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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 8, 30 avril 2024, n° 22/13277

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Axyme (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Hébert-Pageot

Conseillers :

Mme Dubois-Stevant, Mme Lacheze

Avocats :

Me Roiron, Me Goinard, Me Jougla, Me Dalin

T. com. Paris, du 15 sept. 2020, n° 2019…

15 septembre 2020

FAITS ET PROCÉDURE :

Par acte du 16 juin 2011, la société Chateaubriand, dont M. [I] était le président, a acquis 80 % des titres de la société Transearch France qui exerçait une activité de recrutement de cadres et exploitait, en tant que franchisée, la marque " Transearch international ".

Le 21 août 2014, la société Transearch international a résilié, à effet du 1er janvier 2015, le contrat de franchise et retiré la marque Transearch à la société Chateaubriand.

Fin 2014, les sociétés Chateaubriand et Transearch France ont fusionné par le biais d'une transmission universelle de patrimoine et, le 12 février 2015, la société Chateaubriand a déposé la marque Eiger international et changé de dénomination sociale pour devenir Eiger international LS.

Par un traité d'apport partiel d'actifs du 30 juin 2015, la société Eiger international LS a apporté l'ensemble des éléments d'actif afférent à son activité de recrutement à la société LS partners, créée par M. [I], et, en contrepartie, la société LS partners a émis 3.600 actions nouvelles d'une valeur nominale d'un euro remises en paiement à la société apporteuse. A l'issue de cette opération, la société Eiger international LS détenait 40 % du capital de la société LS partners et M. [I] le reste. La société Eiger international LS a changé de dénomination devenant Cimarosa conseil.

Pendant ce temps, courant 2015, deux salariés, Mme [T] et M. [X], ont obtenu une ordonnance, le 15 avril 2015, condamnant la société Eiger international LS à leur verser une provision respectivement de 25.000 euros et de 20.000 euros, puis, les 30 juin et 30 juillet 2015, deux jugements du conseil de prud'hommes condamnant la société Eiger international LS à leur payer respectivement 153.947 euros et 686.485 euros.

Le 17 septembre 2015, ils ont assigné les sociétés Cimarosa conseil et LS partners en alléguant une fraude paulienne. Par arrêt du 7 janvier 2020, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement qui les avait déboutés et a déclaré le traité d'apport partiel d'actif inopposable à leur égard.

Entre-temps, sur déclaration de cessation des paiements déposée par M. [I] le 1er février 2016 et par jugement du 16 février 2016, la société Cimarosa conseil a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements fixée au 1er février 2016 et la SELARL EMJ désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La SELARL Axyme ès qualités a été désignée par ordonnance du 20 juillet 2017 en remplacement de la SELARL EMJ.

Sur assignation du liquidateur du 5 février 2019 et par jugement du 15 septembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a estimé que M. [I] avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de la société et l'a condamné à verser à la SELARL Axyme ès qualités la somme de 1.071.529 euros et celle de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu une insuffisance d'actif d'un montant de 1.468.194 euros, hors instance en cours, et les fautes de gestion invoquées par le liquidateur, à savoir l'usage contraire à l'intérêt de la société Cimarosa de ses biens ou de son crédit pour favoriser une société dans laquelle M. [I] était directement intéressé - et ce, en versant des honoraires à hauteur de 131.120 euros entre septembre et décembre 2014 et de 144.967 euros entre janvier et juillet 2015 à la société Bellevue - et le détournement de tout ou partie de l'actif en transférant sans contrepartie réalisable l'activité de la société Cimarosa conseil à une société, la société LS partners, dont il détenait la majorité du capital.

Il a écarté la faute tenant au transfert des actifs sans contrepartie, constitué du transfert du fonds de commerce sans réelle contrepartie et du versement par la société LS partners de 510.022 euros d'honoraires aux sociétés Bellevue superperformance et Bellevue & associés en 2016 et 2017, en considérant que ces reproches, fondés, constituaient une reformulation des deux premiers griefs retenus. Pour les mêmes motifs, il a écarté la faute tenant à une conduite délibérément hasardeuse des affaires sociales et à des infractions au code du travail.

Par déclaration du 29 janvier 2021, M. [I] a fait appel de ce jugement. Il a conclu en dernier lieu le 3 juin 2021, demandant subsidiairement le prononcé d'un sursis à statuer.

La SELARL Axyme ès qualités a conclu en dernier lieu le 7 juin 2021.

Par avis communiqué par RPVA le 28 mai 2021, le ministère public a invité la cour à confirmer le jugement.

Par arrêt avant-dire droit du 28 septembre 2021, la cour a sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la Cour de cassation statuant sur le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 janvier 2020, réservé toutes les demandes des parties et les dépens, ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour et dit que la partie la plus diligente procédera au rétablissement de l'affaire sur production de l'arrêt de la Cour de cassation.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour le 8 août 2022 alors que la Cour de cassation avait, par arrêt du 19 janvier 2022, rejeté le pourvoi introduit par M. [I].

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 29 janvier 2024, M. [I] demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de débouter la SELARL Axyme ès qualités de toutes ses demandes, à titre subsidiaire de ramener à de plus justes proportions le montant des condamnations, en toute hypothèse de condamner la SELARL Axyme ès qualités à verser 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 août 2022, la SELARL Axyme ès qualités demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner M. [I] à lui verser une somme supplémentaire de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Le ministère public renvoie à son avis communiqué par RPVA le 28 mai 2021 tendant à la confirmation du jugement. Cet avis a été communiqué par RPVA le 15 novembre 2022.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 20 février 2024.

A l'audience, le ministère public est d'avis que la cour ramène à 300.000 euros le montant de la condamnation devant être prononcée à l'égard de M. [I].

SUR CE,

Sur l'insuffisance d'actif :

Le liquidateur estime que l'insuffisance d'actif certaine s'élève à la somme de 1.468.193 euros compte tenu d'un passif retraité de l'issue d'une procédure initiée par un créancier, d'une demande de dégrèvement visant les sommes déclarées par l'administration fiscale et de l'absence d'actif à réaliser. Il souligne que l'insuffisance d'actif est constituée à hauteur de 911.450 euros de condamnations prud'homales.

M. [I] fait valoir que Mme [T] et M. [X] ont renoncé à leurs créances de 153.957 euros et de 686.484 euros, diminuant d'autant le passif social ramené à 840.442 euros, que la créance de l'AGS de 235.000 euros doit être contestée dès lors que ces deux salariés ont renoncé à leur créance, qu'une créance fiscale a été contestée (149.000 euros) de même qu'une créance de 151.000 euros déclarée par la société Cell solutions.

L'insuffisance d'actif est constituée de la différence entre le passif définitif admis ou en tout cas non contesté et l'actif réalisé.

Le liquidateur judiciaire expose que le passif déclaré non rejeté de 1.957.496,64 euros se décompose comme suit :

- un passif superprivilégié : 60.781,57 euros ;

- un passif privilégié : 874.403,54 euros ;

- un passif chirographaire : 1.022.311,53 euros, dont une créance de 489.303,12 euros non définitive faisant l'objet d'une instance en fixation devant le tribunal de commerce de Paris.

Il s'en déduit un passif hors instance en cours de 1.468.193,52 euros.

Ce passif comprend des créances prud'homales pour un montant total de 911.450 euros ainsi décomposé :

- la prise en charge des condamnations prud'homales par le CGEA à hauteur de 236.844 euros,

- le solde du montant dû à M. [X] de 592.248 euros,

- le solde du montant dû à Mme [T] de 69.528 euros,

- le solde du montant dû à M. [N] de 12.830 euros.

Par lettres du 7 juillet 2023, M. [X] et Mme [T] ont chacun renoncé à la totalité de leur créance déclarée pour un montant respectif de 686.484,90 euros et de 153.957,10 euros, comprenant la partie prise en charge par le CGEA. Ces renonciations ramènent le passif à la somme de 627.751,52 euros (1.468.193,52 euros - 686.484,90 euros - 153.957,10 euros).

Le 13 décembre 2016, la société Cimarosa conseil avait contesté, outre les créances de M. [X] et de Mme [T] et celle de la société AJA Int'l faisant l'objet d'une instance en cours, les créances déclarées par le PRS de Versailles (149.373 euros), la société B2V gestion (25.207 euros), M. [N] (153.957,10 euros), Mme [U] (233.597 euros), l'Urssaf (62.808 euros).

Depuis, selon la liste des créances arrêtée au 18 janvier 2019, la créance de M. [N] a été fixée au passif de la société par jugement du 16 septembre 2016, celle de Mme [U] a été rejetée en partie et réglée par le CGEA pour une autre partie, celles de l'Urssaf et de la société B2V gestion rejetées. Il n'y a donc pas lieu de retrancher ces créances du montant du passif avancé par le liquidateur déjà réduit des créances auxquelles M. [X] et Mme [T] ont renoncé.

Tant M. [I] que le liquidateur judiciaire font état d'une demande de dégrèvement de la créance déclarée par le PRS de Versailles au titre de la TVA 2016. A défaut d'information quant au sort de cette demande, le montant de cette créance (149.373 euros) doit être déduit du passif devant être pris en compte pour arrêter une insuffisance d'actif certaine.

Il se déduit ainsi de tout ce qui précède que l'insuffisance d'actif certaine s'élève à la somme de 478.378,52 euros (627.751,52 euros - 149.373 euros).

Sur la faute de gestion constituée d'un détournement d'actif :

Le liquidateur judiciaire reproche à M. [I] d'avoir détourné et opéré un transfert des actifs de la société Cimarosa conseil sans contrepartie en ayant procédé, le 30 juin 2015, à l'apport partiel de l'actif de la société Cimarosa conseil à la société LS partners dont il a résulté un appauvrissement de la société Cimarosa conseil compte tenu des dettes sociales et du passif prud'homal laissés à sa charge et du caractère illusoire de la valeur de l'actif apporté à la société Cimarosa conseil, soit 40 % des titres de la société LS partners.

Le traité d'apport partiel d'actif considéré, daté du 30 juin 2015, a transféré à la société LS partners des actifs d'une valeur nette comptable de 1.677.812 euros et un passif de 1.674.212 euros, soit un apport net de 3.600 euros, et, en contrepartie, la société Cimarosa conseil a reçu 3.600 actions de la société LS partners d'une valeur nominale de 1 euro. La société Cimarosa conseil a conservé des actifs valorisés à 123.285 euros et un passif de 240.781,70 euros.

Dans l'arrêt du 7 janvier 2020, la cour d'appel a considéré que cet apport partiel d'actif avait appauvri la société Cimarosa conseil en ce qu'elle avait été privée de toute possibilité de percevoir de nouveaux revenus et que le gage de créanciers avait été amputé des immobilisations et de disponibilités à concurrence de 306.828 euros. Elle a retenu également que l'insolvabilité au moins apparente de la société Cimarosa conseil au 30 juin 2015 n'était pas discutée par les parties et qu'elle se déduisait du patrimoine que la société avait conservé et des difficultés financières dans lesquelles elle se trouvait en raison de la perte de la marque Transearch et persistante lorsque Mme [T] et M. [X] l'ont assignée en justice, en septembre 2015. Si la cour en a conclu l'existence d'une fraude organisée en vue de porter préjudice à ces deux salariés, qui venaient d'obtenir une condamnation prud'homale en référé, elle n'a pas pour autant qualifié cet apport partiel d'actif de détournement de ces mêmes actifs au détriment de la société Cimarosa conseil ni apprécié l'existence ou non d'une contrepartie à cet apport d'actif, constatations auxquelles elle n'était pas tenue de procéder.

Le liquidateur judiciaire considère que les actifs de la société Cimarosa conseil ont été détournés sans contrepartie. Mais la société Cimarosa conseil a reçu 3.600 actions de la société LS partners dont il n'est pas démontré qu'elle n'aurait pas pu en tirer des revenus alors que le liquidateur judiciaire n'établit pas que le fonds de commerce transféré était dépourvu de toute chance de développement. Ainsi l'expert-comptable de la société LS partners atteste qu'au 31 décembre 2021, les capitaux propres de cette société était de 174.483 euros (contre 9.000 euros à sa création) et l'assemblée générale du 26 mai 2021 a décidé une distribution de dividendes de 13.500 euros, étant observé qu'entre-temps, comme il sera vu ci-après, une nouvelle société disposant de la licence Transearch a ouvert un bureau à [Localité 5] en janvier 2017 faisant ainsi directement concurrence à la société LS partners. La valeur de l'actif apporté à la société Cimarosa conseil ne peut dès lors être qualifiée d'illusoire.

Ensuite, Mme [K], ancienne consultante au sein de la société Cimarosa conseil, explique, dans un courriel du 10 juin 2022 à l'occasion d'une discussion avec M. [I] sur ses conditions financières d'association, qu'alors que la société Cimarosa conseil faisait face en 2015 aux contentieux de quatre salariés qui venaient de quitter l'entreprise, à savoir Mmes [T] et [U] et MM. [X] et [N], elle n'avait alors accepté de suivre M. [I] dans la société LS partners que dans la perspective d'une association dans une société " vierge de tout contentieux ". Mme [K] expose également qu'au démarrage de la société LS partners, 4 des 6 consultants venaient de quitter la société Cimarosa conseil " dans des conditions totalement déloyales pour remonter quelques mois plus tard un cabinet concurrent sous [l'] ancienne marque (Transearch) de concert avec leur ancien patron ([V] [L]) ", que le second associé et dirigeant de la société Cimarosa conseil venait de quitter l'entreprise et que la société Cimarosa conseil commençait à faire face aux contentieux avec l'ancien franchiseur et les quatre consultants.

M. [I] produit en effet également un courriel de M. [L], fondateur de Transearch, à Mme [T] du 18 août 2014 la prévenant qu'il aurait une nouvelle importante et confidentielle à lui communiquer, un courriel du 21 août 2014 par lequel la société Transearch l'a informé du non-renouvellement de la franchise et l'annonce, en janvier 2017 de la réouverture d'un bureau Transearch à [Localité 5] composé notamment de Mme [T], M. [X] et Mme [U].

M. [I] établit ainsi le contexte dans lequel il a été amené à constituer la société LS partners, structure permettant de développer l'activité, malgré le départ de son associé, avec les consultants salariés ayant fait le choix de rester dans l'entreprise et ce, sans faire peser sur la nouvelle structure un passif latent potentiellement important compte tenu des demandes faites en justice par les quatre salariés ayant quitté l'entreprise, dont trois d'entre eux l'avaient fait dans des conditions déloyales et attentatoires à la survie de la société Cimarosa conseil. M. [I] établit également la collusion entre M. [L], Mme [T] et M. [X] dans le retrait de la franchise Transearch au détriment de la société Cimarosa conseil et le rétablissement par Mme [T] et M. [X] à [Localité 5] de cette même franchise deux ans plus tard.

Le détournement d'actif sans contrepartie reproché par le liquidateur judiciaire est d'autant moins caractérisé qu'au jour de l'apport partiel d'actif, M. [I] ne pouvait être convaincu des condamnations prud'homales lourdes ultérieurement prononcées à l'encontre de la société Cimarosa conseil qui s'est acquittée du paiement des provisions prononcées par le juge des référés, la cour relevant que Mme [T] et M. [X] ont au demeurant, en 2023, renoncé à se prévaloir de ces condamnations à l'égard de la liquidation.

Cette même renonciation remet en outre en cause la contribution des actes de M. [I] à l'insuffisance d'actif établie par les condamnations prud'homales prononcées au profit de Mme [T] et M. [X] comme l'a retenu le tribunal.

Dans ces conditions, la cour ne retiendra pas comme faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif l'apport partiel d'actif du 30 juin 2015 qualifié de détournement d'actif par le liquidateur judiciaire.

Sur la faute de gestion constituée d'un usage des biens de la société Cimarosa conseil contraire à l'intérêt social pour favoriser une société dans laquelle M. [I] était directement intéressé :

Le liquidateur reproche à M. [I] d'avoir fait usage des biens de la société Cimarosa conseil pour favoriser la société Bellevue dans laquelle M. [I] était directement intéressé en faisant verser par la société Cimarosa conseil des honoraires à la société Bellevue superperformance, devenue Bellevue et associés, dont M. [I] était l'associé et le co-gérant, son épouse étant également associée et cogérante, pour un montant total de 538.326,85 euros pour les exercices 2014 et 2015 (soit du 1er janvier 2014 au 31 juillet 2015). Le liquidateur soutient que ces sommes correspondent à une rémunération de M. [I], importante au regard du chiffre d'affaires de la société Cimarosa conseil et de son résultat déficitaire au cours des deux derniers exercices, et qu'elles n'ont eu aucune contrepartie, M. [I] ne justifiant pas des prestations prétendument fournies par la société Bellevue et associés.

M. [I] conteste avoir été intéressé dans la société Bellevue superperformance.

Le liquidateur judiciaire affirme que la société Bellevue et associés, immatriculée en 2004, était précédemment dénommée Bellevue superperformance mais il n'en fait ni la démonstration ni ne produit de pièces à l'appui de ses dires. La cour écartera donc de son appréciation les honoraires versés à la société Bellevue superperformance, soit la somme de 25.390,85 euros payée en 2014.

M. [I] ne conteste pas le paiement des honoraires par la société Cimarosa conseil à la société Bellevue et associés dont il était associé et gérant mais soutient que la société Cimarosa conseil était en excellente situation financière en 2014, que sa situation était encore saine au premier semestre 2015, que ces honoraires étaient justifiés par une convention liant les sociétés Bellevue et Cimarosa conseil et qu'ils étaient facturés en contrepartie du chiffre d'affaires généré par la société Cimarosa conseil selon les usages de la profession.

Il sera rappelé que la société bénéficiaire de la marque Transearch international était, jusqu'à la résiliation du contrat le 21 août 2014 à effet au 1er janvier 2015, la société Transearch France dont la société Chateaubriand, présidée par M. [I], avait acquis en 2011 80 % des titres, que les deux sociétés ont, le 19 décembre 2014, fusionné par le biais d'une transmission universelle de patrimoine, la fusion étant rétroactive au 1er janvier 2014, que, le 12 février 2015, la société Chateaubriand a changé de dénomination sociale pour devenir Eiger international LS puis Cimarosa conseil après l'apport partiel d'actif du 30 juin 2015.

Le compte de résultat de la société Chateaubriand fait apparaître au 31 décembre 2014 un bénéfice d'exploitation de 196.800 euros - et un bénéfice comptable de 137.357 euros dont se prévaut M. [I] pour contester la faute de gestion - et non une perte d'exploitation de 851.757 euros comme retenue par le liquidateur judiciaire au vu du compte de résultat de la société Cimarosa conseil. La différence s'explique par l'enregistrement dans les comptes de la société Cimarosa conseil d'une dépréciation des immobilisations incorporelles de 1.048.557,45 euros. Faute d'explication des parties, la cour retient que cette dépréciation est liée à la perte de l'usage de la marque Transearch résultant de la résiliation du contrat notifiée par la société Transearch international le 21 août 2014. Cette perte n'étant pas imputable à M. [I], il sera retenu que l'exploitation de la société devenue Cimarosa conseil était bénéficiaire en 2014, avec un chiffre d'affaires de 3.128.572 euros et des charges d'exploitation de 2.947.566 euros (hors dépréciation sur immobilisations incorporelles). La cour relève également que les disponibilités bancaires en fin d'exercice étaient de 361.828 euros.

Les honoraires versés en 2014 par la société Chateaubriand à la société Bellevue et associés à hauteur de 397.969,50 euros ont ainsi représenté 13,5 % des charges d'exploitation (hors dépréciation sur immobilisations incorporelles) et 12,7 % du chiffre d'affaires en 2014. Le bénéfice d'exploitation de 196.800 euros et l'existence de disponibilités bancaires en fin d'exercice de 361.828 euros excluent que ces honoraires aient pesé sur la trésorerie comme l'affirme le liquidateur judiciaire.

Sur sept mois d'exploitation en 2015, la société Cimarosa conseil a dégagé une perte d'exploitation de 342.404 euros, son chiffre d'affaires étant passé à 1.151.426 euros et les charges d'exploitation à 1.495.968 euros, et ses disponibilités bancaires étaient de 55.000 euros à l'issue de la période. Les pièces produites aux débats (état des créances au 18 janvier 2019, jugements, ordonnances de référé) ne permettent pas à la cour de dire si la société Cimarosa conseil s'est acquittée des condamnations prud'homales prononcées en référé à son encontre mais M. [I] l'affirme sans être contredit par le liquidateur judiciaire.

Les honoraires versés en 2015 ont été réduits à 9,7 % des charges d'exploitation et maintenu à 12,6 % du chiffre d'affaires de l'exercice clos le 31 juillet 2015, les paiements ayant été de 144.966,50 euros. Si l'exploitation des sept premiers mois de 2015 a été déficitaire, les honoraires versés à la société Bellevue et associés sont demeurés au même niveau par rapport au chiffre d'affaires tout en pesant moins sur les charges d'exploitation.

M. [I] produit une convention de collaboration conclue le 1er juillet 2011 entre la société Transearch France, représentée par M. [F], son directeur général, et la société Bellevue et associés, représentée par M. [I]. Cette convention était en vigueur lors de la transmission universelle de patrimoine de la société Transearch France à effet rétroactif au 1er janvier 2014, la société Transearch France partie à la convention et la société Transearch France objet de la transmission universelle de patrimoine ayant le même numéro de RCS 379 663 503. Elle est ainsi le cadre juridique justifiant le paiement d'honoraires par la société Cimarosa conseil, anciennement Chateaubriand, à la société Bellevue et associés en 2014 puis 2015, le liquidateur judiciaire ne démontrant nullement qu'elle ait été résiliée à quel que moment que ce soit.

Aux termes de cette convention, la société Bellevue et associés exécute les mandats qui lui sont confiés par la société Transearch France en contrepartie d'une rémunération par des honoraires égaux à 50 % du chiffre d'affaires net encaissé pour les mandats de recrutement et à 60 % du chiffre d'affaires net encaissé pour les mandats de conseil en ressources humaines, le paiement des honoraires étant effectué à l'encaissement des factures émises aux clients de la société Transearch France. M. [I] produit une convention conclue entre deux sociétés tierces, non signée, prévoyant une collaboration similaire et des honoraires fixés selon la même méthode et à des niveaux équivalents, en tout cas supérieurs à 50 % du chiffre d'affaires net encaissé.

M. [I] verse encore aux débats notamment deux courriels émanant de deux anciens clients témoignant de l'exécution par M. [I] personnellement de mandats de recrutement entre septembre 2014 et avril 2015 et entre 2013 et 2017.

Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Axyme ès qualités n'établit pas la faute de gestion qu'elle reproche à M. [I] alors qu'il lui appartient d'en rapporter la preuve, dès lors que les paiements reprochés sont justifiés par les modalités d'exploitation de l'activité des sociétés Transearch France puis Cimarosa conseil, par une convention dument conclue entre la première, ultérieurement absorbée, et la société Bellevue et associés et par l'exécution personnelle de mandats par M. [I], et que les honoraire payés ont été fixés selon les usages de la profession et n'ont pas représenté une charge excessive pour la société devenue Cimarosa conseil au regard de la situation financière de la société, du chiffre d'affaires encaissé par la société devenue Cimarosa conseil grâce à l'exécution des mandats, et des difficultés auxquelles elle a été confrontée en 2015 à la suite du départ notamment de M. [X] et de Mme [T].

Aucune faute de gestion n'est dès lors retenue.

Sur la faute de gestion constituée d'infractions au code du travail :

Le liquidateur judiciaire reproche à M. [I] le défaut de paiement des commissions dues pour l'année 2014 à Mme [T] et à M. [X], le défaut de paiement de la rémunération due à M. [X] du 26 mars au 22 mai 2015 et des entraves répétées aux fonctions de délégué du personnel de M. [X].

L'ensemble de ces faits repose sur les seuls jugements des 30 juin et 31 juillet 2015 du conseil de prud'hommes prononcés en faveur de Mme [T] et de M. [X], ce dernier ayant été délégué du personnel au sein de la société Transearch France depuis le 30 septembre 2013. Il n'est pas fait état d'autre circonstance que celles retenues par le conseil de prud'hommes pour caractériser des " entraves répétées aux fonctions de délégué du personnel de M. [X] ", à savoir l'absence de réunions des délégués du personnel à compter de la mi-décembre 2014, malgré une demande en ce sens par courrier du 19 mars 2015, et des modifications discriminatoires des conditions de travail imposées à M. [X], alors que l'inspection du travail avait refusé son licenciement.

Or un conflit entre employeur et salarié portant sur le non-respect du contrat de travail et des procédures de licenciement ne peut à lui seul caractériser des infractions au code du travail et une faute de gestion alors qu'aucun travail dissimulé ou manquement à une règle de sécurité n'est relevé par la juridiction prud'homale. La cour relève en outre que les faits ayant motivé les décisions de justice, dont l'entrave aux fonctions de délégué du personnel, se sont déroulés uniquement alors que la société devenue Cimarosa conseil était confrontée à la perte de la franchise Transearch à laquelle il a été précédemment dit que M. [X] et Mme [T] n'étaient pas étrangers.

Par ailleurs, il n'a résulté de ces faits aucune aggravation de l'insuffisance d'actif dans la mesure où Mme [T] et M. [X] ont, en 2023, renoncé à se prévaloir à l'égard de la liquidation des condamnations prud'homales prononcées en leur faveur.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'imputer à faute à M. [I] ces faits.

La cour ne retient en définitive aucune faute de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif de sorte que le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et la SELARL Axyme ès qualités déboutée de toutes ses demandes.

Sur les demandes accessoires :

Les dépens de première instance et d'appel seront passés en frais privilégiés de la procédure collective et la SELARL Axyme ès qualités déboutée de ses demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'insuffisance d'actif affectant la liquidation judiciaire de la société Cimarosa conseil, M. [I] sera également débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SELARL Axyme ès qualités de toutes ses demandes ;

Déboute M. [G] [I] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile;

Ordonne l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.