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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. soc., 24 avril 2024, n° 22/01480

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 22/01480

24 avril 2024

ARRÊT n°

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 24 AVRIL 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/01480 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLGK

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 01 MARS 2022

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER -N° RG F 16/01131

APPELANTE :

La Société TAM MONTPELLIER, SAEML TRANSPORT DE L'AGGLOMERATION DE MONTPELLIER

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [D] [M]

[Adresse 5],

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Julie DE RUDNICKI de la SELARL R & C AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

substitué par Me Vincent CADORET, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 06 Février 2024

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 FEVRIER 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

M. Jean-Jacques FRION, Conseiller

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [M] a été initialement engagé par la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier (TAM) selon contrat de travail à durée déterminée à compter du 28 mai 1990;

Un contrat à durée indéterminée à temps complet était par la suite conclu entre les parties le 1er avril 1991. Aux termes de ce contrat Monsieur [D] [M] occupait les fonctions de conducteur-receveur, coefficient 215 selon les dispositions de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.

Parallèlement à ses fonctions, Monsieur [D] [M] exerce un mandat de représentant de la section syndicale Union Solidaire Transports SUDTAM.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 avril 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 19 mai 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 31 mai 2016 l'employeur, dans le cadre de la procédure disciplinaire engagée à l'encontre du salarié, lui indiquant qu'il était envisagé à son encontre une mesure disciplinaire du second degré pouvant aller jusqu'au licenciement, lui notifiait une nouvelle convocation à se présenter le 15 juin 2016 à un entretien d'instruction, et le 17 juin 2016 devant le conseil de discipline.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 30 juin 2016, la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier (TAM) notifiait au salarié une mise à pied disciplinaire de deux jours.

Placé en arrêt de travail courant juin 2016, Monsieur [D] [M] a été, à l'occasion d'une visite de reprise du 30 juin 2016, déclaré apte par le médecin du travail à son poste de conducteur receveur de bus/AACS assermenté.

Par courrier du 1er juillet 2016, l'employeur rappelait au médecin du travail qu'aux termes du contrat le salarié était seulement « conducteur-receveur ».

À l'occasion d'une nouvelle visite devant le médecin du travail du 1er août 2016, celui-ci rectifiait la mention relative à la qualification et précisait que le salarié était : « apte pour un essai de reprise avec aménagement de poste : postes du matin exclusivement pendant trois mois (soins de kinésithérapie en relation avec les séquelles de l'accident du travail du 17 décembre 2002). Il n'existe aucune contre-indication médicale, et il est même très souhaitable, compte tenu des séquelles de l'accident du travail, que Monsieur [M] puisse à nouveau exercer en alternance avec la conduite, les tâches d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), à revoir une quinzaine de jours à un mois après la reprise effective ».

Le 28 octobre 2016, Monsieur [M] a été victime d'un accident dont la caisse primaire d'assurance-maladie reconnaissait le caractère professionnel le 26 décembre 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 novembre 2016, Monsieur [M] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixée au 23 novembre 2016.

Le 8 décembre 2016, un avertissement a été notifié à Monsieur [M] au motif que l'accident dont il avait été victime était lié à une déviation du trajet habituel.

Le 13 décembre 2016, un second avertissement rédigé dans les mêmes termes était adressé au salarié.

À l'occasion d'une visite de reprise consécutive à l'accident du travail du 28 octobre 2016 effectuée le 27 février 2017, le médecin du travail préconisait la mise en place d'un poste aménagé à mi-temps thérapeutique pour des postes du matin exclusivement pendant trois mois. Le médecin précisant, à revoir avant octobre 2019.

Le 8 juin 2017, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite d'information et de prévention précisait : « pas de contre-indication médicale à une reprise sur un poste à temps plein mais avec aménagement : postes du matin exclusivement pendant six mois ». Aux termes de ce même document le médecin du travail préconisait une prochaine visite avant le 21 octobre 2017.

Le 23 novembre 2017, à l'occasion d'une visite occasionnelle à la demande du médecin du travail, ce dernier préconisait la poursuite de l'« aménagement du poste de travail en postes du matin pendant six mois exclusivement. Pas de contre-indication médicale au poste d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), qu'il serait souhaitable de proposer en alternance ».

Par requête du 20 juillet 2016, Monsieur [D] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juin 2016 et d'annulation des avertissements notifiés les 9 et 13 décembre 2017 ainsi que de condamnation de l'employeur avec exécution provisoire et anatocisme à lui payer les sommes suivantes :

- 205,54 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées liées aux avertissements notifiés les 9 et 13 décembre 2017,

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour surveillance illicite, utilisation abusive d'un système de vidéosurveillance et utilisation non autorisée des images recueillies,

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- 5000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions de l'accord collectif concernant les retenues sur salaire des salariés grévistes,

- 2000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 1er mars 2022, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Montpellier a :

- Dit que la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier a fait une utilisation abusive du système de vidéo surveillance mise en place dans ses bus et une utilisation non autorisée des images recueillies au préjudice de son salarié,

- Prononcé l'annulation de la mise à pied disciplinaire notifiée le 30 juin 2016,

- Dit que la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier a commis au préjudice de son salarié un manquement à l'obligation de sécurité et une violation de l'obligation de loyauté,

- Condamné la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier à payer au salarié avec exécution provisoire et anatocisme les sommes suivantes :

'4000 euros nets de CSG CRDS de dommages intérêts pour utilisation abusive d'un système de vidéo surveillance et utilisation non autorisée des images recueillies,

'205,54 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire,

'1000 euros nets de CSG CRDS de dommages-intérêts pour sanctions injustifiées liées aux avertissements notifiés les 9 et 13 décembre 2017,

'4000 euros nets de CSG CRDS de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

'4000 euros nets de CSG CRDS de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

'1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 mars 2022, la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier a relevé appel de la décision du conseil de prud'hommes.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées par RPVA le 15 juin 2022, la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier conclut à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté du salarié de l'ensemble de ses demandes ainsi qu'à sa condamnation à lui payer une somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées par RPVA le 9 septembre 2022, Monsieur [D] [M] conclut à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'employeur aux dépens dont distraction au profit de la SELARL R&C avocats associés en application de l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'à lui payer une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du code de procédure civile à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 6 février 2024.

SUR QUOI

>Sur la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire

Le courrier de notification de mise à pied disciplinaire fait grief au salarié des éléments suivants:

« .. .à plusieurs reprises, vous avez volontairement obstrué avec un papier la caméra embarquée du

poste de conduite du bus dans lequel vous effectuiez votre service :

- le 7 avril 2016 dans le bus 601, au début de votre service et ce jusqu'à la fin de votre service ;

- le 13 avril 2016 dans le bus 604, devant un usager, peu de temps après le début de votre service et ce jusqu'à la fin de votre service ;

- le 14 avril 2016 vers 9h00 dans le bus 612 puis dans le bus 100 après votre changement, pendant toute la durée de votre service.

Il aura fallu l'intervention du service maintenance pour enlever ces papiers empêchant la caméra de

filmer normalement pour les services suivants. Malgré l'évidence de vos actes au vu des éléments recueillis, vous avez décidé de nier les faits sans fournir la moindre explication.

Nous vous rappelons que le système de vidéoprotection est un dispositif de sécurité qui permet d'identifier d'éventuels problèmes ou agressions dans le bus et qu'il constitue ainsi un élément deprotection des usagers mais aussi des agents TaM et plus particulièrement des Conducteurs-receveur.

Votre comportement est d'autant plus fautif qu'il s'est répété à plusieurs jours d'intervalle, y compris devant un usager qui n'a pas dû comprendre votre geste, et que vous n'avez pas hésité à laisser un bus non sécurisé en fin de service.

Le fait que vous vous obstiniez à nier toute faute me paraît particulièrement inquiétant et ne permet pas d'imaginer que vous ayez compris la gravité de votre comportement au risque de le réitérer dans

le futur.

Nous sommes donc amenés à vous notifier une mise à pied disciplinaire non rémunérée de 2 jours,

ce qui, au regard de la gravité de votre faute, est une mesure exceptionnelle. Compte tenu de votre

arrêt maladie en cours nous vous informerons à votre reprise des dates de cette mise à pied.

Par ailleurs, lors de la remise de la lettre de convocation à entretien préalable par Monsieur [B]

[J], Responsable du service exploitation Jeune Parque que, celui-ci s'est senti menacé par vos propos puisque vous lui avez dit que vous alliez porter plainte contre lui, ce qui ne relève pas non plus d'un comportement normal en pareille circonstance' »

>

En l'espèce, Les dispositions des articles 52 à 55 de la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs précisent que le chef de service chargé de l'instruction entend l'intéressé, lui donne communication de son dossier et des pièces relatives aux faits reprochés et dresse, séance tenante, un procès-verbal de l'audience qu'il fait signer par l'agent et par l'assistant de celui-ci, après leur en avoir donné lecture. Ensuite que l'agent peut, s'il le désire, se faire assister par un collègue de son choix en activité de service ou par le secrétaire de son organisation syndicale, à la condition de désigner son assistant dans sa demande d'audience.

L'employeur n'est donc pas tenu de délivrer copie de la procédure et n'est pas davantage tenu à autoriser la présence d'un avocat. Or, il résulte du dossier que l'intéressé a pu consulter son dossier et prendre des notes avant d'être entendu, qu'il a été assisté lors de son entretien, et qu'il n'est dans ces conditions relevé aucune irrégularité au regard de la procédure instituant une garantie de fond supérieure à celle prévue par la loi, qu'en outre, le salarié ne justifie d'aucun élément l'ayant empêché d'assurer utilement sa défense devant cet organisme.

>

Le constat des faits résulte selon l'employeur de l'alerte donnée le 11 avril 2016 par le technicien chargé de la maintenance des caméras embarquées au responsable du service exploitation que la caméra conducteur du bus 601 n'était plus opérationnelle, en suite de quoi le responsable du service exploitation indiquait avoir demandé une extraction vidéo et avoir aperçu Monsieur [M] masquer la caméra, que par suite, il avait également demandé une extraction vidéo des journées des 13 et 14 avril 2016 sur les véhicules conduits par Monsieur [M], et avait constaté également à l'occasion de ces deux journées que celui-ci obstruait les caméras.

L'employeur joignait les extractions vidéo réalisées au cours de ces trois journées à son dossier d'instruction du 15 juin 2016.

En l'espèce il n'est pas discuté que le système de vidéosurveillance ait été régulièrement mis en place en application des dispositions du code de la sécurité intérieure selon lesquelles, s'agissant de lieux ouverts au public, la société TAM pouvait mettre en place un système de vidéosurveillance après autorisation préalable de la préfecture valable cinq ans et renouvelable, ce dont l'employeur justifie, relativement à la période litigieuse, en versant aux débats l'arrêté préfectoral du 26 septembre 2004 pris après avis de la commission départementale de vidéo protection, l'autorisant sur les lignes et au sein du bus concernés. Il n'est pas non plus discuté que le système de vidéo protection prévoyant une caméra à l'entrée du bus, une caméra à la sortie du bus et une caméra à l'arrière du bus ne filmant pas en permanence les salariés et non orientée sur le poste de conduite ait été proportionnée à la finalité recherchée de sécurisation des personnes et des biens dès lors que le système de vidéo protection n'avait pas vocation à permettre un contrôle de l'activité des salariés, mais seulement à assurer leur sécurité de même que celle des usagers, il n'y avait pas lieu, préalablement à la décision de mise en 'uvre du dispositif, à information et consultation préalable du comité d'entreprise.

L'arrêté préfectoral du 26 septembre 2014 portant autorisation du système de vidéo protection prévoit notamment en son article 6 que « l'accès à la salle de visionnage, d'enregistrement et de traitement des images, devra être strictement interdit à toute personne n'y ayant pas une fonction précise qui n'aura pas été préalablement habilitée et autorisée par l'autorité responsable du système de son exploitation ». Or, en l'espèce, il n'est justifié d'aucune habilitation des personnels procédant au visionnage.

Ensuite, il résulte du procès-verbal d'entretien préalable établi par l'employeur ainsi que des auditions réalisées dans le cadre de l'instruction, qu'a minima l'extraction vidéo des journées des 13 et 14 avril 2016 sur les véhicules conduits par Monsieur [M] était destinée à vérifier son comportement sans que cette vérification ait eu pour origine le signalement d'un dysfonctionnement des caméras embarquées.

Or, En application de l'article 32 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD), l'utilisation du système vidéo à cette fin supposait que les salariés concernés soient informés, préalablement à la mise en oeuvre d'un traitement de données à caractère personnel, de l'identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégorie de destinataires de données, de l'existence d'un droit d'accès aux données les concernant, d'un droit de rectification et d'un droit d'opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d'exercice de ces droits, et qu'en pareille hypothèse, en application de l'article L2323-47 du code du travail, le comité d'entreprise devait être consulté préalablement à la mise en 'uvre d'un dispositif in fine destiné à assurer un contrôle de l'activité des salariés, ce qui n'était en l'occurrence pas le cas.

Pour autant, il résulte de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 9 du code de procédure civile que, dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats. Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

En présence d'une preuve illicite, le juge doit d'abord s'interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l'employeur et vérifier s'il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l'ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l'employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d'autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Il est cependant constant qu'aucune atteinte à la sécurité des personnes et des biens n'était signalée relativement aux journées litigieuses.

L'employeur objecte toutefois à juste titre que l'obstruction des caméras était de nature à mettre en cause la sécurité des personnes et des biens.

Toutefois, si l'employeur argue d'une alerte donnée le 11 avril 2016 par son technicien maintenance, il n'est en réalité justifié par aucune pièce que la caméra litigieuse n'ait plus été opérationnelle quatre jours après son obstruction présumée et que le visionnage ait été motivé par le motif de protection de la sécurité des personnes et des biens allégué.

Ensuite, et si la caméra était toujours obstruée quatre jours après les faits, ce qui permettait de laisser supposer que l'auteur présumé ne prenait pas la peine de faire disparaître les éléments de preuve, l'employeur disposait de la possibilité de vérifier l'existence d'obstructions ultérieures au retour de service du salarié qu'il soupçonnait sans pour autant recourir à un mode probatoire illicite.

Or, le salarié démontre par ailleurs l'existence d'une dénonciation antérieure à la société TAM par le syndicat FO TAM le 17 février 2016 d'une utilisation du système de vidéo protection pour faire des reproches, voire pour sanctionner des salariés, et Monsieur [M] justifie également s'être vu reprocher par haut-parleur audible des usagers du service de transports en commun, être revenu avec un café au bus qu'il conduisait le 16 mars 2016 par un salarié dont il n'est pas justifié de l'habilitation au visionnage, l'arrêté préfectoral ne limitant pas la nécessité d'une habilitation aux caméras embarquées, c'est pourquoi quand bien même cette intervention aurait-elle été motivée par un arrêt non signalé de plus de 180 secondes, les éléments ainsi établis pris dans leur ensemble en l'absence de toute procédure d'habilitation et de recours au visionnage précisément définies, démontrent un usage abusif par l'employeur de son droit au bon fonctionnement de l'entreprise, sans lien établi avec le but légitime qui était poursuivi par la société TAM, à savoir le droit de veiller à la protection de la sécurité des personnes et des biens.

Dans ce contexte, la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance n'étaient ni indispensables à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur ni proportionnées au but poursuivi.

Au surplus, comme le relevait le premier juge, les images floues et parcellaires de l'extraction vidéo jointes au dossier d'instruction versé aux débats ne permettent pas de caractériser la matérialité de faits eux-mêmes contestés par le salarié. Enfin la menace de l'exercice d'une voie de droit reprochée par le courrier de notification de la sanction ne suffit pas davantage à caractériser un comportement fautif.

Aussi, convient-il de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande d'annulation de la mise à pied disciplinaire ainsi qu'à la demande de rappel de salaire pour un montant non utilement discuté de 205,44 euros.

Le montant des dommages-intérêts pour utilisation abusive de systèmes de vidéosurveillance et utilisation non autorisée des images recueillies sera en revanche ramené à la somme de 2000 euros en réparation du préjudice subi.

>Sur la demande d'annulation des avertissements

Le 28 octobre 2016, Monsieur [M] a été victime d'un accident dont la caisse primaire d'assurance-maladie reconnaissait le caractère professionnel le 26 décembre 2016.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 9 novembre 2016, Monsieur [M] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction disciplinaire fixée au 23 novembre 2016.

Le 8 décembre 2016, un avertissement a été notifié à Monsieur [M] au motif que l'accident dont il avait été victime ayant occasionné des réparations pour un coût de 3000 euros serait lié à une déviation du trajet habituel pour satisfaire un besoin physiologique alors qu'il pouvait à cette fin se rendre dans les toilettes du funérarium plutôt que sur le parking du Zénith en gravier après la desserte du terminus, d'autre part qu'il avait fait évoluer sa relation des faits au travers des échanges.

Le 13 décembre 2016, un second avertissement rédigé dans les mêmes termes était adressé au salarié.

Au soutien de sa prétention, l'employeur verse aux débats les courriers de notification des avertissements ainsi que les échanges de correspondance avec le salarié, lequel affirme qu'en raison de cérémonies l'accès aux toilettes du funérarium ne leur était pas permis et qu'il s'était rendu pour cette raison en un endroit isolé du parking de [Localité 4].

En l'espèce, il ressort du texte même de l'avertissement que l'employeur, n'a pas entendu sanctionner l'inattention éventuelle à l'origine de l'accident mais la déviation injustifiée du trajet et l'évolution dans les déclarations du salarié.

Or, tandis que le salarié justifie d'une demande non satisfaite des délégués du personnel depuis 2014 relativement à l'installation d'un module toilettes sur le parking du zénith, et du caractère inapproprié de la préconisation de l'employeur d'utilisation des toilettes du funérarium, l'employeur ne justifie pas du caractère nécessairement illégitime de la déviation d'itinéraire et ne produit pas d'élément permettant d'identifier les circonstances de l'accident ou l'évolution dans les déclarations du salarié, si bien qu'en ne se référant pas à d'autre manquement éventuel l'imputabilité des griefs retenus par le courrier de notification de la sanction est insuffisamment établie.

D'où il suit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'annulation des avertissements mais il sera en revanche réformé sur le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice moral subi qui sera fixé à la somme de 200 euros.

>Sur le manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail

Au soutien de sa demande, le salarié fait valoir que sous couvert de respecter les préconisations du médecin du travail relatives à une affectation sur un poste du matin, l'employeur décidait à compter d'août 2016 de l'affecter au service des auxiliaires, si bien qu'au lieu de disposer d'un horaire fixe, ses horaires de travail pour chaque journée lui étaient communiqués par la commande de service, sans emploi du temps connu à l'avance, et que le travail du dimanche lui était soudainement imposé. Ensuite, il fait valoir qu'alors qu'il avait prêté serment et disposait de la qualification d'agent assistance contrôle sécurisation depuis 2007 et avait exercé ces fonctions de 2005 à septembre 2010, l'employeur avait toujours refusé de l'affecter à ce poste, le convoquant même à un double examen pratique et théorique puis à un entretien le 4 janvier 2018. Il prétend par ailleurs que l'employeur avait fait disparaître son dossier professionnel en espérant qu'il ne serait pas en mesure de prouver qu'il disposait des titres lui permettant d'exercer cet emploi.

L'employeur soutient au contraire qu'aucun déclassement n'est intervenu et que le salarié n'a subi aucune modification de ses conditions d'emploi.

Or, si l'employeur justifie être revenu dès le 10 août 2016 sur sa décision de changement des conditions de travail du salarié en l'affectant au service des auxiliaires suite à la réclamation que le salarié avait formée le 2 août 2016, il n'est justifié par la société TAM d'aucune prise en compte effective de cette modification avant le mois de septembre 2016 et la communication d'un nouveau planning par l'employeur le 29 août 2016 en réponse à la réclamation que monsieur [M] formait pour avoir dû travailler deux dimanches au cours du mois d'août.

À cet égard, si le salarié invoque une discrimination en raison de l'état de santé au motif qu'il était le seul agent classé de son groupe à avoir dû travailler durant deux dimanches au mois d'août 2016, et si l'employeur concède dans un courriel qu'il adressait au salarié le 29 août 2016 que ces journées auraient dû être enlevées comme pour ses collègues affectés sur un roulement sans dimanche en service hiver, la société TAM invoque dans le courrier du même jour qu'elle verse aux débats avoir omis de lui faire cette proposition à son retour d'arrêt de travail dans la mesure où il n'était pas présent au moment où la planification des dimanches d'été avait été préparée. Pour autant, l'employeur ne justifie pas que la succession d'erreurs résultant d'une part du changement des conditions de travail, d'autre part du changement opéré sur le travail du dimanche soit justifiée par des éléments objectifs.

Enfin, le salarié verse aux débats son procès-verbal de prestation de serment d'AACS obtenu en 2007, et la carte officielle de contrôleur délivrée le 20 janvier 2010 ainsi que le justificatif des primes versées dans le cadre de cette fonction en mars et mai 2005. Il produit encore la convocation en date du 4 janvier 2018 afin de se présenter à un double examen pratique et théorique ainsi qu'à un entretien préalable à l'exercice des fonctions d'AACS dans le cadre de sa candidature à la double fonction de conducteur et de contrôleur, prévu le 24 janvier 2018, et le courriel qu'il adressait à l'employeur pour lui indiquer qu'étant en arrêt de travail pour maladie il ne pourrait se rendre à la convocation, précisant par ailleurs, aux termes du même courriel auquel il joignait sa carte d'assermentation ainsi que le procès-verbal de prestation de serment lui donnant le droit de dresser les procès-verbaux, qu'il était déjà assermenté. Il verse enfin aux débats la réponse faite par l'employeur à ce courriel le 18 janvier 2018 prenant note de son absence et lui indiquant qu'il le convoquerait à une nouvelle cession. Or, l'employeur ne fournit aucune explication et ne produit aucun élément susceptible d'expliquer son refus d'affectation à ce poste polyvalent depuis que l'intéressé en formait la demande, ni la raison pour laquelle il entendait le convoquer à un nouvelle cession d'examen alors que le salarié disposait de la qualification nécessaire à l'exercice de ces fonctions.

Le manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail est par conséquent établi et le jugement sera confirmé à cet égard. Il sera en revanche réformé sur le montant des dommages-intérêts réparant le préjudice subi qui sera ramené à la somme de 2000 euros.

>Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Au soutien de sa demande le salarié fait valoir qu'en dépit des préconisations successives du médecin du travail, l'employeur ne l'a pas affecté sur un poste de conducteur-receveur AACS assermenté, au moins en alternance avec la conduite, et ne l'a pas davantage affecté sur un poste comprenant exclusivement des tournées du matin, qu'ensuite alors qu'une visite médicale devait être organisée le 21 octobre 2017 l'employeur s'est abstenu de le faire convoquer.

En défense, la société TAM soutient qu'elle a respecté son obligation de sécurité en affectant le salarié au service des auxiliaires de manière temporaire en août 2016, que le salarié ayant contesté cette affectation, elle a modifié sa décision par un courrier du 8 septembre 2016 en lui conservant son affectation initiale tout en le postant au service du matin, que par ailleurs la préconisation d'affectation du salarié au poste d'AACS ne constituait pas une obligation puisque le salarié demeurait apte à son poste en dépit des réserves.

>

Placé en arrêt de travail courant juin 2016, Monsieur [D] [M] a été, à l'occasion d'une visite de reprise du 30 juin 2016, déclaré apte par le médecin du travail à son poste de conducteur receveur de bus/AACS assermenté.

Par courrier du 1er juillet 2016, l'employeur rappelait au médecin du travail qu'aux termes du contrat le salarié était seulement « conducteur-receveur ».

À l'occasion d'une nouvelle visite devant le médecin du travail du 1er août 2016, celui-ci rectifiait la mention relative à la qualification et précisait que le salarié était : « apte pour un essai de reprise avec aménagement de poste : postes du matin exclusivement pendant trois mois (soins de kinésithérapie en relation avec les séquelles de l'accident du travail du 17 décembre 2002). Il n'existe aucune contre-indication médicale, et il est même très souhaitable, compte tenu des séquelles de l'accident du travail que Monsieur [M] puisse à nouveau exercer en alternance avec la conduite, les tâches d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), à revoir une quinzaine de jours à un mois après la reprise effective ».

À l'occasion d'une visite de reprise consécutive à l'accident du travail du 28 octobre 2016 effectuée le 27 février 2017, le médecin du travail préconisait la mise en place d'un poste aménagé à mi-temps thérapeutique pour des postes du matin exclusivement pendant trois mois. Le médecin précisant, à revoir avant octobre 2019.

Le 8 juin 2017, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite d'information et de prévention précisait : « pas de contre-indication médicale à une reprise sur un poste à temps plein mais avec aménagement : postes du matin exclusivement pendant six mois ». Aux termes de ce même document le médecin du travail préconisait une prochaine visite avant le 21 octobre 2017.

Le 23 novembre 2017, à l'occasion d'une visite occasionnelle à la demande du médecin du travail, ce dernier préconisait la poursuite de l'« aménagement du poste de travail en postes du matin pendant six mois exclusivement. Pas de contre-indication médicale au poste d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), qu'il serait souhaitable de proposer en alternance ».

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En l'espèce, il ressort des avis du médecin du travail que celui-ci préconisait de manière régulière une alternance entre les postes de conduite exclusivement le matin et les tâches d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS) compte tenu des séquelles de l'accident du travail.

Or, tandis que le salarié justifie de son habilitation à exercer les fonctions d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), l'employeur ne produit pas d'élément justifiant de l'impossibilité de mise en 'uvre d'une affectation, en alternance avec la conduite, au poste d'agent assistance contrôle sécurisation (AACS), quand bien même cette préconisation ne constituait-elle pas un impératif.

Ensuite, tandis que le médecin du travail préconisait l'organisation d'une visite médicale avant le 21 octobre 2017, l'employeur ne justifie pas avoir organisé cette visite, si bien que le médecin du travail était à l'origine de la convocation du salarié devant lui le 23 novembre 2017.

Enfin, en dépit des préconisations du médecin du travail émises le 23 novembre 2017 sur la poursuite de l'aménagement du poste de travail en postes du matin exclusivement pendant six mois, il ressort du tableau de roulement individuel des services de décembre 2017 que le salarié était affecté sur des services d'après-midi à compter du 11 décembre 2017.

Les manquements à l'obligation de sécurité sont par conséquent établis. Pour autant, et même si le salarié justifie d'une attestation de son psychiatre de juin 2016 selon laquelle il est régulièrement suivi depuis le 27 septembre 2011 pour des troubles consécutifs à des situations récurrentes de stress professionnel, cet élément, qui n'est pas directement en lien avec les manquements à l'obligation de sécurité démontrés, conduit à infirmer le jugement entrepris quant au montant alloué à ce titre, qui sera ramené à la somme de 2000 euros.

>Sur les demandes accessoires

Il convient de rappeler que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil.

Compte tenu de la solution apportée au litige, la société TAM supportera la charge des dépens ainsi que celle de ses propres frais irrépétibles et elle sera également condamnée à payer au salarié qui a dû exposer des frais pour faire valoir ses droits une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition greffe,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montpellier le 1er mars 2022 sauf quant aux montants alloués à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive d'un système de vidéosurveillance et utilisation non autorisée des images recueillies, de dommages-intérêts pour avertissements injustifiés, de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ainsi que de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail;

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés,

Condamne la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier à payer à Monsieur [D] [M] les sommes suivantes :

' 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour utilisation abusive d'un système de vidéosurveillance et utilisation non autorisée des images recueillies,

' 200 euros à titre de dommages-intérêts pour avertissements injustifiés,

' 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

' 2000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'exécution loyale du contrat de travail,

Rappelle que les créances de nature salariale produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les créances à caractère indemnitaire produisent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil ;

Condamne la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier à payer à Monsieur [D] [M] une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne la société anonyme d'économie mixte des Transports de l'Agglomération de Montpellier aux dépens dont distraction au profit de la SELARL R&C avocats associés en application de l'article 699 du code de procédure civile;

La greffière Le président