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Décisions

CA Lyon, ch. soc. b, 26 avril 2024, n° 21/01349

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 21/01349

26 avril 2024

AFFAIRE PRUD'HOMALE

RAPPORTEUR

N° RG 21/01349 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NNM3

[C]

C/

Société ENTORIA

APPEL D'UNE DÉCISION DU :

Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de LYON

du 26 Janvier 2021

RG : 18/03880

COUR D'APPEL DE LYON

CHAMBRE SOCIALE B

ARRÊT DU 26 AVRIL 2024

APPELANT :

[P] [C]

né le 02 septembre 1961 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Brice Paul BRIEL de la SELARL DELSOL AVOCATS, avocat au barreau de LYON substituée par Me Kassia PICHANICK, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Société ENTORIA ès qualités de mandataire ad'hoc du GIE AXELLIANCE GROUPE - PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Jean-Charles BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Léa BEDDOUK, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 01 Mars 2024

Présidée par Catherine CHANEZ, Conseillère magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Mihaela BOGHIU, Greffière.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

- Béatrice REGNIER, Présidente

- Catherine CHANEZ, Conseillère

- Régis DEVAUX, Conseiller

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 26 Avril 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Signé par Béatrice REGNIER, Présidente et par Mihaela BOGHIU, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

********************

EXPOSE DU LITIGE

Le GIE Axelliance Groupe (ci-après le GIE) exerçait une activité de courtage en assurance.

Il a embauché Monsieur [P] [C] dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 16 septembre 2013 au 28 février 2014. A l'issue, les relations se sont poursuivies et les parties ont signé un contrat à durée indéterminée le 31 décembre 2014, en qualité d'employé administratif des services généraux.

La convention collective applicable est celle des entreprises de courtage d'assurance et/ou de réassurance.

Par courrier recommandé du 22 octobre 2018, M. [C] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 5 novembre 2018, et s'est vu notifier une mise à pied conservatoire.

Par courrier recommandé du 9 novembre 2018, il a été licencié dans les termes suivants :

« (') Pour simple rappel du contexte, vous avez déjà fait l'objet de différents entretiens avec votre manager [I] [J] concernant votre attitude irrespectueuse au sein de l'entreprise et vos propos déplacés qui donnaient lieu à plainte de plusieurs collaborateurs.

Votre manager vous avait alors demandé de revoir votre comportement à effet immédiat et d'adopter définitivement une attitude professionnelle.

Le 25 septembre 2018, votre manager est informé d'un nouvel incident.

Des collaborateurs travaillant dans les locaux se plaignent une nouvelle fois de votre attitude et indiquent « ne plus tolérer votre comportement ». Il ressort de ces témoignages que vous avez des propos déplacés, notamment des réflexions à caractère sexuel qui pèsent sur l'ambiance de travail.

A cette même date, votre manager reçoit l'appel du mari d'une salariée en arrêt maladie, Madame [L] [D].

Il l'informe que sa femme est profondément affectée par votre comportement. Il précise que vous faites des « réflexions lourdes et à caractère sexuel » et donne un exemple concret « viens souffler sur ma bougie ». Votre attitude a, d'après le mari de la collaboratrice, contribué à ses arrêts de travail.

Le 08 octobre 2018 ce dernier informe votre manager [I] [J] que sa femme a fait une tentative de suicide. Il vous met à nouveau en cause.

De plus, votre collègue, [S] [B], fait remonter également qu'il est victime de votre comportement lorsque votre manager n'est pas présent, notamment des doigts d'honneur et blagues à connotation raciste.

Il précise que vous vous permettez en voyant un prestataire de la poste qui a une barbe de vous exclamer devant votre collègue « tiens voilà Al-Qaida ».

Cette attitude répétée génère chez vos collègues du stress et cela n'est plus acceptable.

Pour ces raisons et afin d'assurer le respect de notre obligation de protection de nos salariés, nous sommes contraints de prononcer votre licenciement. ['] ».

Par requête du 20 décembre 2018, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon afin de contester son licenciement.

Par jugement du 26 janvier 2021, le conseil de prud'hommes, en sa formation de départage, a :

Débouté M. [C] de ses demandes ;

Débouté le GIE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné M. [C] aux dépens.

Par déclaration du 22 février 2021, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Le GIE a fait l'objet d'une mesure anticipée de dissolution emportant radiation du registre du commerce et des sociétés

Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Lyon du 20 septembre 2021, la société Entoria a été désignée en qualité de mandataire ad hoc du GIE.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 décembre 2021, M. [C] demande à la cour de, réformant le jugement entrepris :

Condamner le GIE Axelliance Groupe, représenté par son mandataire ad hoc la société Entoria, à lui payer les sommes suivantes :

11 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1 500 euros de dommages et intérêts au titre des circonstances abusives de la rupture ;

Condamner le GIE Axelliance Groupe, représenté par son mandataire ad hoc la société Entoria, aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Inscrire au passif de la liquidation judiciaire du GIE Axelliance Groupe l'ensemble des condamnations à intervenir.

Dans ses uniques conclusions d'intervenante volontaire, déposées le 20 octobre 2021, la société Entoria es qualité de mandataire ad hoc, demande pour sa part à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamner M. [C] à payer au GIE la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [C] aux dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 23 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de « constatations » ou de « dire » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions dans la mesure où elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques ou qu'elles constituent en réalité des moyens.

1-Sur le licenciement

Aux termes de l'article L.1235-1 du code du travail, le juge doit apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

En application de l'article L.1232-6 du même code, la lettre de licenciement, éventuellement complétée en application de l'article R.1232-13, fixe les limites du litige. La cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables. Les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement. Ils doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits reprochés au salarié et de les qualifier, puis de dire s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du code du travail, l'employeur devant fournir au juge les éléments lui permettant de constater le caractère réel et sérieux du licenciement.

En l'espèce, dans la lettre de licenciement, l'employeur s'est fondé sur les propos déplacés, notamment à caractère sexuel, et les blagues à caractère raciste, dont se sont plaints les collègues de M. [C] et qui pesaient sur l'ambiance de travail.

Ces faits sont contestés par le salarié.

Il ressort toutefois des explications et pièces versées par l'employeur qu'au début de l'année 2018, plusieurs salariés de différents services se sont plaints de l'attitude de M. [C], et en particulier de propos à caractère sexuel tenus devant ses collègues de sexe féminin, qui les ont choquées et que le salarié a été rappelé à l'ordre par son supérieur hiérarchique, M. [J].

Quelques mois plus tard, par courriel du 26 septembre 2018, M. [J] a informé la direction des ressources humaines que le mari d'une autre salariée, Mme [D], de nouveau en arrêt de travail après un précédent arrêt d'une durée d'un an et hospitalisée, l'avait contacté pour lui signaler que la pathologie de son épouse était au moins partiellement liée au comportement déplacé de M. [C], qu'elle était trop fragile pour témoigner elle-même et que si l'employeur ne réagissait pas, il « se [chargerait]l lui-même de la personne. »

Dans ce même courriel, M. [J] a ajouté qu'un autre salarié, M. [B], s'était plaint de blagues de mauvais goût, à savoir des doigts d'honneur et des blagues racistes.

Le mandataire ad hoc verse en outre aux débats l'attestation rédigée par le délégué syndical conseiller du salarié, M. [G], qui témoigne que lors de l'entretien préalable en vue de son licenciement, M. [C] a reconnu les faits.

M. [C], qui conteste toute reconnaissance lors de l'entretien, produit l'attestation de Mme [H], ancienne gestionnaire ressources humaines au sein de l'entreprise. Celle-ci soutient que le « délégué syndical a subi du chantage pour avoir une rupture conventionnelle contre une attestation à charge ».

Il ne peut toutefois être déduit de ce seul témoignage que M. [G] a fait une fausse attestation et la cour relève que dans la lettre de licenciement, l'employeur a fait référence à la reconnaissance des faits par le salarié et à ses remords.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'employeur rapporte la preuve d'un comportement excessivement sexualisé de la part de M. [C] envers ses collègues de sexe féminin, ce qui a provoqué chez certaines d'entre elles un profond malaise, et ce malgré un rappel à l'ordre fait par son supérieur hiérarchique quelques mois auparavant.

Même si les propos racistes sont insuffisamment établis puisqu'ils sont rapportés exclusivement par M. [J] dans un courriel, et que le salarié qui s'en est plaint échangeait des SMS cordiaux avec M. [C], y compris après son licenciement, l'attitude de celui-ci envers les personnes de sexe féminin suffit à justifier le licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes.

2-Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de M. [C].

L'équité commande de le condamner à payer au GIE Axelliance Groupe, représenté par son mandataire ad hoc la société Entoria, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Laisse les dépens d'appel à la charge de M. [P] [C] ;

Condamne M. [P] [C] à payer au GIE Axelliance Groupe, représenté par son mandataire ad hoc la société Entoria, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel .

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,