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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 25 avril 2024, n° 23/02030

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Promoconseil (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Defix

Conseillers :

M. Stienne, M. Vet

Avocats :

Me Marfaing-Didier, Me Tricoire

T. com. Toulouse, du 25 mai 2023, n° 202…

25 mai 2023

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [V] [U] et M. [W] [U] sont associés dans une Sarl Promoconseil qui a pour objet de prendre des participations dans des sociétés civiles de construction vente.

Se dégageant de cette société, ils ont cédé leurs parts progressivement à M. [F] [D] qui est devenu courant 2022 gérant majoritaire. Des désaccords sur la gestion de M. [F] [D] et sur ses agissements ont été dénoncés par ses associés.

Par acte du 28 novembre 2022 mentionnant qu'il a été dressé à la requête de la Sarl Promoconseil, M. [V] [U] et M. [W] [U], M. [F] [D] a été assigné devant le président du tribunal de commerce de Toulouse statuant en référé afin de voir :

- désigner Maître Christian Caviglioli, administrateur judiciaire associé de la Scp CBF et Associés, sis [Adresse 1], ou toute autre administrateur au choix de la juridiction, en qualité d'administrateur provisoire de la Sarl Promoconseil, afin de l'assister dans ses difficultés actuelles avec notamment la mission de :

* prendre la direction de la société et exercer tous les pouvoirs du dirigeant social en raison du conflit sévère opposant les associés mais également, des agissements graves de la gérance créant un péril imminent pour celle-ci,

* vérifier l'état des créances et des dettes de la société,

* vérifier la régularité des actes, conventions et engagements de la société,

* prendre toutes mesures nécessaires pour la sauvegarde de l'actif social et le retour à un fonctionnement normal de la société,

* valoriser les parts sociales,

* vérifier la régularité, la fidélité et le caractère probant de la comptabilité,

* plus généralement, envisager avec les associés l'avenir de la société, y compris en favorisant le cas échéant une sortie par cession de parts et déterminer les modalités pratiques de la cession de parts et ses incidences (remboursement des comptes courant d'associés, prêts, etc) et/ou par cession de tous les actifs immobiliers à un promoteur immobilier,

* enfin, assister la société dans toute solution amiable en vue de la résolution de ses difficultés,

- dire que la Sarl Promoconseil devra régler les frais et honoraires de mission de l'administrateur provisoire dans les conditions définies par la décision à intervenir en fonction de l'importance et des difficultés de la mission confiée,

- statuer ce que de droit quant aux dépens de l'instance.

Par ordonnance contradictoire du 6 avril 2023, le juge des référés a :

- dit que l'assignation est nulle en ce qui concerne uniquement l'intervention de la Sarl Promoconseil en demande,

- dit recevoir en intervention volontaire la Sarl Promoconseil prise en la personne de son représentant légal, en qualité de défendeur à l'instance,

- renvoyé les parties à l'audience de référé du jeudi 13 avril 2023 pour plaidoirie au fond,

- réservé les demandes formées au titre des frais irrépétibles et les dépens.

Par ordonnance contradictoire en date du 25 mai 2023, le juge des référés a :

- débouté M. [W] [U] et M. [V] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- condamné in solidum, M. [W] [U] et M. [V] [U] à payer à M. [F] [D] la somme de 1 500 euros et à la Sarl Primoconseil la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné in solidum, M. [W] [U] et M. [V] [U], aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de l'ordonnance du 6 avril 2023.

Par déclaration en date du 6 juin 2023, M. [V] [U] et M. [W] [U] ont relevé appel de cette décision en en critiquant l'ensemble des dispositions.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [V] [U] et M. [W] [U] demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions en date du 11 janvier 2024, au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, d'infirmer l'ordonnance de référé du 25 mai 2023 (rôle n° 2022R632) rendue par le président du tribunal de commerce de Toulouse et, statuant à nouveau, de :

- désigner Maître Christian Caviglioli, administrateur judiciaire associé de la Scp CBF et Associés, sis [Adresse 1], ou toute autre administrateur au choix de la juridiction, en qualité d'administrateur provisoire de la Sarl Promoconseil, afin de l'assister dans ses difficultés actuelles avec notamment la mission de :

* prendre la direction de la société et exercer tous les pouvoirs du dirigeant social en raison du conflit sévère opposant les associés mais également, des agissements graves de la gérance créant un péril imminent pour celle-ci,

* vérifier l'état des créances et des dettes de la société,

* vérifier la régularité des actes, conventions et engagements de la société,

* prendre toutes mesures nécessaires pour la sauvegarde de l'actif social et le retour à un fonctionnement normal de la société,

* valoriser les parts sociales,

* vérifier la régularité, la fidélité et le caractère probant de la comptabilité,

* plus généralement, envisager avec les associés l'avenir de la société, y compris en favorisant le cas échéant une sortie par cession de parts et déterminer les modalités pratiques de la cession de parts et ses incidences (remboursement des comptes courant d'associés, prêts, etc) et/ou par cession de tous les actifs immobiliers à un promoteur immobilier,

* enfin, assister la société dans toute solution amiable en vue de la résolution de ses difficultés,

- mettre à la charge de la Sarl Promoconseil les frais et honoraires de mission de l'administrateur provisoire dans les conditions définies par la décision à intervenir en fonction de l'importance et des difficultés de la mission confiée,

- debouter la Sarl Promoconseil et M. [F] [D] de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

- condamner in solidum M. [F] [D] et la Sarl Promoconseil à payer indivisément à M. [V] [U] et M. [W] [U] la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [F] [D] et la Sarl Promoconseil aux entiers dépens.

La Sarl Promoconseil et M. [F] [D] demandent à la cour, dans leurs dernières conclusions en date du 18 août 2023, au visa des articles 872 et 873 du Code de procédure civile, de :

- juger l'absence de circonstances rendant impossible le fonctionnement de la société,

- juger l'absence de péril imminent menaçant la société,

- débouter M. [V] [U] et M. [W] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- juger l'action des consorts [U] abusif et dilatoire et leur appel téméraire,

- condamner M. [V] [U] et M. [W] [U] à payer, chacun, à la Sarl Promoconseil et à M. [F] [D] la somme de 5 000 euros (10 000 euros en tout) en indemnisation de leur préjudice,

- condamner M. [V] [U] et M. [W] [U] à payer, chacun, à la Sarl Promoconseil et à M. [F] [D] la somme de 3 600 euros (7 200 euros en tout) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure.

L'ordonnance de clôture initialement prévue le 27 novembre 2023 a été reportée par ordonnance du 4 décembre 2023 et est intervenue le 19 février 2024.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

1. L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président du tribunal de commerce peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

2. En l'espèce, MM. [V] [U] et [W] [U] exposent à l'appui de leur demande de désignation d'un administrateur provisoire de la Sarl Promoconseil, que :

- M. [D], titulaire d'un compte courant, a bénéficié d'un remboursement de celui-ci excédant de 50 000 euros l'apport initial, le rendant débiteur de la société et a régularisé cette situation de manière opportuniste par l'établissement de factures de prestations fictives en vertu d'une convention d'assistance consentie par la société Financière Batp animée par M. [D],

- ces faits ont été commis au préjudice de la société en retardant le financement de projets immobiliers en raison de la réticence de la banque de consentir son concours dans de telles conditions alors que ce remboursement dépassant le crédit du compte a servi à l'acquisition par la société Financière Batp de la totalité de parts sociales d'une autre société,

- le caractère fictif des prestations de la société Financière Batp a appauvri injustement la société Promoconseil,

- M. [D] ne remplit pas son rôle de gérant en n'apportant pas de précision sur l'avancement des projets de construction en cours, sur la pré-commercialisation des maisons, villas et appartements en l'état futur d'achèvement ni ne renseignant pas suffisamment l'assemblée générale des associés sur l'activité de la société et de ses filiales et en ne présentant pas la totalité des pièces comptables,

- la révocation abusive de M. [W] [U] de ses fonctions de co-gérant n'a pas été faite pour de justes motifs, compromettant ainsi l'intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant ajouté que le procès-verbal de dissolution d'une Sccv qui lui était reprochée comportait une signature qui lui est attribuée et qu'il affirme être un faux,

- l'ensemble de ces agissements ont pour unique objet de récupérer au bénéfice de M. [D] les parts sociales des consorts [U] qu'il se propose de racheter à un montant dérisoire inférieur à la leur valeur réelle,

- M. [D] a cessé de régler le bailleur des murs du siège de la société Promoconseil l'ayant exposée à une condamnation en référé et à un transfert du siège sans résiliation préalable du précédent bail endettant sans fondement la société,

- M. [D] a rompu le contrat de travail d'une salariée (Mme [E]) en poste depuis 1995 privant la société d'un élément compétent ayant la mémoire administrative et comptable de l'entreprise,

- la société Promoconseil est assignée en paiement de travaux commandés par une Sccv du groupe, témoignant une incapacité de M. [D] à assurer une bonne gestion de la société.

3. Il résulte de l'ensemble de ces griefs qu'il existe un réel différend entre les consorts [U] et M. [D].

Pour apprécier la réunion des conditions justifiant la nomination d'un administrateur provisoire de la société Promoconseil, il n'y a pas lieu de s'arrêter au nombre de griefs invoqués mais seulement de vérifier si cette mésentente est de nature à paralyser le fonctionnement de la société et de créer, par cette situation, un dommage imminent qu'il convient de prévenir ou un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.

4. Ainsi que l'a justement relevé le premier juge, les éléments produits au dossier démontrent que le compte courant d'associé de M. [D], effectivement débiteur, a été régularisé en 2020 (pièce n°3 du dossier des intimés) et que la convention d'assistance passée entre la société financière Batp en 2017 a été signée par M. [W] [U] lui-même (pièce n° 5 du dossier des intimés) étant ajouté qu'elle n'a été dénoncée par M. [U] que le 28 juillet 2022.

La révocation d'un gérant par l'assemblée générale des associés n'est pas en soi une cause de paralysie de la société, étant non seulement relevé que la décision du 6 septembre 2022 prise par l'assemblée générale n'a fait l'objet d'aucune action judiciaire et que, dans les jours qui ont suivi, des demandes ont été formulées, selon un courriel de M. [W] [U] pour 'le remboursement des comptes-courants, la cession des parts sociales (valeur des parts identique à la cession de janvier 2020, attribution de deux appartements [...] Mais aussi cas de [C] [E] - discussion'.

Le 28 septembre 2022, M. [D] en qualité de gérant de la Sa Promoconseil a adressé, par courrier de son conseil, au procureur de la République de [Localité 6] aux fins de dénoncer des faits de faux en écritures privées concernant des assemblées générales de la Sccv Hameau du Pech et de la Sa Promoconseil (pièce n° 9 du dossier des intimés).

Il est démontré que Mme [C] [E], présentée sans démenti comme étant la cousine de M. [W] [U], a signé une rupture conventionnelle de son contrat de travail et avait bénéficié avant son départ du télétravail ainsi que du solde de ses congés objectivant son absence durant la période précédant son départ effectif (pièces n° 19 à 26 du dossier des intimés).

S'il existe des contentieux civils opposant la société Promoconseil à son ancien bailleur et à un entrepreneur, leur existence qui ne remet pas en cause le fonctionnement normal de la société qui dispose d'un siège social actif et qui poursuit une activité conforme à son objet étant rappelé que l'action dont est saisie le juge des référés ne saurait viser à établir des fautes de gestion engageant la responsabilité du gérant à l'égard de ses associés ni de trancher des questions de valorisation des parts sociales obéissant à des régles spécifiques mais seulement de permettre la continuité du service normal de l'administration de la société.

5. Il résulte de l'ensemble de ces constatations qu'il n'est nullement caractérisé l'existence d'un péril imminent ni d'un trouble manifestement illicite. Il convient de confirmer l'ordonnance entreprise.

6. Il n'est pas démontré l'existence d'un abus dans l'exercice par les appelants de leur droit d'agir en justice et d'exercer une voie de recours. Les intimés seront déboutés de leurs demandes d'indemnisation présentées au titre de l'action abusive et dilatoire et de l'appel téméraire.

7. MM. [V] [U] et [W] [U] seront tenus au dépens de l'instance d'appel. La décision les ayant condamnés aux dépens de première instance sera confirmée.

8. La Sarl Promoconseil et M. [D] sont en droit de réclamer l'indemnisation des frais non compris dans les dépens qu'ils ont dû exposer en appel. MM. [V] [U] et [W] [U] seront condamnés à payer à chacun la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 25 mai 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Toulouse.

Y ajoutant,

Déboute la Sarl Promoconseil et M. [F] [D] de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Condamne MM. [V] [U] et [W] [U] aux entiers dépens d'appel.

Condamne MM. [V] [U] et [W] [U] à payer à la Sarl Promoconseil la somme de 1500 euros et à M. [F] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.