CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 25 avril 2024, n° 21/02051
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Immobilière (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Pereire, Me Mortreux, Me Serfati
FAITS ET PROCEDURE
Par acte authentique du 27 octobre 2004, la SARLU [Adresse 5] Immobilière a consenti à la société Alice et Guillaume un bail commercial de neuf ans à compter rétroactivement du 1er janvier 2004 portant sur divers locaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] à [Localité 4], comprenant des locaux commerciaux et un studio d'habitation, à destination principalement de bar, tabac brasserie, moyennant un loyer annuel était fixé à la somme de 16.149,48 €, hors charges, hors taxe.
Par acte sous seing privé du 28 octobre 2009, la société Alice et Guillaume a cédé à M. [W] [X] son fonds de commerce, exploité sous l'enseigne « [3] », et le droit au bail y afférent moyennant un prix de 390.000 €.
Par acte extrajudiciaire du 27 juin 2012, le bailleur a fait signifier à M. [W] [X] un congé pour le 31 décembre 2012 avec refus de renouvellement de bail commercial sans droit à une indemnité d'éviction, invoquant pour motif grave et légitime la destruction de l'immeuble.
Par acte extrajudiciaire du 25 septembre 2013, M. [W] [X] a assigné la SARLU [Adresse 5] Immobilière devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de contester le motif du congé délivré, et solliciter le paiement d'une indemnité d'éviction et son évaluation par un expert.
Par jugement rendu le 28 juillet 2015, rectifié par jugement du 31 août 2015, le tribunal judiciaire de Paris a notamment :
- constaté que le congé sans offre de renouvellement délivré le 27 juin 2012 par la SARLU [Adresse 5] Immobilière a mis fin le 31 décembre 2012 au bail portant sur les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 4] ;
- dit que la SARLU [Adresse 5] Immobilière ne justifie pas de l'une des exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du code de commerce lui permettant de se dispenser du paiement d'une indemnité d'éviction ;
- dit que M. [W] [X] a droit au paiement d'une indemnité d'éviction ;
- rappelé que M. [W] [X] a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré, jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction ;
- avant dire droit au fond sur le montant de l'indemnité d'éviction, désigné en qualité d'expert M. [C] aux fins de déterminer le montant de l'indemnité d'éviction due à M. [W] [X], ainsi que le montant de l'indemnité d'occupation due par ce dernier depuis le 1er janvier 2013.
Le 13 février 2017, M [C] a déposé son rapport.
Par jugement du 29 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a':
- dit que l'éviction entraîne la perte du fonds de commerce exploité par M. [W] [X] dans les locaux sis [Adresse 5] ' [Localité 4]';
- fixé l'indemnité d'éviction à la somme de 656.128 €, soit
* 570.000 € au titre de la valeur du fonds';
* 57.000 € au titre des frais de remploi';
* 26.128 € au titre du trouble commercial';
* 3.000 € au titre des frais de déménagement du logement';
outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs';
- dit que M. [W] [X] est redevable à l'égard de la SARLU [Adresse 5] Immobilière d'une indemnité d'occupation, à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à la libération des lieux';
- fixé le montant de cette indemnité à la somme de 35.564 € hors charges par an';
- dit que la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation, s'opérera de plein droit';
- condamné la SARLU [Adresse 5] Immobilière à payer à M. [W] [X] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire';
- rejeté toutes autres demandes';
- condamné la SARLU [Adresse 5] Immobilière aux entiers dépens, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.
Par déclaration d'appel du 29 janvier 2021, Monsieur [W] [X] a interjeté appel partiel du jugement des chefs du montant de l'indemnité d'éviction qui lui est dû et du montant de l'indemnité d'occupation dont il est débiteur.
Par conclusions déposées le 25 juin 2021, la société [Adresse 5] immobilière a formé un appel incident du chef de la condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 janvier 2024.
MOYENS ET PRETENTIONS
Vu les conclusions déposées le 29 avril 2021, par lesquelles Monsieur [W] [X], appelant, demande à la Cour de':
- le recevoir en ses conclusions d'appel, le dire bien-fondé, y faire droit';
- infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a fixé l'indemnité d'éviction due par la SARLU [Adresse 5] Immobilière à M. [W] [X] à la somme de 656.128 €, soit :
* 570.000 € au titre de la valeur du fonds';
* 57.000 € au titre des frais de remploi';
* 26.128 € au titre du trouble commercial';
* 3.000 € au titre des frais de déménagement du logement';
* outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs,
- infirmer le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par M. [W] [X] à la SARLU [Adresse 5] Immobilière à la somme de 35.564 € hors charges par an';
Et statuant à nouveau,
- fixer l'indemnité d'éviction due par la SARLU [Adresse 5] Immobilière à M. [W] [X] à la somme de 1.063.000 €';
- condamner en tant que de besoin la SARLU [Adresse 5] Immobilière à payer à M. [W] [X] cette somme de 1.063.000 € à titre d'indemnité d'éviction';
- fixer l'indemnité d'occupation due par M. [W] [X] à compter du 1er janvier 2013 et jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction à la somme de 18.779,04 € HC/AN';
- faire application d'un abattement de précarité qui ne pourra être inférieur à 30 %';
- débouter la SARLU [Adresse 5] Immobilière de toutes ses demandes contraires, fins et conclusions';
- condamner la SARLU [Adresse 5] Immobilière au paiement d'une somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner la SARLU [Adresse 5] Immobilière au paiement de l'intégralité des dépens de l'instance d'appel.
Vu les conclusions déposées le 25 juin 2021, par lesquelles la SARLU [Adresse 5] Immobilière, intimée, demande à la Cour de':
- confirmer en partie le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris, RG n°13/14066, en date du 29 septembre 2020, en ce qu'il a :
- déterminé et fixé l'indemnité d'éviction dans les termes suivants :
* 570.000 € au titre de la valeur du fonds';
* 57.000 € au titre des frais de remploi';
* 26.128 € au titre du trouble commercial';
* 3.000 € au titre des frais de déménagement du logement';
* les frais de licenciement payés sur justificatifs';
- fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 35.364 € hors charges par an, à compter du 1er janvier 2013 jusqu'à la libération des lieux';
- ordonné de plein droit la compensation entre le montant de l'indemnité d'éviction et celui de l'indemnité d'occupation';
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SARLU [Adresse 5] Immobilière à payer la somme de 5.000 € à titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les frais et coût de l'expertise judiciaire';
- recevoir la SARLU [Adresse 5] Immobilière en toutes ses demandes formulées en cause d'appel et y faire droit ;
Et statuant à nouveau et y ajoutant,
- débouter purement et simplement Monsieur [W] [X] de toutes demandes, fins et conclusions contraires aux présentes';
- condamner Monsieur [W] [X] à payer la somme de 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner Monsieur [W] [X] aux entiers dépens, qui comprendront les frais et honoraires d'expertise, dont le montant pourra être recouvré directement par Maître Jesse Serfati, avocat à la Cour, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
1) Sur l'indemnité d'éviction due par la SARLU [Adresse 5] Immobilière
- Sur l'indemnité principale
Aux termes de l'article L. 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l'indemnité d'éviction étant destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l'entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Il est par ailleurs usuel de mesurer les conséquence de l'éviction sur l'activité exercée afin de déterminer si cette dernière peut être déplacée sans perte importante de clientèle auquel cas l'indemnité d'éviction prend le caractère d'une indemnité de transfert ou si l'éviction entraînera la perte du fonds, ce qui confère alors à l'indemnité d'éviction une valeur de remplacement.
Il est admis que l'indemnité d'éviction s'évalue à la date la plus proche de l'éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s'y trouve incluse.
Les conséquences de l'éviction s'apprécient in concreto au regard de la possibilité pour le locataire de conserver son fonds de commerce sans perte de clientèle importante, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de transfert, ou de la perte du fonds de commerce, auquel cas l'indemnisation prend la forme d'une indemnité de remplacement.'
Cette appréciation implique dans un premier temps d'étudier les caractéristiques du bail s'agissant de sa destination, des clauses usuelles ou exorbitantes de droit commun y incluses, et des locaux s'agissant de leur implantation, de leur emplacement, de leur aménagement, et de leur commercialité, ce que le tribunal a opéré par motifs détaillés que la cour adopte et auxquels il est renvoyé.
Aux termes du jugement querellé, le premier juge a retenu une valeur du fonds de commerce de 570.000 €, après avoir considéré que':
- il n'est pas discuté qu'au regard de l'activité commerciale exercée par M. [W] [X], le congé avec refus de renouvellement entraîne la perte du fonds de commerce en raison de l'impossibilité de transférer l'établissement dans un local de remplacement situé à proximité sans perte notable de clientèle, de sorte que l'indemnité principale doit être estimée en fonction de la valeur marchande du fonds de commerce,
- l'expert expose, sans être contesté, que, selon les usages de la profession, la valeur d'un fonds de commerce de café, tabac, loto et jeux, ouvert tous les jours de 7h à 21h sans interruption, sauf le dimanche et pendant les congés annuels, s'évalue :
* pour la partie « café, bar », en fonction de la qualité de l'emplacement commercial, entre 500 et 900 fois la recette journalière hors taxes,
* pour la partie « tabac », sur la base de deux à quatre années de remise nette,
* pour la partie « tabletterie, jeux » entre 90 et 100% du chiffre d'affaires hors taxes annuel moyen,
- Il souligne que le fonds de commerce est situé dans un secteur de commercialité moyenne où réside une population à faible revenu et que, l'examen des documents comptables démontre que l'essentiel du chiffre d'affaires est réalisé avec les commissions versées au titre de la vente des jeux, du tabac et du PMU et qu'aucune restauration n'est proposée à la clientèle,
- A partir des documents comptables des années 2013, 2014 et 2015, rectifiés par l'expert- comptable, sur lesquels il n'existe donc plus de divergences entre les parties, M. [C] estime la valeur du fonds de commerce à la somme des valeurs des branches d'activité qui le composent et retient,
* pour la branche « café, bar » : un chiffre d'affaires annuel moyen HT de 79.102 € [(83.988 + 72.945 + 80.374) / 3] et une recette journalière, calculée sur la base de 294 jours ouvrables, de 269,05 € et calcule une valeur de la branche d'activité de 161.400 € correspondant à 600 fois cette recette journalière, qui n'est pas contestée par les parties,
* pour la branche « tabletterie et divers » : un chiffre d'affaires annuel moyen HT de 95.471 € [(91.041 + 11.749 + 75.108 + 11.589 + 84.360 + 12.566) /3] auquel il applique un pourcentage de 90 % faisant ressortir une valeur de la branche d'activité de 85.924 € ; si ce pourcentage est contesté par M. [W] [X], qui demande l'application d'un pourcentage de 130 %, le coefficient de 90% proposé par l'expert sera jugé adapté et son évaluation de la branche d'activité au montant de 85.924 € sera retenue eu égard à la localisation du fonds dans un quartier à la commercialité moyenne, habité par une population aux revenus faibles,
* pour la branche « tabac » : un montant moyen annuel HT des commissions de 74.143 € [(77.949 + 68.497 + 75.983) /3). Il estime la valeur de la branche d'activité à 185. 357 € correspondant à 2,5 années de commissions,
* pour la branche « jeux, loto, PMU » : un chiffre d'affaires annuel moyen HT de 137.893 € [ ( 123.135 + 132.139 + 158.405) / 3] qu'il retient au titre de la valeur de la branche d'activité';
* si M. [W] [X] sollicite l'application d'un coefficient de 3 à ces deux dernières branches d'activité, en se fondant sur le barème des éditions Francis Lefébvre, sur l'attestation d'un courtier en financement concluant à une valorisation du fonds entre 845 et 925.000 €, et sur trois estimations d'agences immobilières évaluant le commerce entre 750 et 850.000 €, ainsi que des annonces de cessions de fonds de commerce correspondant à 1,6 à 2 fois le chiffre d'affaires, eu égard à la faible attractivité commerciale du quartier, au pouvoir d'achat limité de sa population et au très mauvais état de l'immeuble, il sera jugé que la valeur du fonds de commerce obtenue par application des coefficients retenus par l'expert, correspond à la réalité du marché, les estimations amiables et annonces de cessions produites par M. [W] [X], qui concernent des biens ne pouvant être comparés au fonds évincé, ne présentant pas de caractère probant.
M. [W] [X], lequel sollicite l'infirmation du jugement attaqué de ce chef, fait valoir principalement que la valeur du fonds de commerce retenue par l'expert serait sous-évaluée selon les différents documents et références qu'il produit, les différents professionnels consultés s'entendant sur une estimation comprise entre 750.000 et 925.000 €.
Il relève qu'il conviendrait d'appliquer un coefficient de 3 aux remises nettes tabac pour évaluer la valeur d'un fonds de commerce bar-tabac et qu'en ce qui concerne la tabletterie, le barème établi par les éditions Francis Lefèbvre indiquerait qu'il faudrait multiplier le chiffre d'affaires annuel par 80 ou 130 % pour la valoriser et que compte tenu de l'emplacement et de la fréquentation importante du commerce dans un quartier densément peuplé et populaire, il conviendrait d'appliquer un coefficient supérieur à 130 %, la valeur du fonds de commerce, auquel il convient d'ajouter les indemnités accessoires, au titre notamment du licenciement des salariés, devant donc être évaluée à la somme totale de 1.062.016,27 €.
La SARLU [Adresse 5] Immobilière sollicite la confirmation du jugement entrepris de ce chef, en arguant pour l'essentiel que la valeur du fonds de commerce de café, tabac, loto et jeux litigieux aurait été exactement évaluée par l'expert en fonction des usages de la profession, les documents produits par l'appelant en vertu desquels le montant de l'indemnité devrait être revu à la hausse ayant déjà été communiqués à l'expert qui les as écartés'comme n'étant pas de nature à s'appliquer au présent litige du fait des situations et contextes très différents dont il est question dans ces documents.
Au cas d'espèce, la cour invite à se référer à la description que fait le premier juge des locaux et de la qualité de l'emplacement loué, situé dans un quartier populaire à population à faible revenu et présentant une commercialité moyenne.
Si M. [W] [X] conteste la valorisation de son fonds de commerce retenue par le premier juge, en excipant de diverses annonces et analyses réalisées par des professionnels démontrant une sous-évaluation du fonds par l'expert, force est de rappeler que l'indemnité d'éviction, dans l'hypothèse d'une perte de fonds de commerce, correspond à la valeur du fonds de commerce, qui ne saurait résulter d'éléments extrinsèques au fonds, mais des éléments comptables afférents au fonds.
La cour observe par ailleurs que si M. [W] [X] conteste la valorisation du fonds de commerce retenue par le premier juge, il ne conteste toutefois nullement les chiffres d'affaires tirés de sa comptabilité tels que retenus par le jugement entrepris sur l'année 2013 à 2015, se bornant à solliciter l'application d'un coefficient de 3 aux remises nettes tabac et celle d'un coefficient supérieur à 130 % à l'activité de tabletterie.
Or, s'agissant de l'activité «'tabac'», l'expert judiciaire a retenu un coefficient de 2,5 fois le montant des commissions HT/an moyen, et non un coefficient de 3, en le justifiant par les «'usages de la profession'» qui l'évalue sur la base de 2 à 4 années de remise nette.
Si M. [W] [X] conteste ce coefficient, le premier juge doit cependant être approuvé de l'avoir retenu, compte-tenu de la commercialité moyenne du secteur, en bordure du boulevard de la [Adresse 5] où réside une population à faibles revenus.
Par ailleurs, si M. [W] [X] sollicite l'application d'un coefficient supérieur à 130 % sur le chiffre d'affaires issu de la branche «'tabletterie/jeux'», le premier juge doit être cependant approuvé d'avoir retenu le coefficient proposé par l'expert de 90 %, qui apparaît adapté à la commercialité du secteur, moyenne, où réside une population à faibles revenus, à l'inverse du coefficient sollicité par M. [W] [X], qui correspond au plafond des usages de la profession, mais non à la situation du fonds.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu une valeur de fonds de commerce et une indemnité d'éviction principale de 570.000 €, fondée sur les chiffres d'affaires de 2013 à 2015, faute pour M. [W] [X] de fournir d'éléments comptables plus récents, mettant ainsi la cour dans l'impossibilité d'évaluer l'indemnité d'éviction principale à une date plus proche de l'éviction.
- Sur l'indemnité pour frais de remploi
La lecture des écritures de M. [W] [X] laisse apparaître que ce dernier ne conteste pas que l'indemnité accessoire au titre des frais de remploi, soit fixée à 10 % de l'indemnité principale, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a fixée à 57.000 €, correspondant à 10 % de l'indemnité d'éviction principale.
- Sur l'indemnité pour frais de licenciement
Si M. [W] [X] sollicite la fixation à son profit d'une indemnité au titre des frais de licenciement à hauteur de 22.106,27 €, force est de relever qu'il se borne à produire, à l'appui de sa demande, une feuille datée du 12 février 2018 du «'Journal de Paye'»faisant état du versement à quatre salariés d'une somme de 16.190,40 € net soit 22.106,27 € au total, sans que toutefois il ne résulte de la lecture de cette pièce que le paiement de ces sommes résulterait du licenciement de ces quatre salariés.
Dès lors, le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à la charge de la SARLU [Adresse 5] Immobilière le paiement des frais de licenciement sur présentation de justificatifs, et M. [W] [X] débouté de sa demande en cause d'appel tendant à voir fixé lesdits frais à 22.106,27 €.
- Sur les indemnités pour trouble commercial et frais de déménagement
la cour relève qu'aucune des parties ne conteste les indemnités fixées de ces chefs par le premier juge, qui seront donc confirmés.
2) Sur l'indemnité d'occupation due par M. [W] [X]
Il résulte de l'article L. 145-28 et R. 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d'une indemnité d'occupation jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d'appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents.
Le premier juge a procédé à une description détaillée des locaux à laquelle il convient de se reporter, et pour fixer l'indemnité d'occupation due par M. [W] [X] à 450 € /m², a considéré que conformément à l'article L. 145-28 du code de commerce renvoyant aux sections 6 et 7 du chapitre V de ce code relatif au bail commercial, l'indemnité d'occupation due par le preneur évincé correspond à la valeur locative, non pas de marché mais de renouvellement dans des conditions exclusives de tout plafonnement, et qu'au regard des éléments de comparaisons, portant sur des commerces de restauration situés dans le même quartier, la valeur de 450 €/m² retenue par l'expert tient compte de l'état et de la situation du commerce en cause puisqu'elle correspond au loyer le plus bas, retenu lors d'un renouvellement judiciaire en 2008.
M. [W] [X], lequel sollicite l'infirmation du jugement querellé de ce chef, conteste la valeur de 450 €/ m2 retenue par l'expert sans tenir compte des caractéristiques du local considéré alors qu'il présenterait un état de vétusté avancé, et en se fondant sur des références à titre de comparaisons concernant des quartiers du 19ème arrondissement qui n'ont pas les mêmes caractéristiques que le quartier dans lequel se trouve le local litigieux, de commercialité moyenne.
Il souligne que la bailleresse se serait dispensée d'entretenir et de réparer l'immeuble dont elle connaissait pourtant le mauvais état, et ce afin de pouvoir invoquer sa dangerosité et solliciter à plusieurs reprises l'expulsion immédiate de ses occupants dans l'optique d'un projet de démolition et de reconstruction, de sorte que l'indemnité d'occupation doit être fixée par référence au montant du loyer qui aurait dû être fixé dans l'hypothèse d'un renouvellement soit 20.865,59 € HT par an.
La SARLU [Adresse 5] Immobilière s'oppose à cette argumentation en arguant que l'expert aurait exactement retenu une indemnité finale de 35.564 € par an correspondant à une valeur de 450 € par m2 pondéré, en se fondant sur les prix des loyers commerciaux pratiqués dans le même secteur et le même quartier ainsi que sur la surface pondérée du local, l'expert ayant retenu la valeur la plus basse possible eu égard aux références indiquées sur son rapport, de sorte que la valeur locative a donc bien été calculée en tenant compte des éléments d'appréciation de l'article L. 145-33 du code de commerce.
Elle souligne en outre que les références citées par l'appelant ne concerneraient pas des commerces de café, jeu et tabac'et que les locaux se trouvent, selon l'expert, en bon état d'usage, rien ne justifiant le plafonnement du loyer.
Au cas d'espèce, c'est par des motifs dont la pertinence en cause d'appel n'a pas été altérée et que la cour adopte que le premier juge a ainsi statué.
En effet, le montant de l'indemnité d'occupation doit être fixée sur la base de la valeur locative de renouvellement du local, sans plafonnement, et ce, à la date à laquelle le bail a pris fin, soit au 1er janvier 2013.
Or, pour retenir une valeur locative de 450 €/m², l'expert a tenu compte tant d'une fixation judiciaire d'un loyer renouvelé en 2008 que de deux nouvelles locations pour des activités de restauration conclues en 2013 à proximité du fonds de commerce de M. [W] [X] (700 mètres).
Si M. [W] [X] conteste la pertinence de ces termes de comparaison, les trois références fournies par l'expert apparaissent toutefois refléter la valeur locative sur le secteur sur une période proche de celle de la fin du bail litigieux, sans qu'il ne puisse lui être tenu rigueur de ne pas avoir retenu de références relatives à des commerces similaires à celui de M. [W] [X], dont l'existence n'est pas établie.
Si M. [W] [X] se prévaut d'autres références tirées notamment de fixations judiciaires de loyers en renouvellement, force est de relever que les références invoquées concernent des renouvellements au 1er janvier 2015, soit bien postérieurs au 1er janvier 2013, et ne sauraient dès lors être pris en compte dans la fixation d'une indemnité d'occupation à la date du 1er janvier 2013.
Enfin, si M. [W] [X] se prévaut de l'état délabré et vétuste de l'immeuble pour contester l'indemnité d'occupation retenue par le premier juge, la cour relève que le premier juge a entériné l'estimation de l'expert qui tenait compte de la vétusté de l'immeuble, de son très mauvais état d'entretien et de son emplacement dans un secteur à forte densité de population et à commercialité moyenne.
Dès lors, la valorisation retenue à 450 €/m² apparaît pertinente et adaptée au local loué et à sa valeur locative.
Enfin, si M. [W] [X] conteste l'abattement pour précarité de 10 % appliqué par l'expert, et entériné par le premier juge, sollicitant qu'il soit porté à 30 %, compte tenu de la dégradation de l'état général de l'immeuble et des répercussions engendrées par la longueur de la procédure sur les conditions d'exploitation et la diminution progressive de la surface exploitable, il ne résulte cependant d'aucune des pièces versées aux débats que la vétusté de l'immeuble et le manque d'entretien auraient eu des répercussions sur l'exploitation du fonds de M. [W] [X] et auraient entraîné une diminution progressive de la surface exploitable.
Dès lors, aucun motif ne justifie de déroger à l'abattement de 10 % appliqué par le premier juge, reflétant la précarité dans laquelle M. [W] [X] se trouve depuis le 1er janvier 2013.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à la charge de M. [W] [X] une indemnité d'occupation de 35.564 € par an HT/HC, à compter du 1er janvier 2013.
3) Sur les demandes accessoires
M. [W] [X] succombant, il supportera les entiers dépens d'appel. Les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.'
Les parties seront en revanche déboutées de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le jugement étant cependant confirmé en ce qu'il a condamné la SARLU [Adresse 5] Immobilière à verser à M.[W] [X] la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 29 septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris sous le n° RG 13/14066 en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Déboute M.[W] [X] de sa demande de fixation de l'indemnité de licenciement à la somme de 22.106,27 € ;
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';
Condamne M. [W] [X] aux dépens d'appel';
Dit que les dépens de première instance resteront répartis ainsi que décidé par le premier juge.