération effective des lieux caractérisée par la reprise des lieux ou la restitution des clés, en deniers ou quittance ;
rappelé que la décision est exécutoire par provision ;
condamné la société Ice express à la SCI Bathor la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société Ice express aux dépens, en ce compris la signification de la décision ;
rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.
Par déclaration du 4 octobre 2023, la société Ice express a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 25 octobre 2023, la société Ice express demande à la cour de :
la recevoir dans ses conclusions et la dire bien fondée ;
constater l'existence de contestations sérieuses et dès lors, réformer l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire d'Evry du 8 septembre 2023 dans toutes ses dispositions ;
débouter la société Bathor de ses conclusions ;
A titre subsidiaire :
lui octroyer les plus larges délais pour une durée qui ne saurait être inférieure à deux ans ;
condamner la SCI Bathor à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la SCI Bathor à tous les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 16 novembre 2023, la SCI Bathor demande à la cour, au visa des articles L. 145-5 du code de commerce et 956 du code de procédure civile, de :
confirmer l'ordonnance du 8 septembre 2023 en toutes ses dispositions ;
l'autoriser à faire procéder à l'expulsion de la société Ice express et de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique ;
ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers, garnissant les lieux dans un garde meubles qu'elle désignera ou dans tel lieu au choix du bailleur et aux frais de la société Ice express ;
condamner la société Ice express à lui verser une indemnité d'occupation d'un montant de 6.060 euros par mois jusqu'à libération effective des lieux à compter du 15 mars 2023 ;
condamner la société Ice express à lui verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens lesquels comprendront notamment les frais de signification.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
SUR CE,
L'article 834 du code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
L'article L 145-5 du code de commerce prévoit pour sa part que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Au cas présent, par contrat intitulé ' bail précaire'' la SCI Bathor a consenti à la société Ice express la location d'un terrain de 2.300 m2 pour une durée de six mois et un loyer mensuel de 5.000 euros.
La société Ice express se prévaut des dispositions de l'article L.145-5 du code de commerce et soutient que la bailleresse a continué à percevoir les loyers à l'issue du terme contractuel.
Toutefois, il ressort des pièces produites que :
- le bail qui lie les parties comporte la clause suivante :
DUREE
' La présente location précaire est consentie pour une durée de 6 mois qui commenceront à courir le 15 septembre 2022 pour se terminer le 15 mars 2023. Elle pourra toutefois être dénoncée tacitement par l'une des parties avec un préavis de trois mois. Ladite location ne pourra être renouvelée',
- il est constant que par courrier recommandé avec avis de réception du 27 février 2023, la SCI Bathor a rappelé à la société Ice express que le bail prenait fin le 15 mars 2023 puis par exploit extrajudiciaire du 7 avril 2023, elle a fait part à sa locataire de son opposition au maintien dans les lieux avec sommation de les quitter, de sorte que le bailleur a à deux reprises manifesté son intention de ne pas poursuive les relations contractuelles au-delà du terme convenu.
- de la sorte, aucun accord de la bailleresse pour poursuivre la relation en la forme d'un bail commercial n'est démontré, et le bail précaire a bien pris fin à son terme le 15 mars 2023,
- dans ces conditions, le paiement de sommes correspondant aux loyers au-delà de ce terme, paiement accepté par la bailleresse, est la simple contrepartie de l'occupation des lieux, sans qu'il ne puisse s'en déduire un quelconque accord de la SCI Bathor pour renouveler le bail ou en consentir un nouveau,
- en outre, la société Ice express excipe d'un second bail en sous-location consenti le 2 août 2022 par la société NTN Groupe à son profit, portant sur les mêmes lieux, la société NTN Groupe bénéficiant elle-même d'un bail précaire du 1er mars 2022, expirant le 28 février 2024,
- cependant, ledit bail précaire consenti à la société NTN Groupe comporte une interdiction expresse de sous-location et il apparaît qu'il a été résilié par la SCI Bathor en raison de ladite sous-location au profit de la société Ice express, ce qu'elle ne conteste pas, de sorte qu'il y a lieu de considérer qu'aucun autre bail que celui du 15 septembre 2022 ne liait la société Ice express et la SCI Bathor.
C'est ainsi à juste titre que le premier juge, constatant l'absence de contestation sérieuse, a fait droit aux demandes de la SCI Bathor et l'ordonnance entreprise doit être confirmée sur ce point.
S'agissant de la demande subsidiaire de la société Ice express de délais pour quitter les lieux, celle-ci allègue sans l'établir une difficulté pour elle de pouvoir trouver un autre terrain lui permettant d'entreposer ses camions, de sorte que cette demande sera rejetée.
L'ordonnance rendue sera également confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles, exactement tranché par le premier juge.
La société Ice express qui succombe en son appel en supportera les dépens et sera condamnée à payer à la SCI Bathor la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ;
Y ajoutant,
Condamne la société Ice express aux dépens d'appel,
Condamne la société Ice express à payer à la SCI Bathor la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Rejette les autres demandes des parties.