CA Poitiers, 2e ch., 30 avril 2024, n° 23/00973
POITIERS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Ocean Notaires & Conseils (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pascot
Conseillers :
M. Vetu, M. Lecler
Avocats :
Me Clerc, Me Dano, Me Genty
EXPOSÉ DU LITIGE :
Maître [L] [K] est associé, depuis le 09 septembre 1999, de la SCP, ' [E] [O], [H] [D], [X] [J], [L] [J], [L] [K], [Y] [M], [T] [F], [A] [C]', titulaire d'une office notarial regroupant plusieurs bureaux en Vendée. Cette SCP est devenue ultérieurement la SCP Océan Notaires.
Maître [K] a cessé, depuis mars 2014, son activité au sein de la SCP à la suite d'un différend se rapportant à un montage juridique relatif à l'acquisition de locaux professionnels et donnant lieu à une instance judiciaire 12/01090 toujours en cours devant la présente juridiction.
Par jugement en date du13 juillet 2018, exécutoire par provision, le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne, relevant que Maître [K] était en arrêt de travail depuis le 22 mars 2014 à raison d'une 'phobie professionnelle' se caractérisant par 'un burn out sévère' et était ainsi dans l'incapacité de reprendre son activité professionnelle, a constaté son empêchement à exercer ses fonctions de notaire et a déclaré Maître [K] démissionnaire d'office.
En l'absence de régularisation d'une cession amiable de parts sociales, la SCP a engagé une procédure de cession forcée. Une expertise en évaluation des parts de Maître [K] a été ordonnée à sa requête par le juge des référés du tribunal judiciaire des Sables d'Olonne.
L'article 23, 3° des statuts de la SCP, dans sa mise à jour déposée au greffe du tribunal de commerce de la Roche sur Yon le 15 juillet 2002 stipule :
'...l'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une cause autre que pénale ou disciplinaire conserve son droit aux bénéfices, toutefois sa part dans les bénéfices visés au premier alinéa du paragraphe II du présent article est réduite de moitié au-delà du sixième mois, sauf si son empêchement résulte d'obligations militaires...'
Par acte du 07 mars 2008, Maître [E] [O] a cédé la moitié de ses parts au profit de Maître [Y] [M].
Par acte du 13 mars 2008, Maître [N] [F] a cédé la moitié de ses parts à Maître [T] [F] avec en annexe cinq procurations du 12 mars 2008 ( Maître [J] [L] ' Maître [J] [X] ' Maître [D] ' Maître [O]) ainsi que la cession de l'autre moitié de ses parts à Maître [A] [C].
Ces trois nouveaux notaires sont détenteurs, chacun, de 209 parts sociales contre 418 pour Maître [K], [J] [L] et [J] [X] et 419 pour Maître [D].
A l'acte de cession au profit de Maître [T] [F] il a été porté la disposition suivante :
Tous les associés étant présents ou représentés, ils décident à l'unanimité de modifier le paragraphe 2°) de l'article 23 des statuts :
Répartition des bénéfices de la manière suivante :
'[...]
2°) Ce bénéfice distribué se répartit entre les associés de la manière suivante :
- à concurrence de 60 % au prorata des parts détenues dans le capital par chaque associé,
- et à concurrence de 40 % pour l'industrie, à parts égales entre les associés.
[...]
Le début et la fin de l'article restant inchangé.'
Cette modification sera reproduite aux statuts déposés au greffe du tribunal en 2009.
Lors de l'assemblée générale du 12 mai 2015, les associés ont adopté la deuxième résolution dans les termes suivants :
' L'assemblée générale décide d'affecter le résultat de l'exercice de 1.749.850,22€ en tenant compte de l'arrêt de maladie de Maître [K] supérieur à 6 mois.
En effet, selon l'article n°23-2 (corrigé '23-3" manuscritement) des statuts 'l'associé empêché d'exercer ses fonctions pour une cause autre que pénale ou disciplinaire conserve son droit aux bénéfices, toutefois sa part dans les bénéfices visés au premier alinéa du paragraphe II du présent article est réduite de moitié au-delà de sixième mois''.
Puis, l'assemblée générale des associés en date du 26 avril 2016 a décidé en sa quatrième résolution, à la majorité de 1673 voix sur 2091, de supprimer à Maître [K] toute quote-part en industrie en ces termes :
'L'Assemblée Générale rappelle qu'au titre de l'affectation du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2014, il a été attribué à tort à Maître [L] [K] une quote-part en industrie pour la période du 23 mars 2014 au 31décembre 2014, période durant laquelle il était absent de l'Etude, savoir une somme de 45.307,14€.
L'Assemblée Générale constatant que cette correction n'a pas été prise en compte lors de l'arrêté du bilan de l'exercice clos le 31 décembre 2015 décide du principe de retrancher cette somme de 45.307,14 euros de la somme qui reviendra à Maître [K] au titre de la répartition du résultat de l'exercice à venir (exercice clos le 31 décembre 2016) ».
Maître [K] n'a plus bénéficié d'acomptes mensuels sur bénéfices à compter de 2017.
Les 19 et 23 avril 2019, Me [K] a attrait la SCP Océan Notaires, Maîtres [J], [F], [M], [C], [D] et [G] devant le tribunal de grande instance des Sables d'Olonne aux fins d'obtenir, à titre principal, la condamnation solidaire de Maître [J], [F], [M], [C], [D] et [G] :
- au paiement d'une somme de 1.291.329,20 € correspondant au complément de la quote-part de bénéfice que Monsieur [K] aurait dû percevoir de la SCP Océan notaire de 2014 à 2019 et qui a été indûment perçue et répartie entre les associés majoritaires,
- au paiement à son profit d'un intérêt légal de 161.028 € arrêté à la date du 31 décembre 2021 pour retard de paiement du solde du bénéfice devant revenir à ce dernier pour les années 2014 à 2019.
Par jugement en date du 28 mars 2023, le tribunal judiciaire des Sables d'Olonne a statué ainsi :
- déboute Me [K] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamne Me [K] à verser à la SCP Océan notaires, Me [L] [J], Me [T] [F], Me [Y] [M], Me [A] [C], Me [H] [D], Me [X] [J] et à Me [P] [G], pris comme une seule partie la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamne Me [K], au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à verser à la SCP Océan notaires, Me [L] [J], Me [T] [F], Me [Y] [M], Me [A] [C], Me [H] [D], Me [X] [J] et à Me [P] [G], à chacun d'eux respectivement la somme de 1.500 € ;
- condamne Me [K] aux dépens de l'instance ;
- rappelle que le jugement est exécutoire de plein droit.
Par déclaration en date du 25 avril 2023, Monsieur [K] a relevé appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.
Monsieur [K], par dernières conclusions RPVA du 08 décembre 2023, demande à la cour de :
Vu la jurisprudence,
Vu :
- l'article 23 des statuts mis à jour en 2002 et 2009,
- l'article 25 des statuts,
- le procès-verbal d'assemblée générale du AG du 02 avril 2009 déposé aux greffes du tribunal de commerce de la Roche-Sur-Yon,
Vu les articles du code civil :
Art 1134 ancien,
Art 1166 ancien devenu Art 1341-1,
Art 1844-1,
Art 1844-10,
Art 1853 et 1854,
Vu les pièces,
Vu l'assignation, les conclusions et le jugement entrepris,
- Déclarer Maître [K] recevable et bien fondé en son appel, y faisant droit,
- Infirmer la décision déférée dans toutes ses dispositions,
Avant dire droit,
- Ordonner une mesure d'instruction pour déterminer pour chacun des trois moyens évoqués à la cause, la quote-part de bénéfice que Maître [K] aurait dû percevoir en sus de la SCP Océan Notaires, pour les exercices sociaux de 2014 à 2019.
Statuant à nouveau,
- Prononcer et juger la nullité de la deuxième résolution de l'AG ordinaire du 12 mai 2015, de la deuxième et quatrième résolution de l'AG ordinaire et extraordinaire du 26 avril 2016, de la deuxième résolution de l'AG ordinaire du 18 avril 2017, de la deuxième résolution de l'AG ordinaire du 05 mars 2018, de la deuxième résolution de l'AG ordinaire du 13 mars 2019 et de la deuxième résolution de l'AG ordinaire du 19 mars 2020 comme ayant procédé à une répartition des bénéfices qui n'était pas conforme à la loi ou au contrat de société,
- Condamner à titre principal solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] et la SCP Océan Notaires devenue la SAS Océan Notaires et conseils, et à titre subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G], et a titre plus subsidiaire la SCP Ocean notaires devenue la SAS Ocean notaires et conseils :
au paiement au profit de Maître [K] de la quote-part de bénéfice de 1.291.329,20 € que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires de 2014 à 2019 et qui a été indûment perçue et répartie entre les associés majoritaires.
pour retard dans le règlement de la quote part de bénéfice que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires au paiement au profit de Maître [K] de l'intérêt moratoire sur répétition de l'indu à partir du 1er avril de l'année n+1 de chacun des exercices sociaux de 2014 à 2019,
- Condamner à titre subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] et la SCP Océan Notaires devenue la SAS Ocean notaires et Conseils, et à titre plus subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G], et à titre infiniment subsidiaire la SCP Ocean notaires devenue la SAS Océan notaires et conseils :
au paiement au profit de Maître [K] de la quote-part de bénéfice de 882.018,50 € que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires de 2014 à 2019 et qui a été indûment perçue et répartie entre les associés majoritaires.
pour retard dans le règlement de la quote-part de bénéfice que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires au paiement au profit de Maître [K] de l'intérêt moratoire sur répétition de l'indu à partir du 1er avril de l'année n+1 de chacun des exercices sociaux de 2014 à 2019,
- Condamner a titre plus subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] et la SCP Océan notaires devenue la SAS Océan notaires et conseils, et a titre infiniment subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G], et a titre plus infiniment subsidiaire la SCP Océan notaires devenue la SAS Ocean notaires et conseils :
au paiement au profit de Maître [K] de la quote-part de bénéfice de 461.035 € que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires de 2014 à 2019 et qui a été indûment perçue et répartie entre les associés majoritaires.
pour retard dans le règlement de la quote part de bénéfice que ce dernier aurait dû percevoir de la SCP Océan notaires au paiement au profit de Maître [K] de l'intérêt moratoire sur répétition de l'indu à partir du 1er avril de l'année n+1 de chacun des exercices sociaux de 2014 à 2019,
- Condamner a titre infiniment subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] et la SCP Océan notaires devenue la SAS Océan notaires et conseils, et à titre plus infiniment subsidiaire, solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G], Et a titre encore plus infiniment subsidiaire la SCP Océan notaires devenue la SAS Océan notaires et conseils :
à restituer à Maître [K] la somme de 45.307,14 € détournée sur un bénéficie qui lui était définitivement acquis comme affecté par l'assemblée générale de 2015, payé, et récupéré sur l'exercice social 2016,
pour retard dans le remboursement de cette somme au paiement au profit de Maître [K] de l'intérêt légal à compter du 07 mai 2016, date de l'écriture comptable constatant la récupération.
- Condamner a titre principal solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] :
au paiement au profit de Maître [L] [K] de la somme de 27.581 € pour indemnisation du préjudice financier lié à la perte certaine et définitive du crédit d'impôt C.I.C.E, (disparition au 1er janvier 2019) qui aurait dû être rattaché à la perception des rémunérations complémentaires et dont Maître [K] a été privé.
- Condamner a titre subsidiaire solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] :
au paiement au profit de Maître [L] [K] de la somme de 18.388 € pour indemnisation du préjudice financier lié à la perte certaine et définitive du crédit d'impôt C.I.C.E (disparition au 1er janvier 2019) qui aurait dû être rattaché à la perception des rémunérations complémentaires et dont Maître [K] a été privé.
- Condamner a titre plus subsidiaire solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] :
au paiement au profit de Maître [L] [K] de la somme de 9.195 € pour indemnisation du préjudice financier lié à la perte certaine et définitive du crédit d'impôt C.I.C.E (disparition au 1er janvier 2019) qui aurait dû être rattaché à la perception des rémunérations complémentaires et dont Maître [K] a été privé.
- Condamner solidairement, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] :
au paiement au profit de Me [K] d'une somme de 10.000 € pour indemnisation de son préjudice moral pour suppression abusive des acomptes mensuels,
au paiement après sommation du 18 avril 2016 au profit de Maître [K] de l'intérêt légal pour retard dans le paiement des acomptes mensuels à hauteur d'un pourcentage de 60 % de la rémunération globale qui aurait due lui être versée chaque année par la SCP,
pour chaque des exercices sociaux 2017 à 2019, la première échéance au 1er février donnant droit à intérêt sur douze mois, et la deuxième sur onze, et ainsi de suite par périodes mensuelles successives dégressives d'un mois, jusqu'au 1er février de l'exercice social n+1.
En tout état de cause,
- Débouter les intimés de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- Ordonner que tous les dommages et intérêts exigibles à compter de la signification du jugement produisent intérêt au taux légal.
- Condamner solidairement la SCP Océan notaires, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] à payer à Maître [L] [K] la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner solidairement la SCP Océan notaires, Maîtres [L] [J], [T] [F], [Y] [M], [A] [C], [H] [D], [X] [J] et [P] [G] aux entiers dépens de l'instance.
La SCP Océan Notaires, Maîtres [J], [F], [M], [C], [D], [J] et [G], par dernières conclusions RPVA du 14 septembre 2023, demandent à la cour de :
- Débouter Maître [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Confirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Recevoir la demande reconventionnelle des intimés.
Y ajoutant,
- Condamner l'appelant à payer à chacun des intimés la somme de 4.000 € pour procédure abusive,
- Condamner l'appelant à payer à chacun des intimés la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner également le même aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL cabinet d'avocats genty, avocat aux offres de droit.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L'instruction de l'affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 12 février 2024 en vue d'être plaidée à l'audience du 11 mars suivant, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. A titre liminaire, la cour constate que les demandes de nullité de plusieurs résolutions votées en assemblée générale de la SCP Océan Notaires sollicitée par Monsieur [K] dans le dispositif de ses conclusions qui, seul, saisit la cour sont, en premier lieu, adossées à la validité de la clause modifiant la clef de répartition spéciale s'appliquant à l'associé empêché votée dans l'acte de cession de parts daté du 13 mars 2008. Dans ce cadre en effet, Monsieur [K] se prévaut de ce que le consentement nécessaire à la validité de cette clause n'aurait pas été valablement exprimé, subsidiairement, de son caractère non écrit et encore, plus subsidiairement, de sa mauvaise application.
2. A la suite, il conclut à la nullité des résolutions de ces mêmes assemblées générales en raison d'un abus de majorité commis par les associés de la SCP Océan Notaires.
Sur la demande en nullité de certaines résolutions du procès-verbal d'AG du 12 mai 2015, du procès-verbal d'AG du 26 avril 2016 et des AG du 18 avril 2017, du 05 mars 2018, du 13 mars 2019 et du 19 mars 2020 et les demandes de rétribution y afférentes
Pour absence de consentement valablement exprimé
3. Monsieur [K] fait valoir, au visa des articles 1134, 1853 et 1854 du Code civil, que si les trois actes de cession du 13 mars 2008 ont bien approuvé à l'unanimité la modification du paragraphe 2 de l'article 23, il demeurait nécessaire d'obtenir l'expression d'un consentement spécifique à la clé de rétribution spéciale au profit d'un associé empêché (article 23-3), la portée de cette disposition ayant été subrepticement modifiée du fait de l'inversion des deux alinéas du paragraphe 2 décidée à l'occasion de cette cession.
Selon lui, ce changement de sens du paragraphe 3° ne serait porté par aucun consentement exprimé par les associés de sorte que le consentement exigé par la loi pour redéfinir entre associés le niveau de protection d'un associé empêché, telle qu'établie en 1972 par les associés fondateurs, n'a pas été exprimé.
4. Il en résulterait au cas d'espèce, que seule la clé de rétribution spéciale au cas d'empêchement qui avait reçu le consentement unanime des associés par adhésion au contrat social et résultant des statuts déposés au greffe en 2002 et de son article 23 régulièrement amendée par la nouvelle clé de distribution du bénéfice entre associés scindant un droit de 60 % pour la finance et 40 % pour l'industrie, a vocation à s'appliquer.
5. Les intimés répliquent que Monsieur [K] a, tout comme ses associés, approuvé une modification statutaire qui ne souffre ni interprétation ni ambiguïté et rappellent que c'est de façon parfaitement consciente que les associés, à la faveur de l'entrée au capital de trois jeunes associés, ont entendu à la fois modifier la clé de répartition capital industrie et inverser les deux alinéas du paragraphe 2 afin de permettre une application modifiée du paragraphe 3 qui avait dès lors vocation, à partir de cette date, à s'appliquer au capital et non plus à l'industrie.
6. Ils poursuivent en expliquant qu'aucune forme de consentement supplémentaire concernant l'article 23 paragraphe 3 n'était donc requis, la modification statutaire prenant soin, précisément, de mentionner que cette partie de l'article restait inchangée.
7. La cour rappelle qu'il est établi que le principe d'unanimité posé par l'article 1836 du code civil aux fins de modification des statuts relève des dispositions impératives du titre visé par l'article 1844-10 du Code civil, sauf clause contraire. L'article 17 des statuts ne vient pas contredire cette disposition légale dès lors qu'il stipule que la modification des statuts doit intervenir à l'unanimité des associés.
5. La cour rappelle que les modifications statutaires consécutives à la cession de parts par Maître [N] [F], au profit de Maître [T] [F], portées en page 14 et suivantes de l'acte daté du 13 mars 2008 et, plus singulièrement, celles relatives aux modifications de l'article 23 des statuts sont ainsi libellées :
'Tous les associés étant présents, ou représentés, ils décident à l'unanimité de modifier le paragraphe 2°) de l'article 23 des statuts :
- Répartition des bénéfices de la manière suivante :
'(...)
2°) Ce bénéfice distribué se répartit entre les associés de la manière suivante :
-à concurrence de 60% au prorata des parts détenus dans le capital par chaque associé,
- et à concurrence de 40% pour l'industrie, à parts égales entre les associés.
(...)'
Le début et la fin de l'article restant inchangés»
6. La cour rappelle également, à la suite des intimés et du premier juge, ce fait n'étant pas d'ailleurs contredit par l'appelant, que cette modification exclusive (souligné par la cour) du 2° de l'article 23, a été consentie par les associés à l'unanimité et, ainsi, par Maître [K] lui-même suivant procuration établie le 12 mars 2008.
7. La cour précise encore, en tant que de besoin, que les termes de cette procuration ne laissent planer aucun doute sur l'acquiescement de Maître [K] à la modification d'inversion et de pourcentage capital-industrie qu'il critique aujourd'hui.
8. La cour rappelle enfin que cette nouvelle clé de distribution de l'article 23 2°, approuvée par tous les associés, a été reprise dans les statuts mis à jour et déposés au greffe du tribunal de commerce le 24 juin 2009 dont copie a été signée par l'appelant et certifiée conforme, de sorte que les prescriptions légales, nécessaires en la matière, ont été réalisées, contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur [K].
9. Au regard des rappels et constatations qui précèdent, la cour indique à Monsieur [K] qu'il ne peut se prévaloir d'une modification du 3° de l'article 23 des statuts, qui n'est en tout état de cause pas intervenue dès lors qu'une telle modification était expressément écartée par l'ensemble des associés, et pas davantage, d'un défaut de consentement spécial et unanime en ce qui concerne la clé de répartition spéciale s'appliquant à l'associé empêché qui serait issue d'une modification du 2° de ce même article 23, la preuve d'une telle dénaturation n'étant pas rapportée en l'espèce.
10. Il sera ainsi débouté de la demande formée à ce titre.
Au regard du caractère réputé non-écrit du 3° de l'article 23 relatif à la répartition des bénéfices
11. Dans ce cadre, l'appelant soutient que dans l'hypothèse où la modification statutaire contenue dans les actes de cession du 13 mars 2018 aurait vocation à s'appliquer, l'article 23-3° serait réputé non écrit pour être contraire à l'article 1844-10 du Code civil, mais également aux articles 1869 du Code Civil et 18 de la loi du 29 novembre 1966.
Selon lui, en effet, la clause modifiée à l'article 23-2°) des statuts mis à jour en 2009, en opérant l'ajout de la finance à l'alinéa 2, transformerait le sens et la portée originaire du paragraphe 3°) relative au droit à rétribution de l'associé empêché, sans qu'il n'y ait eu volonté exprimée des associés.
12. De la sorte, sa possibilité de conserver ses droits patrimoniaux jusqu'au règlement de ses parts sociales ainsi que la Cour de Cassation en a décidé, suivant arrêt daté du 08 janvier 2020 (n°17-13.863) resterait intacte.
13. Les intimés objectent que si la Cour de Cassation a maintes fois rappelé qu'une clause contractuelle privant un associé de tout droit aux bénéfices était nulle, elle a cependant pris soin de rappeler que le retrayant a, par principe et hors clause statutaire particulière, le droit à la rémunération intégrale de son apport en capital jusqu'à la publication de l'arrêté de retrait.
Or, indiquent-ils, l'article 23-3° constitue une clause statutaire particulière, dont les associés ont pris soin de préciser, lors de la modification statutaire de 2008, qu'elle demeurait 'sans changement', pour appliquer en cas d'empêchement ordinaire un abattement de 50 % sur le bénéfice visé au premier alinéa du deuxième paragraphe de l'article 23.
14. Ainsi, concluent les intimés, cette clause s'insère parfaitement dans le dispositif prévu à l'article 1844-1 du Code civil qui pose un principe de répartition des bénéfices, sous réserve de l'existence de clause contraire et/ou spécifique (matérialisée ici par la modification statutaire de 2008 que Maître [K] a approuvée) et est, en outre, parfaitement conforme à l'article 1869 du Code civil et à l'article 18 de la loi du 29 novembre 1966 qui posent le principe, pour le retrayant, du maintien de ses droits patrimoniaux jusqu'au remboursement intégral de ses parts sociales.
15. En droit, le deuxième alinéa de l'article 1844-10 du Code civil dispose que la clause statutaire contraire à une disposition impérative du présent titre dont la violation n'est pas sanctionnée par la nullité de la société, est réputée non écrite.
16. La cour rappelle que cette disposition est sans application sur les irrégularités affectant les actes ou délibérations des organes de la société dont la nullité peut seulement être demandée dans les cas prévus par le troisième alinéa du même texte (Cass. com., 03 avril 2007, pourvoi n° 06-10.834, Bull. 2007, IV, n° 109), ce qui est le cas en l'espèce.
17. En effet, la clause statutaire modifiée lors de l'acte de vente de cession de parts sociales daté du 13 mars 2008 prévoyant la nouvelle clef de répartition de l'associé empêché n'a pas un contenu illicite, seule sa modalité d'adoption est contestée par Monsieur [K]. Dès lors, les dispositions de l'article 1844-10 alinéa 2 du Code civil sont inapplicables en l'espèce.
18. Ainsi, ce moyen nouveau n'est pas fondé et il convient de débouter Monsieur [K] de la demande formée de ce chef.
En raison d'une mauvaise application de l'article 23-3°
19. Monsieur [K] soutient, dans l'hypothèse où la cour considère que la clé de rétribution spéciale de l'article 23-3° a vocation à pleinement s'appliquer, que la réduction de moitié visée au premier alinéa du paragraphe 2 doit se comprendre comme portant à la fois sur le capital et sur l'industrie dès lors que 'la finance et l'industrie constituent les deux faces indissociables [...] [de] l'apport en capital'.
20. Il en résulterait selon lui que la réfaction de 50 % du droit au bénéfice concernerait aussi bien la finance que l'industrie et l'associé empêché serait alors créancier de 50 % de ces deux composantes du bénéfice.
21. La cour indique que c'est à bon droit que les intimés font remarquer que le 2° de l'article 23 contient deux dispositions spécifiques formant, chacune, un alinéa, le premier ayant trait au capital, le second, relatif à l'industrie et que le 3° de ce même article 23 prend soin de viser exclusivement le premier des alinéas précités et non pas l'intégralité du 2°.
22. La prétention émise à ce titre sera également rejetée de sorte que les chefs du jugement critiqué aux termes desquelles la nullité des résolutions des assemblées générales du 12 mai 2015 et du 26 avril 2016, du 18 avril 2017, du 05 mars 2018, du 13 mars 2019 et du 19 mars 2020 ne saurait être encourue sera confirmée.
23. A la suite, Monsieur [K] sera débouté de sa demande principale visant à obtenir restitution d'une somme de 1.291.329,20 € assortie des intérêts moratoires de 2014 à 2019.
Sur l'abus de majorité et la nullité des délibérations dont s'agit
Sur la nullité issue d'un abus de droit en ce qui concerne les résolutions des assemblées générales du 12 mai 2015 et du 26 avril 2016
24. Monsieur [K] fait valoir que ses associés, par deux délibérations d'assemblée générale du 12 mai 2015 puis du 26 avril 2016, auraient, par un abus de majorité caractérisé, restreint son droit aux bénéfices, la première délibération réduisant de moitié sa part dans les bénéfices distribuables au titre du capital, la seconde délibération lui supprimant sa quote-part en industrie depuis son départ de l'étude en mars 2014.
Ces délibérations seraient ainsi nulles de même, consécutivement, la deuxième résolution des assemblées générales ordinaires du 18 avril 2017, du 05 mars 2018, du 13 mars 2019 et du 19 mars 2020 en procédant à une répartition des bénéfices qui n'était pas conforme à la loi ou au contrat de société.
25. La cour observe que sur ce point, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.
26. Conformément aux dispositions de l'article 955 du Code de procédure civile, en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu'elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.
27. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée de ce chef.
Sur la nullité issue d'un abus de majorité consistant en la suppression brutale du versement d'acompte et la demande indemnitaire en découlant
28. Monsieur [K] explique qu'il ne perçoit plus d'acomptes mensuels depuis janvier 2017 dans les mêmes proportions que les autres associés et sollicite le remboursement des sommes perçues par les autres associés lui revenant.
A cet effet, il indique que si la majorité en nombre des associés est libre d'affecter comme elle le souhaite les acomptes mensuels, encore faut-il qu'elle n'impose pas à l'associé absent ou empêché une décision non dictée par l'intérêt social et ayant pour effet de rompre l'égalité entre associé.
29. Les intimés objectent que dans la pratique, les associés exerçant leur office reçoivent chaque mois une rémunération correspondant approximativement à leur industrie. Ils indiquent que c'est la raison pour laquelle la majorité des associés, constatant à compter de 2017 le départ définitif de Monsieur [K] n'a pas entendu faire bénéficier celui-ci de cette disposition.
Ils rappellent que l'appelant a formé un incident sur ce point dans l'instance 12/01009 et que par ordonnance datée du 13 novembre 2018, non frappée d'appel, le juge de la mise en état l'a débouté de cette demande.
30. La cour rappelle que l'article 25 des statuts prévoit que si la fraction écoulée d'un exercice en cours est bénéficiaire, chaque associé peut percevoir mensuellement à titre d'acompte sur sa part de bénéfice distribuable en fin d'exercice, une quotité du produit net du mois fixée par la majorité en nombre des associés.
31. En l'espèce, il apparaît que la majorité des associés n'ont pas entendu faire bénéficier de cette disposition Monsieur [K].
32. Les associés devant prendre leur décision conformément à l'intérêt social et non, dans l'intérêt de la majorité aux dépens de la minorité, cette délibération est susceptible d'annulation pour abus de majorité, donc pour abus de droit.
33. La cour observe que les conditions dans lesquelles cette décision a été prise est régulière dès lors que les statuts requièrent qu'une telle décision soit prise à la majorité des associés. Par ailleurs, cette décision est justifiée par le départ définitif de l'appelant de la SCP Océan Notaire de sorte qu'en l'absence d'éléments probants supplémentaires, Monsieur [K] échoue à apporter la preuve d'un abus de majorité.
34. Il y a lieu, dès lors de confirmer le jugement entrepris.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
35. L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
36. L'article 32-1 du Code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
37. L'article 559 du Code de procédure civile énonce qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés.
38. L'exercice d'une action en justice et d'une voie de recours, même mal fondées, ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstance particulières le rendant fautif.
39. La cour indique que la présente action en justice par Monsieur [K] a dégénéré en abus dès lors que celle-ci s'inscrit dans une démarche systématique de contestation des mesures que son départ volontaire de l'étude a engendré (en dernier lieu, voir l'affaire relative à l'exécution forcée des 418 parts de Monsieur [K] au sein de la société Océan Notaires [Cour d'appel de Poitiers 23 janvier 2024 ; N° RG 22/02024]) et que Monsieur [K] a principalement justifié, aussi bien devant le premier juge, que devant la cour, par la contestation des modifications statutaires qu'il a expressément approuvées, jusqu'à signer la copie certifiée conforme des statuts à jour déposée au greffe du tribunal de commerce le 24 juin 2009 les constatant.
40. Il s'ensuit que Monsieur [K] sera condamné à payer 4.000 € à l'ensemble des intimés pour recours abusif.
Sur les autres demandes
41. Il apparaît équitable de condamner Monsieur [K] à payer à chacun des intimés une somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles et de rejeter la demande formée au même titre par l'appelant.
42. Monsieur [K] qui échoue en ses prétentions supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions contestées le jugement du tribunal judiciaire des Sables-d'Olonne daté du 28 mars 2023,
Y ajoutant,
Condamne Monsieur [L] [K] à verser à la SCP Océan notaires & Conseils, Me [L] [J], Me [T] [F], Me [Y] [M], Me [A] [C], Me [H] [D], Me [X] [J] et à Me [P] [G], pris comme une seule partie la somme de 4.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive en appel,
Condamne Monsieur [L] [K] à payer à la SCP Océan notaires & Conseils, Me [L] [J], Me [T] [F], Me [Y] [M], Me [A] [C], Me [H] [D], Me [X] [J] et à Me [P] [G], chacun, la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne Monsieur [L] [K] aux dépens d'appel.