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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 25 avril 2024, n° 22/10140

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Asvmt (Assoc)

Défendeur :

Institut National de la Propriété (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gerard

Conseillers :

Mme Combric, Mme Vincent

Avocats :

Me Tollinchi, Me Jacquemart, Me Ermeneux

CA Aix-en-Provence n° 22/10140

24 avril 2024

EXPOSE DU LITIGE

L'Association de Secours aux Victimes des Maladies Tropicales (ci-après dénommée Asvmt), créée depuis 1926, exploite le [Adresse 3]. Mme [O] [F] est associée et gérante de la Sci [Adresse 3], immatriculée le 26 juin 2020, et est titulaire de la marque verbale n°20/4705174 « [Adresse 3] », déposée le 24 novembre 2020, pour les classes de services 41, relatif à l'organisation de séminaires et de conférence, et 43, relatif à l'organisation de réceptions et mariages.

Après une procédure d'opposition au dépôt de la marque, déclarée irrecevable par décision du 27 mai 2020, l'Asvmt a formé le 3 janvier 2022 une demande en nullité contre la marque verbale n°20/4705174 « [Adresse 3] » à l'encontre de l'ensemble des services pour lesquels la marque contestée est enregistrée (classe 41 et classe 43).

Suivant décision en date du 30 juin 2022, M. le directeur de l'Institut National de la Propriété Industrielle a rejeté la demande en nullité, en ce que :

- Le motif de nullité de la marque contestée fondé sur l'atteinte au nom de domaine www.chartreuse-de-valbonne.com est rejeté ;

- Le motif de nullité de la marque contestée fondé sur la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée est rejeté.

Par acte enregistré au greffe le 13 juillet 2022, l'Asvmt a formé un recours contre cette décision.

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 22 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, l'Asvmt fait valoir que :

- La marque contestée doit être annulée en raison du motif relatif lié à l'antériorité du nom de domaine antérieur www.chartreuse-de-valbonne.com, réservé le 15 octobre 2016, qui constitue un droit antérieur opposable au sens de l'article L711-3 du code de la propriété intellectuelle, et du risque de confusion ainsi créé ; non seulement ce nom de domaine a été enregistré antérieurement au dépôt de la marque contestée, mais a été effectivement exploité entre la date de réservation du nom de domaine et la date de dépôt de la marque contestée, pour proposer des activités identiques, ou à tout le moins, très fortement similaires à celles visées par la marque ; la portée non seulement locale du nom de domaine est démontrée à la fois géographiquement - les internautes accédant au site internet n'étant pas situés dans une zone géographique restreinte, mais répartie sur l'ensemble du territoire national et à l'étranger ' mais aussi économiquement, la clientèle du [Adresse 3] étant également répartie sur l'ensemble du territoire national et à l'étranger ; un important risque de confusion existe entre d'une part le nom de domaine du [Adresse 3], et d'autre part, la marque contestée « [Adresse 3] », en raison de l'identité des services proposés sous des signes très similaires ;

- Le dépôt litigieux a été sciemment réalisé au mépris des intérêts du titulaire du nom de domaine antérieur, avec pour intention de le priver du signe dont il a vocation à faire usage dans le cadre de son activité, caractérisant ainsi la mauvaise foi ; Mme [O] [F] avait, au moment du dépôt litigieux une parfaite connaissance du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com et des activités du [Adresse 3].

Au visa des articles L712-6, L714-3 et L711-3 du code de la propriété intellectuelle, l'Asvmt demande à la cour de :

- Infirmer la décision rendue par M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 30 juin 2022 ;

- Annuler la marque contestée [Adresse 3] n°4705174 pour tous les services désignés à savoir en classe 41 l'organisation de séminaires et de conférences, et en classe 43 l'organisation de réception de mariages ;

- Ordonner l'inscription à la radiation de l'enregistrement de la marque [Adresse 3] n°4705174 au registre national des marques ;

- Condamner Mme [O] [F] à lui payer la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [O] [F] aux entiers dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Corinne Perret-Vigneron, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions enregistrées par voie électronique le 22 janvier 2024, auxquelles il convient de se reposer pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [O] [F] réplique que :

- Les pièces versées aux débats sont insuffisantes à démontrer l'exploitation du nom de domaine pour des services « d'organisation de séminaires et de conférences » et dans la classe 43, pour les services d' «organisation de réceptions et de mariages [sites] » tels que déposés pour la marque contestée, et à tout le moins pour des services de « services d'hôtellerie, de séminaire et de location pour des manifestations de prestige », tels que revendiqués par l'appelante ; en tout état de cause, aucune des pièces produites ne démontre la portée non seulement locale du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com pour les services désignés dans la marque contestée ni les activités revendiquées de « services d'hôtellerie, de séminaire, et de location pour des manifestations de prestige » ; enfin, aucun risque de confusion entre le nom de domaine chartreuse-de-valbonne et la marque contestée n'est démontré, les services d'hôtellerie, de visites touristiques et d'activités viticoles n'étant pas désignés dans la marque contestée et ne pouvant être considérés comme similaire, n'ayant ni la même nature, ni la même vocation, et les similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles entre les signes résultant de ces éléments communs, dont se prévaut l'appelante, ne pouvant suffire à caractériser une similarité entre les signes en cause ;

- Les éléments soumis par l'appelante ne permettent pas de caractériser la mauvaise foi du titulaire de la marque contestée au moment de son dépôt, en ce qu'il n'est pas rapporté la preuve de la connaissance par Mme [O] [F] de l'utilisation du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com au jour du dépôt de la marque contestée, ou à tout le moins, qu'elle n'aurait pu en ignorer l'existence, pas plus que la preuve qu'elle aurait agi dans l'intention de priver l'Asvmt d'un signe nécessaire à son activité.

Au visa des articles L711-3, I, 4° et L712-6 du code de la propriété intellectuelle, Mme [O] [F] demande à la cour d'appel de :

- Confirmer la décision rendue par M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle le 30 juin 2022, rejetant la nullité de la marque contestée fondée sur le motif absolu de mauvaise foi du titulaire de la marque contestée ;

- Débouter l'Asvmt de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- Condamner l'Asvmt à payer à Mme [O] [F] la somme de 10.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner l'Asvmt aux entiers dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Agnès Ermeneux selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle a déposé le 17 avril 2023 des observations aux termes desquelles il soutient que :

- Les documents produits de la procédure sous les numéros 13 à 17, 23, 27, 36 et 37, pris dans leur ensemble et combinés les uns avec les autres, démontrent bien une exploitation du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com pour des prestations d'hôtellerie, de séminaire et de location pour des manifestations de prestige, avant le 24 novembre 2020, date de dépôt de la marque attaquée ; en revanche, il n'est pas démontré la portée non seulement locale du nom de domaine chartreuse-de-valbonne, l'utilisation du nom de domaine sur une partie importante du territoire nationale n'étant pas établie, ni la durée ou l'intensité de son utilisation, et les activités réalisées par l'établissement [Adresse 3] ne suffisent pas à démontrer l'exploitation du nom de domaine ;

- Les éléments fournis ne permettent pas de conclure qu'au jour du dépôt de la marque, Mme [O] [F] connaissait ou devait connaître l'usage antérieure du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com et qu'elle a procédé au dépôt de cette marque avec l'intention de la priver illégitimement d'un signe nécessaire à son activité, ou dans le but de porter atteinte, d'une manière non conforme aux usages honnêtes, à ses intérêts.

A l'audience, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision déférée.

MOTIFS

- Sur le motif absolu de mauvaise foi

Aux termes de l'article 714-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable au jour du dépôt, l'enregistrement d'une marque est déclaré nul par décision de justice ou par décision du directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle, en application de l'article L411-4, si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L711-2, L711-3, L715-4 et L715-9.

L'article L711-2 de ce même code prévoit que s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclarés nuls : [']

1 1° Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.

Le demandeur de l'action en nullité sur ce fondement doit démontrer, d'une part, que le titulaire de la marque contestée avait connaissance au jour du dépôt de la marque contestée, de l'usage antérieur du signe contesté, et, d'autre part, que le dépôt contesté a été effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité, le caractère frauduleux du dépôt s'appréciant au jour du dépôt et la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue.

En l'espèce, l'Asvmt déduit de la chronologie des faits que Mme [O] [F] avait, au moment du dépôt, une parfaite connaissance du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com et des activités du [Adresse 3], et que le dépôt d'une marque quasiment identique au nom de domaine antérieur et désignant des services identiques, a été réalisé de manière intentionnelle, afin de créer une confusion entre les signes, et de la priver de l'usage de son nom de domaine.

Toutefois, le courriel sur lequel elle se fonde en date du 7 octobre 2020, dont il ressort que Mme [B] [Z], représentant la Sas Home Sweet Event sans toutefois que sa qualité ne soit apparente, a sollicité l'Esat de [Adresse 3] aux fins de réalisation de petits travaux et d'entretien des extérieurs, ne peut démontrer qu'elle avait connaissance, au jour du dépôt, de l'usage fait du nom de domaine pour les services qu'elle entendait déposer, à savoir l'organisation de séminaires et de conférence, et l'organisation de réceptions de mariages. Cet échange peut tout au plus démontrer la connaissance par Mme [B] [Z] de l'existence de [Adresse 3].

En outre, s'il est démontré par les pièces que la Sas Home Sweet Event appartient à la même société holding, la Sarl Novad, que la Sas Valbonne Sweet Event, dont Mme [O] [F] est la directrice générale et la cogérante, l'échange susvisé n'a pas directement eu lieu entre les parties en cause, la qualité de Mme [B] [Z] au sein de la Sas Home Sweet Event étant au demeurant inconnue.

Enfin, aucune des pièces fournies par l'Asvmt ne démontre que Mme [O] [F] avait connaissance de l'utilisation du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com au jour du dépôt de la marque contestée, ou à tout le moins qu'elle n'aurait pu en ignorer l'existence.

Au surplus, alors qu'il appartient à l'Asvmt de démontrer en quoi Mme [O] [F] aurait agi, au jour du dépôt de la marque contestée, dans l'intention de la priver d'un signe nécessaire à son activité, la simple connaissance d'un droit antérieur par le titulaire de la marque contestée ne pouvant à elle seule caractériser l'intention de nuire, et partant, la mauvaise foi, elle ne produit aucune pièce en ce sens.

Ainsi, en l'absence de toute caractérisation de la connaissance par Mme [O] [F] de l'usage antérieur du signe chartreuse-de-valbonne.com et de l'intention de cette dernière, c'est à bon droit que M. le directeur de l'Inpi a rejeté le motif de nullité fondé sur la mauvaise foi.

- Sur le motif relatif lié à l'atteinte au nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com

Aux termes de l'article L714-3 du code de la propriété intellectuelle, l'enregistrement d'une marque est déclaré nul ['] si la marque ne répond pas aux conditions énoncées aux articles L711-2, L711-3, L715-4 et L715-9 du code de la propriété intellectuelle.

L'article L711-3, I, 4° de ce même code prévoit que « ne peut valablement être enregistrée, et si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :

4° un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n'est pas seulement locale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public.

Ainsi, afin de pouvoir invoquer un nom de domaine en tant que motif relatif de nullité, le demandeur doit justifier de l'existence du nom de domaine et de son exploitation effective, de sa portée « non seulement locale », et démontrer l'existence d'un risque de confusion entre ces dernières et la marque dont l'annulation est demandée.

S'agissant de l'exploitation du nom de domaine chartreuse-de-valbonne, c'est à bon droit que M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle a considéré que la première condition, relative à l'antériorité de l'enregistrement du nom de domaine et à son exploitation effective antérieurement au dépôt de la marque contestée, était pleinement satisfaite.

Il est ainsi à rappeler que les pièces suivantes, prises dans leur ensemble, ont été justement retenues comme démontrant une exploitation du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com pour des prestations « d'hôtellerie, de séminaire et de location pour des manifestations de prestige » avant le 24 novembre 2020, date de dépôt de la marque attaquée :

- un extrait du site internet www.tourismegard.com (pièce n°18), mentionnant le nom de domaine, et démontrant l'ouverture du [Adresse 3] entre le 1er avril 2020 et le 30 septembre 2020 ;

- un document présentant les activités de [Adresse 3], et notamment des prestations d'hôtellerie et de séminaires (pièce n°19)

- un extrait du site internet chartreuse-de-valbonne.com (pièce n°10) qui propose des services de location du domaine pour des réceptions, séminaires, rencontres ;

- des extraits du site internet chartreuse-de-valbonne.com (pièce n°17-2) présentant les actualités de [Adresse 3], et notamment des évènements culturels en 2019 et 2020 ;

- un extrait Whois mentionnant le nom de domaine www.chartreuse-de-valbonne.com (pièce n°6) et des factures portant sur sa réservation pour les années 2018, 2019 et 2020 (pièce n°30).

Contrairement à ce que soutient Mme [O] [F], il ressort expressément des pièces additionnelles produites en cause d'appel que le nom de domaine était bien exploité au jour du dépôt de la marque contestée, pour proposer des produits et services identiques, ou similaires aux services visés par celle-ci. La pièce n°17-1 démontre ainsi que des réservations étaient possibles depuis le nom de domaine chartreuse-de-valbonne, en novembre 2019, pour des « salles pour réceptions, cocktails, buffets et repas de groupe », ainsi que la location d'espaces pour des « manifestations de prestige », en ce compris séminaires et mariages, avec services d'hébergement.

Par ailleurs, si le calendrier de réservation produit par l'intimée fait état d'une fermeture saisonnière, il ne saurait en être déduit que le nom de domaine n'est pas exploité à cette période, l'effectivité de l'exploitation du nom de domaine ne pouvant être assimilée à l'effectivité de l'exploitation du [Adresse 3].

Il convient de considérer dès lors que c'est à bon droit que M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle a reconnu une exploitation effective du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com pour des prestations d'« hôtellerie, de séminaire et de location pour des manifestations de prestige » avant le 24 novembre 2020.

S'agissant de la portée du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com, il est à rappeler que le nom de domaine ne peut constituer une antériorité opposable au dépôt d'une marque postérieure qu'à la condition qu'il bénéficie d'une reconnaissance sur l'ensemble du territoire, cette appréciation devant être opérée sur le plan géographique que sur le plan économique, le nom de domaine devant être utilisé à cet égard de manière suffisamment significative dans la vie des affaires.

C'est à bon droit que M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle a considéré que les pièces produites devant lui ne démontraient pas une utilisation du nom de domaine sur une partie importante du territoire national, ni ne mettaient en évidence la durée et l'intensité de son utilisation. Ces pièces ne mentionnent pour la plupart pas le nom de domaine, ou les services revendiqués ou ne comportent aucune date.

En effet, la facture relative à la création d'un site internet est datée de 2002 (pièce n°8), soit bien antérieure à la réservation du nom de domaine invoqué, et ne démontre aucunement l'étendue de son exploitation. S'agissant des articles de presse locale et des extraits de sites touristiques (pièces n°18, 21, 22 et 23), ces derniers ne comportent pas de mention suffisamment précise pour déterminer la période pertinente, ni la portée non seulement locale. En effet, si les articles de presse produits mentionnent [Adresse 3], mais ne portent pas sur le nom de domaine concerné et ne renvoient pas le lecture à celui-ci. De la même manière, le document de présentation de [Adresse 3] (pièce n°19) ne fait pas mention du nom de domaine mais répertorie uniquement celle-ci sur un site de tourisme.

Les pièces produites en cause d'appel ne permettent pas davantage de démontrer la portée non seulement locale du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com.

Les articles de presse locales et les extraits de sites touristiques (pièces n°25-1, N°25-2 et N° 25-3), ne comportent aucune mention au nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com et ne font pas référence aux services revendiqués par l'appelante comme étant exploités sur son site. Seule la version anglaise du site tourismegard.com (pièce N°24) renvoie au nom de domaine, mais les dates mentionnées ne concordent pas avec celles du dépôt de la marque contestée. Il ne peut, en tout état de cause, être déduit de la communication faite sur l'établissement de [Adresse 3] par divers médias, une exploitation du nom de domaine.

Les versions en langues étrangères du site (pièce n°26) émanent de [Adresse 3] elle-même, et ne permettent pas à elles seules d'établir la réalité ni l'importance de la fréquentation du site internet par une clientèle étrangère.

A ce titre, l'Asvmt produit des données de consultation du site internet chartreuse-de-valbonne.com entre le 15 octobre 2016 et le 24 novembre 2020, extraites de données Google Analytics (pièce n°28). Toutefois, si 21.750 visites sont répertoriées sur une période allant du 15 octobre 2016 au 24 novembre 2020, ces consultations ne peuvent être considérées comme suffisamment significatives, représentant 14 utilisateurs par jour en moyenne sur la période considérée à l'échelle nationale et internationale. En outre, si cette fiche répartit l'origine des connexions entre France et étranger, elle ne permet pas de vérifier avec certitude que les connexions des utilisateurs français proviennent bien d'une portée non seulement locale, leur origine géographique n'étant pas précisée. Enfin, ces connexions ne permettent pas d'établir les services concernés par les vues des internautes, la fiche Google Analytics ne détaillant pas si les pages précises du site internet auxquelles les utilisateurs se sont connectés ont eu pour objet la vente de vin, ou les services contestés dans le cadre du présent litige.

En outre, si les douze factures produites, correspondant à des réservations d'hébergement portent mention du nom de domaine chartreuse-de-valbonne.com, il est à observer que ces factures s'étendent sur la période allant du 22 mai 2018 au 31 juillet 2020, soit approximativement 6 réservations d'hébergement par an. Au regard de leur faible nombre, ces factures ne sont dès lors pas suffisantes pour établir la portée non seulement locale du nom de domaine contesté, ne permettant pas de mesurer le volume économique de l'exploitation du nom de domaine. Les factures relatives à la vente de produits viticoles seront écartées en ce qu'elles sont dénuées de rapport avec le service revendiqué par l'Asvmt.

Enfin, de la même manière, les pièces produites relatives à l'organisation de réceptions et de mariages (pièces n°33 à 35-2), faisant référence à un mariage organisé en 2014, et un second mariage organisé en 2019, outre un extrait de la plateforme de réservation Zankyou, sont nettement insuffisantes à établir la portée non seulement locale du nom de domaine, en l'absence de toute pièce relative au nombre d'évènements organisés, au volume économique qu'ils représentent et à la provenance géographique des personnes ayant utilisé le domaine pour cette organisation.

En conséquence, la portée non seulement locale du nom de domaine chartreuse-de-valbonne n'est pas établie pour les services désignés dans la marque contestée ni les activités revendiquées de « services d'hôtellerie de séminaire et de location pour des manifestations de prestige », de sorte c'est à bon droit que M. le Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle a rejeté la demande de nullité formée par l'Asvmt.

Il n'y a pas lieu de statuer sur l'existence d'un risque de confusion entre la marque contestée et le nom de domaine chartreuse-de-valbonne, la portée non seulement locale du nom de domaine n'était pas rapportée, au jour du dépôt de la marque contestée.

- Sur les demandes accessoires

L'Asvmt, qui succombe, est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Confirme la décision de M. le Directeur général de l'INPI n°NL 22-0002 du 30 juin 2022,

Condamne l'Association de Secours aux Victimes des Maladies Tropicales (Asvmt) aux dépens, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne l'Association de Secours aux Victimes des Maladies Tropicales (Asvmt) à payer à Mme [O] [F] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles.