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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 8, 26 avril 2024, n° 23/16123

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Société d'Enseignement de la Mécanique du Vivant (SARL)

Défendeur :

Fogg II (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Lagemi

Conseillers :

Mme Le Cotty, M. Birolleau

Avocats :

Me Moisan, Me Ricci, Me Boccon Gibod, Me Mcgowan

TJ Créteil, du 22 août 2023, n° 23/00226

22 août 2023

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

La Société d'enseignement de la mécanique du vivant (ci-après la SEMEV) exploite une école d'ostéopathie et loue à cette fin à la SCI Fogg II plusieurs locaux au sein de trois bâtiments désignés B3, B4 et B5, dans un ensemble immobilier situé [Adresse 4], en exécution de baux commerciaux souscrits en 1998 et renouvelés pour la dernière fois le 15 juillet 2020.

Un litige est survenu entre les parties concernant le chauffage des locaux commerciaux.

Par acte du 17 janvier 2023, la SEMEV a assigné la SCI Fogg II devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil afin de voir ordonner une expertise de la chaudière et de se voir autorisée à consigner 50% des loyers entre les mains d'un séquestre.

Par ordonnance contradictoire du 22 août 2023, le juge des référés a :

dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'expertise ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles ;

dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SEMEV aux entiers dépens.

Par déclaration du 29 septembre 2023, la SEMEV a interjeté appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif sauf celui relatif au rejet des demandes reconventionnelles.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 14 février 2024, elle demande à la cour de :

infirmer ou réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu d'ordonner une mesure d'expertise, dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux entiers dépens ;

statuant à nouveau,

débouter la SCI Fogg II de toutes ses demandes en appel ;

désigner tel expert judiciaire qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

se rendre sur les lieux situés [Adresse 4], après y avoir convoqué les parties ;

examiner la chaudière du chauffage central des bâtiments B4 et B5 et décrire les désordres qu'il pourra constater, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition ; en rechercher la ou les causes ; préciser en particulier si la chaudière est ou non vétuste ; donner son avis sur la possibilité de réparer la chaudière ou la nécessité de la remplacer ; donner son avis sur les travaux réalisés en dernier lieu par la SCI Fogg II et préciser si la chaudière peut être rallumée sans danger ;

après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, le coût de ces travaux ; préciser si les travaux de réparation ou de remplacement sont de nature à affecter l'immeuble en sa structure ;

fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues ;

fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état et le préjudice de jouissance résultant des dysfonctionnements constatés de la chaudière ;

dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;

l'autoriser à consigner 50% des loyers entre les mains de tout séquestre qu'il plaira à la cour de désigner ;

condamner la SCI Fogg II à lui payer la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SCI Fogg II aux entiers dépens de première instance et d'appel.

sur la demande reconventionnelle,

dire ne pas y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la SCI Fogg II au titre d'une prétendue occupation des locaux du sous-sol du bâtiment B4 et de condamnation sous astreinte à retirer les gravats et à les remettre en état ;

inviter les parties à mieux se pourvoir à cet égard devant les juges du fond ;

débouter la SCI Fogg II de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 24 novembre 2023, la SCI Fogg II demande à la cour de :

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise de la SEMEV ;

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de consignation des loyers de la SEMEV ;

débouter la SEMEV de l'ensemble de ses demandes ;

infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté les demandes d'expulsion du sous-sol du bâtiment B4 de l'ensemble immobilier et d'indemnité d'occupation formulées à l'encontre de la SEMEV ;

statuant à nouveau sur l'indemnité d'occupation et l'expulsion de la SEMEV du sous-sol du bâtiment B4,

ordonner l'expulsion de la SEMEV du local situé au sous-sol du bâtiment B4 de l'ensemble immobilier situé [Adresse 4], avec le concours de la force publique si nécessaire, dans un délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

condamner à titre provisionnel la SEMEV à lui payer la somme de 116.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l'indemnité d'occupation depuis le mois d'avril 2021 du sous-sol du bâtiment B4 de l'ensemble immobilier ;

condamner la SEMEV à lui payer la somme mensuelle de 4.651 euros, sauf à parfaire, à titre d'indemnité d'occupation ;

en tout état de cause,

condamner la SEMEV à lui verser une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la SEMEV aux dépens de la procédure d'appel et dire qu'ils pourront être recouvrés par Maître Boccon-Gibod conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 février 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

SUR CE, LA COUR,

Sur la demande d'expertise

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

Aux termes de l'article 606 du code civil :

« Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières.

Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.

Toutes les autres réparations sont d'entretien ».

L'article 1755 du code civil dispose qu' « aucune des réparations réputées locatives n'est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure ».

Aux termes de l'article R.145-35 du code de commerce :

« Ne peuvent être imputés au locataire :

1° Les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

2° Les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent ; [...] »

La SEMEV expose que, depuis quelques années, la chaudière assurant le chauffage des bâtiments B4 et B5, dans lesquels se situent les locaux qu'elle occupe, dysfonctionne et tombe en panne en période de grand froid. Elle précise que les interventions de techniciens sur la chaudière n'ont pas permis, à ce jour, de la réparer et que le technicien mandaté par la société Engie a finalement conseillé, pour des raisons de sécurité, de couper l'arrivée de gaz et le disjoncteur de la chaudière.

Elle soutient qu'elle justifie d'un motif légitime à faire établir avant tout procès l'état dans lequel se trouve la chaudière car elle subit un trouble de jouissance lié à l'impossibilité de chauffer ses locaux dans des conditions normales.

Elle estime que le juge des référés a porté une appréciation sur le fond du litige et ainsi excédé ses pouvoirs en retenant que la réparation de la chaudière lui incombait. Elle ajoute qu'il s'est en outre trompé dans son appréciation en omettant de prendre en considération la vétusté manifeste de la chaudière, dont le preneur ne saurait être tenu du remplacement.

L'intimée objecte que la SEMEV ne justifie pas d'un motif légitime à voir ordonner une expertise, ainsi que l'a retenu le premier juge, dès lors que les demandes qu'elle pourrait former au fond seraient manifestement vouées à l'échec, l'entretien et toutes les réparations, hors grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, dont singulièrement celles relatives au chauffage, étant à la seule charge du preneur.

Elle ajoute que les stipulations contractuelles mettent à la charge du preneur les réparations afférentes à la vétusté des équipements qui ne relèvent pas de l'article 606 du code civil.

La cour rappelle que, pour ordonner une expertise en application de l'article 145 du code de procédure civile précité, le juge des référés doit - seulement - constater l'existence d'un procès « en germe », possible et non manifestement voué à l'échec, dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, l'expertise judiciaire ordonnée n'impliquant aucun préjugé sur la responsabilité des parties appelées à la procédure ni sur les chances de succès du procès susceptible d'être ultérieurement engagé.

Il n'appartient pas, en effet, au juge des référés saisi sur le fondement de ce texte de statuer sur le bien-fondé de l'action au fond susceptible d'être ultérieurement engagée.

Au cas présent, il résulte des pièces produites par la SEMEV (procès-verbaux de constat des 17 août, 27 octobre et 7 décembre 2022 et échanges entre les parties de février et mars 2022 en pièces n° 5 et 6) que la chaudière, qui est ancienne, ne fonctionne pas et a même dû être mise à l'arrêt pour des raisons de sécurité, sur recommandation d'un technicien de la société Engie (procès-verbal de constat du 27 octobre 2022).

Il est également établi que la réparation de la chaudière est devenue impossible, ou en tout cas très difficile, car la société De Dietrich, le fabriquant, ne fabrique plus les pièces détachées nécessaires à la réparation (pièce n° 16 de l'appelante).

La température des salles dans lesquelles les enseignements de la SEMEV ont lieu sont donc très basses en hiver, en dépit des radiateurs à bain d'huile qu'elle y a déployés, et ce, alors même que les travaux pratiques d'ostéopathie impliquent des manipulations au niveau du thorax à même la peau.

Ainsi, lors du procès-verbal de constat du commissaire de justice du 7 décembre 2022, celui-ci a constaté que, lors d'une séance de travaux pratiques, la température de la salle de cours était de 16° C et les étudiants étaient tous vêtus de polaires, certains portant des écharpes.

L'article 25 des baux liant les parties (« Entretien des locaux ») stipule que :

« Le preneur aura la charge des réparations locatives et d'entretien des locaux et devra les faire exécuter conformément aux règles de l'art dès qu'elles se révèleront nécessaires ou utiles.

En outre, le preneur aura la charge d'effectuer dans les locaux les travaux qui seraient prescrits en matière d'hygiène, de santé, de sécurité, d'accessibilité et de prévention contre l'incendie, par les lois et règlements actuels ou futurs en raison de l'activité professionnelle qu'il exerce.

Il s'oblige également à procéder aux contrôles, vérifications et travaux qui pourraient être prescrits par la réglementation présente ou à venir relative à la protection de l'environnement.

Il devra faire entretenir et au besoin remplacer les équipements et installations à son usage personnel, ainsi que les fenêtres, portes et volets, glaces vitres, parquets, carrelage, revêtements de sol, boiseries.

Le preneur devra aviser immédiatement le bailleur de toute dégradation touchant à la structure des locaux et aux parties communes.

A sa sortie, il devra rendre les locaux en bon état après avoir fait procéder à ses frais et sous sa responsabilité aux travaux ci-dessus définis.

Le bailleur est tenu d'assumer la charge des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que des autres travaux qui n'incombent pas au preneur en vertu des stipulations qui précèdent ».

L'article 14.2 des baux stipule également que :

« Le bailleur conservera à sa seule charge :

- les dépenses de grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux ;

- les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ».

Il ressort de ces stipulations contractuelles, reprenant les dispositions légales précitées, que le bailleur conserve à sa charge les grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté dès lors qu'ils relèvent de ces grosses réparations.

L'intimée en déduit que les travaux de réparation de la chaudière, même s'agissant de son éventuelle vétusté, ne sauraient être à sa charge.

Cependant, il n'appartient pas à la cour, à ce stade de la procédure, de trancher la difficulté au fond, alors :

- que le preneur ne peut être condamné à prendre en charge des frais de changement des équipements du chauffage collectif que par une stipulation expresse du contrat de bail commercial (3e Civ., 6 mars 2013, pourvoi n° 11-27.331, Bull. 2013, III, n° 34) ;

- que le bailleur est tenu, en application de l'article 1719 du code civil, d'une obligation de délivrance des lieux loués, laquelle comporte l'obligation d'assurer au preneur la jouissance effective des locaux loués conformément à la destination prévue au bail et, par conséquent, en l'espèce, l'obtention d'une température normale en hiver afin d'y exercer une activité de « formation théorique et pratique » en ostéopathie ;

- que les travaux de remplacement de la chaudière défectueuse et de mise en conformité s'élèvent, selon le devis de la société Engie du 14 septembre 2022 versé aux débats, à la somme de 100.036 euros TTC (pièce n° 16 de l'appelante) ;

- que la SCI Fogg II écrivait le 27 février 2020 que « si la chaudière doit être changée, en tout ou partie, nous le ferons » (pièce n° 25 de l'appelante) ;

- que la chaudière se situe dans des parties communes, dans un local qui a été fermé à clé par la bailleresse et auquel la locataire n'a donc plus accès (cf. lettre de la SCI Fogg II du 17 décembre 2022 en pièce n° 28 de l'intimée et procès-verbal de constat du 5 février 2024 en pièce n° 32 de l'appelante).

En l'état de ces éléments, toute action au fond que la SEMEV pourrait engager contre sa bailleresse n'est pas manifestement vouée à l'échec et l'expertise sollicitée est de nature à améliorer sa situation probatoire.

Sa demande repose donc sur un motif légitime et sera accueillie, l'ordonnance entreprise étant infirmée de ce chef.

L'appelante, qui sollicite l'expertise, sera tenue d'en avancer les frais.

Sur la demande de consignation des loyers

Selon l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

La SEMEV soutient que l'obligation de délivrance de la bailleresse n'est pas respectée car elle ne lui assure pas une jouissance paisible des locaux en s'abstenant de remplacer la chaudière assurant le chauffage des bâtiments B4 et B5 depuis trois ans, ce qui la prive de tout chauffage en hiver. Elle expose que son activité se trouve gravement perturbée par le froid constaté dans les locaux, raison pour laquelle elle sollicite l'autorisation de consigner 50% des loyers dans l'attente du résultat des opérations d'expertise.

Cependant, comme il a été précédemment constaté, le débat sur la charge du remplacement de la chaudière et le manquement éventuel de la bailleresse, qui ne relève pas de l'évidence, devra avoir lieu devant le juge du fond et la SEMEV ne justifie d'aucun dommage imminent ni d'aucun trouble manifestement illicite dès lors qu'elle continue à exploiter ses locaux, sans aucun arrêt de son activité.

Certes, elle est contrainte de recourir à des radiateurs d'appoint en hiver et ne parvient pas à maintenir une température suffisante dans les lieux, ainsi que précédemment constaté. Mais l'exploitation même des locaux n'est pas compromise et le trouble de jouissance subi pourra être réparé, le cas échéant, par l'allocation de dommages et intérêts devant le juge du fond.

La demande de consignation sera donc rejetée et l'ordonnance frappée d'appel confirmée de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la SCI Fogg II d'expulsion de la SEMEV du sous-sol du bâtiment B4 et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation

La SCI Fogg II, sans préciser le fondement juridique de sa demande, soutient que la SEMEV a investi le local du sous-sol du bâtiment B4 d'une surface de 680 m², qui était précédemment loué à la société Innovaphot jusqu'en mars 2019, et que cette occupation est sans titre.

Elle ajoute que l'occupation lui cause un préjudice car l'appelante y a entrepris des travaux de démolition et d'extension qui sont à l'arrêt en raison d'un accident, de sorte que des gravats et outils de chantier y ont été abandonnés, l'empêchant de reprendre la jouissance de son local.

Elle fait valoir que l'obligation de la SEMEV de libérer le local et évacuer les gravats n'est pas vraiment contestée par celle-ci, de sorte qu'elle devra en être expulsée et condamnée à lui payer des indemnités d'occupation provisionnelles ainsi qu'à la remise en état des lieux.

Mais il ressort des pièces produites par la SEMEV que les travaux mis en oeuvre au sous-sol du bâtiment B4 l'ont été d'un commun accord des parties, des devis de travaux ayant notamment été demandés et obtenus par le gérant de la SCI Fogg II, M. [V], en février et mars 2021.

Il est par ailleurs constant que les travaux engagés ont été interrompus très rapidement en raison d'un tragique accident ayant coûté la vie à un salarié de l'entreprise de travaux en avril 2021. A la suite de cet accident mortel, l'enquête diligentée et les scellés posés ont empêché toute reprise des travaux et le sous-sol est resté en l'état.

La SCI Fogg II ne produit aucune preuve d'une remise des clés du local à la SEMEV pas plus qu'elle ne justifie d'une occupation des lieux sans droit ni titre, les seules pièces produites attestant davantage d'un accident tragique ayant perturbé les projets des deux parties que d'une occupation illicite et d'une faute de la SEMEV.

Il n'y a donc pas lieu à référé sur les demandes reconventionnelles, qui ne relèvent pas de l'évidence requise en référé, et l'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les frais et dépens

La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

La SCI Fogg II n'est donc pas partie perdante.

En revanche, l'appel étant fondé, chacune des parties conservera la charge de ses dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148) et l'intimée, dont l'appel incident est rejeté, sera condamnée au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a rejeté la demande d'expertise formée par la Société d'enseignement de la mécanique du vivant ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Ordonne une expertise et désigne M. [W] [G], [Adresse 5] (Tél : [XXXXXXXX01] ; Fax : [XXXXXXXX02] ; Port. : [XXXXXXXX03] ; Email : [Courriel 7]) pour y procéder, avec pour mission de :

se rendre sur les lieux situés [Adresse 4], après y avoir convoqué les parties ;

examiner la chaudière litigieuse et décrire les désordres qu'il pourra constater, en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition ; en rechercher la ou les causes ; préciser en particulier si la chaudière est ou non vétuste ; donner son avis sur la possibilité de réparer la chaudière ou la nécessité de la remplacer ; donner son avis sur les travaux réalisés en dernier lieu par la SCI Fogg II et préciser si la chaudière peut être rallumée sans danger ;

après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux désordres, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, le coût de ces travaux ; préciser si les travaux de réparation ou de remplacement sont de nature à affecter l'immeuble en sa structure ;

fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues ;

fournir tous éléments de nature à permettre ultérieurement à la juridiction saisie d'évaluer les préjudices de toute nature, directs ou indirects, matériels ou immatériels résultant des désordres, notamment le préjudice de jouissance subi ou pouvant résulter des travaux de remise en état et le préjudice de jouissance résultant des dysfonctionnement constatés de la chaudière ;

dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des désordres et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ;

Dit que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux parties en leur impartissant un délai raisonnable pour la production de leurs dires écrits, auxquels il devra répondre dans son rapport définitif ;

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civle et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Créteil avant le 26 octobre 2024, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

Dit que la Société d'enseignement de la mécanique du vivant devra consigner au greffe du tribunal judiciaire de Créteil la somme de 3.000 euros à titre de provision à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard le 26 mai 2024 ;

Dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou de demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

Désigne pour suivre les opérations d'expertise le juge du contrôle des expertises du tribunal judiciaire de Créteil ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés en appel ;

Condamne la SCI Fogg II à payer à la Société d'enseignement de la mécanique du vivant la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande.