CA Versailles, ch. civ. 1-3, 25 janvier 2024, n° 21/06410
VERSAILLES
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
KEIZERSBERG DIERVOEDERS (Sté)
Défendeur :
SCEA DES AUBEPINES, PJA (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme PERRET
Conseillers :
Mme COUGARD, M. MAUMONT
Avocats :
SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Me DREUX-KIE, ASSOCIATION AVOCALYS, Me GAUVRY
FAITS ET PROCEDURE :
La société des Aubépines est spécialisée dans l'élevage de visons en vue de la production de fourrures.
S'agissant de l'alimentation, elle se fournit auprès de la société Keizersberg Diervoeders [Localité 6] BV (ci-après la société Keizersberg), une société de droit néerlandais située à [Localité 6] (Pays-Bas) depuis 2012.
La société des Aubépines invoque des problèmes de comportement alimentaire qui seraient survenus en 2014, une mortalité anormalement élevée des visons, le foie de ces animaux ayant été endommagé et en conséquence, une diminution importante du nombre de peaux vendables.
Par ordonnance de référé en date du 30 janvier 2015, le président du tribunal de grande instance de Chartres a ordonné une mesure d'expertise, la société des Aubépines ayant été condamnée au paiement d'une provision de 3 926 euros au titre des factures impayées.
Le rapport d'expertise dressé par l'expert judiciaire est daté du 26 avril 2016.
Il n'est pas contesté que la société des Aubépines a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Chartres en date du 23 juillet 2020 et que Me [M] et la société PJA représentée par Me [S], ont respectivement été désignés comme administrateur judiciaire et comme mandataire judiciaire.
Par acte du 11 avril 2019, la société des Aubépines a assigné la société Keizersberg en vue d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.
Par jugement contradictoire du 22 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Chartres a:
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Me [M] agissant en qualité d'administrateur judiciaire de la société des Aubépines
- déclaré recevable l'intervention volontaire de Me [S], représentant la société PJA, en qualité de mandataire judiciaire de la société des Aubépines,
- débouté la société Keizersberg de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,
- prononcé la résolution de la vente des aliments pour visons commandés par la société des Aubépines à la société Keizersberg le 8 avril 2014, facturés le 22 avril 2014 et livrés le 30 avril 2014,
- condamné la société Keizersberg à payer à la société des Aubépines, les sommes suivantes à raison des conséquences de la résolution de la vente sus prononcée:
* au titre du coût de la commande d'avril 2014 et des frais de transport.............4 956,81 euros,
* au titre de la perte d'exploitation pour l'année 2014 en terme de perte de chance...............................................................................................................106 190,40 euros,
* au titre des frais vétérinaires et d'analyse.............................................................508,54 euros,
- condamné la société Keizersberg à payer à la société des Aubépines la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Keizersberg aux entiers dépens de la procédure en ce compris les dépens de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement déféré,
- rejeté pour le surplus des prétentions.
Par ordonnance du 6 janvier 2022 le premier président de la cour d'appel de Versailles a autorisé la consignation du montant des condamnations prononcées contre la société Keizersberg par le tribunal judicaire de Chartres.
Par acte du 20 octobre 2021, la société Keizersberg a interjeté appel et par dernières écritures du 1er septembre 2023, elle prie la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée et d'infirmer en conséquence le jugement déféré en ce qu'il:
* l'a déboutée de sa demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,
* prononcé la résolution de la vente des aliments pour visons que lui a commandés la société des Aubépines le 8 avril 2014, facturés le 22 avril 2014 et livrés le 30 avril 2014,
* l'a condamnée à payer à la société des Aubépines, les sommes suivantes à raison des conséquences de la résolution de la vente sus prononcée:
' au titre du coût de la commande d'avril 2014 et des frais de transport.................................................................................................. 4 956,81 euros,
' au titre de la perte d'exploitation pour l'année 2014 en terme de perte de chance................................................................................................... 106 190,40 euros,
' au titre des frais vétérinaires et d'analyse.................................................. 508,54 euros,
* l'a condamnée à payer à la société Des Aubépines la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamnée aux entiers dépens de la procédure en ce compris les dépens de référé et d'expertise judiciaire et ce avec recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
* ordonné l'exécution provisoire du jugement déféré,
* rejeté pour le surplus des prétentions et plus généralement de toutes dispositions non visées au disposition et faisant grief à l'appelant selon les moyens qui seront développés dans les conclusions,
Et statuant à nouveau,
- prononcer la nullité du rapport d'expertise du docteur vétérinaire [V] en date du 26 avril 2016,
- débouter purement et simplement la société des Aubépines de sa demande aux fins de résolution de la vente pour délivrance non-conforme,
- déclarer l'appel incident de la société des Aubépines mal fondé et l'en débouter,
Subsidiairement, et pour le cas où la cour prononcerait la résolution de la vente:
- rejeter toutes les demandes indemnitaires compte tenu de l'absence de preuve d'un lien de causalité entre l'aliment Keizersberg et le sinistre déclaré,
- rejeter toutes demandes indemnitaires compte tenu que la société des Aubépines ne démontre pas l'existence d'un préjudice réparable,
En tout état de cause,
- débouter la société des Aubépines de toutes ses demandes,
- condamner la société Des Aubépines à payer une somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société des Aubépines aux entiers dépens et ce inclus les frais d'expertise et de référé avec recouvrement direct et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 11 octobre 2023, Me [M], Me [S] de la société PJA et la société des Aubépines prient la cour de :
- déclarer l'appel de la société Keizersberg mal fondé et l'en débouter,
- déclarer l'appel incident de la société des Aubépines recevable et bien fondé, et y faire droit,
En conséquence,
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes additionnelles de la société des Aubépines et statuant à nouveau de ce chef,
- condamner la société Keizersberg à payer à la société des Aubépines la somme de 10 791 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation des surcoûts générés,
- confirmer le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
- condamner la société Keizersberg à payer à la société des Aubépines la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Keizersberg aux entiers dépens d'instance et d'appel, en ce compris le coût de la procédure de référé, ceux de la procédure d'expertise judiciaire et des différents frais de traduction,
- dire que conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, il y a lieu à recouvrement direct des frais.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L'ordonnance de clôture rendue le 12 octobre 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité du rapport d'expertise
Le tribunal judiciaire de Chartres a, pour rejeter la demande de nullité du rapport d'expertise formulée par l'appelante, relevé l'absence de manquement de l'expert à ses obligations et notamment au principe du contradictoire.
Poursuivant l'infirmation du jugement déféré, l'appelante soutient que l'expert n'a établi aucune liste et n'a annexé au rapport communiqué aux parties aucune pièce. Elle argue qu'au stade de son pré-rapport, l'expert n'a fait référence à aucune « pièces expert » ou « pièces techniques », l'empêchant par conséquent de demander à l'expert ses pièces et de vérifier ce qu'elle estime n'être que de simples affirmations de sa part. Elle ajoute que dans son rapport, l'expert fait mention d'une thèse soutenue par M. [Z] [K] intitulée « l'alimentation du vison », non mentionnée dans le pré-rapport et sur laquelle ce dernier aurait fondé une partie de son avis. Elle objecte que cette thèse, introuvable, n'a pas été communiquée aux parties ni listée dans les pièces de son rapport. L'appelante considère que M. [Z] [K], « sachant », peut être assimilé à un sapiteur au sens des articles 278 et 282 du code de procédure civile. Elle fait valoir sur le fondement de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'expert judiciaire est tenu de soumettre la teneur des documents de son confrère aux parties afin de leur permettre d'être à même d'en débattre contradictoirement avant le dépôt de son rapport définitif.
En réponse, les intimés soutiennent que le rapport d'expertise est régulier et font valoir que l'appelante, présente lors de la première réunion d'expertise, était représentée par son conseil accompagné d'un vétérinaire. Ils ajoutent que l'expert a, dans son rapport, pris le temps de répondre à chaque argument ou doute de l'appelante et soulignent que ce dernier a cité toute ses sources afin que les parties puissent en prendre connaissance. Ils considèrent en outre que les analyses effectuées de manière non contradictoire et non soumises à un laboratoire indépendant ont été discutées grâce au dire de son conseil.
Sur ce,
Selon les dispositions de l'article 237 du code de procédure civile « le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ». Les articles 242 et 243 de ce même code permettent au technicien de procéder à diverses investigations. L'article 276 du code de procédure civile dispose que « l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent ». L'expert est tenu de procéder dans le respect du principe du contradictoire (Cass. 1re civ., 1er févr. 2012, n° 10-18.853). L'article 246 du code de procédure civile rappelle que « le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ».
L'expert a, en l'espèce, décrit avec précision dans son rapport définitif, l'ensemble de ses investigations, lesquelles ont été soumises à la contradiction, chacune des parties ayant pu faire valoir ses observations par voie de dires ce qu'a fait à plusieurs reprises la société Keizersberg.
Si la thèse de [Z] [K] sur laquelle l'expert s'est basé pour constater que la quantité d'énergie de l'aliment était trop élevée n'a pas été communiquée aux parties, la cour relève que les analyses confiées par M. [T] (représentant de la société des Aubépines) au laboratoire Labéo Orne numérotées « PTDD n°4 » (page 16 du rapport) et révélant un taux de matière grasse de 30% ont été versées aux débats. Par ailleurs, pour conclure en l'inadaptabilité de l'aliment aux femelles visons en gestation, l'expert a présenté d'autres arguments tendant à caractériser ce défaut en constatant notamment l'apport d'énergie généré par cette nourriture trop faible en protéines. Ces affirmations figurant sur le pré-rapport, il incombait aux parties d'en demander les sources et de les discuter.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré sur ce point, en l'absence de manquement de l'expert à ses obligations ; la demande de nullité de son rapport n'est pas fondée. Son rejet sera confirmé.
Sur la responsabilité de la société Keizersberg et la résolution du contrat pour défaut de conformité
Le tribunal a, pour prononcer la résolution de la vente des aliments commandés le 8 avril 2014 et livré le 14 avril 2014, jugé que la société défenderesse avait manqué à son obligation de délivrance conforme en relevant que les aliments livrés n'étaient pas adaptés à la nourriture de femelles visons gestantes.
L'appelante fait valoir que la non-conformité en matière de chose de genre, s'entend comme la livraison d'une chose dont les caractéristiques ne correspondent pas à la commande. Elle soutient que l'expert judiciaire a certes attesté du caractère inadapté de l'aliment livré pour des visons en gestation, toutefois, il convient selon elle d'en déduire que ce dernier était adapté pour l'alimentation de visons en dehors de la période de gestation. Contestant l'argument retenu par le tribunal selon lequel l'aliment a été commandé en période de gestation, elle rétorque qu'il ressort du rapport définitif que les accouplements ayant lieu du 3 mars au 20 mars, la durée de la gestation étant de 50 jours, les mises à bas démarrent le 20 avril et se terminent aux alentours du 15 mai et en déduit qu'il était cohérent de retenir que la nourriture livrée le 14 avril était destinée à la période post mise à bas qui commence le 20 avril.
Elle conteste ensuite la force probante des analyses réalisées sur les aliments prélevés car ces derniers n'ont, selon elle, pas été réalisées sur un échantillon représentatif et invoque un arrêt rendu par la Cour de cassation selon lequel « la preuve de la non-conformité n'est pas rapportée lorsque l'échantillon témoin fourni par l'acheteur étant détérioré, la critique de la marchandise livrée au regard de cet échantillon n'est pas déterminante ».
En outre, elle soulève une incertitude sur la date de livraison des aliments analysés relevant que la société des Aubépines a, à plusieurs reprises, affirmé que la totalité de la commande livrée le 14 avril avait été consommée.
De surcroît, la société Keizersberg estime que les aliments ont été expertisés en mai 2016, soit après le transfert de risque et argue que l'échantillon n'était pas représentatif de l'aliment remis aux intimés. Par suite, elle invoque deux notes techniques rédigées par un cabinet privé qui concluent en une altération des échantillons pour défaut de conservation et d'autre part en une possible rupture de la chaîne de froid, la société des Aubépines ne rapportant, selon elle, pas la preuve que la non-conformité était antérieure au transfert du risque. Enfin, elle conclut que les résultats ne démontrent pas un défaut de conformité puisque les apports nutritionnels varient d'un fabricant à un autre et que les analyses ne démontrent pas de défaut de composition aux besoins des visons en gestation.
En réponse, les intimés rétorquent qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire que les produits congelés livrés en avril 2014 par l'appelante étaient non-conformes, l'expert établissant, selon eux, un lien de causalité entre la mort des visons et la non-conformité de l'aliment.
Soulevant un défaut de preuve d'un dommage et d'un lien de causalité entre l'aliment litigieux et le dommage allégué, la société Keizersberg soutient que l'éleveur n'a communiqué aucun document d'élevage et que l'autopsie a été réalisée en violation du contradictoire, sur des échantillons qu'elle estime non représentatifs. L'appelante fait valoir qu'alors qu'une autopsie scientifique suppose une comparaison avec un « cadavre témoin », l'expert n'a pas réalisé de telles diligences. En outre, elle considère que le foie jaune « stéatosé »ne constitue pas un symptôme probant, relevant que le laboratoire privé Vet Diagnostics a conclu que les deux visons n'avaient pas un foie jaune mais un foie grossi et décoloré symptomatique d'une « hépatite » d'origine bactérienne exclue par l'expert. Elle ajoute que les cadavres autopsiés par le laboratoire Lasat ne présentent pas les caractéristiques nécessaires à la confirmation du diagnostic de l'expert et note que le docteur [H] concluait à des « causes diverses de décès », alors que l'expert concluait que tous sont décédés à cause d'un foie jaune provoqué par une nourriture trop grasse. En outre, le docteur vétérinaire [U] [P] affirmait, selon la société Keizersberg, que « les foies gras sont une découverte pathologique dans presque 100% des femelles visons qui ont mangé moins ou pas du tout pendant quelques jours ». Enfin elle argue que les visons n'étaient pas exclusivement nourris avec l'aliment litigieux et une incertitude persistait s'agissant de la quantité des portions quotidiennes données aux visons.
En réponse les intimés soutiennent, sur le fondement du rapport d'expertise définitif, que la faute de l'appelante est établie comme le lien de causalité avec le préjudice allégué. Ils arguent que la société des Aubépines a cessé de fabriquer elle-même la nourriture à destination des visons dès septembre 2013. Ainsi ils soutiennent que contrairement à ce qu'affirme l'appelante, le calendrier de fabrication des aliments et les extraits des grands livres des années 2013 et 2014 communiqués démontrent qu'à partir du 14 avril 2014, l'aliment ne provient que des achats auprès de l'appelante.
Ils soulèvent en outre que les analyses fournies par l'appelante proviennent d'auto-contrôles non-contradictoires. De surcroît, ils contestent les arguments tendant à mettre en cause l'échantillon qui a été, selon eux, prélevé par l'expert qui l'a considéré comme bien conservé dans la chambre froide. Ils affirment que l'appelante inverse la charge de la preuve qui, compte tenu des analyses faisant état d'un vice manifeste affectant son produit, doit démontrer que l'aliment analysé n'était pas fabriqué par elle et relèvent que l'appelante n'a jamais étiqueté convenablement ses palettes et produits, invoquant un défaut de traçabilité des produits congelés. Enfin, ils concluent que l'expert a envisagé toutes les origines possibles du préjudice.
Sur ce,
Selon l'article 1134 ancien du code civil (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux) applicable en l'espèce « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Aux termes de l'article 1604 du code civil, tout vendeur d'une chose est tenu d'une obligation de délivrance conforme.
L'article 1610 du code civil dispose que si le vendeur manque à faire la délivrance dans le temps convenu entre les parties, l'acquéreur pourra, à son choix, demander la résolution de la vente, ou sa mise en possession, si le retard ne vient pas du fait du vendeur.
La charge de la preuve de la non-conformité du produit livré à la commande effectuée pèse sur l'acquéreur.
Or, par la simple phrase « je voudrais commander 11 tonnes de nourritures congelées » (Pièce n°1 Keizersberg), la société des Aubépines n'a pas spécifiquement commandé de la nourriture destinée à des femelles visons gestantes. C'est d'autant plus vrai que la commande portait sur de la marchandise congelée pouvant être distribuée sur une période plus lointaine de sorte que le vendeur ne pouvait en déduire, comme retenu par les premiers juges, qu'il aurait dû deviner la destination du produit.
Dès lors, il n'incombait pas au vendeur de se renseigner pour savoir si l'aliment était susceptible d'être distribué à des femelles visons en gestation mais à l'acquéreur de le spécifier.
Partant, si l'expert a estimé que « l'aliment livré au mois d'avril 2014 à la SCEA des Aubépines n'était pas adapté à la nutrition des femelles visons en période de reproduction » (page 31 du rapport d'expertise), la preuve d'une inadaptabilité d'un tel aliment à une population de visons en dehors de la période de gestation n'est pas rapportée.
Au terme de l'expertise et de l'analyse de l'échantillon, le produit vendu n'est pas disqualifié en lui-même et en toutes circonstances mais jugé inadapté seulement en ce qu'il était , au vu de son analyse, spécifiquement destiné à des femelles gestantes ce que l'acheteur se devait de préciser clairement lors de la commande. Il n'est notamment pas soutenu que du fait d'une absence d'étiquetage, il s'agirait d'une pâtée inadaptée à ce type d'animaux.
Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé que l'aliment n'était pas conforme à la commande et a prononcé la résolution du contrat.
Sur les demandes de la société des Aubépines
Eu égard aux considérations précédentes, les intimés doivent être déboutés de toutes leurs demandes .
Sur les frais et dépens
Le tribunal judiciaire de Chartres a condamné la société Keizerberg à payer à la société des Aubépines la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la procédure en ce compris les dépens de référé et d'expertise judiciaire. Ces dispositions sont infirmées.
La procédure de référé étant une procédure autonome dont la décision a au surplus définitivement tranché ces chefs de demandes, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Keizersberg au paiement des dépens de référé.
Enfin, succombant, la société des Aubépines sera condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, l'équité ne commandant pas de prononcer une condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Keizersberg de sa demande de nullité du rapport d'expertise,
Infirme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Déboute la société des Aubépines de l'intégralité de ses demandes,
Y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société des Aubépines aux dépens de la procédure de première instance et d'appel en ce compris les frais d'expertise et à l'exclusion des dépens de référé, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.