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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 26 avril 2024, n° 22/09439

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Implantica Marketing Limited (Sté)

Défendeur :

Affluent Medical (SA), Myopowers Medical Technologies France (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseillers :

Mme Lehmann, Mme Marcade

Avocats :

Me Kong Thong, Me Casalonga, Me Fillon

TJ Paris, 3e ch. 1re sect., du 4 juin 20…

4 juin 2020

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu l'ordonnance rendue le 4 juin 2020 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris qui a :

- constaté que la condition de vraisemblance de l'atteinte, requise par l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, n'est pas remplie,

- rejeté, par conséquent les demandes d'interdiction provisoire présentées par la société Implantica Marketing Limited,

- condamné la société Implantica Marketing Limited à payer aux sociétés Myopowers Medical Technologies France et Affluent Medical la somme de 25 000 euros chacune, soit 50 000 euros au total, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens de l'incident,

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

Vu le jugement contradictoire rendu le 31 mars 2022 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :

- déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 dont est titulaire la société Implantica Marketing Limited,

- dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'INPI et à l'OEB pour être inscrite au registre national des brevets et au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente,

- débouté les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies de leurs demandes d'annulation des autres revendications du brevet européen EP 1 284 691 dont est titulaire la société Implantica Marketing France,

- débouté les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France de leur demande en procédure abusive,

- condamné la société Implantica Marketing Limited à payer aux sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France la somme de 25 000 euros chacune, soit 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, à l'exception de la transcription au registre national des brevets et au registre européen des brevets de l'annulation des revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet EP 691,

Vu l'appel de l'ordonnance du 4 juin 2020 et du jugement du 31 mars 2022 interjeté le 12 mai 2022 par la société Implantica Marketing Limited,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 19 décembre 2023 par la société Implantica Marketing Limited, appelante, qui demande à la cour de :

- débouter les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- recevoir la société Implantica Limited bien fondée en son appel et y faisant droit :

Sur l'appel de l'ordonnance du 4 juin 2020,

- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 4 juin 2020,

Statuant à nouveau,

- juger que la condition de vraisemblance de l'atteinte, requise par l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, était remplie,

- juger en conséquence que les demandes d'interdiction provisoire qui avaient été sollicitées par la société Implantica Marketing Limited étaient justifiées,

- condamner les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France à payer à la société Implantica la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Sur l'appel du jugement du 31 mars 2022,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal le 31 mars 2022 en ce qu'il a déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 dont est titulaire la société Implantica Marketing Limited,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Implantica Marketing Limited à payer aux sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France la somme de 25 000 euros chacune, soit 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France de leurs demandes d'annulation des autres revendications du brevet européen EP 1 284 691 dont est titulaire la société Implantica Marketing Limited,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France de leur demande en procédure abusive,

Et statuant à nouveau :

- dire et juger que les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France ont commis des actes de contrefaçon de la partie française du brevet européen n° 1 284 691 en ses revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 en détenant, en fabriquant et en offrant en vente au sens de l'article L 613-3 du code de la propriété intellectuelle son dispositif d'implant médical Artus,

- ordonner aux sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France de communiquer toutes informations permettant de déterminer le montant des préjudices subis par la société Implantica Marketing dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, et en particulier :

- les noms et adresses des licenciés, clients/fabricants, fournisseurs, revendeurs et autres détenteurs des appareils Artus quel que soit le territoire,

- tous documents (en particulier contrats, bons de commande, bons de livraison, factures, état des ventes, état des stocks) établissant le nombre de licence et de produits fabriqués, offerts à la vente, livrés, testés, vendus ou distribués par tous moyens, dans le monde entier, ainsi que les prix d'achat et de vente ou le montant des redevances, le tout certifié conforme par un commissaire aux comptes,

- tous documents établissant les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels réalisés par les intimées au préjudice de la société Implantica Marketing, le tout certifié conforme par un Commissaire aux Comptes,

- tous documents se rapportant au marquage CE du dispositif médical Artus,

- condamner in solidum les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France à payer à la société Implantica Marketing une somme provisionnelle de 2 000 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner également in solidum les Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France à payer à la société Implantica Marketing la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société Implantica Marketing et aux frais in solidum des intimées, dans la limite de 6 000 euros hors taxe par insertion, et

- ordonner que l'arrêt à intervenir soit publié en intégralité, aux frais in solidum des sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France, sous la forme d'un document au format PDF reproduisant l'intégralité de la décision et accessible à partir d'un lien hypertexte apparent situé sur la page d'accueil de tous les sites Internet des intimées, quelle que soit l'adresse permettant d'accéder à ces sites, et notamment le site Internet www.affluentmedical.com/fr, l'intitulé de ce lien étant :

« Les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France condamnées pour contrefaçon d'un brevet appartenant à la société Implantica Marketing Limited »,

dans une police de taille 20 points au moins, de couleur rouge sur fond blanc, pendant une durée de 6 mois à compter de la première mise en ligne, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours calendaires suivant la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner aux intimées d'adresser à chacun de ses clients, partenaires ou licenciés auxquels elles ont fabriqué, offert à la vente, exporté, vendu ou livré les appareils Artus en français ou en toute langue comprise par son destinataire, la lettre suivante :

« Nous sommes dans l'obligation de vous informer que la cour d'appel de Paris a, par décision du [*], jugé que le dispositif médical Artus que nous vous avons [vendu/offert à la vente/livré] constituait une contrefaçon de la partie française du brevet européen n° 1 284 691 appartenant à la société Implantica Marketing. »,

- condamner in solidum les intimées à verser à la société Implantica Marketing la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les intimées in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel incluant les frais et honoraires du constat d'huissier sur Internet le 11 avril 2019 et des deux saisies contrefaçon à [Localité 7] et [Localité 5] le 14 mai 2019 incluant les frais et honoraires des huissiers, des conseils en propriété industrielle et des experts en informatique, qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 22 décembre 2023 par les sociétés Affluent Medical et Myopowers Medical Technologies France, intimées, qui demandent à la cour de :

A titre principal, sur la validité du brevet européen n°EP 1 284 691 :

- confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2020 en ce qu'elle a constaté que la condition de vraisemblance de l'atteinte, requise par l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, n'était pas remplie, et rejeté les demandes d'interdiction provisoire présentées par Implantica, et condamné Implantica à payer 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du 31 mars 2022 en ce qu'il a déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 et condamné Implantica à payer 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Si la cour devait infirmer le jugement du 31 mars 2022 en ce qu'il a déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 :

- dire et juger que les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen n° EP 1 284 691 sont nulles pour extension au-delà de la demande,

- dire et juger que les revendications 1, 2 à 5, 7, 41, 47 à 49, 50, 58 et 90 de la partie française du brevet européen n° EP 1 284 691 sont nulles pour défaut de nouveauté,

- dire et juger que la revendication 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54, 58 et 88 à 90 de la partie française du brevet européen n° EP 1 284 691 sont nulles pour défaut d'activité inventive,

En conséquence,

- prononcer la nullité de la partie française du brevet européen n° EP 1 284 691,

- ordonner la transmission de la décision de nullité à intervenir à l'INPI et à l'OEB aux fins d'inscription au registre national des brevets et au registre européen des brevets à l'initiative du greffier ou de la partie la plus diligente aux frais de la société Implantica Marketing Limited,

- débouter la société Implantica Marketing Limited de sa demande en contrefaçon du brevet européen n°EP 1 284 691,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que les actes commis par Myopowers et Affluent ne peuvent pas être qualifiés de contrefaçon,

- dire et juger que le prototype d'appareil Artus ne reproduit pas les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 51, 54 à 58 et 87 à 90 du brevet européen n°EP 1 284 691,

En conséquence,

- débouter la société Implantica Marketing Limited de sa demande en contrefaçon du brevet européen n°EP 1 284 691,

A titre infiniment subsidiaire,

- débouter la société Implantica Marketing Limited de ses demandes de dommages et intérêts provisionnels, de mesures de publicité et de frais irrépétibles,

- condamner la société Implantica Marketing Limited à verser aux sociétés Myopowers Medical Technologies France et Affluent Medical SA la somme de 2 500 000 euros pour procédure abusive,

En tout état de cause,

- débouter la société Implantica Marketing Limited de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- ordonner l'exécution de la décision à intervenir pour ce qui est des seules demandes reconventionnelles des sociétés Myopowers Medical Technologies France et Affluent Medical SA (sic),

- condamner la société Implantica Marketing Limited à payer aux sociétés Myopowers Medical Technologies France et Affluent Medical SA la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Implantica Marketing Limited aux entiers dépens,

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 janvier 2024,

SUR CE, LA COUR

Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.

Il sera simplement rappelé que la société Implantica Marketing Limited (ci-après la société Implantica) conçoit, fabrique et commercialise des dispositifs d'implants médicaux se rapportant notamment au traitement de l'incontinence urinaire.

Elle est titulaire inscrite du brevet européen désignant la France EP 1 284 691 (ou EP 691), déposé le 8 février 2001, sous priorité d'une demande américaine du 11 février 2000. Ce brevet a été délivré le 20 décembre 2006. Il a pour titre « Appareil de traitement d'incontinence urinaire ».

La société Affluent Medical (ci-après la société Affluent) se présente comme une société française qui développe des dispositifs médicaux pour le traitement de maladies graves, telles que l'anévrisme de l'aorte abdominale, l'insuffisance cardiaque et l'incontinence urinaire.

La société Myopowers Medical Technologies France (ci-après la société Myopowers) est une filiale de la société Affluent Medical, créée en 2014, qui se présente comme une société spécialisée dans la recherche-développement en matière de dispositifs médicaux pour le traitement de l'incontinence urinaire.

La société Implantica expose avoir découvert que la société Affluent, en vue de son introduction en bourse, faisait la promotion de ses produits et de ceux de ses filiales et, en particulier, d'un implant actif mini-invasif destiné aux femmes et aux hommes souffrant d'incontinence urinaire, dénommé « Artus » qui reproduirait les revendications du brevet EP 1 284 691 dont elle est titulaire.

Elle a obtenu, par deux ordonnances du 6 mai 2019, l'autorisation de faire pratiquer des saisies-contrefaçon dans les locaux de la société Affluent, ainsi que dans ceux de sa filiale développant le produit, la société Myopowers. Les deux saisies-contrefaçon ont été réalisées le 14 mai 2019.

Par acte d'huissier de justice du 29 mai 2019, la société Myopowers a fait assigner la société Implantica en référé rétractation afin d'obtenir la restitution des pièces annexées au procès-verbal de saisie. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 25 juillet 2019.

Par actes d'huissier de justice du 12 juin 2019, la société Implantica a fait assigner les sociétés Myopowers et Affluent devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire, en contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 284 691.

Par conclusions d'incident du 9 octobre 2019, la société Implantica a saisi le juge de la mise en état afin d'obtenir des mesures d'interdiction provisoires à l'encontre des sociétés Myopowers et Affluent.

Par ordonnance du 4 juin 2020, le juge de la mise en état a constaté que la condition de vraisemblance de l'atteinte, requise par article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle, n'était pas remplie et a par conséquent rejeté les demandes de la société Implantica.

Par jugement du 31 mars 2022, le tribunal judiciaire de Paris a prononcé la nullité pour insuffisance de description des revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 dont est titulaire Ia société Implantica.

La société Implantica a interjeté appel tant de l'ordonnance du 4 juin 2020 que du jugement du 31 mars 2022.

Sur la portée du brevet EP 691

Le brevet EP 691 a pour titre « Appareil de traitement d'incontinence urinaire ».

L'invention concerne un appareil de traitement de l'incontinence urinaire comprenant un dispositif de restriction ajustable implantable dans le patient pour mettre en prise une partie de l'urètre ou de la vessie du patient afin de restreindre dans celle-ci une voie de passage de l'urine et un dispositif d'ajustement fonctionnel adapté pour ajuster mécaniquement le dispositif de restriction pour modifier la restriction du passage de l'urine.

Il est indiqué dans la description qu'un appareil de traitement de l'incontinence urinaire selon le préambule de la revendication 1 est présenté dans le document FR-A-2688693 (page 1 lignes 19 à 21 de la traduction française).

Il est rappelé que l'incontinence urinaire est un problème très répandu, que de nombreuses personnes sont aidées grâce à l'entrainement de muscles dans le plancher pelvien et que de nombreuses solutions au problème de l'incontinence ont été essayées. Par exemple, il existe un appareil antérieur de traitement de l'incontinence urinaire actionné manuellement ayant un dispositif de sphincter hydraulique artificiel engageant l'urètre et relié à un réservoir élastique implanté dans le scrotum ou dans la région des grandes lèvres. Un inconvénient de cet appareil constituant l'art antérieur est qu'avec le temps, une fibrose dure se développe autour du réservoir, ce qui peut provoquer un dysfonctionnement des composants de pompage. D'autre part, le fait de resserrer manuellement le réservoir élastique implanté de façon à aspirer le fluide hydraulique pour ouvrir le dispositif sphincter lorsque le patient a besoin d'uriner est une tache plutôt compliquée. La fibrose créée deviendra tôt ou tard une couche fibrose dure qui peut rendre encore plus difficile le pompage du réservoir. Un autre inconvénient réside dans le fait que l'utilisation de fluide hydraulique entraîne toujours un risque de fuite de fluide à partir des composants hydrauliques implantés.

La description évoque également des dispositifs consistant en des sphincters prothétiques munis d'un ballonnet gonflable qui entoure l'urètre et l'enveloppe sur deux côtés ou des dispositifs comprenant un moyen de compression gonflable destiné à comprimer l'urètre sans risquer qu'une perte ou qu'une nécrose de tissu ne se produise.

L'objet principal de l'invention est de fournir un appareil de traitement de l'incontinence urinaire dans lequel le risque de fuite de liquide dans le corps du patient est sensiblement réduit ou complètement éliminé.

Un objet supplémentaire de l'invention est de fournir un appareil de traitement de l'incontinence urinaire qui ne requiert pas de manipulation manuelle d'un mécanisme combiné réservoir/pompe dans la région du scrotum ou des grandes lèvres du patient.

Le brevet se compose à cette fin de 98 revendications dont seules sont invoquées les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 dont la teneur suit :

1 - Appareil de traitement de l'incontinence urinaire pour traiter un patient qui souffre d'incontinence urinaire, comprenant un dispositif réglable de restriction non gonflable (2, 48, 60, 62, 88, 110, 122, 128, 128, 130, 434) implantable dans le patient pour mettre en prise et contracter une partie de l'urètre ou de la vessie pour former dans celle-ci une voie de passage de l'urine restreinte, un dispositif d'ajustement actionnable (12, 52, 66, 90, 92, 104, 110) qui peut être implanté dans le patient, non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente et adapté pour ajuster mécaniquement le dispositif de restriction de façon à restreindre la voie de passage de l'urine pour empêcher l'urine de passer au travers et à élargir la voie de passage de l'urine pour passer au travers, et un dispositif mû par l'électricité pour faire fonctionner le dispositif d'ajustement, caractérisé en ce que le dispositif de fonctionnement comprend une servocommande reliée de manière fonctionnelle au dispositif d'ajustement, dans lequel la servocommande comprend un mécanisme qui transforme une force de faible intensité agissant sur un élément mobile ayant une course longue en une force d'intensité élevée agissant sur un autre élément mobile ayant une course réduite, et dans lequel la servocommande comprend un moteur, de préférence, un moteur électrique.

2 - Appareil selon la revendication 1, dans lequel le dispositif d'ajustement (12, 52, 66, 90, 92, 104, 110) est adapté de façon à ajuster le dispositif de restriction de manière non magnétique ou non thermique.

3 - Appareil selon la revendication 1 ou 2, dans lequel le dispositif de restriction est adapté pour commander la zone de section de la voie de passage de l'urine.

4 - Appareil selon la revendication 3, dans lequel le dispositif de restriction est actionnable de façon à ouvrir ou fermer la voie de passage de l'urine.

5 - Appareil selon la revendication 4, dans lequel le dispositif de restriction est adapté de façon à commander progressivement la zone de section de la voie de passage de l'urine.

7 - Appareil selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel le dispositif de restriction comprend au moins un élément de restriction allongé (2, 48, 60, 62, 88) et un moyen de formage (10, 94, 106, 108, 118, 132) pour former l'élément de restriction en au moins une boucle essentiellement fermée autour de ladite partie de l'urètre ou de la vessie, la boucle définissant une ouverture de restriction, dans lequel le dispositif d'ajustement est adapté de façon à ajuster l'élément de restriction dans la boucle pour modifier la taille de l'ouverture de restriction.

9 - Appareil selon la revendication 7 ou 8, dans lequel le dispositif d'ajustement (12, 52, 66, 90, 92) est adapté de façon à ajuster l'extension longitudinale de l'élément de restriction allongé dans ladite boucle pour modifier la taille de l'ouverture de restriction.

14 - Appareil selon la revendication 9, dans lequel l'élément de restriction allongé (48, 50) est élastique longitudinalement et le dispositif d'ajustement comprend un dispositif de contraction (52) adapté pour contracter longitudinalement l'élément de restriction élastique.

20 - Appareil selon la revendication 7, dans lequel l'élément de restriction (88, 110, 122) forme une surface de confinement circonférentielle radialement la plus centrale dans ladite boucle de l'élément de restriction, et le dispositif d'ajustement (104, 112) étant adapté pour ajuster mécaniquement l'élément de restriction de telle sorte qu'au moins une partie de la surface de confinement soit essentiellement déplacée sur le plan radial dans ladite boucle.

21- Appareil selon la revendication 20, dans lequel le dispositif d'ajustement comprend un élément allongé répondant à la tension (104) faisant partie de la surface de confinement et pouvant se courber en un arc en réponse à une tension appliquée sur l'élément, le rayon de courbure dudit arc étant ajustable en changeant la tension.

22 - Appareil selon la revendication 20, dans lequel l'élément de restriction comprend un élément annulaire élastique (110) formant la surface de confinement et le dispositif adjacent (112) est adapté pour faire changer le diamètre de l'élément annulaire élastique.

31 - Appareil selon la revendication 7, dans lequel le moyen de formage (10, 94, 106, 108, 118, 132) est adapté pour former l'élément de restriction (2, 48, 60, 62, 88, 110, 122, 126, 128, 130) en une boucle présentant une taille prédéterminée ou une taille choisie parmi plusieurs tailles prédéterminées.

32 - Appareil selon la revendication 7, dans lequel le dispositif d'ajustement (12, 52, 66, 90, 104, 110) est adapté de façon à modifier la taille de l'ouverture de restriction (3) de sorte que la surface de confinement circonférentielle de l'élément de restriction (2, 48, 60, 62, 88, 1101, 122, 126, 128, 130) soit modifiée.

34 - Appareil selon la revendication 7, dans lequel l'élément de restriction allongé (404) est flexible, et le dispositif d'ajustement (410) est adapté de façon à tirer une première partie (404 A) de l'élément de restriction flexible d'une deuxième partie (404 B) de l'élément de restriction flexible opposée à la première partie dans la boucle pour resserrer ladite partie de l'urètre ou de la vessie (406) entre deux longueurs opposées de l'élément de restriction flexible allongé pour restreindre la voie de passage de l'urine dans ladite partie de l'urètre ou de la vessie (406) et pour libérer ladite partie de l'urètre ou de la vessie (406) de l'élément de restriction flexible pour élargir la voie de passage de l'urine.

37 - Appareil selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel le dispositif de restriction est adapté pour courber une partie de ladite portion de l'urètre ou de la vessie (406).

41 - Appareil selon l'une quelconque des revendications 1 à 5, dans lequel le dispositif de restriction est adapté de façon à faire tourner une partie de l'urètre ou de la vessie.

47 - Appareil selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant en outre une commande sans fil à distance (22, 326, 332 à 344) pour commander de manière non invasive le dispositif d'ajustement.

48 - Appareil selon la revendication 47, dans lequel la commande à distance (22, 326, 332 à 344) comprend un transmetteur et/ou un récepteur de signal séparé (332, 336) et un récepteur et/ou transmetteur de signal implantable (334, 338) pour transmettre et/ou recevoir un signal de commande.

49 - Appareil selon la revendication 48, dans lequel le récepteur de signal (334, 338) comprend une unité de commande (338) adaptée pour commander le dispositif d'ajustement (12, 52, 66, 90, 92, 104, 110) en réponse au signal de commande.

50 - Appareil selon la revendication 49, comprenant en outre une unité d'alimentation implantable (336) pour fournir de l'énergie aux composants consommant de l'énergie de l'appareil à implanter chez le patient.

51 - Appareil selon la revendication 50, dans lequel l'unité de commande (338) est adaptée de façon à commander l'unité d'alimentation (336) pour alimenter le moteur (22) en énergie en réponse au signal de commande.

54 - Appareil selon la revendication 53, dans lequel l'unité d'alimentation (326) comprend une alimentation en courant électrique rechargeable (58) pour stocker l'énergie électrique et l'unité de commande (338) est adaptée pour alimenter le moteur (22) en énergie provenant de l'alimentation en énergie électrique rechargeable en réponse au signal de commande.

55 - Appareil selon la revendication 50, dans lequel l'unité d'alimentation (326) comprend une pile, un commutateur actionnable électriquement adapté pour connecter la pile au récepteur de signal (334, 338) en mode "marche" lorsque le commutateur est alimenté et pour conserver la pile déconnectée du récepteur de signal sur un mode "attente" lorsque le commutateur n'est pas alimenté en énergie, et une alimentation en énergie électrique rechargeable pour alimenter le commutateur.

56 - Appareil selon la revendication 55, dans lequel l'unité de commande (338) est adaptée pour alimenter le moteur (22) en énergie de la pile en réponse à un signal de commande reçu du transmetteur de signal (332, 336) lorsque le commutateur est en mode "marche".

57 - Appareil selon la revendication 56, comprenant en outre un transmetteur d'énergie externe pour transmettre l'énergie sans fil, dans lequel l'unité d'alimentation comprend une pile et un commutateur actionnable par l'énergie sans fil transmise par le transmetteur externe, pour connecter la pile au récepteur de signal en un mode "marche" lorsque le commutateur est alimenté par l'énergie sans fil et pour conserver la pile déconnectée du récepteur de signal en un mode "attente" lorsque le commutateur n'est pas alimenté.

58 - Appareil selon la revendication 1, comprenant en outre une unité d'alimentation implantable (336) pour fournir de l'énergie à des composants de l'appareil consommant de l'énergie, à implanter chez le patient.

87 - Appareil selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant en outre un dispositif d'inversion implantable dans lequel le dispositif de restriction peut réaliser une fonction inversable et le dispositif d'inversion inverse la fonction inversable.

88 - Appareil selon l'une quelconque des revendications précédentes, comprenant en outre un accumulateur implantable ou une pile et un moyen de contrôler l'accumulateur ou la pile de l'extérieur du corps d'un patient pour fournir de l'énergie au dispositif d'ajustement et/ou à d'autres composants implantables de l'appareil consommant de l'énergie.

89 - Appareil selon la revendication 1, dans lequel le dispositif d'ajustement est adapté de façon à ajuster le dispositif de restriction de manière non invasive ou non manuelle.

90 - Appareil selon l'une quelconque des revendications 1, 41 à 51, comprenant en outre une transmission par engrenage implantable (42) reliant de manière fonctionnelle le dispositif d'activation et le dispositif d'ajustement.

Sur la validité du brevet EP 691

La société appelante conclut à l'infirmation tant de l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2020 qui a constaté que l'insuffisance de description du brevet EP 691 quant au dispositif non actionnable par l'énergie magnétique permanente et la servocommande constituait un moyen sérieux de contestation de la vraisemblance de la contrefaçon reprochée aux sociétés Myopowers et Affluent, que du jugement du 31 mars 2022 qui a déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21,22, 31, 32,34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 1 284 691 dont elle est titulaire.

Aux termes du dispositif de leurs dernières écritures, les sociétés intimées sollicitent quant à elles, à titre principal la confirmation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2020 qui a rejeté les demandes d'interdiction provisoire compte tenu d'un moyen sérieux quant à la validité du titre et du jugement du 31 mars 2022 en ce qu'il a déclaré nulles pour insuffisance de description les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 691, et à titre subsidiaire poursuivent la nullité des revendications opposées pour extension au-delà de la demande, défaut de nouveauté et défaut activité d'inventive.

Sur l'insuffisance de description

Selon l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, la nullité du brevet européen peut être prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138 § 1 de la convention de Munich (CBE).

Aux termes de l'article 138 § 1 de la CBE, « Sous réserve des dispositions de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si : (')

b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ».

Selon l'article 83 de la CBE, « l'invention doit être exposée dans la demande de brevet européen de façon suffisamment claire et complète pour que l'homme du métier puisse l'exécuter ».

L'homme du métier est d'une façon générale celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre et il est constant qu'il peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention.

Selon la société Implantica, l'homme du métier est en l'espèce un ingénieur en mécanique spécialiste des appareils médicaux implantables disposant de connaissance en anatomie humaine et en dispositifs de commande à distance et par conséquent en énergie électrique, électro-magnétique ou magnétique.

Selon les sociétés intimées, l'homme du métier est un ingénieur mécanicien ayant plusieurs années d'expérience dans le domaine des dispositifs médicaux, il connaît bien l'anatomie humaine et les enjeux et exigences typiques des dispositifs médicaux en général et des dispositifs implantés plus spécifiquement.

Les connaissances de l'homme du métier en dispositifs de commande à distance apparaissent en l'occurrence nécessaires pour résoudre le problème technique posé par le brevet EP 691 contrairement aux connaissances spécifiques en énergie électrique ou magnétique qui sont plus spécifiques. En conséquence, en l'espèce l'homme du métier doit être défini comme étant un ingénieur en mécanique, ayant des connaissances en anatomie et spécialisé en dispositifs médicaux implantables, à commande à distance.

Pour conclure à la nullité pour insuffisance de description des revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 691, les sociétés intimées font valoir en substance qu'en se conformant aux instructions figurant dans la description, l'homme du métier n'est pas en mesure d'exécuter l'invention car il ne sait pas comment rendre le dispositif « non-actionnable par l'énergie magnétique statique permanente » ni comment y intégrer une « servocommande ».

Elles expliquent que la description du brevet indique que l'appareil est « non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente » afin d'éviter tout ajustement accidentel du dispositif de restriction de l'urètre si le patient s'approche d'un aimant permanent mais que cependant la description ne divulgue pas les caractéristiques techniques essentielles pour obtenir un tel dispositif qui n'est pas influencé par l'énergie magnétique statique permanente, que selon la description, tout autre type d'énergie (que l'énergie magnétique statique permanente) peut être envisagée pour actionner le dispositif d'ajustement, en particulier un aimant permanent mobile ou un électroaimant, que l'énergie magnétique permanente, exclue de l'invention, s'entendrait seulement d'aimants permanents immobiles (par opposition aux aimants mobiles qui seraient couverts par l'invention) et un électroaimant ne serait pas inclus dans cette définition alors qu'il n'y a pas de différence d'un point de vue physique entre le champ magnétique créé par un électroaimant et celui créé par un aimant permanent et qu'il n'existe pas de principe connu qui permettrait à un dispositif d'ajustement de détecter si un champ magnétique est provoqué par un électroaimant ou par un aimant permanent, de manière à être actionnable par l'un et pas par l'autre, le champ magnétique qui agit sur le dispositif étant en tout état de cause le même qu'il soit créé par un aimant permanent ou un électroaimant, qu'un dispositif qui serait actionné par l'électro-aimant devrait être compris dans la revendication 1 du brevet EP 691 tandis qu'un dispositif qui serait actionné par l'aimant permanent immobile ne le serait pas. Elles ajoutent que la société Implantica fait une interprétation trompeuse de l'expérience de [M] qu'elle invoque. S'agissant de la servocommande, elles indiquent que la description en fournit deux définitions, la définition « normale » et la transformation de force, tout en ne décrivant aucun mode de réalisation ni aucune caractéristique structurelle pour réaliser l'une de ces fonctions.

La société Implantica réplique, également en substance, que la revendication 1 du brevet 691 indique sans aucune ambiguïté que la fonction revendiquée de la servocommande consiste à transformer une force de faible intensité agissant sur un élément mobile et ayant une course longue en une force d'intensité élevée agissant sur un autre élément mobile ayant une course réduite et que la description, qui précise que le servo-système selon la revendication 1 permet d'éviter l'utilisation de la force, confirme que la fonction revendiquée de la servocommande est une transformation de force, qu'une servocommande peut avoir une première signification selon laquelle elle sert à commander de larges quantités de puissance au moyen de quantité de puissance très faible, ou une seconde signification, selon laquelle elle assure une transformation de force qui correspond à la fonction revendiquée, enfin que la description décrit suffisamment les moyens de la servocommande pour que l'homme du métier puisse la mettre en 'uvre. S'agissant du dispositif d'ajustement non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente, elle fait valoir que l'homme du métier est parfaitement en mesure de mettre en place cette limitation, qu'au sens de la revendication 1 le dispositif n'est pas activé lorsqu'il est soumis à une énergie magnétique d'un aimant permanent, qui est immobile, il peut être activé par tout type d'énergie, qu'il n'est pas indiqué ni dans la revendication 1 ni dans la description si le dispositif est activable ou non activable par l'énergie magnétique statique provenant d'un électroaimant et qu'il s'agit uniquement d'éviter l'ajustement du dispositif de restriction en présence d'un champ magnétique statique permanent, ce que l'homme du métier sera à même de comprendre et de mettre en 'uvre aisément dès lors qu'il pourra en tout état de cause se référer aux observations basiques issues de l'expérience de [M] de 1831 qui a conduit à la loi éponyme parfaitement connue et selon laquelle une force électromotrice est induite dans un bobinage fermé placé dans un champ magnétique et est proportionnelle à la variation au cours du temps du flux du champ magnétique.

La revendication 1 du brevet EP 691 peut, ainsi que les intimées le suggèrent sans être contredites sur ce point, être divisée selon les caractéristiques suivantes :

[C1] un « appareil de traitement de l'incontinence urinaire pour traiter un patient qui souffre d'incontinence urinaire, comprenant

[C2] un dispositif réglable de restriction non gonflable

[C2a] implantable dans le patient

[C2b] pour mettre en prise et contracter une partie de l'urètre ou de la vessie pour former dans celle-ci une voie de passage de l'urine restreinte,

[C3] un dispositif d'ajustement actionnable

[C3a] qui peut être implanté dans le patient,

[C3b] non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente et

[C3c] adapté pour ajuster mécaniquement le dispositif de restriction

[C3d] de façon à restreindre la voie de passage de l'urine pour empêcher l'urine de passer au travers et

[C3e] à élargir la voie de passage de l'urine pour passer au travers, et

[C4] un dispositif mû par l'électricité pour faire fonctionner le dispositif d'ajustement,

[C5] caractérisé en ce que le dispositif de fonctionnement comprend une servocommande

[C5a] reliée de manière fonctionnelle au dispositif d'ajustement,

[C5b] dans lequel la servocommande comprend un mécanisme qui transforme une force de faible intensité agissant sur

[C5c] un élément mobile ayant une course longue

[C5d] en force d'intensité élevée agissant sur

[C5e] un autre élément mobile ayant une course réduite, et

[C5f] dans lequel la servocommande comprend un moteur, de préférence, un moteur électrique» .

Il en résulte que :

- le dispositif revendiqué comprend trois composants principaux : un dispositif de restriction (C2), un dispositif d'ajustement (C3) et un dispositif de fonctionnement (C4),

- le dispositif de restriction et le dispositif d'ajustement doivent être implantables (C2a et C3a),

- le dispositif d'ajustement est non-actionnable par l'énergie magnétique statique permanente (C3b),

- la « servocommande » fait partie du dispositif de fonctionnement (C5),

- le moteur fait partie de la « servocommande » (C5f), donc du disposition de fonctionnement.

Les parties s'accordent à considérer que le terme servocommande, qui figure dans la revendication 1 de la version française du brevet résulte de la traduction en français du terme anglais « servo means ». Ce terme doit être compris comme désignant un dispositif permettant à un servomécanisme de fonctionner.

Selon la caractéristique [C5b] de la revendication 1 du brevet, la servocommande du dispositif d'ajustement comprend un mécanisme qui transforme une force de faible intensité tandis que la commande d'une puissance élevée au moyen d'une faible puissance figure dans la description.

S'agissant du dispositif d'ajustement non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente (C3b), selon les sociétés intimées, la revendication 1 du brevet EP 691 est limitée à un appareil qui est « non-actionnable par l'énergie magnétique statique permanente » et l'homme du métier ne sera pas en mesure d'obtenir un tel dispositif qui ne peut pas être activé par une énergie magnétique statique.

Selon la société Implantica, au sens de la revendication 1, le dispositif n'est simplement pas activé lorsqu'il est soumis à une énergie magnétique d'un aimant permanent, il peut être activé par tout autre type d'énergie dont un électroaimant.

Il convient de relever en effet, alors que le dispositif objet de l'invention se doit d'être ajustable et que le système de restriction doit pouvoir se débloquer grâce à la servocommande pour laisser passer l'urine, qu'avec un électroaimant statique permanent, le dispositif serait en permanence sur la même fonction, retirant ainsi tout intérêt à l'invention.

Par ailleurs, en plus de permettre un ajustement à la demande, en ne fonctionnant pas avec un aimant statique, le dispositif ne se déclenchera pas accidentellement puisque qu'il ne fonctionne qu'avec la servocommande.

De fait, tant la description que les revendications sont explicites sur les possibilités d'électroaimants. La description précise que le dispositif est « inactionnable par l'énergie magnétique statique permanente » et que « tout autre type d'énergie, tel que l'énergie électrique, électromagnétique ou l'énergie magnétique permanente mobile, peut être envisagé pour faire fonctionner le dispositif d'ajustement » (page 3 lignes 20 à 25).

De même, il sera relevé que la revendication 95 prévoit différents modes de commandes du dispositif.

Il résulte de ces éléments que le moyen de nullité tenant à l'insuffisance de description de la caractéristique (C3b) de la revendication 1 du brevet EP 691 (dispositif d'ajustement non actionnable par l'énergie magnétique statique permanente) ne peut prospérer.

En revanche, s'agissant de la servocommande du dispositif de fonctionnement (C5), la description du brevet enseigne que :

« De manière avantageuse, une servocommande est utilisée. Avec une servocommande une force de plus faible intensité est nécessaire pour faire fonctionner le dispositif d'ajustement. Le terme de « servocommande » inclut la définition normale d'un servomécanisme, c'est à dire un dispositif automatique qui commande d'importantes quantités d'énergie au moyen de très faibles quantités d'énergie, mais ce terme peut alternativement ou de façon additionnelle inclure la définition d'un mécanisme qui transforme une force de faible intensité agissant sur un élément mobile ayant une longue course en une force d'intensité élevée agissant sur-un autre élément mobile ayant une course réduite. La servocommande comprend un moteur, de préférence un moteur électrique, qui peut être réversible. Même selon le mode de réalisation de l'invention le plus large, le dispositif d'ajustement comprend une servocommande. La servocommande peut comprendre un moyen de fonctionnement hydraulique, un moyen de commande électrique, un moyen magnétique, un moyen mécanique ou un moyen de manipulation manuel. Le fait d'utiliser un servo-système évitera l'utilisation de la force lors de l'ajustement du dispositif d'ajustement, ce qui peut revêtir une certaine importance dans de nombreuses applications, par exemple lorsqu'une pile ne peut pas fournir suffisamment de courant bien que la puissance totale de la pile soit plus que suffisante pour alimenter le système. »

La description fournit donc deux définitions de la servocommande. Néanmoins les caractéristiques C5a à C5f de la revendication 1 divulguent une servocommande selon la deuxième définition qui en est donnée, soit un mécanisme de transformation de force, la description indiquant en outre que « Le fait d'utiliser un servo-système évitera l'utilisation de la force lors de l'ajustement du dispositif ».

L'homme du métier tel que ci-dessus défini saura, au vu de ses connaissances générales, se servir d'une servocommande pour éviter une manipulation manuelle de l'appareil objet de l'invention. Pour autant, la description se contente d'indiquer l'intérêt du dispositif et le but à atteindre. En effet, contrairement à ce qu'affirme la société brevetée la description explique seulement comment la servocommande est reliée au dispositif mais n'indique pas comment elle fonctionne. De même, ni les dessins ni les revendications ne précisent la méthode de réalisation de la servocommande selon la définition qui en est donnée qui n'est pas la définition normale d'un servomécanisme.

Il en résulte que la caractéristique C5 de la revendication 1 du brevet EP 691 n'est pas suffisamment décrite et que l'homme du métier ne sera donc pas en mesure de réaliser l'invention.

En conséquence c'est à juste titre que le juge de la mise en état a considéré que l'insuffisance de description constituait un moyen sérieux de contestation de la vraisemblance de la contrefaçon reprochée aux sociétés Myopowers et Affluent, justifiant de rejeter les demandes présentées avant tout débat au fond par la société Implantica, et que le tribunal a considéré que la revendication 1 du brevet 691 souffre d'une insuffisance de description. Cette revendication doit donc être considérée comme nulle pour ce seul motif sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs de nullité qui sont allégués.

La validité des revendications dépendantes s'apprécie de façon autonome. Pour autant c'est par des motifs justes et pertinents que la cour adopte que le tribunal a considéré que l'examen de la validité des revendications dépendantes implique une analyse en combinaison avec le contenu de la revendication 1 et que dès lors qu'elles concernant un mode particulier de réalisation, elles doivent contenir les caractéristiques de la revendication indépendante.

En l'espèce, les revendications 1, 2 à 5, 7, 9, 14, 20, 21, 22, 31, 32, 34, 37, 41, 47 à 49, 50, 51, 54 à 58 et 87 à 90 de la partie française du brevet européen EP 691 qui sont opposées sont dans la dépendance directe ou indirecte de la revendication 1 qui a été annulée pour insuffisance de description. En conséquence elles sont également insuffisamment décrites et doivent être annulées pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres motifs de nullité qui sont allégués.

Le jugement doit être confirmé de ce chef.

Les demandes de la société Implantica fondées sur la contrefaçon du brevet FR 691 sont en conséquence rejetées, y compris les demandes de communication de pièces et de publication et le jugement sera également confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive

Les sociétés Myopowers et Affluent sollicitent le paiement de la somme de 2 500 000 euros de dommages intérêts pour procédure abusive, expliquant que la société Implantica a introduit la présente procédure sur la base d'un brevet sur le point d'expirer et alors qu'elle ne commercialisait pas et ne commercialise toujours pas l'appareil couvert par ce brevet près de deux ans après son expiration, que son seul but était de s'informer sur le prototype d'appareil « Artus » pour obtenir des secrets d'affaires dans le cadre de son propre développement et de les désorganiser afin de supprimer toute concurrence.

Toutefois, le fait d'exercer une action en justice ne constitue pas une faute, sauf s'il dégénère en abus. En l'espèce, aucun des moyens développés par les sociétés Myopowers et Affluent et notamment le caractère prétendument opportuniste de l'action de la société Implantica ne caractérise une telle faute ; les intimées ne caractérisent pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société appelante pas plus qu'elles ne justifient le quantum du préjudice qu'elles allèguent.

Le jugement qui a rejeté la demande de dommages intérêts pour procédure abusive sera donc également confirmé.

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens doivent être confirmées ; celles de l'ordonnance du conseiller de la mise en état et du jugement relatives au remboursement par la société Implantica des frais irrépétibles aux sociétés Myopowers et Affluent le seront également.

En outre la société Implantica qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel.

Enfin les sociétés Myopowers et Affluent ont dû engager des frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à leur charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état du 4 juin 2020 en toutes ses dispositions.

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 31 mars 2022 en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Ordonne la transmission du présent arrêt à l'INPI et à l'OEB aux fins d'inscription au registre national des brevets et au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente.

Condamne la société Implantica Marketing Limited à payer aux sociétés Myopowers Medical Technologies France et Affluent Medical SA la somme totale de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Condamne la société Implantica Marketing Limited aux dépens d'appel.