CA Montpellier, ch. com., 30 avril 2024, n° 22/03996
MONTPELLIER
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
TPLL (SARL)
Défendeur :
LNA (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Demont
Conseillers :
Mme Bourdon, M. Graffin
Avocats :
Me Dardaillon, Me de La Soudiere, Me Bertrand
EXPOSE DU LITIGE :
La SARL LNA, immatriculée depuis le 9 janvier 2018, a pour activité principale la prise de participations sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement majoritaire ou non, exclusivement dans des sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à l'exclusion de la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.
Les parts sociales de la société LNA, dont le siège social était situé à [Localité 7], sont réparties entre Mme [J] [X] (500 parts), qui en est également la gérante, et M. [O] [E] (500 parts).
La SARL INTPL, immatriculée depuis le 6 novembre 2015, dont le siège social était situé à [Localité 10] (puis à [Localité 7]), a pour activité principale le traitement capillaire des poux et des lentes avec des solutions naturelles, la vente de produits liés au traitement des poux et des lentes. Mme [J] [X] en est la gérante.
Elle exploite sous l'enseigne « Kid's Poux » un fonds de commerce situé à [Localité 9], destiné au traitement capillaire des poux.
Par acte sous seing privé en date du 10 janvier 2018, Mme [J] [X] a cédé une part sociale (sur cinquante) et M. [O] [E], cinquante parts sociales, qu'ils possédaient respectivement dans le capital social de la société INTPL, à la société LNA.
Le 3 avril 2018, Mme [T] [C], en tant que candidat franchisé, a signé et paraphé un document d'information précontractuel relatif à la franchise Kid's Poux. Elle a créé, et immatriculé le 6 août 2018, la SARL TPLL.
Par acte sous seing privé en date du 7 août 2018, la société TPLL, représentée par Mme [T] [C], en qualité de franchisé, et Mme [C] ont conclu un contrat de franchise avec la société LNA, aux fins d'exploiter une unité de franchise sous l'enseigne «'Kid's Poux'» dans un fonds de commerce situé à [Adresse 2] à [Localité 3], et ce, pour une durée de 7 ans, moyennant une redevance initiale de 20'000 euros HT, des redevances mensuelles (3% du chiffre d'affaires HT mensuel et au minimum 200 euros HT par mois) et une redevance publicitaire de 500 euros HT par mois.
L'article 16.1.1 dudit contrat stipulait également «'dans l'hypothèse où le franchisé est une personne morale, le présent contrat est également conclu en considération de la personne de [C] [T] qui sera l'interlocuteur permanent du franchiseur'».
Par acte sous seing privé en date du 7 août 2018, la SARL LNA, franchiseur, et la société TPLL, franchisé, ont conclu un contrat de mise à disposition de matériel (configuration informatique et logicielle) pendant l'exécution du contrat de franchise moyennant une redevance de 79,90 euros HT par mois.
Par acte sous seing privé en date du 3 octobre 2018, la société LNA et la société TPLL ont conclu un « contrat pour l'achat d'espace publicitaire sur Facebook et Google » aux termes duquel la société LNA définit la stratégie pour les campagnes, met en ligne les annonces, achète les mots clés, gère et optimise la communication digitale pour une durée indéterminée moyennant 100 euros par mois HT.
Par lettre recommandée du 23 septembre 2020 (avis de réception signé le 5 octobre 2020), la société TPLL a informé la société LNA qu'elle résiliait le contrat d'achat d'espace publicitaire sur Facebook et Google.
Par lettre recommandée du 16 novembre 2020 (avis de réception non produit), le conseil de la société TPLL a mis en demeure la société LNA de lui rendre les propriétés des pages Facebook et Google My Busines et confirmé la résiliation du contrat d'achat d'espace publicitaire sur Facebook.
En réponse par lettre du 4 décembre 2020, le conseil de la société LNA a refusé de faire droit à la demande de la société TPLL concernant la propriété des pages Facebook et Google My Business, a pris acte de la résiliation du contrat d'achat d'espace publicitaire et l'a mise à son tour en demeure de lui régler la somme de 2'166,68 euros au titre d'une somme due pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2020.
Par lettre recommandée du 18 janvier 2021 (avis de réception non produit), le conseil de la société TPLL a mis en demeure la société LNA aux fins «'de constater la nullité du contrat de franchise, de lui régler la somme de 64'699,23 euros, de restituer les propriétés des pages Facebook et Google My Business ainsi que de lui transmettre l'intégralité des fichiers clients'».
En réponse, par lettre recommandée du 29 janvier 2021 (avis de réception non produit), le conseil de la société LNA a contesté toute nullité et mis en demeure la société TPLL de verser la somme de 4'006,07 euros.
Par lettre recommandée du 19 février 2021 (avis de réception non produit), le conseil de la société TPLL a informé la société LNA de la résiliation du contrat de franchise à ses torts exclusifs en raison des manquements graves de celle-ci en sa qualité de franchiseur maintenant ses prétentions au titre de la nullité du contrat.
Saisi par acte d'huissier en date du 26 février 2021 délivré par la société TPLL, le tribunal de commerce de Montpellier par jugement contradictoire du 25 mai 2022 a':
- débouté la société TPLL de ses demandes ;
statuant sur la demande reconventionnelle de la société LNA ;
- condamné la société TPLL à payer à la société LNA la somme de 4'006,07 euros au titre des factures impayées ;
- dit que la condamnation au paiement au titre des factures impayées portera intérêt égal au taux légal, majoré de 3.5 points sur la somme due, à compter de la date d'échéance de chaque facture jusqu'au paiement effectif ;
- condamné la société TPLL à payer à la société LNA la somme de 650 euros représentant l'indemnité forfaitaire de frais de recouvrement afférente aux 10 factures impayées ;
- prononcé la résiliation du contrat de franchise conclu entre la société LNA et la société TPLL aux torts exclusifs de la société TPLL ;
- condamné la société TPLL à payer à la société LNA :
- 25'507,49 euros au titre du gain manqué,
- 5 000 euros à titre d'indemnité pour la résiliation anticipée du contrat ;
- rejeté les demandes de la société LNA relatives à la violation des obligations post-contractuelles des articles 19.1, 19.2 et 19.3 de la société TPLL ;
- rejeté la demande de la société LNA en paiement d'une somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 19.5 ;
- condamné la société TPLL à payer à la société LNA la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- condamné la société TPLL aux dépens de l'instance.
Par déclaration du 21 juillet 2022, la société TPLL a relevé appel de ce jugement, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de la société LNA relatives à la violation des obligations post-contractuelles des articles 19.1, 19.2 et 19.3 de la société TPLL, rejeté la demande de la société LNA en paiement d'une somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 19.5 et dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par jugement du 7 septembre 2022, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société LNA, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 7 mars 2021 et a désigné la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [I] [L], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par conclusions du 14 février 2024, la société TPLL demande à la cour au visa des articles L. 330-3, R. 330-1 et L.341-2 du code de commerce, des articles 1130, 11037, 1112-1, 1224, 1231-1, 1240 et 1169 du code civil, des articles L.5131-7, L.5431-7 et R.5431-2 du code de la santé publique et du règlement européen n°1223/2009 du parlement européen et du conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, de :
- juger son appel recevable et bien fondé ;
- juger recevables et bien fondées ses demandes ;
- faire droit à l'ensemble de ses demandes ;
- en conséquence, infirmer le jugement entrepris ;
et statuant à nouveau ;
à titre principal,
- juger l'absence de transmission du document d'information précontractuelle de la société LNA à la société TPLL ;
- juger l'absence de transmission d'éléments complets, précis et sincères dans le document d'information précontractuelle transmis à la société TPLL par la société INTPL ;
- juger que M. [E] est le gérant de fait de la société LNA ;
- juger le vice de son consentement ;
- juger de l'absence de propriété des marques de la société LNA transmises à la société TPLL ;
- juger que le contrat de franchise a une contrepartie illusoire ;
- juger de la nullité du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LNA ;
- juger que les pages Facebook et Google Kid's Poux [Localité 3] lui appartiennent exclusivement ;
subsidiairement,
- juger de l'ensemble des manquements et fautes contractuels de la société LNA ;
- juger que le contrat de franchise a été résilié aux torts exclusifs du franchiseur ;
- juger comme étant réputé non écrite la clause de non-réaffiliation post-contractuelle (article 19.4 du contrat de franchise) ;
- juger le déséquilibre de la clause 19.5 du contrat de franchise ;
- juger comme étant réputé non écrit l'article 19.5 du contrat de franchise ;
- juger que les pages Facebook et Google Kid's Poux [Localité 3] lui appartiennent exclusivement ;
en conséquence, à titre principal,
- condamner la société LNA à lui payer la somme de :
- 60 699,23 euros au titre de la nullité du contrat de franchise, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
- 894,30 euros au titre des abonnements et paiements web dus ;
- 577,20 euros au titre des frais de port indument perçus,
- ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid's Poux [Localité 3] de la société TPLL en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros ;
à titre subsidiaire,
- condamner la société LNA à lui payer la somme de :
- 55 679,23 euros au titre de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LNA, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
- 894,30 euros au titre des abonnements et paiements web dus ;
- ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid's Poux [Localité 3] de la société TPLL en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros ;
en tout état de cause,
- ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid's Poux [Localité 3] de la société TPLL en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros ;
- condamner la société LNA à payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- acter l'intervention forcée de la société Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LNA ;
- juger que la décision à intervenir dans la présente instance l'opposant à la société LNA sera opposable à la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LNA ;
et, en conséquence,
- fixer les condamnations que la cour prononcera dans le cadre de la présente affaire au passif de la liquidation judiciaire de la société LNA ;
- juger que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande ;
- fixer la somme de 6000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société LNA, au bénéfice de la société TPLL, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour la mise en cause de la société Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [I] [L], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LNA ;
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La société LNA a constitué avocat, mais n'a pas conclu.
La société Alpha Mandataires Judiciaires, en la personne de Mme [I] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA, assignée en intervention forcée par acte de commissaire de justice du 17 octobre 2022 par remise à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est datée du 20 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- sur la nullité pour dol et défaut de contrepartie :
L'article L. 330-3 du code de commerce dispose que toute personne qui met à la disposition d'une autre un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d'elle un engagement d'exclusivité ou de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité, est tenu, préalablement à la signature de tous contrats conclus dans l'intérêt commun des parties, de fournir à l'autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s'engager en toute connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l'ancienneté et l'expérience de l'entreprise, l'état et les perspectives de développement du marché concerné, l'importance du réseau d'exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d'une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d'une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimum avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l'alinéa précédent.
L'article R. 330-1 de ce code énonce que le document prévu au premier alinéa de l'article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme juridique et de l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l'article R. 123-237 ainsi que la date et le numéro d'enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l'objet du contrat a été acquise à la suite d'une cession ou d'une licence, la date et le numéro de l'inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l'indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l'entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l'entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d'exploitants, s'il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l'alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l'état général et local du marché des produits ou services devant faire l'objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du VI de l'article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d'exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l'indication pour chacune d'elles du mode d'exploitation convenu ;
b) L'adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l'alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l'exploitation envisagée ;
c) Le nombre d'entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l'année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s'il a été résilié ou annulé ;
d) S'il y a lieu, la présence, dans la zone d'activité de l'implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l'accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l'objet de celui-ci ;
6° L'indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l'enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l'exploitation.
Selon les articles 1130 et 1131 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ; ce vice du consentement est une cause de nullité relative du contrat.
L'article 1137 suivant, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, précise que le dol est le fait pour un cocontractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Enfin, l'article 1112-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Mme [T] [C] a signé et paraphé le 3 avril 2018 un document d'information précontractuelle remis par la société INTPL, représentée par sa gérante, Mme [X].
La société TPLL (constituée entre-temps par Mme [C]) considère que la société INTPL, qui a effectué cette remise, n'étant pas celle avec laquelle elle a signé le contrat de franchise, à savoir la société LNA, également représentée par Mme [X] en qualité de gérante, elle a été trompée sur la personne du franchiseur, qui, de ce fait, ne lui a remis aucun document d'information précontractuel.
Toutefois, l'intuitu personae d'un contrat de franchise au regard de la personne du franchiseur, qu'elle évoque, ne concerne que ledit contrat, et non le document d'information précontractuel. Il lui appartenait de refuser de contracter avec la société LNA si elle considérait que celle-ci n'était pas le franchiseur qu'elle connaissait. Au demeurant, le projet de contrat de franchise, annexé au document d'information précontractuel, mentionnait la société LNA en qualité de (futur) franchiseur.
La société TPLL ne rapporte la preuve ni de l'existence de man'uvres dolosives à son égard, l'ayant incitée à contracter à l'issue de cette période précontractuelle, ni que la personne du franchiseur était, pour elle, un élément déterminant, étant constaté que les deux personnes morales étaient parfaitement identifiées et représentées par la même personne physique.
Au demeurant, il est justifié que la société LNA est devenue actionnaire majoritaire dans le capital social de la société INTPL suite à une cession de parts sociales en date du 10 janvier 2018 auprès de Mme [X], qui a conservé quarante-neuf parts, et de M. [E], qui a cédé toutes ses parts sociales.
Le moyen relatif à l'absence de remise de document d'information précontractuel par le franchiseur est inopérant.
La société TPLL considère que ce document d'information précontractuel transmis était incomplet et imprécis.
Toutefois, les dispositions de l'article R. 330-3 alinéa 1 et 4 du code de commerce prévoient que le franchiseur fasse connaître l'adresse du siège de l'entreprise et la nature de ses activités avec l'indication de sa forme, l'identité du chef d'entreprise s'il s'agit d'une personne physique ou des dirigeants s'il s'agit d'une personne morale ainsi que toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants sans, pour autant exiger, que l'objet social (s'il s'agit d'une personne morale) du franchiseur mentionne expressément une telle activité, étant entendu que celle de holding, concernant la société LNA, qui est le seul franchiseur, est compatible avec celle de société animatrice ou tête de réseau. Ce moyen est inopérant.
Si M. [E] était, selon la société TPLL, « le véritable gérant » (sic), l'obligation d'information porte, par essence, sur les dirigeants de droit tandis que la présentation de « toutes indications permettant d'apprécier l'expérience professionnelle acquise par l'exploitant ou par les dirigeants » que la dissimulation de cette qualité aurait permise, ne peut porter que sur le même type d'activité que celle, objet de la franchise. Or, la société TPLL mentionne que M. [E] gérait une société [E] Invest, ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 8 juillet 2015, dont l'objet social était d'être une holding en matière de management et gestion d'entreprise ainsi qu'une société HTF, ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire par jugement du 12 avril 2016, ayant pour activité la conception et la réalisation de formation en matière de transport et logistique.
Par ailleurs, le document d'information précontractuel mentionne, sans dissimulation, M. [E] en qualité de fondateur et actionnaire du concept «Kid's Poux » et il appartenait à la société TPLL de se renseigner si elle le jugeait utile, celle-ci se contentant de sous-entendre l'existence d'une interdiction de gérer sans en rapporter la preuve.
De même, ces dispositions limitent à l'année précédant la délivrance du document d'information précontractuel, soit en l'espèce jusqu'en avril 2017, la communication du nombre d'entreprises ayant cessé de faire partie du réseau, de sorte que la société TPLL, qui soutient, sans indiquer la moindre date, que le départ de la société STBL, qui aurait été la première société franchisée du réseau, lui aurait été dissimulé, ne démontre pas que cette information devait figurer sur la liste de présentation du réseau, constituée par l'annexe 9 du document d'information précontractuel.
Contrairement à ce que soutient la société TPLL, le document d'information précontractuel ne mentionne nullement que la société LNA a le statut de master franchise suite à l'achat en France d'une franchise espagnole, l'indication de rachat d'un concept n'étant pas précise à cet égard et aucun des éléments produits par la société franchisée ne démontrant un tel achat tandis qu'il expose clairement que la société INTPL a développé le savoir-faire, objet de la franchise ; aucune dissimulation à ce titre n'est caractérisée.
Si la présentation des marques est imprécise dans le cadre d'une synthèse effectuée dans le document d'information précontractuel (article 2.5) et si la marque verbale « Kid's Poux » a été omise dans l'annexe 3 de celui-ci, les deux autres marques, semi-figuratives, déposées, qui comprennent les terme « Kid's Poux » sont reproduites, et cette information approximative ne caractérise pas une rétention d'information, a fortiori dolosive.
Par ailleurs, si les marques et leurs propriétaires, transmises dans le contrat de franchise, sont, comme elle le soutient, différentes de celles mentionnées dans le document d'information précontractuel, il appartenait également à la société TPLL de refuser de s'engager si elle avait considéré cet élément comme essentiel et déterminant de son consentement. Enfin, un contrat de franchise n'impose pas au franchiseur d'être propriétaire des marques, dont il concède l'exploitation, tandis que l'article 11.1.1 du contrat de franchise stipule, en substance, que l'usage par le franchisé des marques concédées est sans emport quant à leur propriété.
Au demeurant, il n'est pas contesté que la société LNA a signé avec la société INTPL un contrat de licence de marque avec faculté de sous-licence. Il en résulte que la société TPLL ne rapporte pas la preuve d'une absence de contrepartie justifiant la nullité du contrat de franchise en application de l'article 1169 du code civil.
Le document d'information précontractuel contient une présentation du marché national et du marché local identique (annexes 4 et 5), le futur franchiseur recommandant, dans l'article 4 de ce document, au futur franchisé de faire réaliser une étude de marché en fonction, notamment, de son implantation pour lui permettre d'établir son compte de résultat prévisionnel. Il appartenait ainsi à la société TPLL de réaliser elle-même une analyse d'implantation plus précise si elle le souhaitait.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucun man'uvre dolosive au sens de l'article 1137 du code civil, ni aucune rétention d'information au sens de l'article 1112-1 de ce code, ne sont établies.
En conséquence, la demande de nullité du contrat de franchise de la société TPLL sera rejetée ainsi que ses demandes subséquentes au titre des préjudices en découlant.
2- sur la résiliation
Selon l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.
Selon les articles 1227 et 1228 suivants, la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice et le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Si la société LNA a incité ses franchisés à continuer à recevoir de la clientèle, dans un courrier en date du 15 mars 2020, malgré les arrêtés ministériels en date des 14 et 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, elle a, dès le lendemain, indiqué que les fonds de commerce devaient rester fermés pendant quinze jours, puis pendant la totalité de l'arrêté lié au confinement, tandis que la société TPLL n'indique nullement avoir ouvert son fonds de commerce et avoir fait l'objet de sanctions à ce titre.
De même, la lettre, en date du 26 octobre 2020, adressée par le médecin du travail à un autre franchisé, ne traduit qu'une interrogation dudit médecin sans que la société TPLL ne démontre que la qualité de filtration de l'air dans ses propres locaux aurait été à l'origine du risque évoqué.
Pareillement, l'utilisation de produits inadaptés, voire dangereux pour des enfants en bas âge ou la mauvaise utilisation pour la clientèle du produit Envie Coco ne concerne, pour l'un, qu'un autre fonds de commerce ([Localité 8]) à une occasion ou, pour l'autre, n'est pas démontrée concrètement au sein de son fonds de commerce, la société TPLL se bornant à faire état de risques purement théoriques.
La société TPLL reproche au franchiseur de ne pas lui avoir transmis le savoir-faire, qu'elle qualifie « de service », consistant notamment dans l'extraction des poux et lentes chez l'enfant et l'adulte à l'aide d'aspirateurs spécifiques.
Toutefois, si les aspirateurs fournis n'étaient pas propres à l'activité développée et ont été mal installés, ces désordres sont étrangers à la transmission, en elle-même, du savoir-faire.
Il en est de même de la distribution de produits étiquetés en contradiction avec les normes existantes, qui a été ponctuelle (quatre mois) ou de produits ne comportant pas de numéros de lots, celle-ci ne portant pas atteinte à l'obligation de délivrance du savoir-faire « de distribution », en ce que la société TPLL ne rapporte pas la preuve que cet étiquetage irrégulier l'aurait empêchée d'exercer son activité et d'exploiter ledit savoir-faire.
Aucun de ces éléments ne caractérise un manquement suffisamment grave à l'obligation de délivrance du savoir-faire par le franchiseur justifiant la résiliation du contrat.
L'article 11.3 du contrat de franchise prévoit que toute communication sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram...) réalisée par le franchisé ne peut, sans autorisation préalable du franchiseur, contenir, directement ou indirectement, une évocation de la marque « Kid's Poux» ou des signes distinctifs caractérisant le réseau « Kid's Poux», toute marque, tout signe distinctif désignant un produit distribué par le franchiseur au fournisseur référencé.
L'article 15 de ce contrat précise que le franchisé est propriétaire du fichier client qu'il a constitué et qu'à des fins commerciales, le franchiseur et le franchisé pourront utiliser ledit fichier sans que cela ne constitue une atteinte à la propriété du franchisé sur son fonds de commerce et ce, durant l'exécution du contrat ou postérieurement à sa rupture.
Si le franchisé est propriétaire de sa clientèle locale et de son fichier client, l'usage d'internet et des réseaux sociaux est réglementé par le contrat de franchise ainsi que le contrat d'achat espace publicitaire sur Facebook et Google, signé le 7 août 2018. La société TPLL n'établit pas avoir créer les pages Facebook et Google My Business, qu'elle a utilisées, dont le propriétaire est, ainsi, légitimement, la société LNA.
Il en résulte que la société TPLL ne démontre pas que la société LNA se serait appropriée son fichier client, ne formant, au demeurant, aucune demande à ce titre. La demande de restitution des pages Facebook et Google Kid's Poux [Localité 3] sera rejetée.
Si les produits distribués n'étaient pas conformes aux normes applicables pendant quelques mois, si des erreurs ont pu survenir dans la facturation, notamment quant à celle des frais de port, et ce, pour des montants limités, la société TPLL ne rapporte pas que cette distribution ou cette gestion irrégulières l'auraient empêchée de poursuivre son activité.
En conséquence, la demande de résiliation du contrat de franchise de la société TPLL aux torts du franchiseur sera rejetée ainsi que ses demandes subséquentes au titre des préjudices en découlant, étant constaté que cette dernière a, d'ores et déjà, dans un courrier en date du 19 février 2021, prononcé une telle résiliation.
3- sur la clause de non-réaffiliation
L'article 19.4 du contrat de franchise prévoit que pendant une durée de deux ans suivant la rupture, pour quelque cause que soit du contrat, le franchisé s'engage dans le territoire dans lequel est exploitée l'unité franchisée :
- à ne pas s'affilier, adhérer ou participer, de quelque manière que ce soit (notamment en qualité d'associé) directement, indirectement, ou par personne interposée à un réseau exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau « Kid's Poux»,
- à ne pas créer, animer, diriger, participer (notamment an qualité d'associé), directement, indirectement, par personnes interposée, un réseau exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau « Kid's Poux » ou ses membres,
- plus généralement, à ne pas se lier, directement, indirectement ou par personne interposée, à tout organisme ou groupement exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau « Kid's Poux ».
L'article 19.5 suivant fixe l'indemnité prévue en cas de non-respect, notamment, de ladite clause.
La clause est limitée à l'activité, objet de la franchise. Elle est circonscrite à la ville d'implantation, à savoir [Localité 3]. Elle est nécessaire à la protection du savoir-faire transmis. Si la clause est réputée non écrite en ce qu'elle excède d'une année la durée autorisée par l'article L. 341-2 II 4° du code de commerce, la société TPLL ne tire aucune conséquence de droit de cette durée excessive, se bornant à soutenir son caractère applicable, en l'espèce, eu égard à l'activité de commerces de détail de chaque centre du réseau et à critiquer uniquement les termes de la clause, relatifs à son champ territorial (II 2° dudit article). Au demeurant, cette clause, limitée à une année, apparaît globalement proportionnée eu égard au caractère naissant du réseau de franchise et en ce qu'elle n'interdit pas à la société TPLL de poursuivre son activité à titre individuel dans des conditions économiques satisfaisantes (bien que celle-ci eut été créée pour intégrer un réseau). A ce titre, la société TPLL ne se prévaut d'aucune impossibilité d'une telle poursuite alors que la période, illicitement définie par la clause, est désormais échue.
Ces clauses ne seront donc ni réputées non-écrites, ni annulées et les demandes de la société TPLL à ce titre seront rejetées.
4- sur les demandes en paiement de la société LNA
Il résulte de l'article 472 du code de procédure civile qu'en appel, si l'intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables, et bien fondés. Aux termes de l'article 954 dernier alinéa de ce code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.
Ainsi, la cour doit examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé pour statuer sur la demande en paiement de la société LNA, défaillante en cause d'appel.
En application de l'article 8.5 «'paiement des redevances du contrat de franchise'», le tribunal a retenu que la société TPLL est débitrice, au 22 janvier 2021, au titre de commandes non payées de la somme de 2'379,01 euros, que celle-ci ne conteste pas. La société TPLL sera donc condamnée au paiement de cette somme et n'ayant pas rempli son obligation de paiement, la résiliation du contrat lui est imputable.
Concernant le manque à gagner de la société LNA, le tribunal, considérant que le franchiseur a droit à l'équivalent des redevances qu'il n'a pas pu percevoir jusqu'au terme normal du contrat, a retenu une redevance moyenne annuelle de 5'829,38 euros en s'appuyant, de manière très précise, sur le chiffre d'affaires mensuel pour les exercices 2019 et 2020, qu'il a appliqué sur la durée restant à courir, calcul que la société TPLL critique sans indiquer en quoi ce montant serait erroné. Il sera donc retenu.
Enfin, le tribunal a retenu, en application de l'article 18.2 «'indemnités de résiliation anticipée pour inexécution du contrat de franchise'», que la rupture anticipée avait généré un préjudice de 5 000 euros pour la société LNA, qui réclamait la somme de 25 000 euros contractuellement fixée. La société TPLL conteste ce montant, qu'elle considère disproportionné, sur la base d'un calcul erroné, qui correspond à 25 mois d'une redevance mensuelle à hauteur de 200 euros, alors que la redevance moyenne mensuelle était de 485,78 euros. Cette contestation étant infondée et la société LNA étant réputée s'approprier les motifs du jugement, la cour ne peut que confirmer ce chef de préjudice.
Par ces motifs, le jugement déféré sera confirmé, sauf à seulement constater, et non prononcer, la résiliation du contrat de franchise.
Il sera également complété quant au rejet des demandes de restitution des pages Facebook et Google Kid's Poux [Localité 3] et de constat du caractère non-écrit des articles 19.4 et 19.5 du contrat de franchise.
5- sur les autres demandes
Il n'y a pas lieu de statuer sur l'opposabilité du présent arrêt à la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, celle-ci étant partie à l'instance d'appel en qualité d'intervenant forcé, ce qu'il conviendra de constater.
Succombant principalement sur son appel, la société TPLL sera condamnée aux dépens et sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Constate l'intervention forcée de la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, en la personne de Mme [I] [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL LNA ;
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de franchise,
Statuant à nouveau de ce seul chef infirmé,
Constate la résiliation du contrat de franchise aux torts de la SARL TPLL ;
Et ajoutant,
Rejette les demandes de la SARL TPLL de restitution des pages Facebook et Google Kid's Poux [Localité 3] et de constat du caractère non-écrit des articles 19.4 et 19.5 du contrat de franchise ;
Rejette la demande de la SARL TPLL fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL TPLL aux dépens d'appel.