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Décisions

TA Toulouse, 30 avril 2024, n° 2402046

TOULOUSE

PARTIES

Demandeur :

G. B. V. truck (Sté)

Défendeur :

Alliance auto-industrie (Sté)

TA Toulouse n° 2402046

29 avril 2024

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 5 avril 2024, le 19 avril 2024 et le 22 avril 2024, la société G. B. V. truck, représentée par Me Fauglas, demande au juge des référés sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative et dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'enjoindre à Toulouse métropole de de lui communiquer les courriers de demandes de précisions adressés à la société Alliance auto-industrie ainsi que les réponses non caviardées apportées par cette dernière à ces demandes, notamment en ce qui concerne les références exactes de Ressorts AV et AR présentées par l'entreprise et le prix correspondant ;

2°) de suspendre la procédure d'attribution et la signature de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027" ;

3°) d'annuler la décision de Toulouse métropole portant rejet de son offre ainsi que la décision d'attribution du marché à la société Alliance auto-industrie ;

4°) d'annuler la procédure de passation destinée à l'attribution de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027" ;

5°) d'enjoindre à Toulouse métropole de reprendre la procédure de passation de cet accord-cadre au stade de l'examen des offres ;

6°) de mettre à la charge de Toulouse métropole la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- le courrier du 18 mars 2024 portant rejet de son offre et attribution du marché à la société Alliance auto-industrie, en ce qu'il ne répond pas aux exigences des dispositions de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique, l'empêche de comprendre et de contester utilement son éviction et méconnaît le principe de transparence ainsi que l'obligation d'information ;

- il n'est pas établi que Toulouse métropole aurait effectivement sollicité et obtenu de la société attributaire l'ensemble des pièces et attestations listées au règlement de la consultation ;

- il y a lieu de s'assurer que la demande de régularisation adressée par Toulouse métropole à la société Alliance auto-industrie n'a pas entraîné une modification substantielle de l'offre de cette dernière au regard notamment de la détermination de ses prix ;

- la régularisation acceptée par Toulouse métropole ne respecte pas les conditions fixées par l'article R. 2152-2 du code de la commande publique en ce que l'offre de la société Alliance auto-industrie n'était pas régularisable ;

- l'offre technique de la société Alliance auto-industrie est irrégulière en ce qu'elle ne respecte pas les exigences du cahier des clauses particulières relatives à la qualité et la conformité des pièces proposées ainsi qu'à la diversité des marques.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2024 et le 22 avril 2024, Toulouse métropole, représentée par Me Sire, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de la société G. B. V. truck la somme de 4 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le courrier du 18 mars 2024 contient les informations exigées par les dispositions de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique et la société requérante a été destinataire, en réponse à sa demande, du rapport d'analyse des offres, du procès-verbal de la CAO et des motifs détaillés du rejet de son offre ainsi que des caractéristiques et avantages de l'offre retenue ;

- la demande de régularisation adressée à la société Alliance auto-industrie concernait un manquement purement matériel et la correction qui en est résulté est mineure et n'a pas modifié les caractéristiques substantielles de l'offre ;

- la société attributaire a fourni l'ensemble des pièces exigées dans le cadre de la consultation litigieuse.

La requête a été communiquée à la société Alliance auto-industrie qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile ;

- le règlement (UE) n° 461/2010 de la Commission du 27 mai 2010 concernant l'application de l' article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile ;

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative. 

La présidente du tribunal a délégué M. A, en application des articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, pour statuer sur les référés précontractuels.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 avril 2024, en présence de Mme Guérin, greffière d'audience :

- le rapport de M. A,

- les observations de Me Fauglas, représentant la société G. B. V. truck, qui a repris et développé ses écritures,

- et les observations de Me Sire, représentant Toulouse métropole, qui a repris ses écritures, en précisant qu'il y a lieu de ne pas confondre un prix anormalement bas avec une offre anormalement basse, que la modification intervenue n'est pas substantielle puisqu'elle concerne un écart de 3 000 euros à rapporter au montant de 200 000 euros, soit 1,2 %, que le volume concerné est extrêmement faible dans la mesure où il s'agit d'achat marginaux, enfin que ces corrections ne peuvent être regardées comme une modification substantielle de l'offre eu égard au montant total du marché, à hauteur de 1,2 million d'euros.

La clôture de l'instruction a été différée au 26 avril 2024.

Par un mémoire distinct enregistré le 26 avril 2024, Toulouse métropole a produit six certificats émanant de fabricants que lui a adressés la société Alliance auto-industrie ainsi que le bordereau des prix unitaires (BPU) et le détail estimatif (DE) remis par cette dernière dans leurs dernières versions, en intégralité et non occultés, et a demandé que ces pièces soient soustraites au contradictoire en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2024, la société G. B. V. conclut aux mêmes fins que sa requête.

Elle soutient en outre que, dans l'hypothèse, non vérifiable en l'état, où les batteries proposées par la société Alliance auto industrie dans son offre ne seraient pas de gamme premium, il y aura alors lieu de regarder cette offre soit comme une offre irrégulière et non régularisable en ce qu'elle ne répond pas aux exigences techniques de l'acheteur, soit comme une offre financière irrégulière en ce qu'elle ne propose pas un chiffrage comparable aux concurrents faute de proposer des qualités de pièces équivalentes.

Par un mémoire enregistré le 26 avril 2024, Toulouse métropole persiste dans ses écritures.

Elle fait valoir que la demande tendant à ce que le juge du référé précontractuel analyse, via le BPU, le type de batteries proposées par la société Alliance auto-industrie conduirait celui-ci à apprécier les mérites de son offre, ce qui n'entre pas dans son office.

Considérant ce qui suit :

1. Par un avis d'appel public à la concurrence publié le 18 septembre 2023, Toulouse métropole et la commune de Toulouse ont lancé une procédure d'appel d'offres ouvert portant sur "la fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids lourds, matériels et engins années 2023 à 2027". La société G. B. V. truck a candidaté dans le cadre de cette consultation. Par un courrier daté du 18 mars 2024, Toulouse métropole l'a informée du rejet de son offre et de l'attribution de ce marché à la société Alliance auto-industrie. La société G. B. V. truck demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivant du code de justice administrative, principalement d'annuler la procédure de passation de ce marché et d'enjoindre à Toulouse métropole de de reprendre ladite procédure au stade de l'examen des offres.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. "Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I. - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. L'article L. 551-10 prévoit que : "Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, ainsi que le représentant de l'Etat dans le cas où le contrat doit être conclu par une collectivité territoriale, un groupement de collectivités territoriales ou un établissement public local. ()".

3. Il appartient au juge des référés, saisi en vertu des dispositions de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de manière suffisamment vraisemblable de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 2181-3 du code de la commande publique :

4. L'article L. 2181-1 du code de la commande publique pose comme principe que : "Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. "L'article R. 2181-1 dudit code dispose que : "L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. Aux termes de l'article R. 2181-3 du même code : "La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. / Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : / 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; / 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1". Enfin les dispositions de l'article R. 2181-4 de ce code prévoient que : "A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : () / 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue."

5. L'information sur les motifs du rejet de son offre dont est destinataire l'entreprise en application des dispositions précitées a, notamment, pour objet de permettre à la société non retenue de contester utilement le rejet qui lui est opposé devant le juge du référé précontractuel saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative. Par suite, l'absence de respect de ces dispositions constitue un manquement aux obligations de transparence et de mise en concurrence. Cependant, un tel manquement n'est plus constitué si l'ensemble des informations, mentionnées aux articles du code de la commande publique précités, a été communiqué au candidat évincé à la date à laquelle le juge des référés statue sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de justice administrative, et si le délai qui s'est écoulé entre cette communication et la date à laquelle le juge des référés statue a été suffisant pour permettre à ce candidat de contester utilement son éviction.

6. En l'espèce, il ressort des énonciations du courrier du 18 mars 2024 par laquelle la Toulouse métropole a informé la société G. B. V. truck du rejet de son offre dans le cadre de la consultation en litige qu'elle fait mention, d'une part, du nom de la société attributaire, des notes que celle-ci a obtenues sur chacun des critères et sa note, d'autre part, des notes qu'elle a elle-même obtenues sur chacun des critères et sa note totale, et qu'elle fait également état de son classement au terme de l'analyse des offres, soit en deuxième rang. Par ailleurs, il est constant que le pouvoir adjudicateur lui a notamment communiqué, par lettre du 9 avril 2024, des extraits de l'analyse des offres dans lesquels figurent l'ensemble des notes et des appréciations portées sur les deux offres en question pour chacun des critères et sous-critères publiés. Ce faisant, Toulouse métropole a fourni à la société G. B. V. truck les informations visées par les articles R. 2181-3 et R. 2181-4 et les explications qui lui ont été apportées étaient suffisamment claires pour être comprises et pour lui permettre de contester utilement le rejet qui lui a été opposé. Par suite, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe de transparence et de l'obligation d'information.

En ce qui concerne la vérification des attestations fiscales et sociales de l'attributaire :

7. Aux termes de l'article R. 2144-7 du code de la commande publique : "Si un candidat ou un soumissionnaire se trouve dans un cas d'exclusion, ne satisfait pas aux conditions de participation fixées par l'acheteur, produit, à l'appui de sa candidature, de faux renseignements ou documents, ou ne peut produire dans le délai imparti les documents justificatifs, les moyens de preuve, les compléments ou explications requis par l'acheteur, sa candidature est déclarée irrecevable et le candidat est éliminé.()".

8. Il ressort des pièces versées dans l'instance, et n'est pas contesté, que Toulouse métropole a effectivement sollicité et obtenu de la société attributaire l'ensemble des pièces et attestations listées au règlement de la consultation, au nombre desquelles les attestations fiscales et sociales.

En ce qui concerne la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique : 

9. Aux termes de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : "L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées". Aux termes de l'article L. 2152-2 du même code : "Une offre irrégulière est une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale". Aux termes de l'article R. 2152-2 de ce code : "Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles".

10. Il résulte de ces dispositions que l'acheteur doit éliminer les offres qui ne respectent pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, sauf, le cas échéant, s'il a autorisé leur régularisation. Par ailleurs, ces dispositions interdisent au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre incomplète, comme telle irrégulière. Si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu d'inviter un candidat à préciser ou à compléter une offre irrégulière, il peut toutefois demander à un candidat des précisions sur son offre si celle-ci lui paraît ambiguë ou incertaine, ou l'inviter à rectifier ou à compléter cette offre sans que le candidat puisse alors en modifier la teneur. Enfin, le règlement de la consultation d'un marché est obligatoire dans toutes ses mentions. L'administration ne peut en conséquence attribuer le marché à un candidat qui ne respecterait pas une des prescriptions imposées par le règlement.

11. En premier lieu, il ressort des pièces versées dans l'instance qu'après avoir constaté que dans l'offre remise par la société Alliance auto-industrie, une ligne du bordereau des prix unitaires (BPU) et du détail estimatif (DE) concernant la fourniture "ressort AV" n'avaient pas été renseignées, le pouvoir adjudicateur a demandé à l'entreprise de préciser le montant à prendre en compte. Le seul prix manquant parmi les 74 postes prévus par le BPU doit en l'espèce être regardé comme une erreur matérielle et il n'apparaît pas que la régularisation de cette omission aurait substantiellement modifié l'offre de la société Alliance auto-industrie.

12. En deuxième lieu, en revanche, il apparaît qu'en réponse à la deuxième demande de précision (23MC0279AOO) adressée par Toulouse métropole à la société Alliance auto industrie portant sur les prix figurant dans le détail estimatif (DE) concernant deux références, à savoir le " prix Al : ressort AR" et le "prix A2 : ressort AV" au regard desquelles étaient respectivement mentionnés des prix unitaires publics de 82,76 euros HT et de 85,30 euros HT, prix que le pouvoir adjudicateur a estimé anormalement bas, la société Alliance auto industrie a transmis le 27 novembre 2023 un document corrigé mentionnant, pour ces deux références, des prix unitaires publics d'un montant respectif de 595,40 euros HT et de 605,16 euros HT. La société G. B. V. truck soutient, sans être sérieusement contestée sur ce point par Toulouse métropole, que par la correction qu'elle a apportée, la société Alliance auto-industrie a en réalité substitué des références de produits concernant les poids-lourds, correspondant aux attentes du pouvoir adjudicateur que ce dernier a cru bon devoir rappeler dans la demande de précision précitée, aux références produits concernant les véhicules automobiles légers. Il apparaît donc que cette correction a eu pour effet de modifier les caractéristiques substantielles de l'offre de la société Alliance auto-industrie, quelle que soit la volumétrie des achats prévus pour ces deux références de produits.

13. En dernier lieu, l'article 1er du règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission du 31 juillet 2002 prévoit que : "1. Aux fins du présent règlement, on entend par : () / t) "pièces de rechange d'origine" : des pièces de rechange qui sont de la même qualité que les composants utilisés lors du montage d'un véhicule automobile et qui sont produites selon les spécifications et les normes de production fournies par le constructeur automobile pour la fabrication de composants ou de pièces de rechange destinés au véhicule automobile en question. Sont incluses les pièces de rechange fabriquées sur la même chaîne de production que ces composants. Il est présumé que, sauf preuve du contraire, des pièces sont des pièces de rechange d'origine si le fabricant des pièces certifie que celles-ci sont de même qualité que les composants utilisés pour le montage du véhicule en question et ont été fabriquées selon les spécifications et les normes de production du constructeur automobile ; / u) "pièces de rechange de qualité équivalente" : exclusivement des pièces de rechange fabriquées par toute entreprise capable de certifier à tout moment que la qualité en est équivalente à celle des composants qui sont ou ont été utilisés pour le montage des véhicules automobiles en question ; () ". Aux termes de l'article 12, paragraphe 3, de ce même texte : " Le présent règlement expire le 31 mai 2010. ". L'article 1er du règlement (UE) n° 461/2010 de la Commission du 27 mai 2010 qui s'est substitué au règlement (CE) n° 1400/2002 prévoit pour sa part que : "1. Aux fins du présent règlement, on entend par : () / h) "pièces de rechange", des biens qui sont destinés à être montés dans ou sur un véhicule automobile pour remplacer des composants de ce véhicule, y compris des biens tels que les lubrifiants qui sont nécessaires à l'utilisation d'un véhicule automobile, à l'exception du carburant ; () ".

14. Par ailleurs, aux termes de l'article 19 du cahier des clauses particulières de la consultation en cause, libellé "clauses techniques particulières" : "() La collectivité souhaite acquérir par ce marché des pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine, telles qu'elles sont définies par le règlement 1400/2002 ; les pièces de rechange de qualité équivalente sont "exclusivement des pièces de rechange fabriquées par toute entreprise capable de certifier à tout moment que la qualité en est équivalente à celle des composants qui sont ou ont été utilisés pour le montage des véhicules automobiles" dont il est question. Les pièces fournies doivent donc être fabriquées par des équipementiers reconnus travaillant avec les constructeurs automobiles : Bosch, Valeo, Magneti-Marelli, Lucas, Hella, Varta, Vignal, Britax, Motorola, Télémécanique, Celduc, SKF, Knorr-Bremse, Mahle, Mann, Schneider, etc, et répondre à la norme IAFT 16949 de l'industrie automobile".

15. Pour soutenir que l'offre technique de la société Alliance auto industrie est irrégulière, la société requérante se fonde sur les énonciations du procès-verbal de la commission d'appel d'offres relevant que, en réponse à la demande du pouvoir adjudicateur de produire pour certaines pièces les certificats de qualité, la société Alliance auto industrie a apporté des précisions et certificats "ne permettant pas d'attester que la marque des pièces proposées en équivalence répond au règlement 1400/2002 comme stipulé dans l'article 19 du CCP". Cette indication est à rapprocher de l'extrait du rapport d'analyse des offres, qui, sous le sous-critère "qualité technique des produits évaluée à partir des catalogues et des éventuelles fiches techniques", énonce que " La société propose dans le BPU trois marques que les ateliers ne connaissent pas () pour les kits distribution, plaquettes et disques de frein. La réponse du 26/12/23 à la demande de précisions concernant les trois marques ci-dessus est incomplète (absence du règlement 1400/2002 comme stipulé dans l'article 19 du CCP). Elle ne nous permet pas de juger la qualité et la conformité des pièces proposées". Il apparaît toutefois que, sous le sous-critère "appréciation du nombre de marques distribuées et de la diversité des pièces", le rapport observe que l'entreprise a une activité de commerce de gros, en pièces automobile, poids-lourds, industrie, carrosserie peinture, matériels et équipement d'atelier pour les professionnels et les collectivités, que plus de 400 000 références sont présentes dans le stock et que le candidat précise que l'ensemble des pièces et produits proposés suivent un cahier des charges correspondant à une qualité d'origine.

16. Alors même que le règlement (CE) n° 1400/2002, qui donnait une définition des "pièces de rechange de qualité équivalente" et rendait opposables aux seuls fabricants de ces pièces les obligations qui en découlaient, en particulier s'agissant de la certification de cette "qualité équivalente", a expiré au 31 mai 2010, la reprise en substance de cette définition à l'article 19 du cahier des clauses particulières de la consultation en litige, telle que rappelée au point 14 ci-dessus, lui confère nécessairement un caractère obligatoire. En tout état de cause, cet article 19 obligeait les candidats à produire des attestations de qualité établissant que les pièces de rechange fournies sont conformes à la norme IAFT 16949 de l'industrie automobile. Il ressort cependant de la consultation des documents produits par Toulouse métropole en annexe de son mémoire enregistré le 26 avril 2024, soustraits au contradictoire en application des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code de justice administrative, que plusieurs d'entre eux ne mentionnent pas la conformité des produits proposés à la norme IAFT 16949 de l'industrie automobile.

17. Il résulte de ce qui précède que l'offre de la société Alliance auto-industrie était irrégulière et qu'en ne l'éliminant pas pour ce motif, Toulouse métropole a méconnu les dispositions précitées de l'article R. 2152-2 du code de la commande publique.

18. Eu égard au fait que l'offre la société G. B. V. truck était classé en seconde position avec un écart de seulement 3,11 points sur la note globale, et alors que le classement en première position de l'offre de l'offre de la société Alliance auto industrie résulte de la forte pondération du critère prix, sur lequel cette dernière a obtenu la note maximale sans qu'il soit établi, ainsi qu'il a été dit au point 16 ci-dessus, que les produits proposés soient conformes aux exigences de l'acheteur, cette méconnaissance a nécessairement lésé la société requérante. Il y a lieu en conséquence, d'une part, d'annuler la décision de Toulouse métropole portant rejet de son offre ainsi que la décision d'attribution du marché en cause à la société Alliance auto industrie, d'autre part, d'annuler la procédure de passation engagée par Toulouse métropole destinée à l'attribution de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à Toulouse métropole de reprendre la procédure de passation de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027".

Sur les frais liés au litige :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation."

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge la société G. B. V. truck, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la Toulouse métropole demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Toulouse métropole une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société G. B. V. truck et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : La décision de Toulouse métropole portant rejet de l'offre de la société G. B. V. truck ainsi que la décision d'attribution du marché à la société Alliance auto-industrie sont annulées.

Article 2 : La procédure de passation engagée par Toulouse métropole destinée à l'attribution de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027" est annulée.

Article 3 : Il est enjoint à Toulouse métropole de reprendre la procédure de passation de l'accord-cadre de fournitures courantes et de services "Fourniture de pièces de rechange de qualité équivalente à l'origine pour véhicules légers, utilitaires, poids-lourds, matériels et engins années 2023 à 2027".

Article 4 : Toulouse métropole versera à la société G. B. V. truck une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société G. B. V. truck est rejeté.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société G. B. V. truck, à Toulouse métropole et à la société Alliance auto-industrie.