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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 30 avril 2024, n° 23/02122

POITIERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

L'Arbre Béni (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pascot

Conseillers :

M. Vetu, M. Lecler

Avocats :

Me Clerc, Me Balloteau, Me Bertrand

TJ La Rochelle, du 12 sept. 2023, n° 23/…

12 septembre 2023

Le 29 mai 2015, la société civile immobilière Thogot, aux droits de laquelle sont ensuite venus Monsieur [L] [B] et Monsieur [P] [F] (les bailleurs), a donné à bail commercial à la société à responsabilité limitée L'Arbre Béni (la preneuse), exploitant un fonds de commerce de restauration rapide, des locaux situés dans un ensemble immobilier sis [Adresse 2], soumis au régime de la copropriété des immeubles bâtis.

Ledit bail a été consenti pour une durée de 9 ans moyennant un loyer annuel initial de 14.400 euros hors taxes (ht), hors charges, payable par terme mensuel de 1.200 euros hors taxes.

Le 4 juin 2018, arguant que l'exploitation du fonds de commerce serait à l'origine de nuisances sonores et olfactives, la société Thogot a attrait la société L'Arbre Béni devant le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle, la société Thogot et la société L'Arbre Béni ayant parallèlement été assignées devant la même juridiction par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble.

Par ordonnance en date du 17 septembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de La Rochelle a débouté les demandeurs de leurs demandes.

Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel du dit jugement.

Par arrêt en date du 16 février 2021, la cour d'appel de Poitiers a ordonné à la société L'Arbre Béni de réaliser des travaux portant sur le système d'extraction-ventilation dans les six mois de la signification du dit arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard durant trois mois suivant le délai imparti.

La société L'Arbre Béni qui a indiqué avoir obtenu l'autorisation de réaliser les travaux, a soutenu s'être vue retirer cette autorisation à la suite du recours de l'un des copropriétaires, Monsieur [Y], agissant au nom du syndicat des copropriétaires.

Un recours administratif, est aujourd'hui pendant devant le tribunal administratif de Poitiers.

Le syndicat des copropriétaires a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle afin d'obtenir la liquidation de l'astreinte et la fixation d'une astreinte plus importante.

Le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de La Rochelle a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise.

Par exploit en date du 8 décembre 2022, les bailleurs ont fait délivrer à la société L'Arbre Béni, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail d'avoir à:

- respecter le règlement de copropriété qui lui avait été remis à la date de signature du bail;

- respecter le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de céans du 16 février 2021, lui demandant d'avoir à cesser toutes nuisances sonores;

- rétablir la façade de l'établissement telle qu'elle l'avait reçue à l'entrée dans les lieux, faute pour elle d'avoir demandé l'accord aux bailleurs et à la copropriété;

- retirer toute enseigne et plaque figurant sur la devanture, faute pour elle d'avoir demandé l'accord aux bailleurs et à la copropriété, et de respecter la réglementation locale;

- cesser toute ouverture nocturne de l'établissement créant des nuisances sonores;

- produire aux bailleurs l'attestation d'assurance locative à jour du local commercial loué;

- justifier aux bailleurs de l'entretien des équipements.

Le 26 avril 2023 arguant de la persistance des manquements du preneur et des nuisances, les bailleurs ont attrait la société L'Arbre Béni devant le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle.

Par ordonnance en date du 12 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de La Rochelle a:

- constaté qu'il n'existait aucun créancier inscrit suivant état néant délivré par le greffe du tribunal de commerce de La Rochelle le 17 avril 2023;

- constaté la résiliation du bail commercial au 9 janvier 2023;

- ordonné l'expulsion de la société L'Arbre Béni, et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de deux mois suivant la signification de la décision;

- condamné la société L'Arbre Béni à payer à Messieurs [B] et [F], à compter du 9 janvier 2023, une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du dernier loyer, et ce jusqu'à libération effective des locaux avec remise des clés;

- dit n'y avoir lieu à assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de ce jour;

- condamné la société L'Arbre Béni à leur verser la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles;

- débouté la société L'Arbre Béni de sa demande au titre des frais irrépétibles;

- condamné la société L'Arbre Béni aux dépens qui comprendraient le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire du 9 décembre 2022 pour la somme de 46,99 €, et celui de la délivrance de l'état des inscriptions du 17 avril 2023 pour la somme de 15,47 €;

Le 15 septembre 2023, la société L'Arbre Béni a relevé appel de ce jugement, en intimant Messieurs [B] et [F].

Le 25 octobre 2023, la société L'Arbre Béni a attrait Messieurs [B] et [F] devant la première présidente de la cour d'appel de Poitiers, statuant en référé, aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de la décision dont appel.

Par ordonnance de référé du 21 décembre 2023, la première présidente de la cour d'appel de Poitiers a débouté la société L'Arbre Béni et l'a condamnée à verser 1.000 euros à Messieurs [B] et [F] au titre des frais irrépétibles.

Le 2 février 2024, la société L'Arbre Béni a demandé de réformer la décision entreprise, de débouter les bailleurs de l'ensemble de leurs demandes, et de les condamner à lui payer la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles.

Le 20 novembre 2024, Messieurs [B] et [F] ont demandé:

Sur les demandes principales de la preneuse,

- de la débouter de ses demandes principales,

- de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait constaté l'absence de créancier inscrit, constaté la résiliation du bail, ordonné sous astreinte l'expulsion de la preneuse, et condamné la preneuse à leur payer une indemnité d'occupation;

Sur les demandes subsidiaires de la preneuse,

- la débouter de ses demandes subsidiaires,

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait constaté l'absence de créancier inscrit, constaté la résiliation du bail, ordonné sous astreinte l'expulsion de la preneuse, et condamné la preneuse à leur payer une indemnité d'occupation;

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle avait constaté l'absence de créancier inscrit, constaté la résiliation du bail, ordonné sous astreinte l'expulsion de la preneuse, et condamné la preneuse à leur payer une indemnité d'occupation;

Y ajoutant,

- condamner la preneuse à leur payer la somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Le 6 février 2024, a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

Le 19 février 2024, les bailleurs ont demandé le rejet des débats des conclusions et pièces nouvelles n° 14 à 16 de la preneuse, notifiées le 2 février 2024.

Le 1er mars 2024, la preneuse a demandé de débouter les bailleurs de leur demande tendant à voir rejeter ses propres écritures et pièces déposées en date du 2 février 2024.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

MOTIVATION:

Sur la demande de rejet des écritures déposées par l'appelante le jour de l'ordonnance de clôture:

Selon l'article 802 alinéa 1 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

L'article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les éléments de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent, et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code fait obligation au juge d'observer et de faire observer le principe de contradiction en toutes circonstances, sans pouvoir retenir dans sa décision des éléments dont les parties n'auraient pas été en mesure de discuter contradictoirement.

Ces textes imposent de caractériser les circonstances particulières ayant porté atteinte au principe de la contradiction.

Il résulte de ces textes que pour écarter des écritures et pièces communiquées tardivement, il convient de rechercher si celles-ci appelaient une réponse, notamment en soulevant des prétentions ou moyens nouveaux.

Le 15 novembre 2023, il a été adressé aux parties un calendrier de procédure prévoyant que l'ordonnance de clôture serait prise le 6 février 2024, pour une audience de plaidoirie le 4 mars suivant.

Le vendredi 2 février 2024 à 16 heures 15, l'appelante a déposé de nouvelles écritures et de nouvelles pièces n°14 à 16.

Le mardi 6 février 2023, a été rendue l'ordonnance de clôture de l'instruction de l'affaire.

Le 19 février 2024, les intimés ont demandé à voir dire celles-ci irrecevables, motif pris d'une prétendue violation du principe du contradictoire

Mais ils se sont bornés à mettre en exergue la tardiveté alléguée des écritures adverses qui ne les mettraient pas en mesure d'y répondre à leur sens, sans indiquer en quoi celles-ci feraient état de demandes, moyens, ou pièces nécessitant une réponse de leur part.

Et d'autre part, leur communication le vendredi 2 février ménageait aux intimés un temps suffisant pour y répondre éventuellement avant la clôture fixée au mardi 6 février suivant.

Dès lors, les circonstances de la communication de ses écritures et pièces par l'appelante ne caractérise aucune atteinte au principe de la contradiction.

Il conviendra donc de dire n'y avoir lieu à rejeter les écritures et pièces n°14 à 16 déposées le 2 février 2014 par la preneuse.

Sur le fond:

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article 835 du même code ajoute que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation, même s'il s'agit d'une obligation de faire.

C'est au demandeur en référé qu'il appartient de démontrer le bien-fondé de sa créance, tandis qu'il revient au défendeur de démontrer l'existence d'une contestation sérieuse.

Le juge des référés n'est pas tenu de caractériser l'urgence pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail, ni pour allouer des provisions au titre des loyers et charges impayés, ou pour indemnité d'occupation.

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail, prévoyant sa résiliation de plein droit, ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement, à peine de nullité, doit mentionner ce délai.

L'application de la clause résolutoire, insérée dans un contrat de bail par application de l'article L. 145-41 du code de commerce susdit, nécessite deux conditions d'application, à savoir d'une part la violation d'une obligation expressément prévue au bail, et d'autre part une mise en demeure.

Et à défaut pour le preneur de régulariser sa situation dans le délai, la clause résolutoire est acquise de plein droit, le juge ne pouvant que la constater même si la sanction apparaît disproportionnée eu égard à la gravité du manquement.

Il n'appartient pas au juge d'apprécier la gravité du manquement sanctionné par la clause résolutoire.

L'article 1718 du Code civil fait obligation au preneur d'user de la chose louée en bon père de famille, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention.

Le contrat de bail commercial comporte une clause selon laquelle les parties conviennent expressément qu'en cas de manquement par le preneur à l'une quelconque de ses obligations contractuelles, qui sont toutes de rigueur, ou en cas de violation des dispositions imposées au preneur par les textes légaux et réglementaires, dont les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, le bail serait résilié de plein droit un mois après mise en demeure d'exécuter délivrée par exploit d'huissier restée sans effet, les conditions d'acquisition de la clause résolutoire seraient constatées judiciairement et l'expulsion du preneur devenu occupant sans droit ni titre, serait ordonnée par le juge.

Le 8 décembre 2022, les bailleurs ont fait délivrer à la preneuse un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail d'avoir à:

- respecter le règlement de copropriété qui lui avait été remis à la date de signature du bail;

- respecter le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de céans du 16 février 2021, lui demandant d'avoir à cesser toutes nuisances sonores, et resté sans effet;

- rétablir la façade de l'établissement telle que reçue à l'entrée dans les lieux, faute pour elle d'avoir demandé l'accord aux bailleurs et à la copropriété;

- retirer toute enseigne et plaque figurant sur la devanture, faute d'avoir demandé l'accord aux bailleurs et à la copropriété, et de respecter la réglementation locale;

- cesser toute ouverture nocturne de l'établissement créant des nuisances sonores;

- produire aux bailleurs l'attestation d'assurance locative à jour du local commercial loué;

- justifier aux bailleurs de l'entretien des équipements.

La preneuse fait observer s'être vue délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire visant un certain nombre de demandes, au nombre desquelles ne figure aucune demande en paiement: elle rappelle avoir toujours régulièrement réglé ses loyers et charges à bonne date.

Mais alors que le commandement a visé la clause résolutoire en faisant injonction à la preneuse de respecter sous un délai d'un mois, à défaut de quoi le bail serait résilié, les diverses obligations qu'il énumère, il importe peu que les bailleurs n'aient à ce titre présenté aucune demande au titre des loyers et charges.

Au surplus, au sens juridique du terme, la notion de paiement, loin de se borner au versement d'une somme d'argent, s'entend comme l'exécution par son auteur, de l'obligation à laquelle il est assujetti.

Sur la modification de la façade:

Une simple connaissance par le bailleur d'une situation irrégulière ne peut conférer au preneur aucun droit en l'absence de tout acte non ambigu valant autorisation.

Selon l'article 25 b°) de la loi numéro 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, sont soumis à autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires tous travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Le contrat de bail fait obligation au preneur:

- d'user des locaux suivant la destination prévue au bail d'exploiter effectivement le fond et de respecter le règlement de copropriété;

- de ne faire aucun changement, démolition, percement de murs ou cloisons, sans le consentement préalable exprès et par écrit du bailleur ou de son mandataire, tandis que tous travaux autorisés devraient être exécutés par les entreprises de l'immeuble et seraient sous la direction de l'architecte du bailleur, le tout aux frais du preneur.

Il résulte des articles 10 et 13 et 18 du règlement de copropriété que:

- tout commerce est autorisé au rez-de-chaussée, à l'exception des activités de bar ou de salle de jeux avec ouverture nocturne, ainsi que toute discothèque, qui sont strictement interdites;

- les propriétaires occupants de locaux, notamment ceux utilisés à usage commercial et/ou professionnel devront veiller particulièrement à ne produire aucune nuisance susceptible de gêner les autres occupants;

- chacun des copropriétaires devra se conformer aux prescriptions du présent règlement et de ne pas nuire aux droits des autres copropriétaires, le tout conformément à la destination de l'immeuble, en répondant des occupants de son chef;

- chaque copropriétaire sera responsable du respect de toutes les prescriptions d'ordre administratif en vigueur (règlement de sécurité, de police, de construction, etc.');

- aucune tolérance ne pourra devenir un droit acquis quelle que puisse en être la durée;

- la faculté pour le copropriétaire de saisir l'assemblée des copropriétaires du syndicat d'une question relative à l'utilisation des parties communes et privatives, quand le règlement requiert l'accord du syndic, en cas de refus de celui-ci;

- les copropriétaires occupants de l'immeuble devront veiller à la tranquillité des occupants des autres locaux, compte tenu des modalités d'usage des locaux privatifs résultant du présent règlement, avec obligation de prendre toutes mesures ou précautions pour limiter la mesure du possible la gêne susceptible de résulter d'une activité bruyante, avec interdiction d'émissions sonores à l'extérieur des locaux privatifs.

Il est constant que la preneuse a modifié la vitrine de son établissement en façade des lieux donnés à bail par la création d'un guichet de vente à emporter.

Car au regard des photographies antérieures et postérieures, ainsi que des plans annexés à la demande de travaux présentée par la preneuse elle-même, l'existence de cette modification relève d'un constat manifeste ne souffrant aucune contestation.

Au regard de la nature de ces travaux, touchant à l'aspect extérieur de l'immeuble, il apparaît avec évidence que leur réalisation doit être soumise à l'approbation de l'assemblée générale de des copropriétaires.

La preneuse sollicite que la clause du contrat de bail soit déclarée abusive, en ce qu'elle lui impose de faire exécuter les travaux qu'elle sollicite par les entreprises de l'immeuble sous la direction de l'architecte du bailleur, constituant ainsi une entrave à son libre choix des prestataires.

Mais ce moyen est inopérant, comme manquant de fait, dans la mesure où le litige porte non pas sur les modalités d'exécution et la direction des travaux, après avoir obtenu les autorisations nécessaires, mais sur le point de savoir si en les réalisant sans solliciter les autorisations nécessaires, la preneuse a ou non violé ses obligations du contrat de bail.

Car d'une part, il ressort des procès-verbaux des 4 juillet 2015 et 8 juillet 2018 que l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble a refusé l'autorisation sollicitée par la preneuse de modifier la vitrine avec changement d'accès et création d'un comptoir.

Et d'autre part, il ressort des deux notifications d'opposition à déclarations préalables en date des 15 juin 2015 et 17 juillet 2017, prononcées par la commune comme suite aux demandes de modification de la vitrine par création d'un guichet de vente à emporter, présentées par la preneuse, et tirant la conséquence des refus successifs de l'assemblée générale des copropriétaires, que cette situation n'est pas conforme à la législation applicable.

La preneuse objecte que la commune a accepté les travaux de modification susdits le 23 décembre 2019.

Mais elle n'a pas produit de décision de l'autorité administrative y afférente.

Car l'examen de sa pièce n°13, intitulée autorisation de modification de façade, porte sur une décision autorisant l'exécution des travaux visés par une déclaration préalable de travaux déposée le 27 février 2017, qui n'a porté que sur des travaux d'aménagement intérieur du commerce, portant sur les cloisonnements, le carrelage des sols et des murs.

Il en ressort ainsi qu'en réalisant des travaux non conformes aux règles d'urbanisme, la preneuse a manifestement violé le règlement de copropriété qu'elle s'était engagée à respecter aux termes du contrat de bail.

Or, la preneuse ne démontre pas avoir respecté le règlement de copropriété tel qu'il lui avait été remis à la date de signature du bail, au plus tard un mois après le commandement du 8 décembre 2022 comportant sommation à cet égard.

Ce premier manquement justifie, à lui seul, l'acquisition de la clause résolutoire.

* * * * *

La société l'Arbre Béni met en exergue que la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 4 juillet 2015 a été annulée par un jugement du 1er février 2017,

Mais la délibération de l'assemblée générale des copropriétaires du 8 juillet 2017, refusant elle aussi la réalisation des travaux, demeure valable.

La preneuse objecte encore l'ancienneté de ses travaux, réalisés lors de son entrée dans les lieux, sans que depuis la copropriété ait réalisé une quelconque action aux fins de remise en état antérieur

Mais la seule connaissance par la copropriété de la modification des lieux par la preneuse ne peut pas valoir autorisation tacite de celle-là, alors que la copropriété avait refusé les travaux sollicités le 8 juillet 2017 et ce au regard de la rédaction du règlement de copropriété, excluant tout droit acquis par tolérance quelle qu'en soit la durée.

Et à aucun moment, la preneuse ne justifie par ailleurs de l'autorisation du bailleur.

Ainsi, alors que le contrat de bail avait imposé au preneur de solliciter l'autorisation du bailleur et de la copropriété pour procéder aux travaux et transformations, et que ces travaux affectaient l'aspect extérieur de l'immeuble, la réalisation de ces travaux traduit une violation manifeste des engagements contractés par la preneuse dans le bail.

Or, la preneuse ne démontre pas avoir rétabli la façade de l'établissement tel qu'elle l'a reçue à l'entrée dans les lieux, faute pour elle d'avoir demandé l'accord au bailleur susvisé ni à la copropriété, au plus tard un mois après le commandement du 8 décembre 2022 comportant sommation à cet égard.

Ce deuxième manquement justifie, à lui seul, l'acquisition de la clause résolutoire.

Sur l'attestation d'assurance locative:

Le contrat de bail fait obligation au preneur de s'assurer contre les risques locatifs, et à en justifier, à première réquisition du bailleur, être à jour du paiement des primes y afférentes, sous peine de résiliation de bail, la police souscrite devant l'être pour la valeur de la reconstruction à neuf du bien loué.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 septembre 2022 (dont l'accusé de réception fait état de sa présentation le 4 octobre suivant, et de sa distribution le 5 octobre suivant), les bailleurs ont demandé à la preneuse la production de l'attestation d'assurance idoine.

La preneuse souligne que l'attestation qu'elle verse met en évidence que son établissement est assuré depuis 2015, soit depuis la signature du bail.

Mais la preneuse ne démontre pas avoir communiqué cette attestation d'assurance, au plus tard dans le mois suivant le commandement du 8 décembre 2022 comportant sommation à cet égard, ni même après, alors que les bailleurs font état de sa carence à son égard jusqu'au 28 juin 2023, soit pendant 9 mois.

Au surplus, l'attestation communiquée, en date du 26 juin 2023, mentionne comme assuré Monsieur [U] [W], et non pas la société l'Arbre Béni, certes pour une activité de restauration sans piste de danse, mais qui ne mentionne pas l'adresse des locaux loués.

Cette attestation ne permet donc de vérifier que les locaux donnés à bail sont effectivement assurés.

La preneuse n'a donc ainsi pas justifié de son assurance dans les délais qui lui ont été impartis.

L'évidente apparence de ce troisième manquement, justifie encore à lui seul l'application de la clause résolutoire.

Sur la pose de l'enseigne et de la plaque de la preneuse sur la devanture sans autorisation des bailleurs et de la copropriété:

Le contrat de bail fait obligation au preneur de ne modifier ni ne poser aucune enseigne ou plaque sans l'accord préalable et écrit du bailleur et celui de la copropriété s'il y a lieu, le preneur devant faire son affaire personnelle des autorisations administratives et des taxes susceptibles d'être dues de ce fait.

Selon l'article 25 b°) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, sont soumis à autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires tous travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Les bailleurs font grief à la preneuse d'avoir posé son enseigne et sa plaque sans avoir sollicité leur autorisation, ni celle de l'assemblée générale des copropriétaires, alors que celle-ci est obligatoire comme affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble.

La preneuse lui objecte que la sanction automatique de la résiliation du bail à cet égard n'est pas établie par les stipulations contractuelles.

Mais une simple lecture littérale de celles-ci, rapportées ci-dessus, suffit à invalider cette position.

La preneuse soutient que dans la mesure où l'enseigne doit être considérée comme faisant partie du bail commercial, le bailleur ne peut lui interdire la position d'une enseigne, alors qu'il est constant que ce même local commercial avait été exploité auparavant par différents commerces qui y avaient tous apposé leur enseigne, de telle sorte que le bail ne peut être résilié sur ce motif.

L'appelante ajoute que sa position sur ce point est d'autant plus pertinente qu'elle a obtenu l'autorisation administrative aux fins de modification de la façade.

Elle souligne encore que qu'en tant que faisant partie du fonds de commerce, l'enseigne commerciale est située dans les parties privatives, et non dans les parties communes, de telle sorte qu'à son sens, c'est à tort que les bailleurs se prévalent de la nécessité d'un accord de la copropriété.

Mais il ressort d'une lecture littérale des écritures de l'appelante que celle-ci reconnaît ne pas avoir demandé au bailleur l'autorisation de poser l'enseigne et la plaque de la devanture, de telle sorte qu'elle ne peut pas faire grief au bailleur d'un quelconque refus à l'égard d'une demande qu'elle n'a elle-même pas formulé, alors qu'elle-même en avait l'obligation.

Et pour le surplus, en ce que cet enseigne, visible depuis la voie publique, affecte l'aspect extérieur de l'immeuble, un accord de l'assemblée générale des copropriétaires était évidemment nécessaire à cette fin.

Dès lors, en posant son enseigne et sa plaque sans avoir sollicité et obtenu les autorisations du bailleur et de la copropriété, la preneuse a violé de manière manifeste les engagements du contrat de bail.

Or, la preneuse ne justifie pas avoir retiré toute enseigne et plaque figurant sur sa devanture, faute pour elle d'avoir demandé l'accord au bailleur susvisé à la copropriété et de respecter la réglementation, au plus tard dans le mois suivant la délivrance du commandement du 8 décembre 2022 comportant sommation à cet égard.

L'évidente apparence de ce manquement, justifie encore à elle seule l'application de la clause résolutoire.

Sur les justificatifs d'entretien des équipements:

Le contrat de bail fait obligation au preneur d'effectuer ou faire effectuer l'entretien et les réparations locatives dès que nécessaire sur sa propre initiative, ou sur injonction du bailleur, et de souscrire un contrat d'entretien pour faire entretenir au moins une fois par an les équipements individuels (chauffage, gaz, électricité, ramonage) et à en justifier à première demande du bailleur, ainsi que laisser le bailleur ou toute personne mandatée visiter sur rendez-vous et deux fois par an si nécessaire les lieux loués pour s'assurer de leur état d'entretien et du respect de toutes les clauses, charges et conditions du bail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 septembre 2022 (dont l'accusé de réception fait état de sa présentation le 4 octobre suivant, et de sa distribution le 5 octobre suivant), les bailleurs ont demandé à la preneuse la production de la copie du contrat annuel d'entretien des équipements individuels (chauffage, gaz, électricité, ramonage), y compris les évacuations de fumée et d'indiquer les dates des dernières interventions.

La preneuse souligne que son éventuel défaut de réponse à une demande d'accès au local, qui constitue un établissement ouvert au public, et au surplus ouvert sur rue, ne peut pas justifier la résiliation du bail commercial, alors que les stipulations dont se prévalent les bailleurs correspondraient à son sens à un bail d'habitation, au terme duquel le propriétaire transférerait la jouissance des lieux au preneur, et auxquels il ne pourrait plus accéder qu'avec l'autorisation de ce dernier.

La preneuse argue encore de ce que la demande au titre des justificatifs d'entretien des équipements ne se conçoit qu'à l'égard des équipements dont les bailleurs seraient propriétaires, tandis qu'en l'espèce, la totalité des équipements figurant dans le local est destinée à l'exploitation commerciale et sont sa propre propriété.

L'appelante excipe encore que ce que seuls les services d'hygiène et de sécurité, réalisant des visites régulières de son établissement de restauration, sont seuls habilités à se prononcer sur la conformité de ces équipements à la législation applicable.

Mais eu égard à son obligation de jouir du bien donné à bail en bon père de famille, et de la stipulation contractuelle susdite, il appartenait au preneur de justifier de l'entretien des équipements listés au bail, quand bien même ceux-ci seraient-il nécessaires à sa propre exploitation commerciale et en serait-il propriétaire.

Or, la preneuse, qui reconnaît dans ses propres écritures l'existence de ces équipements, ne démontre pas avoir communiqué les justificatifs d'entretien y afférents au plus tard dans le mois suivant le commandement du 8 décembre 2022 comportant sommation de justifier aux bailleurs de l'entretien des équipements.

L'évidente apparence de ce manquement, justifie encore à elle seule l'application de la clause résolutoire.

* * * * *

Subséquemment, à l'issue de cet examen, il y aura lieu de faire droit à l'intégralité des demandes des bailleurs, et l'ordonnance sera confirmée de ces chefs.

L'ordonnance sera confirmée pour avoir débouté la preneuse de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance, et pour l'avoir condamnée aux dépens de première instance incluant le coût du commandement de payer et celui de l'état des inscriptions, et à payer aux bailleurs la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

La preneuse sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.

La preneuse sera condamnée aux entiers dépens d'appel, et à payer aux bailleurs la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Rejette la demande de Monsieur [L] [B] et de Monsieur [P] [F] tendant à rejeter les écritures et pièces n°14 à 16 déposées le 2 février 2024 par la société à responsabilité limitée L'Arbre Béni;

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions;

Y ajoutant:

Déboute la société à responsabilité limitée L'Arbre Béni de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel;

Condamne la société à responsabilité limitée L'Arbre Béni aux entiers dépens d'appel et à payer à Monsieur [L] [B] et Monsieur [P] [F] une somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.