Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 5, 25 avril 2024, n° 21/09669

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/09669

25 avril 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 25 AVRIL 2024

(n° 2024/ , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09669 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEWPG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Octobre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'EVRY - RG n° 20/00472

APPELANTE

ASSOCIATION LES PAPILLONS BLANCS DE L'ESSONNE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe BERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : B 292

INTIMEE

Madame [Z] [E]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Ahmed ABOUDRARE, avocat au barreau de PARIS, toque D 16

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre et de la formation

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, prorogée à ce jour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre, de chambre et par Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée à temps plein en date du 9 octobre 2013 à effet du 10 octobre suivant et jusqu'au 31 août 2014, l'association Les Papillons Blancs de l'Essonne (ci-après l'association) a embauché Mme [Z] [E] en qualité d'éducatrice sportive, coefficient 434, au sein de l'institut médico-éducatif (IME) « [6] », moyennant une rémunération brute mensuelle de 1 756,42 euros.

Par avenant du 26 août 2014, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée à effet au 1er septembre 2014, avec reprise d'ancienneté à la date du 10 octobre 2013.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966 et l'association employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Les 10 et 12 juillet 2019, la direction de l'IME a été informée de manquements commis par des éducatrices dont Mme [E] dans l'exercice de leurs fonctions consistant notamment en la capture non autorisée d'images et de vidéos des usagers de l'institut et de leur utilisation via Messenger à des fins de moqueries.

Le 15 juillet 2019, la directrice de l'IME en a informé l'Agence Régionale de Santé (ARS).

Par lettre recommandée datée du 15 juillet 2019, l'association a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 26 août suivant et lui a notifié une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre remise en main propre le 10 septembre 2019, l'association a notifié à Mme [E] une mise à pied de trois jours du 10 au 12 septembre 2019 à titre de sanction disciplinaire.

Par lettre recommandée datée du 12 septembre 2019 avec avis de réception du 16 septembre suivant, Mme [E] a contesté cette sanction disciplinaire et a dénoncé des pressions de l'employeur pour la contraindre à démissionner.

Mme [E] a présenté un arrêt de travail à compter du 12 septembre 2019.

Le 9 décembre 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [E] définitivement inapte à son poste d'éducatrice sportive et indiqué que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Le médecin du travail a précisé : « Suite à l'étude de poste et des conditions et à l'échange avec l'employeur le 06/12/2019, Madame [E] [Z] est inapte au poste d'éducatrice sportive. Compte tenu de la dispense de l'obligation de reclassement, il n'y a pas lieu d'indiquer les capacités du salarié à bénéficier d'une formation. »

Par lettre recommandée du 18 décembre 2019, l'association a informé Mme [E] de l'impossibilité de procéder à son reclassement eu égard à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail.

Par lettre recommandée datée du 20 décembre 2019, l'association a convoqué Mme [E] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 janvier 2020.

Par lettre recommandée datée du 10 janvier 2020, l'association a notifié à Mme [E] son licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evry Courcouronnes le 31 juillet 2020.

Par jugement du 11 octobre 2021 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes d'Evry-Courcouronnes a :

- fixé le salaire de référence de Mme [E] à 2 089,86 euros ;

- débouté la requérante de sa demande d'annulation de la sanction disciplinaire ;

- requalifié le licenciement pour inaptitude non professionnelle en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

en conséquence,

- condamné l'association à verser à Mme [E] les sommes suivantes :

* 14 629,02 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 4 179,72 euros bruts au titre d'indemnité de préavis ;

* 417,97 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

* 5 000 euros nets à titre d'indemnité pour circonstances vexatoires et préjudice d'image ;

* 3 000 euros nets à titre d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 2 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

- dit ces sommes avec intérêts au taux légal lesquels seront capitalisés, à compter de la date de mise à disposition du présent jugement au greffe, soit le 11 octobre 2021 ;

- condamné l'association à verser à Mme [E] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcé l'exécution provisoire du présent jugement en toutes ses dispositions ;

- débouté Mme [E] du surplus de sa demande ;

- débouté l'association de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mis les dépens de la présente instance à la charge de l'association, y compris les éventuels frais d'exécution par voies légales en application des articles 10 et 11 des décrets du 12 décembre 1996 et du 8 mars 2001 relatifs à la tarification des actes d'huissiers de justice ;

- dit que le présent jugement sera mis à disposition au greffe au 11 octobre 2021.

Par déclaration du 24 novembre 2021, l'association a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 février 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, l'association demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement ;

statuant à nouveau,

- débouter Mme [E] de toutes ses demandes ;

- condamner Mme [E] à lui rembourser les sommes perçues au titre d'exécution provisoire du jugement ;

- condamner Mme [E] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [E] aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 avril 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [E] demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé son salaire de référence à 2 089,86 euros bruts ;

- condamné l'association à lui verser les sommes suivantes :

* 14 629,02 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 4 179,72 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

* 417,97 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

statuant à nouveau,

- annuler la sanction disciplinaire du 10 septembre 2019 ;

- condamner l'association à lui payer les sommes suivantes :

* 296,21 euros bruts au titre de rappel de salaire ;

* 29,62 euros bruts de congés payés afférents ;

* 5 000 euros nets de dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée ;

* 8 359,44 euros nets d'indemnité pour circonstances vexatoires et préjudice d'image ;

* 4 179,72 euros nets d'indemnité pour exécution déloyale du contrat de travail ;

* 12 539,16 euros nets de dommages-intérêts pour préjudice moral ;

* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner l'association aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 13 septembre 2023.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur l'annulation de la sanction disciplinaire

La lettre de notification de la sanction disciplinaire est rédigée dans les termes suivants :

« (') Par courrier en date du 15 juillet 2019, suite aux faits grave portés à notre connaissance, nous avons prononcé une mise à pied conservatoire à votre encontre et vous avons convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire, qui a eu lieu le lundi 26 août 2019 à 10h00 dans les locaux de la Direction de notre établissement situé [Adresse 3] à [Localité 5], en présence de Madame [D] [G], Directrice de l'établissement et de Madame [V] [K], Responsable des Ressources Humaines de l'Association, ceci afin de recueillir vos explications quant aux faits reprochés.

Lors de cet entretien, au cours duquel vous étiez accompagnée de Madame [S], psychomotricienne, nous vous avons fait part de l'ensemble des griefs suivants :

Partage de photographies et vidéos de jeunes encadrés, prises à leur insu, sur un réseau social via un groupe « Messenger », accompagnés de propos moqueurs et humiliants.

Le 10 juillet 2019, il a été porté à notre connaissance, par le biais de professionnels au sein de votre service qui ont constaté ces faits, qu'un groupe « Messenger » avait été créé sur un réseau social par vous et trois autres de vos collègues.

Ce compte, dont vous nous avez confirmé l'existence, lors de notre entretien, était alimenté régulièrement par des photos et vidéos de jeunes de la sipfpro, prises à leur insu, à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement.

Parmi ces photos et vidéos, nous avons notamment pu voir une photographie où apparaît une jeune qui mange ses pâtes, avec une cuillère, accompagné d'un commentaire déplacé, mais également une vidéo d'[B], prise à son insu, accompagnée d'un commentaire humiliant, réalisée un week-end quand il était au parc et qu'il jouait avec des enfants plus jeunes.

Y figure également la photographie du jeune [MF], en pleurs lors d'une activité, accompagné d'un commentaire plus que déplacé : « regarde, iI chouine ! ».

Vous avez confirmé avoir vu ces photos et vidéos, ainsi que les commentaires associés à celles-ci pendant l'entretien.

Vous avez également reconnu avoir pris certaines de ces photos (celles de [MF] notamment) et les avoir partagés sur le réseau, accompagnés de commentaires que vous avez qualifié d'éducatif ».

Permettez-nous d'en douter.

Nous vous rappelons que vous êtes Educatrice Sportive au sein de nos locaux depuis le 10 octobre 2013. Vos agissez au sein des locaux de la sipfpro et de l'lME et êtes en contact avec de nombreux jeunes de notre institution. Vous connaissez donc parfaitement le public que vous accompagnez au sein de notre établissement, à savoir de jeunes enfants en situation de handicap mental.

Inutile de vous rappeler qu'il s'agit d'un public fragile, pour lequel le personnel de notre établissement représente un repère important !

Votre mission principale est bien l'accompagnement de ces jeunes.

En prenant des photos ou vidéos de ceux-ci en les partageant sur un réseau social, en y intégrant des commentaires moqueurs et humiliants :

Vous montrez votre manque de respect, de recul et de professionnalisme en qualité d'Educatrice,

Vous faites part d'un non-respect total des notions de discrétion et de confidentialité liées à votre profession (article 5 alinéa 4 du Règlement Intérieur qui indique :

« Tous les membres du personnel, y compris les stagiaires, sont soumis à l'obligation de discrétion professionnelle (...) des personnes qui y sont reçues ».)

Vous ne respectez pas les règles inhérentes à l'utilisation de l'image des jeunes accompagnés au sein de notre établissement à savoir l'article 5 alinéa 7 du Règlement intérieur qui indique.

« Nul ne peut sans autorisation, photographier, filmer ou enregistrer les personnes confiées au service. »

Les faits reprochés relèvent de la maltraitance vis-à-vis de ces enfants et d'une atteinte aux droits de ces personnes vulnérables.

Par votre discours, nous considérons que vous n'en avez pas pris la mesure de la gravité et nous ne pouvons le tolérer. En effet, vous avez précisé vouloir utiliser et partager ces photos dans un but pédagogique et éducatif.

Nous ne pouvons également tolérer votre attitude, celle-ci étant contraire aux principes et valeurs de notre établissement.

Et ces agissements ne sont pas sans conséquence :

En effet, compte tenu de la gravité de vos agissements, nous avons dû informer l'Agence Régionale de Santé (ARS) en date du 15 juillet 2019.

Nous informerons également les parents des jeunes de l'IME de vos agissements qui auront la possibilité, s'ils le souhaitent de porter plainte.

Vous n'êtes pas sans ignorer que cette information aura des répercussions négatives et désastreuses sur l'image de notre établissement ainsi que sur l'ensemble du personnel, créant un climat de méfiance et d'insécurité.

Nous devons également déplorer les faits suivants :

Gestes brusques lors de séances de sport

En date du 10 juillet 2019, iI nous a été rapporté également les faits suivants :

Lors de séances de sport, vous pouvez être amenée à avoir des gestes brusques vis-à-vis d'enfants que vous encadrez.

En effet, vous auriez poussé certains jeunes lors de séances de sport ou vous auriez également eu des contacts physiques brusques (prises par le bras notamment).

Vous avez démenti ces faits pendant l'entretien, prétextant avoir des contacts physiques réguliers mais sans y voir le mal, que vos gestes n 'étaient pas brusques.

Cependant, certains enfants refusent maintenant de continuer à suivre vos séances, alors qu'ils semblaient passionnés par cette activité.

Etant une professionnelle du médico-social, et une personne expérimentée sur votre poste, vous n'êtes pas sans savoir que la notion de toucher, avec des personnes en situation de handicap mental et particulièrement des enfants, est délicate.

En effet, les jeunes en situation de handicap ont des difficultés à appréhender le contact physique, même auprès du personnel encadrant. A ce titre, vous vous devez d'être extrêmement précautionneuse à ce sujet.

Au vu des dires qui nous ont été rapportés, tel n'est pas le cas.

Nous vous rappelons également que vous devez assurer le maximum de confort physique et moral renonçant à toute forme de brimade, vexation, selon l'article 6 alinéa 2 du règlement intérieur mais vous êtes également tenue au respect et à la correction, vis-à-vis des enfants et des jeunes adultes (article 6 alinéa 1 du règlement intérieur).

Par les réponses apportées lors de l'entretien, vous avez clairement montrer ne pas comprendre la mesure de vos agissements.

Encore une fois, ces paroles et votre comportement démontrent un réel manque de recul et un non professionnalisme.

Il semble clair, par votre discours, que vous minimisez les faits qui vous sont reprochés.

L'ensemble de ces faits relève d'un manquement clair de vos obligations professionnelles et d'un non-respect des règles de notre établissement.

Pour ces raisons, nous sommes contraints de prononcer à votre égard, à titre de sanction, une mise à pied disciplinaire d'une durée de 3 jours.

Pendant cette période, votre contrat de travail sera suspendu, ce qui aura pour effet de vous dispenser de travailler mais aussi de nous dispenser de vous verser la partie de votre salaire afférente à cette période.

La mise à pied débutera le 10 septembre 2019 et se terminera le 12 septembre 2019.

Vous reprendrez, par conséquent, le travail le 13 septembre 2019.

Si, à l'avenir, un tel comportement venait à se renouveler, nous pourrions être amenés à prendre une sanction plus grave.

Nous vous demandons donc de modifier, dès à présent, votre comportement. (')».

Mme [E] rappelle qu'elle n'avait jamais fait l'objet d'un avertissement ou d'un rappel à l'ordre depuis qu'elle travaillait à l'IME et expose que l'utilisation des téléphones portables personnels était autorisée au sein de l'IME, les collaborateurs de l'institut étant amenés à prendre des photos avec leur téléphone portable personnel pour alimenter le réseau de l'association. Mme [E] soutient qu'elle n'a jamais nié avoir eu une discussion privée sur Messenger avec trois collègues, Mme [F] [T], Mme [L] [PD] et Mme [P] [OY] et qu'aucune autre personne n'avait accès à ce groupe de discussion ; qu'elle ne comprend donc pas comment l'association aurait pu avoir accès au contenu de ces discussions. Mme [E] fait valoir qu'elle a toujours contesté les faits reprochés par l'employeur et que celui-ci ne verse pas aux débats les photos, vidéos et propos litigieux auxquels il dit avoir eu accès.

Mme [E] soutient également qu'elle ne s'est jamais livrée à des actes de maltraitance à l'égard des jeunes dont elle s'occupait à l'IME et fait valoir que l'association n'apporte aucune preuve de la matérialité des faits allégués.

Ce à quoi l'association réplique que la sanction était justifiée et proportionnée au regard des manquements professionnels de Mme [E] qui portent atteinte aux objectifs et valeurs défendues par elle. L'employeur fait valoir que la directrice de l'IME a été informée des échanges de photos et de commentaires moqueurs et humiliants sur Messenger ainsi que des actes de maltraitance par une salariée en contrat à durée déterminée, Mme [HY] [Y], ainsi qu'aux termes de renseignements complémentaires obtenus par Mme [X] [R], chef de service de la « sipfpro », d'une autre salariée souhaitant garder l'anonymat. L'association fait également valoir qu'elle a transmis un signalement à l'ARS du 75 et que Mme [E] a reconnu les faits lors de l'entretien préalable du 26 août 2019 ; qu'à la demande des familles lors d'une réunion organisée le 14 septembre 2019, une plainte pénale a été déposée.

Aux termes de l'article L. 1333-1 du code du travail, en cas de litige sur une sanction disciplinaire, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L. 1333-2 du code du travail précise que le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme, ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Dans son contrat de travail, Mme [E] a reconnu avoir pris connaissance des dispositions du règlement intérieur.

Ce règlement prévoit :

- dans son article 5.4 que « tous les membres du personnel, y compris les stagiaires, sont soumis à l'obligation de discrétion professionnelle en ce qui concerne la vie de l'Association, de l'IME et du SESSAD, et des personnes qui y sont reçues » ;

- dans son article 5.7 que « nul ne peut sans autorisation, photographier, filmer ou enregistrer les personnes confiées au service ».

En l'espèce, l'association verse aux débats une attestation de Mme [HY] [Y], monitrice éducatrice en contrat à durée déterminée dans l'association, qui déclare le 22 juillet 2019 après la fin de son contrat :

« Après une année travaillée au sein de la sipfpro j'ai constaté plusieurs faits et actes non professionnel au vue de l'éthique de l'éducateur autant vis-à-vis des usagers que des professionnels.

Quatres éducatrices vont être cités dans l'écrit :

[F] [T] ' [Z] [J] / [P] [OY] / [L] [PD].

C'est durant une sortie « scolaire » que j'ai entendu [L] L dire en se moquant à voix haute : Sinem mange ses coquillettes à la petite cuillere message envoyé de [Z]. C'est à ce moment que j'ai découvert le groupe messenger ou sont inscrites les éducatrices cités ci-dessus. Elles y échangent remarques malveillantes photos et vidéos de jeunes.

Avant d'en parler à ma direction j'ai beaucoup observé mes collègues durant les temps de prise en charge et où les temps de pause des jeunes qui se servaient de leurs téléphones portable pour prendre photos et vidéos des jeunes à leur insu.

Je souhaite faire un descriptif sur ce que j'ai constaté à propos de chaque éducatrice.

Le maître mot dans leurs rapports avec les jeunes c'est l'emprise, aucune remise en question aucune distance professionnelle ce sont elles qui décident.

(')

Les moments des repas ne sont pas des moments de plaisirs les jeunes sont réduits à une ambiance casi militaire.

[Z] selon ses envies oblige les jeunes a gouter les aliments

ex la soupe, les légumes.

(')

N'étant plus dans sa fonction d'éducatrice sportive avec un public adapté elle perd rapidement son sang froid face a des jeunes très déficient

Ex : en Hip Hop elle tenait brusquement le bras d'[I] [C] ou [U] [O] afin de leur montrer les pas de danse à reproduire.

A noter que sur le pôle adulte ces jeunes refusent de continuer le Hip Hop l'exigence de l'éducatrice sportive étant trop élevée.

(') ».

Mme [Y] avait rédigé une première attestation le 18 juillet 2019 plus courte et moins détaillée dans laquelle les éducatrices concernées par les faits dénoncés n'y étaient pas nommément désignées.

L'association verse également aux débats une attestation de Mme [X] [R], chef de service éducatif dans un lien de subordination juridique avec l'association, aux termes de laquelle Mme [R] rapporte les propos qu'elle a entendus de Mme [Y] et d'une autre éducatrice qui souhaitait garder l'anonymat. Toutefois, Mme [R] n'a pas constaté elle-même les faits rapportés par ces deux éducatrices de sorte que son attestation est dépourvue de force probatoire concernant les faits litigieux.

L'association verse encore aux débats la plainte pénale déposée dans laquelle l'éducatrice qui souhaitait garder l'anonymat et qui ne voulait pas attester par écrit est identifiée comme étant Mme [M] [N].

Enfin, un compte rendu des entretiens disciplinaires de Mme [PD], de Mme « [T] » et de Mme « [J] » est produit par l'association. Non signé, ce compte rendu est dépourvu de toute force probatoire.

De son côté, Mme [E] verse aux débats un compte rendu de l'entretien préalable du 26 août 2019 établi par Mme [DW] [S] qui l'a assistée lors de cet entretien. Il ressort de ce compte rendu que :

- Mme [E] a admis avoir pris en photo ou filmé des jeunes mais uniquement avec leur autorisation, dans le cadre de son travail et pour les mettre sur le réseau de l'IME ;

- Mme [E] a déclaré ne pas se souvenir d'une photo de [MF] qu'elle aurait prise alors que celui-ci pleurait et envoyée avec un commentaire désobligeant ; que Mme [G], directrice de l'IME, a considéré les réponses de Mme [E] à des questions plus générales comme des aveux ;

- selon Mme [S], cela faisait des années que de nombreux salariés prenaient les jeunes en photo et vidéo avec leur téléphone portable personnel alors que cela n'aurait pas dû être toléré ;

- Mme [E] a déclaré qu'elle dirigeait toujours les jeunes doucement et qu'elle ne voyait pas de quoi on l'accusait.

La cour relève que, contrairement à ce que l'association soutient, Mme [E] n'a pas reconnu les faits qui lui sont reprochés et qui ont donné lieu à la mise à pied disciplinaire. Elle reconnaît uniquement la prise de photos et de vidéos de jeunes avec son téléphone portable personnel en vue de leur communication à l'IME et ce, dans un contexte où l'usage des téléphones portables personnels dans le cadre du travail était toléré puisque c'est, par une note du 16 septembre 2019 que M. [A] [GO], président, informe l'ensemble du personnel des établissements que « l'utilisation des téléphones portables personnels sur les lieux de travail sera dorénavant strictement contrôlée et qu'il est interdit de faire des photos ou vidéos de toutes personnes présentes dans les établissements, usagers, professionnels ou visiteurs. Les règlements intérieurs des établissements seront modifiés dans ce sens au plus vite ». En outre, Mme [E] n'est pas contredite lorsqu'elle explique que les téléphones professionnels à la disposition du personnel n'étaient pas équipés d'une fonction photographie et vidéo et que pour alimenter le réseau de l'IME (par exemple à l'occasion d'une sortie, '), les encadrants étaient amenés à se servir de leurs téléphones portables personnels à des fins professionnelles.

La cour relève également que seule Mme [Y] a attesté de la circulation de photos et de vidéos des jeunes sur l'application Messenger dans le cadre d'un groupe de discussion privé accompagnées de commentaires inappropriés sur ces jeunes et de propos tenus publiquement par les membres de ce groupe lors de prises en charge de ces jeunes. Il ne ressort pas clairement de cette attestation que Mme [Y] a vu les photos et clichés litigieux qui, au demeurant, ne sont pas produits. De plus, au sujet des gestes inadaptés reprochés à Mme [E] dans la prise en charge des jeunes lors du cours de hip hop par exemple, Mme [Y] rapporte également deux autres faits et conclut par « Je n'étais pas présente durant les faits cependant je constate que ces éducatrices ne savent plus ou sont les limites et néglige les droits des usagers ». Or, la référence aux « faits » n'est pas suffisamment précise pour déterminer si Mme [Y] a elle-même assisté aux cours de hip hop et vu Mme [E] ou si cela fait également partie des faits qui lui ont été rapportés.

Enfin, l'association ne précise pas les suites qui ont été données à la plainte pénale.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, la matérialité des faits invoqués par l'employeur à l'appui de la sanction de mise à pied disciplinaire n'est pas suffisamment caractérisée pour justifier la sanction notifiée à Mme [E]. La mise à pied disciplinaire de trois jours sera donc annulée et la décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour « mise à pied disciplinaire » injustifiée

Mme [E] ne présente aucune observation à l'appui de sa demande de dommages-intérêts distincte de la demande en dommages-intérêts qu'elle forme ensuite au titre d'un préjudice moral.

Mme [E] sera donc déboutée de sa demande et la décision des premiers juges sera confirmée à ce titre.

* sur le rappel de salaire et les congés payés afférents

Mme [E] soutient qu'elle n'a pas été rémunérée pendant sa mise à pied disciplinaire de trois jours ; que cette sanction devant être annulée, elle est fondée à réclamer le paiement de son salaire pour ces trois journées soit la somme de 296,21 euros, outre 29,62 euros au titre des congés payés afférents.

L'association n'a pas présenté d'observations sur cette demande.

En l'espèce, l'examen du bulletin de salaire de Mme [E] du mois d'octobre 2019 révèle qu'une retenue de 296,21 euros a été opérée pour absence du 10 au 12 septembre 2019, ce qui correspond à l'exécution des trois jours de mise à pied disciplinaire.

Or, la cour a annulé ladite sanction disciplinaire.

Partant, l'association sera condamnée à payer à Mme [E] la somme de 296,21 euros, outre la somme de 29,62 euros au titre des congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :

«(') Par lettre du 20 décembre 2019, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement qui a eu lieu le 6 janvier 2020.

Vous nous avez informés par mail que vous ne pourriez pas assister à cet entretien, nous en avons pris note.

A l'issue de la visite médicale en date du 9 Décembre 2019, le Docteur [FF] [W], en un seul examen, a constaté votre inaptitude définitive à votre poste d'éducatrice sportive avec les commentaires suivants :

« INAPTE (R. 4624-42) un seul examen: l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi »

« Suite à l'étude de poste et des conditions et à l'échange avec l'employeur le 06/12/2019, Mme [E] [Z] est inapte au poste d'éducatrice sportive.

Compte-tenu de la dispense de l'obligation de reclassement, il n'y a pas lieu d'indiquer les capacités du salarié à bénéficier d'une formation. »

Conformément à nos obligations, le CSE de l'établissement a été informé le 16 décembre 2019 de la décision du Docteur [FF] [W] et de l'impossibilité de vous proposer un reclassement.

En conséquence, compte tenu de l'absence de toute possibilité de reclassement dans un poste compatible avec votre état de santé, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle.

Cette mesure sera effective dès l'envoi de la présente lettre, soit le 10 Janvier 2020. (') ».

* sur le bien-fondé du licenciement

L'association soutient que le licenciement pour inaptitude avec impossibilité de reclassement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, contrairement à ce que soutient Mme [E].

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

* sur la consultation du comité social et économique

Mme [E] soutient que l'employeur doit consulter le comité social et économique que l'inaptitude soit d'origine professionnelle ou non professionnelle et ce, y compris lorsque le médecin du travail mentionne dans l'avis d'inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Or, selon elle, l'association ne justifie pas de la consultation des représentants du personnel et se contente de produire le procès-verbal d'une réunion du comité social et économique en date du 18 décembre 2019 aux termes duquel le comité n'a pas été consulté et n'a donné aucun avis. Mme [E] ajoute que les arrêts versés par l'association pour justifier de l'absence d'obligation de consulter les représentants du personnel lors d'une dispense de reclassement sont des arrêts de cour d'appel.

Toutefois, dans un arrêt de sa chambre sociale en date du 8 juin 2022, la Cour de cassation a, au visa des articles L. 1226-10 et L. 1226-12 du code du travail dans leur rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, jugé que lorsque le médecin du travail a mentionné expressément dans son avis que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi, l'employeur, qui n'est pas tenu de rechercher un reclassement, n'a pas l'obligation de consulter les délégués du personnel.

Or, en l'espèce, le médecin du travail a mentionné dans l'avis d'inaptitude de Mme [E] que « l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ».

Par conséquent, l'association n'était pas tenue de consulter le comité social et économique.

La décision des premiers juges sera infirmée en ce qu'elle avait retenu que l'absence de consultation de ce comité privait le licenciement de cause réelle et sérieuse.

* sur les manquements de l'employeur

Mme [E] invoque des fautes de l'employeur en soutenant que ces fautes sont à l'origine de son inaptitude et doivent être sanctionnées en déclarant son licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle sans cause réelle et sérieuse. Au rang de ces fautes, Mme [E] invoque une sanction disciplinaire injustifiée, des pressions et chantages lors des entretiens des 26 août et 10 septembre 2019, la menace d'un dépôt de plainte pénale, l'envoi d'une lettre de contestation à laquelle l'association n'a pas répondu et l'affichage au sein de tous les établissements de l'association d'une lettre sur le dépôt de plainte.

Ce à quoi l'association réplique que la sanction disciplinaire est justifiée et proportionnée. Elle réplique également qu'elle a informé les trois éducatrices concernées, lors des entretiens, du risque de plainte pénale et que les parents des jeunes concernés ont exigé le dépôt d'une plainte pénale. L'association fait valoir que Mme [E] ne démontre pas la réalité de pressions exercées sur elle d'autant qu'à partir du 12 septembre 2019, elle a été placée en arrêt de travail et qu'elle n'a pas été perturbée pendant cet arrêt par l'employeur. L'association réplique encore que les pièces médicales produites par Mme [E] ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre une faute de l'employeur et l'état de santé de la salariée. Elle fait valoir que Mme [E] a certainement éprouvé une profonde gêne après la découverte des agissements litigieux.

En l'espèce, Mme [E] produit quelques éléments médicaux - attestations d'un ostéopathe et d'une psychologue clinicienne, ordonnance d'un médecin psychiatre, ' - qui sont insuffisants pour caractériser un lien de causalité entre un comportement fautif de l'employeur et l'inaptitude de la salariée constatée par le médecin du travail.

Par conséquent, le licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle avec impossibilité de reclassement n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

* sur les conséquences du licenciement

En application de l'article L. 1226-4 du code du travail, en cas de licenciement pour inaptitude d'origine non professionnelle, le préavis n'est pas exécuté. Mme [E] sera donc déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Enfin, le licenciement de Mme [E] n'étant pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, la salariée sera déboutée de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision des premiers juges sera également infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur les dommages-intérêts pour circonstances vexatoires et préjudice d'image

L'association fait valoir que les circonstances dans lesquelles la rupture du contrat de travail est intervenue ne sont pas vexatoires puisque cette rupture est intervenue plusieurs mois après le début d'un arrêt de travail sur le fondement d'un avis d'inaptitude. L'association fait également valoir que le préjudice d'image allégué par Mme [E] est sans lien avec les circonstances de la rupture et que, outre qu'elle ne caractérise pas ce préjudice d'image, celui-ci ne peut résulter du seul dépôt de la plainte pénale.

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, Mme [E] soutient que son licenciement a été brutal et vexatoire et qu'elle a souffert d'une atteinte à son image. A cet égard, elle fait valoir qu'elle a été dispensée d'activité tout au long de la procédure disciplinaire puis de la mise à pied pendant trois jours et qu'elle a subi pressions et chantage depuis la procédure disciplinaire.

En l'espèce, la cour observe que Mme [E] évoque des circonstances qui concernent non pas la rupture du contrat de travail mais la procédure et la sanction disciplinaires et qu'elle ne caractérise pas le préjudice d'image qu'elle allègue de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire et préjudice d'image.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

* sur les dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

L'association reproche au conseil de prud'hommes d'avoir fondé la condamnation à verser à Mme [E] des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail fondée sur les mêmes griefs (pressions et menaces) que ceux retenus pour conclure à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, Mme [E] fait valoir que l'association a nécessairement exécuté de mauvaise foi le contrat de travail étant donné le chantage et la pression psychologique qu'elle a subis.

L'article L. 1222-1 du code du travail dispose que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, Mme [E] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de trois jours qui est annulée par la cour. En prenant la décision de notifier cette sanction disciplinaire, l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire par rapport aux faits qui ont motivé la sanction. Or, il n'est pas contesté que le 10 septembre 2019, une réunion s'est tenue entre M. [GO], Mme [G], Mme [K] (ressources humaines), M. [NO] [H] et Mme [S] (tous deux délégués du personnel), Mme [E], Mme [T] et Mme [PD]. Mme [S] a établi un compte rendu de cette réunion le 11 septembre suivant qui est signé par elle. Cette personne avait assisté Mme [E] lors de l'entretien préalable du 26 août précédent. Il ressort de ce compte rendu qu'en dépit du choix de la mise à pied disciplinaire de trois jours, l'employeur a tenté de convaincre les trois éducatrices concernées de démissionner en faisant valoir que c'était peut-être pour elles la meilleure solution, leur retour au sein de la structure pouvant les exposer à un risque de dépôt de plainte. Il ressort de ce compte rendu que l'employeur, qui n'avait pas fait le choix d'engager une procédure de licenciement et avait estimé que la mise à pied disciplinaire de trois jours était suffisante, a clairement tenté d'obtenir la démission de Mme [E]. En procédant ainsi, l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail et ce manquement a causé à Mme [E] un préjudice qui sera réparé à hauteur de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera donc infirmée sur le quantum.

* sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

L'association fait valoir que la demande de Mme [E] repose sur des pièces médicales qui ne démontrent pas de lien entre l'état de santé de la salariée et le comportement de l'employeur et qu'en tout état de cause, ce préjudice n'est pas distinct de celui d'ores et déjà indemnisé par les premiers juges avec l'allocation d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A l'appui de sa demande en dommages-intérêts, Mme [E] fait valoir qu'elle est régulièrement suivie par son médecin et prend des antidépresseurs et que son état de santé est dû aux agissements de l'association.

En l'espèce, la cour relève que Mme [E] se réfère aux « agissements » de l'employeur sans préciser lesquels. Eu égard aux développements qui précèdent, la cour considère qu'il s'agit de la sanction disciplinaire et des pressions exercées sur elle pour l'inciter à démissionner plutôt que de reprendre son poste à l'issue de la mise à pied disciplinaire. Or, ces faits ont été appréhendés dans le cadre du manquement par l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et le préjudice moral, qui en est incontestablement résulté pour Mme [E], a d'ores et déjà été pris en compte et indemnisé par les dommages-intérêts alloués précédemment. Mme [E] sera donc déboutée de sa demande et la décision des premiers juges infirmée à ce titre.

* sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

L'association sera condamnée aux dépens en appel, la décision des premiers juges sur les dépens étant confirmée.

L'association sera condamnée à payer à Mme [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant confirmée sur les frais irrépétibles.

Enfin, l'association sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* sur la restitution des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement

L'association demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Cependant le présent arrêt, infirmatif sur certains points, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de l'association.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

Infirme le jugement sauf en ce qui concerne les dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée, les frais irrépétibles et les dépens ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Annule la mise à pied disciplinaire de trois jours notifiée le 10 septembre 2019 à Mme [Z] [E] par l'association Les Papillons Blancs ;

Condamne l'association Les Papillons Blancs à payer à Mme [Z] [E] les sommes suivantes :

* 296,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied disciplinaire ;

* 29,62 euros au titre des congés payés afférents ;

Dit que le licenciement de Mme [Z] [E] n'est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne l'association Les Papillons Blancs à payer à Mme [Z] [E] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

Condamne l'association Les Papillons Blancs à payer à Mme [Z] [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne l'association Les Papillons Blancs aux dépens en appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE