Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 2 mai 2024, n° 23/16301
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 02 MAI 2024
(n° 173, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16301 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKV6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/54785
APPELANTS
Mme [H], [T], [I] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
M. [K] [E]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentés par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
INTIMES
M. [Y] [D]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Clémentine BOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1466
L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE
[Adresse 9]
[Localité 4]
Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 08 novembre 2023 à personne morale
EN PRESENCE DE :
S.A.S CLINIQUE DE [8], RCS de Paris sous le n°448 937 417, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Ayant pour avocat plaidant Me Vincent BOIZAND, avocat au barreau de Paris, toque : P0456
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
En 2015, alors âgé de 18 ans, M. [Y] [D] a consulté le docteur [E], chirurgien gynécologue au sein de la Clinique [8] afin de réaliser une hystérectomie et une annexectomie, dans le cadre d'une transformation transgenre.
L'intervention s'est déroulée le 13 mars 2015, en présence du Docteur [Z], anesthésiste.
Des complications sont apparues, à savoir l'apparition d'un hémopéritoine sans saignement actif. Il était finalement diagnostiqué une péritonite nosocomiale post-opératoire. Le patient, a présenté en 2018 une éventration sus-ombilicale, qui est réapparue deux ans plus tard.
M. [D] précise qu'il a subi plusieurs interventions.
Au regard des nombreuses opérations subies et des séquelles notamment digestives qu'il conservées, M. [D] a, par actes d'huissier en date des 6, 7, 9 et 12 juin 2023, assigné en référé les Dr [E] et [Z], la Clinique de [8], l'ONIAM et la CPAM de Seine et Marne devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de, notamment :
obtenir la désignation d'un expert, spécialisé en chirurgie obstétrique et dans la réparation du préjudice corporel sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de provision ad litem.
Par ordonnance réputée contradictoire du 15 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;
ordonné une expertise ;
commis pour y procéder M. [N] lequel pourra s'adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur de son choix, d'une spécialité distincte de la sienne, après avoir avisé les conseils des parties ;
donné à l'expert la mission suivante :
1. Sur les responsabilités éventuellement encourues :
* interroger la partie demanderesse et recueillir les observations du ou des défendeur(s) ;
* reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;
* procéder, dans le respect de l'intimité de la vie privée, à l'examen clinique de la partie demanderesse ;
* établir l'état médical de la partie demanderesse avant et après les actes critiqués et consigner ses doléances ;
* donner tous éléments sur la forme et le contenu de l'information donnée au patient, notamment quant aux risques courus, en précisant, en cas de survenue de tels risques, quelles auraient été les possibilités et les conséquences pour le patient de se soustraire à l'acte effectué ;
* décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes qui ont été réalisés et préciser dans quelles structures et, dans la mesure du possible, par qui ils ont été pratiqués ;
* dire si les actes, soins et traitements ont été attentifs, diligents et conformes à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été pratiqués :
- lors de l'établissement du diagnostic ;
- dans le choix du traitement et de sa réalisation ;
- au cours de la surveillance du patient et de son suivi ;
- dans l'organisation du service et de son fonctionnement, en précisant si les moyens en personnel et en matériel mis en 'uvre au moment de la réalisation des actes critiqués correspondaient aux obligations prescrites en matière de sécurité ;
* dans la négative, analyser, de façon motivée, la nature des erreurs, imprudence, manque de précautions, négligences (pré, per ou post-opératoires), maladresses ou autres défaillances relevées et le cas échéant, préciser à quel(s) intervenant(s) elles sont imputables ;
* dire si les lésions et/ou séquelles constatées sont directement imputables aux soins et traitements critiqués et aux éventuels manquements relevés, en précisant l'incidence éventuelle de l'état antérieur, le cas échéant, dire si ces manquements ont été à l'origine d'une perte de chance et, en ce cas, la chiffrer (en pourcentage) ;
* si les dommages survenus et leurs conséquences étaient probables, au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, évaluer le cas échéant, le taux de risque opératoire, en tenant compte de l'état de santé du patient à la date de l'acte en cause et des circonstances ;
* dire ce qu'aurait été de manière probable, à court et moyen terme, l'état du patient en cas d'abstention thérapeutique et si l'état de santé du patient à la suite du dommage survenu est notablement plus grave que l'état ainsi reconstitué ;
* dire si l'état de la partie demanderesse est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration, dans l'affirmative, fournir tous les éléments sur les soins et traitements qui seront nécessaires, en chiffrer le coût et préciser les délais dans lesquels ils devront être exécutés, en indiquant, dans la mesure du possible, la part non susceptible d'être pris en charge par les organismes sociaux ;
En cas d'infection présentée par le patient :
* dire à quelle date ont été constatés les premiers signes, dans quel lieu et conditions, à quelle période a été le diagnostic et en préciser les signes cliniques, préciser les moyens du diagnostic (éléments cliniques, para-cliniques, biologiques), dire quels sont les types de germes identifiés et à quelle date ont été mises en oeuvre les thérapies,
* rechercher l'origine de l'infection, si elle a pour origine une cause extérieure ou étrangère au(x) lieu(x) où a (ont) été dispensés les soins, quelles sont les autres causes possibles de cette infection et s'il s'agit de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé ;
* préciser :
- si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, dans la négative, dire quelle norme n'a pas été appliquée,
- si le patient présentait des facteurs de vulnérabilité susceptibles de contribuer à la survenue et au développement de cette infection,
- si cette infection aurait pu survenir de toute façon en dehors de tout séjour dans une structure réalisant des actes de soins, de diagnostic ou de prévention,
- si la pathologie, ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en 'uvre, est susceptible de complications infectieuses, dans l'affirmative, en préciser la nature, la fréquence et les conséquences,
- si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été dispensés,
* en cas de réponse négative à cette dernière question, faire la part entre les conséquences de l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement ;
2. Sur les préjudices :
Même en l'absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit l'état antérieur, l'expert devra déterminer les différents postes du préjudice corporel comme suit :
A) avant consolidation :
- les dépenses de santé actuelles,
- les pertes de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée, préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable,
- le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
- les souffrances endurées physiques ou psychiques (les évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le préjudice esthétique temporaire (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le besoin en tierce personne temporaire : se prononcer sur la nécessité pour M. [D] d'être assistée par une tierce personne avant la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale), dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé, donner à cet égard toutes précisions utiles,
B) consolidation :
- fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la partie demanderesse,
C) après consolidation :
- le déficit fonctionnel permanent, en précisant le barème de référence, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux, lequel doit prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties par l'intéressé et les troubles dans les conditions d'existence qu'il rencontre au quotidien après consolidation,
- les pertes de gains professionnels futurs : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne l'obligation pour la partie demanderesse de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle,
- l'incidence professionnelle : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité),
- le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : préciser si M. [D] est scolarisé ou en cours d'études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, il a subi une perte d'une ou plusieurs année(s) scolaire(s), universitaire(s) ou de formation, et/ou s'il est obligé, le cas échéant, de se réorienter ou de renoncer à certaines formations : préciser si M. [D] n'a jamais pu être scolarisé ou s'il l'a été en milieu adapté ou de façon partielle : préciser s'il a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (accompagnement par auxiliaire de vie scolaire : AVS, tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité, etc),
- le préjudice d'établissement : dire si le demandeur subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale,
- le préjudice esthétique permanent (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le préjudice d'agrément,
- le préjudice sexuel,
- les dépenses de santé futures,
- les frais de logement ou de véhicule adapté,
- l'inaptitude totale ou partielle à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure,
- la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne à titre pérenne et en fixer la durée journalière, hebdomadaire ou mensuelle,
- préjudices permanents exceptionnels : dire si DEM (sic) subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés à des handicaps permanents,
dit que si la partie demanderesse n'est pas consolidée à la date de l'expertise, il sera établi un premier rapport par l'expert, que celui-ci pourra être ressaisi aux fins d'établissement d'un rapport complémentaire par le juge chargé du contrôle des expertises auquel sera transmis un certificat médical du médecin traitant attestant de la consolidation de son état et un chèque d'un montant de 600 euros à l'ordre de la régie d'avances et de recette du tribunal judiciaire de Paris, montant de la provision complémentaire,
3) Organisation de l'expertise :
Dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;
Dit que l'exécution de l'expertise est placée sous le contrôle du juge spécialement désigné à cette fin, en application des articles 155 et 155-1 de ce code ;
a) Les pièces
Enjoint aux parties de remettre à l'expert :
- s'agissant de la partie demanderesse, immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, comptes-rendus opératoires et d'examen, expertises amiable ou judiciaires précédentes,
- s'agissant de la partie défenderesse, aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation ;
(')
rejeté la demande en paiement d'une provision formée par M. [D] ;
rejeté la demande formée par M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
déclaré la présente ordonnance à la CPAM de Seine et Marne ;
rappelé que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 3 octobre 2023, les Dr [Z], [E] et la Clinique de [8] ont interjeté appel de cette décision s'agissant des conditions de communication des pièces médicales.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 20 février 2024, les Dr [Z] et [E] demandent à la cour, au visa des articles 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, L. 1110-4, R. 4127-4 du code de la santé publique et 226-13 du code pénal, de :
les déclarer recevables et bien fondés en leurs écritures et en leur appel interjeté l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 15 septembre 2023 ;
Y faisant droit :
infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle enjoint la partie défenderesse à produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [D] y compris les documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que le demande ne s'y oppose pas expressément ;
Statuant à nouveau :
autoriser les deux docteurs produire et remettre à l'expert toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret nécessaires à leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
En conséquence :
ordonner que les deux docteurs puissent produire et remettre l'expert toutes pi ces, y compris médicales et protégées par le secret nécessaires leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
En tout état de cause :
rejeter la demande de M. [D] de condamnation des deux docteurs au versement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
réserver les dépens.
Ils se fondent notamment sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'agissant du droit au procès équitable, des droits de la défense et du principe du contradictoire.
Ils soulignent que la jurisprudence judiciaire n'interdit en aucun cas à un médecin de révéler des informations protégées par le secret médical au cours d'une procédure judiciaire, à condition que la révélation de cette information porte une atteinte nécessaire et proportionnée au secret médical et ils citent une décision de la présente cour.
Ils font valoir que la communication des pièces durant les opérations d'expertise est fondamentale puisqu'elles sont la base de la discussion médico-légale ; qu'il existe un risque non négligeable d'obtenir un rapport biaisé causé par un accès incomplet aux pièces médicales du dossier ; que le demandeur pourrait être tenté de s'opposer à la soumission de certaines pièces.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2023, la Clinique de [8] demande à la cour de :
réformer partiellement l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a enjoint à la partie défenderesse de remettre à l'expert "aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation" ;
Statuant à nouveau :
enjoindre la partie défenderesse de remettre l'expert, " aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse sans que le secret médical puisse lui être opposé " ;
confirmer les dispositions de l'ordonnance pour le surplus ;
statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir qu'à la lecture des modalités fixées par l'ordonnance, le défendeur, dont la responsabilité est recherchée pourrait se voir empêché de communiquer les pièces médicales qui seraient pourtant indispensables au bon déroulement des opérations d'expertise.
Elle considère que le libellé de la mission porte atteinte aux droits de la défense du professionnel de santé, le patient ne doit pas pouvoir s'opposer à la communication des documents médicaux utiles à la solution de l'action.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2023, M. [D] demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures ;
prendre acte qu'il s'en remet à justice sur l'appel interjeté par les Dr [E] et [Z] ;
condamner les Dr [E] et [Z] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.
M. [D] s'étonne de l'appel interjeté en ce qu'il a sollicité puis communiqué lors de la procédure en référé tous les documents de son dossier médical qui lui semblaient pertinents pour justifier de sa demande d'expertise. Il expose qu'il n'a jamais manifesté son désir de s'opposer à la communication de ces documents au titre du secret professionnel et s'en remet donc à la cour sur l'appel interjeté.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2023, l'ONIAM demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
Y faisant droit :
prendre acte qu'elle s'associe à l'appel interjeté par les Dr [E] et [Z] ;
infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a enjoint la partie défenderesse produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [D] y compris les documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que la partie demanderesse ne s'y oppose expressément ;
Statuant à nouveau :
ordonner que les Dr [E] et [Z] puissent produire et remettre l'expert toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que la partie demanderesse ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
statuer ce que de droit sur les dépens.
L'ONIAM rappelle les conditions de son intervention et s'associe à l'appel en ce que les dispositions du chef de mission critiqué porte, selon lui, atteinte aux droits de la défense.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024
Mme [Z] et M. [E] ont fait signifier leurs conclusions le 30 janvier 2024 à la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM), la Clinique de [8] le 05 décembre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 4 décembre 2023, et M. [D] le 29 novembre 2023.
La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM) n'a pas constitué avocat.
SUR CE,
Sur les conditions de remise des documents
L'article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que " toute personne prise en charge par un professionnel de santé (') a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel ('). Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (') La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (') ".
Aux termes de l'article R.4127-4 du même code : " le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ".
Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments de fait indispensables pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.
En l'espèce, en soumettant la production de pièces médicales par les défendeurs, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'absence d'opposition de l'autre partie au litige, et dès lors, à la volonté discrétionnaire de cette dernière alors que ces pièces sont indispensables à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense des appelants.
Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige peut être empêchée, par l'autre, de produire les pièces nécessaires au bon déroulement des opérations d'expertise et à sa défense.
En outre, la cour observe que même si M. [D] précise dans ses conclusions qu'il n'a jamais manifesté un désir de s'opposer à la communication des documents médicaux au titre du secret professionnel, une opposition de sa part serait toujours possible pendant le cours des opérations d'expertise, si une telle faculté d'opposition était maintenue.
Il y a lieu dès lors d'infirmer la décision entreprise de ce chef et il sera précisé que le secret médical ne pourra pas être opposé aux défendeurs s'agissant de la production de pièces.
Sur les autres demandes
A hauteur d'appel chacune des parties conservera la charge des dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions ayant limité la production des pièces par les défendeurs ;
Dit que les défendeurs devront remettre à l'expert aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, et ce sans que puisse leur être opposé le secret médical ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 02 MAI 2024
(n° 173, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16301 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIKV6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/54785
APPELANTS
Mme [H], [T], [I] [Z]
[Adresse 2]
[Localité 3]
M. [K] [E]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentés par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
INTIMES
M. [Y] [D]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représenté par Me Clémentine BOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1466
L'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 7]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE
[Adresse 9]
[Localité 4]
Défaillante, déclaration d'appel signifiée le 08 novembre 2023 à personne morale
EN PRESENCE DE :
S.A.S CLINIQUE DE [8], RCS de Paris sous le n°448 937 417, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34
Ayant pour avocat plaidant Me Vincent BOIZAND, avocat au barreau de Paris, toque : P0456
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
En 2015, alors âgé de 18 ans, M. [Y] [D] a consulté le docteur [E], chirurgien gynécologue au sein de la Clinique [8] afin de réaliser une hystérectomie et une annexectomie, dans le cadre d'une transformation transgenre.
L'intervention s'est déroulée le 13 mars 2015, en présence du Docteur [Z], anesthésiste.
Des complications sont apparues, à savoir l'apparition d'un hémopéritoine sans saignement actif. Il était finalement diagnostiqué une péritonite nosocomiale post-opératoire. Le patient, a présenté en 2018 une éventration sus-ombilicale, qui est réapparue deux ans plus tard.
M. [D] précise qu'il a subi plusieurs interventions.
Au regard des nombreuses opérations subies et des séquelles notamment digestives qu'il conservées, M. [D] a, par actes d'huissier en date des 6, 7, 9 et 12 juin 2023, assigné en référé les Dr [E] et [Z], la Clinique de [8], l'ONIAM et la CPAM de Seine et Marne devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de, notamment :
obtenir la désignation d'un expert, spécialisé en chirurgie obstétrique et dans la réparation du préjudice corporel sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ;
les condamner à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de provision ad litem.
Par ordonnance réputée contradictoire du 15 septembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
donné acte des protestations et réserves formulées en défense ;
ordonné une expertise ;
commis pour y procéder M. [N] lequel pourra s'adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur de son choix, d'une spécialité distincte de la sienne, après avoir avisé les conseils des parties ;
donné à l'expert la mission suivante :
1. Sur les responsabilités éventuellement encourues :
* interroger la partie demanderesse et recueillir les observations du ou des défendeur(s) ;
* reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure ;
* procéder, dans le respect de l'intimité de la vie privée, à l'examen clinique de la partie demanderesse ;
* établir l'état médical de la partie demanderesse avant et après les actes critiqués et consigner ses doléances ;
* donner tous éléments sur la forme et le contenu de l'information donnée au patient, notamment quant aux risques courus, en précisant, en cas de survenue de tels risques, quelles auraient été les possibilités et les conséquences pour le patient de se soustraire à l'acte effectué ;
* décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes qui ont été réalisés et préciser dans quelles structures et, dans la mesure du possible, par qui ils ont été pratiqués ;
* dire si les actes, soins et traitements ont été attentifs, diligents et conformes à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été pratiqués :
- lors de l'établissement du diagnostic ;
- dans le choix du traitement et de sa réalisation ;
- au cours de la surveillance du patient et de son suivi ;
- dans l'organisation du service et de son fonctionnement, en précisant si les moyens en personnel et en matériel mis en 'uvre au moment de la réalisation des actes critiqués correspondaient aux obligations prescrites en matière de sécurité ;
* dans la négative, analyser, de façon motivée, la nature des erreurs, imprudence, manque de précautions, négligences (pré, per ou post-opératoires), maladresses ou autres défaillances relevées et le cas échéant, préciser à quel(s) intervenant(s) elles sont imputables ;
* dire si les lésions et/ou séquelles constatées sont directement imputables aux soins et traitements critiqués et aux éventuels manquements relevés, en précisant l'incidence éventuelle de l'état antérieur, le cas échéant, dire si ces manquements ont été à l'origine d'une perte de chance et, en ce cas, la chiffrer (en pourcentage) ;
* si les dommages survenus et leurs conséquences étaient probables, au regard de l'état de santé du patient comme de l'évolution prévisible de cet état, évaluer le cas échéant, le taux de risque opératoire, en tenant compte de l'état de santé du patient à la date de l'acte en cause et des circonstances ;
* dire ce qu'aurait été de manière probable, à court et moyen terme, l'état du patient en cas d'abstention thérapeutique et si l'état de santé du patient à la suite du dommage survenu est notablement plus grave que l'état ainsi reconstitué ;
* dire si l'état de la partie demanderesse est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration, dans l'affirmative, fournir tous les éléments sur les soins et traitements qui seront nécessaires, en chiffrer le coût et préciser les délais dans lesquels ils devront être exécutés, en indiquant, dans la mesure du possible, la part non susceptible d'être pris en charge par les organismes sociaux ;
En cas d'infection présentée par le patient :
* dire à quelle date ont été constatés les premiers signes, dans quel lieu et conditions, à quelle période a été le diagnostic et en préciser les signes cliniques, préciser les moyens du diagnostic (éléments cliniques, para-cliniques, biologiques), dire quels sont les types de germes identifiés et à quelle date ont été mises en oeuvre les thérapies,
* rechercher l'origine de l'infection, si elle a pour origine une cause extérieure ou étrangère au(x) lieu(x) où a (ont) été dispensés les soins, quelles sont les autres causes possibles de cette infection et s'il s'agit de l'aggravation d'une infection en cours ou ayant existé ;
* préciser :
- si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d'hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales, dans la négative, dire quelle norme n'a pas été appliquée,
- si le patient présentait des facteurs de vulnérabilité susceptibles de contribuer à la survenue et au développement de cette infection,
- si cette infection aurait pu survenir de toute façon en dehors de tout séjour dans une structure réalisant des actes de soins, de diagnostic ou de prévention,
- si la pathologie, ayant justifié l'hospitalisation initiale ou les thérapeutiques mises en 'uvre, est susceptible de complications infectieuses, dans l'affirmative, en préciser la nature, la fréquence et les conséquences,
- si le diagnostic et le traitement de cette infection ont été conduits conformément à l'état des connaissances médicales à l'époque où ils ont été dispensés,
* en cas de réponse négative à cette dernière question, faire la part entre les conséquences de l'infection stricto sensu et les conséquences du retard de diagnostic et de traitement ;
2. Sur les préjudices :
Même en l'absence de toute faute du défendeur et en ne retenant pas les éléments du préjudice corporel se rattachant soit aux suites normales des soins, soit l'état antérieur, l'expert devra déterminer les différents postes du préjudice corporel comme suit :
A) avant consolidation :
- les dépenses de santé actuelles,
- les pertes de gains professionnels actuels : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée, préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits (ex : décomptes de l'organisme de sécurité sociale), et dire si ces arrêts de travail sont liés au fait dommageable,
- le déficit fonctionnel temporaire : indiquer les périodes pendant lesquelles la partie demanderesse a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles et en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
- les souffrances endurées physiques ou psychiques (les évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le préjudice esthétique temporaire (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le besoin en tierce personne temporaire : se prononcer sur la nécessité pour M. [D] d'être assistée par une tierce personne avant la consolidation (cette assistance ne devant pas être réduite en cas d'assistance familiale), dans l'affirmative, préciser si cette tierce personne a dû ou non être spécialisée, ses attributions exactes ainsi que les durées respectives d'intervention de l'assistant spécialisé et de l'assistant non spécialisé, donner à cet égard toutes précisions utiles,
B) consolidation :
- fixer la date de consolidation et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la partie demanderesse,
C) après consolidation :
- le déficit fonctionnel permanent, en précisant le barème de référence, en évaluer l'importance et en chiffrer le taux, lequel doit prendre en compte non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques, mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes ressenties par l'intéressé et les troubles dans les conditions d'existence qu'il rencontre au quotidien après consolidation,
- les pertes de gains professionnels futurs : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne l'obligation pour la partie demanderesse de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité professionnelle,
- l'incidence professionnelle : indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent en particulier psychologique entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité),
- le préjudice scolaire, universitaire ou de formation : préciser si M. [D] est scolarisé ou en cours d'études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, il a subi une perte d'une ou plusieurs année(s) scolaire(s), universitaire(s) ou de formation, et/ou s'il est obligé, le cas échéant, de se réorienter ou de renoncer à certaines formations : préciser si M. [D] n'a jamais pu être scolarisé ou s'il l'a été en milieu adapté ou de façon partielle : préciser s'il a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (accompagnement par auxiliaire de vie scolaire : AVS, tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité, etc),
- le préjudice d'établissement : dire si le demandeur subit une perte d'espoir ou de chance de normalement réaliser ou poursuivre un projet de vie familiale,
- le préjudice esthétique permanent (l'évaluer sur une échelle de 1 à 7),
- le préjudice d'agrément,
- le préjudice sexuel,
- les dépenses de santé futures,
- les frais de logement ou de véhicule adapté,
- l'inaptitude totale ou partielle à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure,
- la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne à titre pérenne et en fixer la durée journalière, hebdomadaire ou mensuelle,
- préjudices permanents exceptionnels : dire si DEM (sic) subit des préjudices permanents exceptionnels correspondant à des préjudices atypiques directement liés à des handicaps permanents,
dit que si la partie demanderesse n'est pas consolidée à la date de l'expertise, il sera établi un premier rapport par l'expert, que celui-ci pourra être ressaisi aux fins d'établissement d'un rapport complémentaire par le juge chargé du contrôle des expertises auquel sera transmis un certificat médical du médecin traitant attestant de la consolidation de son état et un chèque d'un montant de 600 euros à l'ordre de la régie d'avances et de recette du tribunal judiciaire de Paris, montant de la provision complémentaire,
3) Organisation de l'expertise :
Dit que, pour exécuter la mission, l'expert sera saisi et procédera conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile ;
Dit que l'exécution de l'expertise est placée sous le contrôle du juge spécialement désigné à cette fin, en application des articles 155 et 155-1 de ce code ;
a) Les pièces
Enjoint aux parties de remettre à l'expert :
- s'agissant de la partie demanderesse, immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, comptes-rendus opératoires et d'examen, expertises amiable ou judiciaires précédentes,
- s'agissant de la partie défenderesse, aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation ;
(')
rejeté la demande en paiement d'une provision formée par M. [D] ;
rejeté la demande formée par M. [D] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens ;
déclaré la présente ordonnance à la CPAM de Seine et Marne ;
rappelé que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.
Par déclaration du 3 octobre 2023, les Dr [Z], [E] et la Clinique de [8] ont interjeté appel de cette décision s'agissant des conditions de communication des pièces médicales.
Dans leurs dernières conclusions déposées et notifiées le 20 février 2024, les Dr [Z] et [E] demandent à la cour, au visa des articles 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, L. 1110-4, R. 4127-4 du code de la santé publique et 226-13 du code pénal, de :
les déclarer recevables et bien fondés en leurs écritures et en leur appel interjeté l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 15 septembre 2023 ;
Y faisant droit :
infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle enjoint la partie défenderesse à produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [D] y compris les documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que le demande ne s'y oppose pas expressément ;
Statuant à nouveau :
autoriser les deux docteurs produire et remettre à l'expert toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret nécessaires à leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
En conséquence :
ordonner que les deux docteurs puissent produire et remettre l'expert toutes pi ces, y compris médicales et protégées par le secret nécessaires leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que le demandeur ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
En tout état de cause :
rejeter la demande de M. [D] de condamnation des deux docteurs au versement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
réserver les dépens.
Ils se fondent notamment sur l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen s'agissant du droit au procès équitable, des droits de la défense et du principe du contradictoire.
Ils soulignent que la jurisprudence judiciaire n'interdit en aucun cas à un médecin de révéler des informations protégées par le secret médical au cours d'une procédure judiciaire, à condition que la révélation de cette information porte une atteinte nécessaire et proportionnée au secret médical et ils citent une décision de la présente cour.
Ils font valoir que la communication des pièces durant les opérations d'expertise est fondamentale puisqu'elles sont la base de la discussion médico-légale ; qu'il existe un risque non négligeable d'obtenir un rapport biaisé causé par un accès incomplet aux pièces médicales du dossier ; que le demandeur pourrait être tenté de s'opposer à la soumission de certaines pièces.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 28 novembre 2023, la Clinique de [8] demande à la cour de :
réformer partiellement l'ordonnance dont appel en ce qu'elle a enjoint à la partie défenderesse de remettre à l'expert "aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs la partie demanderesse, sauf opposition expresse de la partie demanderesse sur leur divulgation" ;
Statuant à nouveau :
enjoindre la partie défenderesse de remettre l'expert, " aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse sans que le secret médical puisse lui être opposé " ;
confirmer les dispositions de l'ordonnance pour le surplus ;
statuer ce que de droit sur les dépens.
Elle fait valoir qu'à la lecture des modalités fixées par l'ordonnance, le défendeur, dont la responsabilité est recherchée pourrait se voir empêché de communiquer les pièces médicales qui seraient pourtant indispensables au bon déroulement des opérations d'expertise.
Elle considère que le libellé de la mission porte atteinte aux droits de la défense du professionnel de santé, le patient ne doit pas pouvoir s'opposer à la communication des documents médicaux utiles à la solution de l'action.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 24 novembre 2023, M. [D] demande à la cour de :
le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures ;
prendre acte qu'il s'en remet à justice sur l'appel interjeté par les Dr [E] et [Z] ;
condamner les Dr [E] et [Z] à la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.
M. [D] s'étonne de l'appel interjeté en ce qu'il a sollicité puis communiqué lors de la procédure en référé tous les documents de son dossier médical qui lui semblaient pertinents pour justifier de sa demande d'expertise. Il expose qu'il n'a jamais manifesté son désir de s'opposer à la communication de ces documents au titre du secret professionnel et s'en remet donc à la cour sur l'appel interjeté.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 29 novembre 2023, l'ONIAM demande à la cour de :
la déclarer recevable et bien fondé en ses demandes ;
Y faisant droit :
prendre acte qu'elle s'associe à l'appel interjeté par les Dr [E] et [Z] ;
infirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a enjoint la partie défenderesse produire tous documents utiles au bon déroulement des opérations d'expertise sollicitées par M. [D] y compris les documents protégés par le secret professionnel sauf à ce que la partie demanderesse ne s'y oppose expressément ;
Statuant à nouveau :
ordonner que les Dr [E] et [Z] puissent produire et remettre l'expert toutes pièces, y compris médicales et protégées par le secret, nécessaires leur défense dans le cadre des opérations d'expertise à intervenir, sans que la partie demanderesse ne puisse s'y opposer en invoquant les règles du secret médical et professionnel ;
statuer ce que de droit sur les dépens.
L'ONIAM rappelle les conditions de son intervention et s'associe à l'appel en ce que les dispositions du chef de mission critiqué porte, selon lui, atteinte aux droits de la défense.
***
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024
Mme [Z] et M. [E] ont fait signifier leurs conclusions le 30 janvier 2024 à la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM), la Clinique de [8] le 05 décembre 2023, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) le 4 décembre 2023, et M. [D] le 29 novembre 2023.
La Caisse primaire d'assurance maladie de Seine-et-Marne (CPAM) n'a pas constitué avocat.
SUR CE,
Sur les conditions de remise des documents
L'article L.1110-4 du code de la santé publique dispose, notamment, que " toute personne prise en charge par un professionnel de santé (') a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne, venues à la connaissance du professionnel ('). Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. (') La personne est dûment informée de son droit d'exercer une opposition à l'échange et au partage d'informations la concernant. Elle peut exercer ce droit à tout moment. Le fait d'obtenir ou de tenter d'obtenir la communication de ces informations en violation du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende (') ".
Aux termes de l'article R.4127-4 du même code : " le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris ".
Le caractère absolu de ce secret destiné à protéger les intérêts du patient, qui souffre certaines dérogations limitativement prévues par la loi, peut entrer en conflit avec le principe fondamental à valeur constitutionnelle des droits de la défense, étant rappelé que constitue une atteinte au principe d'égalité des armes résultant du droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le fait d'interdire à une partie de faire la preuve d'éléments de fait indispensables pour l'exercice de ses droits et le succès de ses prétentions.
En l'espèce, en soumettant la production de pièces médicales par les défendeurs, dont la responsabilité est susceptible d'être ultérieurement recherchée, à l'absence d'opposition de l'autre partie au litige, et dès lors, à la volonté discrétionnaire de cette dernière alors que ces pièces sont indispensables à la réalisation de la mesure d'instruction et, par suite, à la manifestation de la vérité, l'ordonnance entreprise a porté atteinte aux droits de la défense des appelants.
Cette atteinte est excessive et disproportionnée, au regard des intérêts protégés par le secret médical, en ce que l'une des parties au litige peut être empêchée, par l'autre, de produire les pièces nécessaires au bon déroulement des opérations d'expertise et à sa défense.
En outre, la cour observe que même si M. [D] précise dans ses conclusions qu'il n'a jamais manifesté un désir de s'opposer à la communication des documents médicaux au titre du secret professionnel, une opposition de sa part serait toujours possible pendant le cours des opérations d'expertise, si une telle faculté d'opposition était maintenue.
Il y a lieu dès lors d'infirmer la décision entreprise de ce chef et il sera précisé que le secret médical ne pourra pas être opposé aux défendeurs s'agissant de la production de pièces.
Sur les autres demandes
A hauteur d'appel chacune des parties conservera la charge des dépens et la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions ayant limité la production des pièces par les défendeurs ;
Dit que les défendeurs devront remettre à l'expert aussitôt que possible et au plus tard 15 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, y compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs à la partie demanderesse, et ce sans que puisse leur être opposé le secret médical ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE