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Décisions

Cass. com., 2 mai 2024, n° 22-22.968

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Coricon

Avocat général :

Mme Henry

Avocat :

SCP Jean-Philippe Caston

Aix-en-Provence, ch. 3-2, du 15 sept. 20…

15 septembre 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 septembre 2022), le 28 juillet 2017, les sociétés civiles immobilières Louise et Gregopinel ont cédé à la société Maga l'intégralité du capital social de la société Midi Plage, qui exploite un fonds de commerce de restauration et une plage, pour un prix de 400 000 euros, dont 200 000 euros à payer en trois échéances égales les 31 janvier 2019, 31 janvier 2020 et 31 janvier 2021. La société Maga a demandé au tribunal de commerce de Cannes l'autorisation de surseoir au paiement du solde du prix de cession. Par un jugement du 27 juin 2019, le tribunal de commerce a rejeté cette demande et condamné la société Maga à régler la première échéance, avec exécution provisoire. La société Maga a alors sollicité le bénéfice d'une procédure de sauvegarde, qui lui a été accordé par un jugement du 23 juillet 2019.

2. Un jugement du 6 octobre 2020 a arrêté le plan de sauvegarde de la société Maga et prononcé l'inaliénabilité des éléments corporels et incorporels du fonds de commerce et du droit au bail appartenant à la société Maga pendant la durée de l'exécution du plan.

3. Après que la société Maga a vendu les titres composant le capital social de la société Midi Plage, les sociétés Louise et Gregopinel ont sollicité la résolution du plan de sauvegarde.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Les sociétés Louise et Gregopinel font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de résolution du plan de sauvegarde arrêté au bénéfice de la société Maga, alors « que toute inexécution des engagements du débiteur dans les délais fixés par le plan de sauvegarde peut entraîner la résolution de ce dernier ; qu'en jugeant, pour rejeter la demande de résolution du plan de sauvegarde de la société Maga, que le manquement tiré de la violation de la clause d'inaliénabilité ne pourrait, à le supposer établi, être sanctionné par la résolution du plan de sauvegarde et qu'il appartiendrait à tout tiers intéresser d'agir en annulation de la cession litigieuse, la cour d'appel a violé l'article L. 626-27 du code de commerce. Pourvoi N°22-22.968-Chambre commerciale financière et économique 2 mai 2024 »

Réponse de la Cour

5. Il résulte de l'article L. 626-14 du code de commerce, relatif à la décision du tribunal qui, dans le jugement arrêtant un plan de sauvegarde, rend inaliénables les biens qu'il estime indispensables à la continuité de l'entreprise, que la violation de cette interdiction d'aliéner est sanctionnée par la nullité de l'acte, à la demande de tout intéressé ou du ministère public présentée dans le délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte.

6. La cour d'appel a par conséquent retenu à bon droit qu'une vente faite en violation d'une inaliénabilité imposée par le tribunal ne pouvait entraîner la résolution du plan.

Et sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Les sociétés Louise et Gregopinel font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de résolution du plan de sauvegarde arrêté au bénéfice de la société Maga, alors « que le comportement frauduleux d'un débiteur pendant l'exécution d'un plan de sauvegarde peut en justifier la résolution ; qu'en se bornant à relever, pour rejeter la demande de résolution du plan de sauvegarde de la société Maga, que les sociétés Louise et Gregopinel accusaient la société Maga d'avoir commis une fraude en obtenant une procédure de sauvegarde alors qu'elle n'en remplissait pas les conditions, dans le seul but d'échapper au paiement de ses créances, que cela revenait à remettre en cause les jugements d'ouverture et d'adoption  du plan, lesquels étaient définitifs et contre lesquels les sociétés Louise et Gregopinel n'avaient pas formé opposition, en sorte qu'ils bénéficiaient de l'autorité de chose jugée et ne pouvaient être remis en cause dans le cadre d'une instance parallèle en résolution du plan, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si le comportement frauduleux de la société Maga en cours d'exécution du plan de sauvegarde, consistant à céder l'intégralité de ses participations dans la société Midi plage à prix fort à un tiers repreneur, n'en justifiait pas la résolution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 626-27 du code de commerce, ensemble le principe selon lequel la fraude corrompt tout. »

Réponse de la Cour

8. L'arrêt retient que la demande de résolution du plan de sauvegarde de la société Maga formée par les sociétés Louise et Gregopinel, fondée sur l'existence d'une fraude à loi consistant à obtenir la protection résultant d'une procédure de sauvegarde afin d'échapper au paiement de ses créances, revient à remettre en cause l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements d'ouverture de la procédure et d'adoption du plan, désormais irrévocables.

9. En conséquence, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche que ses énonciations rendaient inopérante, a légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.