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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 26 avril 2024, n° 21/13205

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Groupe Davico (SAS), Confiserie Léonidas (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ardisson

Conseillers :

Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain

Avocats :

Me Regnier, Me Zakharova-Renaud, Me Vignes, Me de Balmann, Me Baechlin, Me Toulouse

T. com. Paris, du 9 juin 2021, n° 201900…

9 juin 2021

FAITS ET PROCEDURE

La société de droit belge Confiserie Leonidas fabrique des chocolats qui sont vendus sous la marque Leonidas.

La société Davico Exploitation a pour dirigeant M. [I] [T] qui a créé en 1986 la société Groupe Davico. Celle-ci a pour activité le commerce de gros de sucre, de chocolat et de confiserie. De 1986 à 2019, elle a joué en France le rôle de revendeur pour près du tiers du parc des 350 magasins à l'enseigne Leonidas.

M. [K] [S] a décidé en 2003 de créer la société [...] et de prendre la gérance d'une boutique à l'enseigne Bouygues Telecom. En 2015, le contrat de [...] avec Bouygues Telecom prenant fin, M. [S] s'est rapproché de la société Davico pour ouvrir un point de vente sous enseigne Leonidas.

Le local choisi par [...] à [Localité 10] a été agréé le 23 novembre 2015 par Davico.

Les sociétés Davico et [...] ont ensuite conclu, le 1er décembre 2015, un contrat pour l'exploitation de ce premier point de vente sous enseigne Leonidas. Le magasin a ouvert le 17 décembre 2015.

Dès le 8 décembre 2015, M. [S] a choisi un second point de vente à [Localité 9] et signé un bail commercial le 2 février 2016. Le 18 mars 2016, Davico et [...] ont conclu un contrat de point de vente de ce nouveau magasin qui avait ouvert ses portes le 10 mars 2016.

Les sociétés Davico et Leonidas n'ont toutefois pas accepté l'ouverture d'un troisième point de vente, à [Localité 12] ou à [Localité 13], par la société [...].

La société [...] et M. [S] se sont ensuite plaints auprès de Leonidas et Davico du mauvais chiffre d'affaires des deux points de vente Leonidas et sollicité une réunion commune afin d'envisager notamment la reprise des magasins.

Les sociétés Leonidas et Davico ont refusé cette proposition.

Suivant exploit du 5 juin 2018, la société [...] et M. [S] ont fait assigner les sociétés Davico Exploitation et Confiserie Leonidas devant le tribunal de commerce de Paris. L'instance a été enregistrée sous le n° de RG 2018040243.

Suivant acte du 19 novembre 2019, la société [...] et M. [S] ont fait assigner la société Groupe Davico venant aux droits de Davico Exploitation par l'effet d'une opération de fusion du 30 juin 2019, devant le tribunal de commerce de Paris. L'instance a été enregistrée sous le n° de RG 2019065894.

Par jugement du 9 juin 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

- joint les instances RG 201804023 et RG 2019065894 sous le n° RG j2019000642,

- débouté la société [...] et M. [K] [S] de leurs demandes d'annulation pour dol des contrats signés les 1er décembre 2015 et 18 mars 2016, et des demandes d'indemnités correspondantes,

- débouté la société [...]' et M. [K] [S] de leurs demandes de résiliation des contrats signés les 1er décembre 21015 et 18 mars 2016 aux torts des défenderesses, et des demandes d'indemnités correspondantes,

- débouté les sociétés Groupe Davico et Confiserie Leonidas de leurs demandes reconventionnelles,

- débouté l'ensemble des parties, les sociétés Groupe Davico, Confiserie Leonidas, [...] et M. [K] [S] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté l'ensemble des parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

- condamné la société [...] et M. [K] [S] in solidum aux dépens.

La société [...] et M. [K] [S] ont formé appel du jugement par déclaration du 12 juillet 2021 enregistrée le 22 juillet 2021.

Suivant leurs dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 22 février 2023, la société [...] et M. [K] [S] demandent à la cour, au visa de l'article 1240 nouveau du code civil, tel qu'issu de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce, et de l'article 3.3 du code de déontologie européen de la franchise :

- de juger recevables [...] et M. [S] en leur appel, et bien fondés en leurs demandes,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 9 juin 2021 en ce qu'il a :

' débouté la société [...] et M. [K] [S] de leurs demandes d'annulation pour dol des contrats signés les 1er décembre 2015 et 18 mars 2016 et des demandes d'indemnités correspondantes, ainsi que de leurs demandes subsidiaires de résiliation desdits contrats et des demandes d'indemnités correspondantes,

'débouté la société [...] et M. [K] [S] de leurs autres demandes, notamment sur le fondement de l'article 700 du code de

procédure civile et des dépens,

' condamné la société [...] et M. [K] [S] in solidum aux dépens.

- de confirmer en ce qu'il a débouté Confiserie Leonidas et Davico de leurs demandes reconventionnelles,

Statuant à nouveau :

- de dire et juger que Confiserie Leonidas et Davico Exploitation ont manqué à leurs obligations légales d'information précontractuelle ;

- de dire et juger que le consentement de [...] a été vicié lors de la conclusion des contrats « de point de vente Leonidas » respectivement les 1er décembre 2015 pour le point de vente de [Localité 10] et 18 mars 2016 pour celui de [Localité 9], par dol, ou à défaut par erreur ;

- de dire et juger que les contrats « de point de vente Leonidas » en date des 1er décembre 2015 et 18 mars 2016, ainsi que tous les contrats subséquents (« Charte du point de vente », notamment) et leurs avenants éventuels, sont nuls et non avenus, du chef du dol commis par Confiserie Leonidas et Davico Exploitation au préjudice de [...] et subsidiairement du chef de l'erreur ;

- de dire et juger que Confiserie Leonidas et Davico Exploitation ont engagé leur responsabilité délictuelle à l'égard de [...] et de M. [S] ;

- En conséquence, de condamner in solidum Confiserie Leonidas et Groupe Davico venant aux droits de Davico Exploitation à payer les sommes suivantes :

' 202.048 euros au profit de [...] au titre de la remise en état antérieur ;

' 50.000 euros au profit de [...] au titre du préjudice moral ;

' 30.550 euros au profit de M. [S] au titre du préjudice financier (et subsidiairement 108.000 euros) ;

' 80.000 euros au profit de M. [S] a titre du préjudice moral ;

Subsidiairement :

- de dire et juger que Davico Exploitation a manqué à ses obligations contractuelles à l'encontre de [...] ;

- de constater la résiliation des contrats aux torts de la société Davico Exploitation ;

- de dire et juger que Davico Exploitation a engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard de [...] et délictuelle à l'égard de M. [S], et que Confiserie Leonidas a engagé sa responsabilité délictuelle à l'encontre de [...] et M. [S] ;

- En conséquence, de condamner in solidum Confiserie Leonidas et Groupe Davico à payer les sommes suivantes :

o 202.048 euros au profit de [...] au titre des pertes subies ;

o Et/ou subsidiairement, 42.500 euros au titre du manque à gagner ;

o 30.550 euros au profit de M. [S] au titre du préjudice financier (et subsidiairement 108.000 euros) ;

o 80.000 euros au profit de M. [S] a titre du préjudice moral ;

- d'assortir toutes les condamnations financières des intérêts légaux à compter de la LRAR du 12 septembre 2016, et d'ordonner la capitalisation des intérêts ;

En tout état de cause :

- de débouter Confiserie Leonidas de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- subsidiairement, de laisser à sa charge la somme de 9.130 euros à titre de dommages et intérêts ;

- de débouter Groupe Davico de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- subsidiairement, de laisser à sa charge la somme de 14.804,73 euros à titre de dommages et intérêts ;

- Encore plus subsidiairement, d'ordonner la compensation de ses demandes avec le montant de 12.433 euros (6.363 + 6.070 euros) correspondant à la valeur des meubles repris et impayé ou qui aurait dû être repris ;

- de condamner Confiserie Leonidas et Groupe Davico, chacune, à payer la somme de 15.000 euros au profit de chacun des demandeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner Confiserie Leonidas et Groupe Davico aux entiers dépens, en ce compris les sommes prévues par les articles R444-3 et ses annexes, et A444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles elle sera condamnée et laissées entièrement à sa charge.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2023, la société de droit belge Confiserie Leonidas demande à la cour, au visa des articles 1109, 1110 et 1116 (anciens) du code civil et des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce :

A titre principal,

- de confirmer le jugement rendu le 9 juin 2021 par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a :

* Débouté la société [...] de sa demande d'annulation des deux contrats de point de vente conclus avec la société Davico Exploitation ;

* Débouté la société [...] de sa demande subsidiaire de résiliation des deux contrats de point de vente conclus avec la société Davico Exploitation ; et

* Débouté la société [...] et Monsieur [S] de leurs demandes de dommages et intérêts.

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour infirmerait la décision du tribunal de commerce de Paris :

- de juger que la société Davico Exploitation était seule tenue de communiquer un document d'information précontractuelle à la société [...] ;

- de juger que la société Davico Exploitation était seule tenue de fournir, à la société [...], l'assistance contractuellement prévue ;

- En conséquence,

- de débouter la société [...] et Monsieur [S] de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Confiserie Leonidas.

Alternativement,

- de juger qu'en tout état de cause le contrat conclu entre les sociétés Confiserie Leonidas et Davico Exploitation contient une clause de garantie aux termes de laquelle la société Davico Exploitation doit tenir la société Confiserie Leonidas indemne de toute condamnation ;

- En conséquence,

- d'ordonner à la société Davico Exploitation de garantir la société Confiserie Leonidas de toute condamnation qui viendrait à être prononcée contre la société Confiserie Leonidas au bénéfice de la société [...] et/ou de Monsieur [S] ;

A titre très subsidiaire,

- de juger que la société [...] et Monsieur [S] ne rapportent pas la preuve du préjudice qu'ils allèguent ;

- En conséquence,

- de débouter la société [...] et Monsieur [S] de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre de la société Confiserie Leonidas.

A titre reconventionnel,

- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a refusé de condamner la société [...] à rembourser à la société Confiserie Leonidas (ou à la société Davico Exploitation qui sera alors condamnée à rembourser la société Confiserie Leonidas) la somme de 9.130 euros, ou à défaut condamner la société [...] à verser 9.130 euros à Leonidas à titre de dommages-intérêts.

Statuant à nouveau

- de condamner la société [...] à rembourser à la société Confiserie Leonidas (ou à la société Davico Exploitation qui sera alors elle-même condamnée à rembourser la société Confiserie Leonidas) la somme de 9.130 euros.

En toute hypothèse,

- d'infirmer le jugement du 9 juin 2021 en ce qu'il a rejeté la demande de condamnation in solidum la société [...] et Monsieur [S] ou alternativement la société Davico Exploitation au paiement d'une indemnité de 25.000 euros à la société Confiserie Leonidas en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau

- de condamner in solidum la société [...] et Monsieur [S] ou alternativement la société Davico Exploitation au paiement d'une indemnité de 25.000 euros à la société Confiserie Leonidas en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la société [...] et Monsieur [S] ou alternativement la société Davico Exploitation au paiement d'une indemnité de 5.000 euros à la société Confiserie Leonidas au titre de la procédure d'appel en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner in solidum la société [...] et Monsieur [S] ou alternativement la société Davico Exploitation aux entiers dépens.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 17 avril 2023, la société Groupe Davico demande à la cour :

- de dire et juger l'appel interjeté par la société [...] et Monsieur [K] [S] mal fondé ;

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société [...] et Monsieur [K] [S] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Groupe Davico de sa demande de condamnation de la société [...] au paiement de la somme de 14.804,73 euros au titre de factures laissés impayées et de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau :

- de condamner la société [...] à payer à la société Groupe Davico la somme de 14 804,73 euros au titre de factures laissées impayées ;

- de condamner in solidum la société [...] et Monsieur [K] [S] à payer à la société Groupe Davico la somme de 30.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- de condamner in solidum la société [...] et Monsieur [K] [S] aux dépens ;

Subsidiairement et s'il venait à être fait droit en tout ou partie à l'appel interjeté par la société [...] et Monsieur [K] [S],

- de dire et juger que la société Groupe Davico ne devra nulle garantie à la société Confiserie Leonidas de toutes éventuelles condamnations qui viendraient à être prononcées au bénéfice de la société [...] et de Monsieur [K] [S] ;

- de dire et juger que, dans cette hypothèse, ce serait la société Confiserie Leonidas qui devra garantie à la société Groupe Davico de toutes éventuelles condamnations qui viendraient à être prononcées au bénéfice de la société [...] et de Monsieur [K] [S] ;

- de condamner la société Confiserie Leonidas à payer à la société Groupe Davico la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 20 avril 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande de nullité des contrats de point de vente Leonidas

La société [...] et M. [S] soutiennent que le consentement de [...], cocontractante, a été vicié par l'absence de remise d'un document d'information précontractuel complet. M. [S] estime que son expérience professionnelle antérieure est sans incidence sur l'obligation d'ordre public d'information précontractuelle qui pèse sur le franchiseur. M. [S] considère que plusieurs informations essentielles lui ont été dissimulées et que celles fournies étaient erronées. Il se plaint de l'absence d'études de marché au stade précontractuel et l'absence de communication d'états de marché.

La société Confiserie Leonidas insiste sur la bonne expérience professionnelle de M. [S] lui permettant d'analyser le marché, de rechercher les informations nécessaires et d'anticiper les difficultés liées à la concurrence et aux autres facteurs exogènes. Elle indique que l'absence de délivrance de l'ensemble des informations requises n'entraîne pas automatiquement la nullité du contrat, une appréciation in concreto de l'existence d'un vice du consentement étant nécessaire. Elle rappelle que M. [S] s'était bien présenté dans son dossier de candidature comme un professionnel averti du commerce de détail. En outre, la société Confiserie Leonidas relève que M. [S] a bénéficié d'un délai de réflexion de plusieurs mois avant de conclure le contrat. La société Leonidas

La société Groupe Davico, tout en réfutant la qualité de « master-franchisé » attribuée par les appelants, en l'absence d'une exclusivité territoriale à son profit, en déduit qu'elle ne pouvait dans la phase précontractuelle délivrer des informations dont seule la société Confiserie Leonidas disposait. Elle indique aussi que la société Confiserie Leonidas intervenait de façon régulière et active directement auprès des détaillants. Elle insiste, quant au franchisé, sur le délai dont le candidat a disposé pour se décider et de son aptitude à se renseigner, excluant ainsi tout vice ayant altéré son consentement.

Aux termes de l'article 1109 ancien du code civil :

« Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. »

En vertu de l'article 1110 ancien du même code :

« L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.

Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention. »

En vertu de l'article 1116 ancien du même code :

« Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé. »

La société [...] a conclu le 1er décembre 2015 un contrat de point de vente Leonidas avec Davico Exploitation pour le magasin de [Localité 10] et le 18 mars 2016 un contrat identique pour le magasin de [Localité 9].

Il ressort des pièces versées aux débats que M. [S] a indiqué bénéficier d'une expérience professionnelle certaine en matière de direction d'entreprises. En effet, son curriculum vitae laisse apparaître :

qu'il a créé en 1987 une société de vente par correspondance

qu'il est devenu en 191 directeur d'un fast-food sous enseigne Quick puis d'un restaurant [11]

qu'il est devenu en 1999 directeur d'un fast food sous la marque KFC pendant 2 ans

qu'il a créé le 17 juillet 2033 la société [...] en vue d'exploiter un magasin de téléphonie sous enseigne Bouygues Telecom au Carré Sénart, pendant 12 ans.

Dans son dossier de candidature, M. [S] devait préciser s'il était à l'aise ou s'il souhaitait un accompagnement de la part des partenaires de Leonidas dans certains domaines. Il a indiqué être à l'aise en « juridique des affaires et social » et « finance et comptabilité » et indiqué les « acquis et compétences » qu'il estimait posséder à la suite de ses « expériences professionnelles » à savoir vente aux particuliers, vente aux professionnels, gestion de magasins, animation d'équipes, formation, démarchage des commerciaux et mise en avant de produits.

Il a choisi lui-même son local à [Localité 10]. En effet, dans le dossier de candidature transmis à la société Confiserie Leonidas, M. [S] a répondu de la façon suivante :

« Votre Projet : Avez-vous déjà un local en vue dans le cadre d'une exploitation de la marque Leonidas : OUI

Si OUI : dans quelle ville se situe-t-il ' [Localité 10]

Adresse : [Adresse 4]

En Centre-Ville : OUI

Si OUI : Y a-t-il du passage piéton important : OUI

Comment classeriez-vous ce local en terme de qualité d'emplacement : 1 »

L'appelant a aussi ajouté pour proposer sa candidature : « Je recherche une activité professionnelle dans le domaine du chocolat. Leonidas a su recréer une dynamique commerciale visuelle de son concept. Leonidas a modernisé de manière spectaculaire son image et a su d'adapter au marché. »

Par cette motivation, le candidat laissait entendre qu'il s'était renseigné sur l'essor de la société Confiserie Leonidas et la viabilité de son projet, qui consistait en une reconversion quant au domaine d'activité spécifique convoité, de la téléphonie à la vente de chocolats.

A été remis à [...] par Davico un document intitulé :

« Leonidas

Présentation de la société

Dossier d'information précontractuelle

En application des articles L. 330-3 et R. 330-1 du code de commerce »

Ce document dans sa version de 2011 ' étant précisé qu'il a fait l'objet d'une actualisation profonde en 2017 ' comportait des informations générales sur la société Leonidas et ne comportait que des extraits du projet de contrat de point de vente. Il ne comprenait aucune information sur le revendeur Davico ni chiffrage des « budgets d'investissement et d'exploitation », seuls étant précisés les différents postes concernés.

Ce DIP ne satisfait donc que partiellement aux exigences de l'article R. 330-1 du code de commerce. L'absence de certaines informations n'est cependant susceptible d'entraîner l'annulation des contrats conclus que si des man'uvres sont imputables au cocontractant ou que celui-ci a été induit en erreur et qu'il est démontré qu'il n'aurait pas contracté en possession de ces éléments.

Aux termes de l'article L. 330-3 du code de commerce :

« Toute personne qui met à la disposition d'une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l'intérêt commun des deux parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s'engager en connaissance de cause.

Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.

Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.

Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent. »

Le délai requis est donc de « vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent », de sorte que M. [S] a bénéficié d'un délai raisonnable de plusieurs mois avant de s'engager, soit d'août 2015 à décembre 2015 pour le premier magasin et de décembre 2015 à mars 2016 pour le second magasin.

L'expérience affichée de M. [S] ne le dispensait pas de prendre tous renseignements estimés nécessaires auprès de son futur cocontractant. L'absence d'envoi par Davico et Leonidas d'une étude du marché local et général et de ses perspectives de développement ne constitue pas un manquement qui peut être reproché à ces deux sociétés.

Les études Stat&Geo remises par Leonidas en juillet et août 2016 à la société [...], donc postérieurement à l'ouverture des magasins, contiennent une estimation de chiffre d'affaires pour le point de vente de [Localité 10] à hauteur de 137.641 euros HT (à 158.287 euros HT) et pour [Localité 9] à 121.568 euros HT (à 139.803 euros HT). Or ces chiffres ne concernent pas l'exploitation en année 1 mais au bout de trois ans, lorsque les magasins sont bien implantés. La société Leonidas a demandé confirmation de ces chiffres à l'Institut d'études spécialisé en franchise Territoires & Marketing qui conclut, en novembre 2018 : « le chiffre d'affaires potentiel à vitesse de croisière que nous avons estimé comme atteignable par une unité Leonidas au [Adresse 3] à [Localité 10] est de 153.861 euros HT, soit 167.709 euros TTC représentant environ 4.665 kg de chocolats vendus. »

Si les appelants ont établi des comptes d'exploitation prévisionnels prévoyant de réaliser pour [Localité 10] en année 1 un chiffre d'affaires de 170.000 euros sur 12 mois et demi et la deuxième année 150.000 euros, et pour [Localité 9] 140.000 euros la première année et 150.000 euros la seconde, ceux-ci paraissent quelque peu surestimés pour la première année d'exploitation. En tout état de cause, ils ne démontrent pas que la connaissance des études réalisées postérieurement auraient dissuadé le franchisé de contracter, les chiffres d'affaires prévus étant certes en deçà des propres prévisions de [...] mais faisaient état d'un commerce viable. En outre, [...] ne démontre pas avoir transmis ces documents sur la rentabilité espérée des points de vente à Davico et Leonidas.

Les appelants soutiennent encore que les points de vente choisis n'étaient pas adaptés à l'exploitation rentable d'un point de vente Leonidas. L'étude réalisée par Territoires & Marketing a considéré que, pour le site de [Localité 10], le point de vente était « localisé au c'ur d'une zone à pouvoir d'achat satisfaisant ».

Si M. [S] tire argument de la présence de concurrents (Jeff de Bruges et De Neuville) à proximité des deux points de vente litigieux, pour en déduire que l'échec était prévisible et que cette information lui aurait été dissimulée, le fait que l'appelant ait lui-même choisi l'un des points de vente et visité les deux emplacements contredit son analyse. L'existence de magasins de vente de chocolats belges n'a donc pas pu lui être cachée.

S'agissant de l'état du réseau, dont [...] se plaint de n'avoir pas été complètement informé, et notamment de la fermeture de nombreux points de vente dans l'année précédant la conclusion des contrats, la société Leonidas apporte la preuve de l'ouverture de seize points de vente entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2015 et de douze fermetures, soit un ratio positif de quatre points de vente, et ce sur un réseau de plus de 320 magasins.

La société Confiserie Leonidas relève de manière fort judicieuse que [...] qui dénonce la concurrence et l'état du marché et du réseau, a sollicité au mois de juin 2016 l'ouverture d'un troisième point de vente alors qu'elle exploitait le premier depuis six mois et le second depuis trois mois, preuve en est qu'elle croyait au potentiel de ses magasins.

La société [...], forte de l'expérience commerciale de son dirigeant M. [S], échoue ainsi à démontrer d'une part l'existence de man'uvres dolosives de Davico et Leonidas ayant vicié son consentement et d'autre part d'une erreur de sa part, en sa qualité de professionnel averti, également susceptible d'avoir vicié son consentement.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société [...] et M. [K] [S] de leurs demandes d'annulation pour dol des contrats signés les 1er décembre 2015 et 18 mars 2016, et des demandes d'indemnités correspondantes.

Sur la demande de résiliation des contrats

La société [...] soutient que les emplacements choisis étaient voués à l'échec et que les dates d'ouverture des boutiques étaient risquées. Elle reproche également à Davico et Leonidas de ne pas avoir pris de mesures pour pallier l'absence de chiffre d'affaires. Elle soutient que les obligations du franchiseur ne s'achèvent pas à l'ouverture de l'établissement commercial du franchisé mais se prolongent par l'assistance technique et commerciale continue qu'il doit fournir au franchisé tout au long du contrat. Elle insiste sur le fait que l'obligation d'assistance permanente est une obligation essentielle du contrat de franchise. Elle considère avoir été abandonnée à son sort par Confiserie Leonidas et Davico Exploitation.

La société Confiserie Leonidas soutient que [...] est seule responsable de son échec, par l'embauche insuffisante d'employés et la faible amplitude des horaires d'ouverture des points de vente. Elle estime que [...] n'a pas mis en 'uvre les moyens nécessaires pour se développer et n'a donc pas pu réaliser le chiffre d'affaires espéré. Elle insiste aussi sur le manque d'implication de M. [S] en citant notamment l'effondrement de plus de 75 % du chiffre d'affaires du magasin de [Localité 9]. Elle excipe également d'un facteur exogène consistant en un contexte économique défavorable de la fin de l'année 2015 et du début de l'année 2016 dû aux attentats de novembre 2015, juste avant l'ouverture des points de vente, sachant que [Localité 9] est une ville touristique. Les erreurs de gestion de M. [S], gérant de [...], ont lourdement pesé sur son activité dans un climat économique difficile, selon Leonidas.

La société Groupe Davico soutient avoir pleinement rempli ses obligations contractuelles à l'égard de la société [...]. Elle rappelle que le franchiseur n'est pas responsable du franchisé et que le franchisé n'est pas un assisté, demeurant un commerçant responsable de l'intégralité de sa gestion. Elle souligne que M. [S] ne lui impute aucun manquement dans sa mission de distributeur, ni rupture d'approvisionnement ni dysfonctionnement. Elle fait valoir que M. [S] a été accompagné

S'agissant des emplacements, il a été développé supra que M. [S] a précisément choisi celui de [Localité 10] et souhaitait même ouvrir très rapidement un troisième point de vente, ce qui lui a été refusé. Il a en outre dès le 8 décembre 2015 visité et choisi le second point de vente dans la commune voisine de [Localité 9]. Il ne peut donc en faire grief aux sociétés Leonidas et Davico. Si la société [...] considère avoir été mal conseillée sur les dates d'ouverture des magasins, tel n'est pas le cas en réalité dans la mesure où Noël et Pâques sont par essence des périodes justement propices aux ventes de chocolats et donc susceptibles de faire connaître au public les nouveaux magasins ouverts dans ce domaine.

Les reproches faits par [...] sur les dates limites d'utilisation optimales (DLUO), qui seraient trop courtes, sont inopérants dans la mesure où il ne peut être fait grief au fournisseur de délivrer des produits de consommation de bonne qualité dont la date de péremption est nécessairement rapprochée.

Quant à l'assistance apportée, la société Groupe Davico verse aux débats un courriel de Mme [E] [D], ancienne directrice commerciale et marketing de la société Davico Exploitation, détaillant les formations suivies en ces termes :

« M. [S] de [Localité 10] a été formé par Espérance Alvès dans nos locaux :

En 2015 : 30/11 ' 1/12 ' 2/12 ' 7/12 ' 9/12 ' 11/12

Le 16/12/2015 : Accompagnement pour l'ouverture de la boutique de [Localité 10]

Le 5/1/2016 aide merchandising sur place à [Localité 10]. »

La société Davico explique aussi avoir adressé à la société [...] les supports de communication et les documents utiles à son exploitation en tant qu'exploitant de magasins Leonidas.

La société Confiserie Leonidas rappelle en outre, s'agissant de l'obligation d'assistance et étant précisé que le franchiseur n'a pas l'obligation de soutenir financièrement le franchisé, qu'elle a, via Davico, apporté une aide financière à hauteur de 7.500 euros HT par magasin en 2016 contre un engagement, non tenu in fine, d'exploiter pendant cinq ans.

Concernant l'absence alléguée de réponse aux demandes d'aide de M. [S], la cour relève que la lettre du 12 septembre 2016 du conseil de ce dernier destinée aux sociétés Davico et Leonidas est davantage un récapitulatif des moyens soulevés lors de l'instance engagée et tend à prévenir ses interlocuteurs de l'engagement prochain d'une action en responsabilité.

Les appelants ne démontrent donc pas que la société Groupe Davico aurait manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société [...] et que celle-ci aurait commis des fautes délictuelles à l'égard de M. [S]. Ils ne prouvent pas davantage les fautes délictuelles de la société Confiserie Leonidas à leur égard.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté [...] et M. [S] de l'ensemble de leurs demandes.

Sur la demande reconventionnelle de la société Groupe Davico

La société Groupe Davico soutient qu'avant la cessation de l'exploitation de ses magasins, la société [...] lui devait la somme totale de 14.804,73 euros au titre de factures de livraison impayées, soit 10.476,03 euros pour le magasin de [Localité 10] et de 4.328,70 euros pour le magasin de [Localité 9].

La société Groupe Davico verse aux débats pour chacun des points de vente de [Localité 10] et [Localité 9] un relevé de factures (Grand Livre Global Définitif) et les factures impayées correspondantes.

Cependant, comme le relève la société [...] qui conteste ces factures et note la réclamation tardive et sans mise en demeure préalable de la société Groupe Davico à cet égard, ces factures ne sont accompagnées d'aucun bon de commande ou à tout le moins un bon de livraison attestant de la bonne réception des chocolats.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Groupe Davico de sa demande de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société Confiserie Leonidas

La société Confiserie Leonidas réclame le remboursement de la somme de 9.130 euros, au titre du pro-rata de la durée de non-exploitation en point de vente Leonidas. Elle verse aux débats deux attestations du 8 mars 2016, pour chacun des points de vente de [Localité 10] et [Localité 9], signées par M. [S].

Il est prévu que « cette aide est destinée au paiement direct par la SAS Davico des factures de travaux d'aménagement ». Si l'aide financière était conditionnée au maintien de l'activité pendant cinq ans, à compter de la fin des travaux soit le 15 décembre 2015 pour [Localité 10] et le 7 mars 2016 pour [Localité 9]. Il est également précisé :

« A défaut, je m'engage à rembourser l'aide reçue pour ce point de vente, au prorata de la durée de non-exploitation en point de vente Leonidas.

En cas de cession de mon point de vente, je m'engage également à ce que chaque cessionnaire successif durant cette période de 5 années, reprenne le présent engagement à son propre compte. »

Or, ces aides, qui ont été versées par Davico à [...] mais octroyées par Confiserie Leonidas, comme le démontrent les factures fournies, n'ont pas fait l'objet d'un remboursement comme prévu dans les attestations signées et tamponnées par [...] malgré la fermeture des deux points de vente litigieux. La société [...] qui soutient que ces aides ne sont accordées que si le franchisé fait effectuer les travaux par les entrepreneurs agréés de Leonidas et que celle-ci percevrait une commission à ce titre ne le démontre pas.

Il convient par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Confiserie Leonidas de sa demande de ce chef. La société [...] sera condamnée à rembourser à la société Confiserie Leonidas la somme de 9.130 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société [...] et M. [S] succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. Il apparaît en outre équitable, à l'instar des premiers juges, de débouter les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Confiserie Leonidas de sa demande de remboursement de la somme de 9.130 euros ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la société [...] à rembourser à la société Confiserie Leonidas la somme de 9.130 euros ;

CONDAMNE in solidum la société [...] et M. [S] aux dépens ;

DEBOUTE la société [...] et M. [S], la société Groupe Davico et la société Confiserie Leonidas de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.