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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 30 avril 2024, n° 22/00060

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 22/00060

30 avril 2024

AFFAIRE : N° RG 22/00060 -

N° Portalis DBVC-V-B7G-G45Q

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LISIEUX du 18 Février 2020

RG n° 18/01034

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 AVRIL 2024

APPELANTE :

Le SDC de l'immeuble de LA PLAGE II

pris en la personne de son syndic, la SAS FONCIA NORMANDIE,

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée et assistée de Me Jean-Jacques SALMON, avocat au barreau de CAEN

INTIMÉE :

L'A.S.L. UNION DES PLAGES I II ET III,

[Adresse 3]

[Localité 2]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

DÉBATS : A l'audience publique du 18 janvier 2024, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les observations des parties sans opposition de la part des avocats et en a rendu compte à la Cour dans son délibéré

GREFFIER : Mme COLLET

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 30 Avril 2024 par prorogation du délibéré initialement fixé au 19 Mars 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

L'aménagement et l'équipement de la zone d'aménagement concerté dénommée Guillaume le Conquérant ont donné lieu à la création d'un ensemble de trois immeubles. Selon un cahier des charges générales, tous les propriétaires de cette zone sont membres de plein droit de l'association syndicale libre Guillaume le Conquerant. Les syndicats de copropriétaires de chaque immeuble sont regroupés au sein de l'Union des syndicats Résidence de la Plage dont les statuts ont été établis le 23 novembre 1998.

Lors de l'assemblée générale de l'Union du 19 juin 2015, la résolution n°11 prévoyant des travaux d'individualisation du branchement d'eau potable de la piscine a été adoptée. Toutefois, ces travaux n'ont pas été entrepris.

Lors de l'assemblée générale de l'Union du 29 juin 2018, les résolutions 15 (travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'union des plages I- II et III), 17 (prise en charge par l'Union des frais consécutifs à la recherche de fuite sur le réseau d'alimentation en eau desservant la Plage II et la surconsommation en résultant), 18 (prise en charge par l'Union des réfections des Venelles et du regard), 19 (prise en charge par l'Union de la réfection de l'enrobé) et 20 (réalisation de travaux de réfection de la voirie au niveau des maisons 156 et 157) ont été rejetées.

Par acte du 25 octobre 2018, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Plage II a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Lisieux l'Union des Plages I, II et III aux fins principalement d'annuler les résolutions N°15, 17, 18, 19 et 20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 et en conséquence de dire que la résolution 11 de l'assemblée générale du 19 juin 2015 devait recevoir exécution.

Par jugement du 18 février 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Lisieux a :

- déclaré recevable l'action du Sdc de l'Immeuble La Plage II ;

- ordonné à l'Union des Plages I, II et III de faire réaliser les travaux prévus à la résolution n°11, votée lors de l'assemblée générale du 19 juin 2015 ;

- débouté le Sdc de l'Immeuble La Plage II du surplus de ses demandes ;

- débouté les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné le Sdc de l'Immeuble La Plage II aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 12 janvier 2022, le Sdc de l'Immeuble La Plage II a formé appel de ce jugement.

La déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier du 10 mars 2022 délivré à la personne du directeur de l'Union des Plages la société Foncia Normandie à une personne habilitée à recevoir l'acte.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 mars 2022, le Sdc de l'Immeuble La Plage II demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Lisieux en ce qu'il :

* l'a débouté de ses demandes tendant à :

¿ constater la violation des dispositions des statuts de l'union des syndicats et de l'assembiée générale du 19 juin 2015 ;

¿ annuler en conséquence les résolutions n°15-17-18-19-20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 ;

* l'a débouté de sa demande tendant à dire que les travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I, II et III devront être entrepris ;

* l'a débouté de sa demande tendant à ce que les frais et charges :

¿ Consécutifs à la recherche de fuite sur le réseau d'alimentation en eau desservant la résidence Plage II et la surconsommation en résultant,

¿ La réfection des Venelles et du regard,

¿ La réfection de l'enrobé,

¿ La réfection de la voirie au niveau des maisons 156-157- soient pris en charge conformément aux dispositions des statuts par L'Union des Plages I, II et III;

* l'a débouté de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de sa demande de condamnation aux dépens ;

* l'a condamné aux dépens ;

et statuant à nouveau,

- constater la violation des dispositions des statuts de l'Union des syndicats et de l'assemblée générale du 19 juin 2015 ;

- annuler en conséquence les résolutions n°l5-17-18-19-20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 ;

- dire que les travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I, II et III devront être entrepris ;

- dire que les frais et charges :

¿ Consécutifs à la recherche de fuite sur le réseau d'a1imentation en eau desservant la résidence Plage II et la surconsommation en résultant,

¿ La réfection des Venelles et du regard,

¿ La réfection de l'enrobé,

¿ La réfection de la voirie au niveau des maisons 156-157 seront pris en charge conformément aux dispositions des statuts par l'Union des Plages I, II et III;

- condamner l'Union des Plages I, II et III au paiement d'une somme de 5 000 euros à titre indemnitaire ;

- condamner l'Union des Plages I, II et III au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens de première intance et d'appel ;

- débouter l'Union des Syndidcats I, II et III de ses demandes.

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

La déclaration et les conclusions d'appel ayant été régulièrement signifiées, l'Union des Plages I, II et III n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 20 décembre 2023.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire de l'appelant, il est expressément renvoyé à ses dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Dans ses conclusions d'appelant régulièrement signifiées, le Sdc en cause fait état des éléments suivants, que les 1ers juges l'ont débouté de ses demandes en estimant que les résolutions contestées avaient été rejetées à la majorité requise et qu'il n'était pas produit les pièces utiles pour déterminer s'il y avait eu un abus de majorité ;

Qu'au contraire de ce qui a été décidé par les 1ers juges, les demandes qui ont été rejetées ont été présentées par application et en exécution des statuts de l'Union des Plages et conformément à la décision N°11 de l'assemblée générale du 19 juin 2015 ;

Que lors de l'assemblée générale concernée les rejets effectués ont eu pour objectif de laisser la charge des travaux en cause au seul Sdc de la résidence Plage II, ce qui est constitutif d'un abus de majorité, comme cela est amplement démontré ;

Sur ce, la cour rappellera que l'abus de majorité qui est invoqué, se caractérise par une décision lors d'une assemblée générale qui ne respecte pas l'intérêt général de la copropriété ou qui porte atteinte aux droits et intérêts d'une partie des copropriétaires, prise dans le but par exemple de favoriser les intérêts des copropriétaires majoritaires au détriment de ceux qui sont minoritaires ;

Cet abus peut prendre la forme d'un refus d'adopter des résolutions nécessaires ou légitimes ;

De plus l'abus de majorité permet de prononcer l'annulation de la décision contestée à ce titre et permet également à la juridiction saisie d'ordonner toutes les mesures nécessaires pour rétablir l'équilibre entre les copropriétaires ;

S'agissant de la saisine de la cour, le Sdc appelant fait état du rejet des résolutions N°15.17.18.19.et 20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 ;

Ces résolutions sont les suivantes :

- la N° 15 portait sur la réalisation des travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I-II-III en vue de leur rétrocession ;

- la N° 17 portait sur la prise en charge par l'Union des frais consécutifs à la recherche de fuite sur le réseau d'alimentation en eau desservant Plage II et la surconsommation en résultant ;

- la N° 18 portait sur la prise en charge par l'Union des Plages I-II-III des réfections des venelles et du regard ;

- la N° 19 portait sur la prise en charge par l'Union des Plages I-II-III de la réfection de l'enrobé ;

- la N°20 portait sur la réfection de la voirie au niveau des maisons N° 156 et 157 ;

Ces résolutions se trouvaient donc être comme portant sur :

- d'une part pour les N° 15 et 17, une problématique de l'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence alors que le principe de cette individualisation avait été accepté par une résolution N°11 de l'assemblée générale du 19 juin 2015, en ce qu'elle porte sur le branchement d'eau potable de la piscine,

- l'assemblée générale avait demandé à cette date une recherche et une identification des réseaux d'alimentation en eau déjà existant,

- la résolution N°17 n'était que la conséquence de l'absence d'identification préalable des réseaux, en ce qu'une fuite d'eau ayant eu lieu sur ledit réseau, les conséquences financières en résultant devaient être prises en charge par l'Union;

- d'autre part les résolutions N°18.19 et 20 concernaient des problèmes de voiries, d'entretien et de réfection de celles-ci ;

Or l'assemblée générale en cause a refusé du fait de la répartition des voix des propriétaires d'adopter les résolutions ci-dessus rappelées, puisque la copropriété de la Plage II ne représente que 40% des voix ;

Sur ce refus la cour doit effectivement constater que selon l'article 3 des statuts de l'Union des Plages, l'ASL dont s'agit a pour objet notamment :

- l'entretien des biens communs aux propriétaires des ensembles immobiliers devant être créés......... et plus particulièrement l'entretien de la piscine....les espaces verts, loge de gardien avec son parking, parkings communs et d'une manière générale les voies, espaces verts, canalisations et réseaux ou éclairages publics communs à ces ensembles immobiliers et loge de gardien ;

- la répartition des dépenses de gestion, l'entretien, l'acquisition, construction, location, amélioration des éléments d'équipements communs aux divers ensembles immobiliers et frais de gardiennage ;

- la répartition entre ces membres des dépenses y afférentes ;

De même, les articles 18 et 19 desdits statuts prévoient également que les membres de l'Union supportent tous les frais et charges relatifs à la réalisation de l'objet social et notamment à l'entretien des éléments d'équipements communs avec une répartition proportionnelle au nombre de voix attribuées ;

En conséquence, il résulte tant de l'article 29 de la loi du 10 juillet 1965, de ceux des statuts ci-dessus rappelés ainsi que de la résolution N° 11 de l'assemblée générale du 19 juin 2015, que c'est par un abus de majorité que les résolutions N° 15, 17, 18, 19 et 20 ont été rejetées, et cela en ce que :

- ce refus a porté sur des résolutions dont l'adoption était légitime compte tenu de leur teneur et il l'a été pour favoriser les intérêts des propriétaires majoritaires au détriment de la Résidence Plage II, propriétaire minoritaire et cela pour écarter leur participation financière selon la répartition fixée aux statuts pour :

- des travaux portant sur une identification des réseaux d'alimentation en eau, ce qui avait été précédemment adopté, en assemblée générale résolution N° 11 en juin 2015, refus N°15 ;

- le coût relatif aux frais consécutifs à la recherche de fuites avec la surconsommation en résultant résolution N° 17, quand l'entretien des canalisations incombait à l'Union comme éléments d'équipements communs conformément à l'article 3 précité, ne pouvant laisser cette dépense à la seule charge de la Résidence la Plage II ;

- le coût relatif aux frais consécutifs à la rénovation et à la réfection de certains éléments de voiries qui constituent des équipements communs, des voies communes, dont l'Union doit assurer l'entretien et la répartition des charges, résolutions N° 18, 19 et 20 ;

Il en résulte que la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Plage II du surplus de ses demandes qui incluaient les suivantes :

¿ de constater la violation des dispositions des statuts de l'union des syndicats et de l'assembiée générale du 19 juin 2015 ;

¿ d'annuler en conséquence les résolutions n°15-17-18-19-20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 ;

- qu'il soit dit que les travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I II et III devront être entrepris,

- sa demande tendant à ce que les frais et charges :

¿ Consécutifs à la recherche de fuite sur le réseau d'alimentation en eau desservant la résidence Plage II et la surconsommation en résultant,

¿ La réfection des Venelles et du regard,

¿ La réfection de l'enrobé,

¿ La réfection de la voirie au niveau des maisons 156-157 soient pris en charge conformément aux dispositions des statuts par L'Union des Plages I, II et III ;

Cette infirmation permet à la cour d'accueillir ces prétentions dans les termes du dispositif du présent arrêt, le jugement étant confirmé en ce qu'il a ordonné à l'Union I- II et III de faire réaliser les travaux prévus à la résolution N°11 votée lors de l'assemblée générale du 19 juin 2015, soit à dire en plus que les travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I II et III devront être entrepris ;

- Sur les autres demandes :

Le jugement étant principalement infirmé, il le sera concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;

La cour estime au regard des circonstances de l'espèce, qu'il n'y a pas lieu d'accorder une somme de 5000€ à titre 'indemnitaire' au Sdc appelant, cette réclamation n'étant pas étayée quant à sa cause et son fondement et cette demande sera écartée ;

S'agissant de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la cour accordera par équité pour les procédures de 1ère instance et d'appel la seule somme de 3000 € au profit du Sdc appelant, montant qui sera mis à la charge de l'Union des Plages I-II et III, qui partie perdante supportera les dépens.

La cour statuant en dernier ressort l'exécution provisoire n'a pas à être envisagée.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort par mise à disposition au greffe.

- Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- Ordonné à l'Union des Plages I-II et III de faire réaliser les travaux prévus à la résolution N°11 votée lors de l'assemblée générale du 19 juin 2015 ;

- Le confirme de ce seul et unique chef ;

- Pour le surplus statuant à nouveau et y ajoutant :

- Constate la violation des dispositions des statuts de l'union des syndicats et de l'assembiée générale du 19 juin 2015 ;

- Annule en conséquence les résolutions n°15-17-18-19-20 de l'assemblée générale du 29 juin 2018 ;

- Dit que les travaux d'identification des réseaux d'alimentation en eau desservant chaque résidence composant l'Union des Plages I, II et III devront être entrepris;

- Dit que les frais et charges supportés et financés pour certains travaux préalablement par le syndicat des copropriétaires de la Résidence La Plage II et qui sont consécutifs :

- à la recherche de fuite sur le réseau d'alimentation en eau desservant la résidence Plage II et la surconsommation en résultant,

- la réfection des Venelles et du regard,

- la réfection de l'enrobé,

- la réfection de la voirie au niveau des maisons 156-157,

- seront définitivement pris en charge conformément aux dispositions des statuts par L'Union des Plages I, II et III ;

- Déboute le syndicat des copropriétaires de l'immeuble la Résidence Plage II dûment représenté par son syndic en exercice de toutes ses autres demandes ;

- Condamne l'ASL l'Union des Plages I-II-III dûment représentée par son représentant légal en exercice à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble La Plage II dûment représenté par son syndic en exercice la somme de 3000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne l'ASL l'Union des Plages I-II-III dûment représentée par son représentant légal en exercice aux dépens de 1ère instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON