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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-6, 2 mai 2024, n° 23/02866

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/02866

2 mai 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30B

Chambre civile 1-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 MAI 2024

N° RG 23/02866 - N° Portalis DBV3-V-B7H-V2RI

AFFAIRE :

S.C.I. FIDUCIAIRE ET IMMOBILIERE DE MONTMARTRE

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mars 2023 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Versailles

N° RG : 22/01106

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 02.05.2024

à :

Me Cécile ROBERT, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Mélina PEDROLETTI, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.C.I. FIDUCIAIRE ET IMMOBILIERE DE MONTMARTRE

N° Siret : 532 054 145 (RCS Paris)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Cécile ROBERT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 569 - N° du dossier E0001C9V - Représentant : Me Christophe PRENEY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

S.A. BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE

Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L. 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit

Société immatriculée au Registre des Intermédiaires en Assurances, sous le n°07022545

N° Siret : 549 800 373 (RCS Versailles)

[Adresse 5]

[Localité 4]

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Justin BEREST de la SELEURL JB AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D538 - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 26125

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 Mars 2024, Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Fabienne PAGES, Président,

Madame Florence MICHON, Conseiller,

Madame Sylvie NEROT, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO

EXPOSÉ DU LITIGE

Aux termes d'un contrat conclu le 28 octobre 2011, à effet au 1er novembre 2011 et pour une durée de 9 années (soit jusqu'au 31 octobre 2020), la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre a donné à bail commercial à la société Sub-Ary Sarl un local situé [Adresse 2]) moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 50.400 euros payable trimestriellement et à terme échu.

Par acte du 13 décembre 2011, la société Banque Populaire Val de France, rappelant qu' 'en garantie de la bonne exécution du bail, le preneur doit fournir au bailleur un engagement de caution bancaire représentant 6 mois de loyers taxes et charges comprises' s'est portée caution solidaire des engagements de la preneuse, à hauteur d'une somme de 30.856,80 euros, 'en garantie de la bonne exécution des obligations de toute nature résultant du bail de location', son article intitulé 'extinction de la caution' stipulant : 'la présente caution restera valable pendant toute la durée du bail, soit jusqu'au 31/10/2020. En conséquence, passé cette date, aucune somme ne pourra plus être réclamée à la Banque ni aucune poursuite être exercée contre elle'.

Divers événements sont intervenus depuis lors, à savoir :

à la suite d'impayés et de la délivrance, le 14 octobre 2014, d'un commandement visant la clause résolutoire, la caution a été conduite à régler à la SCI la somme de 16.432,03 euros en lui précisant, selon courrier du 22 octobre suivant : 'notre acte de caution se trouve ainsi diminué d'autant et (nous) vous confirmons que nous restons engagés au montant de 14.424,77 euros',

par jugements des 22 octobre 2019 puis 1er avril 2020, la société Sub-Ary cautionnée a successivement été placée en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire, la preneuse étant redevable de divers loyers impayés à cette date,

la SCI bailleresse a déclaré sa créance au passif de la procédure collective à hauteur de la somme de 4.948,98 euros (pièce n°7 de l'appelante),

par courrier du 1er juillet 2020, le liquidateur judiciaire a notifié à la SCI bailleresse sa décision de ne pas poursuivre le bail, la dette de loyers qui était de 24.030 euros au jour de l'ouverture de la liquidation judiciaire, s'établissant, pour la période de novembre 2019 à juin 2020 inclus, à la somme de 40.050 euros HT,

par plis recommandés du 09 juillet 2020 puis du 24 septembre 2020, la SCI bailleresse a demandé à la banque d'exécuter son engagement de caution à hauteur de la somme de 14.424,77 euros et, après échange de correspondances, cette dernière s'y est finalement refusée suivant courrier recommandé du 19 novembre 2021,

la clôture des opérations de liquidation pour insuffisance d'actif de la société Sub-Ary a été prononcée par jugement rendu le 31 mars 2021.

C'est dans ce contexte que la SCI bailleresse a, par acte du 15 février 2022, assigné la banque, en sa qualité de caution, pour avoir paiement de la somme de 14.424,77 euros outre intérêts au taux légal à compter du 24 septembre 2020 et anatocisme ainsi qu'en indemnisation du préjudice causé par son inexécution contractuelle.

Par jugement contradictoire rendu le 31 mars 2023, le tribunal judiciaire de Versailles, rappelant que l'exécution provisoire est de droit, a :

rejeté la demande en paiement de la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre,

rejeté les demandes subsidiaires et indemnitaires formées par la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre,

condamné la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre aux dépens avec droit de recouvrement direct au bénéfice de maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

condamné la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre à verser à la société anonyme Banque Populaire Val de France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande de la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 25 janvier 2024, la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre, appelante de ce jugement selon déclaration reçue au greffe le 25 avril 2023, demande à la cour, au visa des articles 1134 (ancien), 1147 (ancien) devenu 1231-1, 1110 et 1190, 1162 (ancien), 1343-2, 1217 du code civil :

de (la) recevoir en ses appel, moyens et prétentions,

d'infirmer le jugement (entrepris) en ce qu'il a : rejeté la demande en paiement de la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre // rejeté les demandes subsidiaires et indemnitaires formées par la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre // condamné la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre aux dépens avec droit de recouvrement direct au bénéfice de maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile // condamné la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre à verser à la société anonyme Banque Populaire Val de France la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile // rejeté la demande de la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile // rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires,

et statuant à nouveau

de condamner la Banque Populaire Val de France à payer à la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre, en exécution du contrat de cautionnement conclu le 13 décembre 2011, la somme de 14.424,77 euros avec intérêt légal à compter du 24 septembre 2020 et anatocisme,

à titre subsidiaire

d'écarter la clause intitulée 'extinction de la caution',

de condamner la Banque Populaire Val de France à payer à la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre, en exécution du contrat de cautionnement conclu le 13 décembre 2011, la somme de 14.424,77 euros avec intérêt légal à compter du 24 septembre 2020 et anatocisme,

à titre plus subsidiaire

de condamner la Banque Populaire Val de France à payer à la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre, en réparation du préjudice né de la violation de son engagement d'exécuter le contrat de cautionnement pris dans sa lettre recommandée avec accusé de réception (non datée), la somme de 14.424,77 euros avec intérêt légal à compter du 24 septembre 2020 et anatocisme,

en tout état de cause

de débouter la Banque Populaire Val de France de l'intégralité de ses demandes,

de condamner la Banque Populaire Val de France à payer à la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice causé par son inexécution contractuelle, avec intérêt légal à compter du 24 septembre 2020 et avec anatocisme,

de condamner la Banque Populaire Val de France à payer à la SCI Fiduciaire et Immobilière de Montmartre la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (ainsi qu') aux entiers dépens, dont distraction au profit de maître Cécile Robert, avocat au barreau de Versailles, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions (n° 1) notifiées le 22 août 2023, la société anonyme coopérative Banque Populaire Val de France, visant les articles 2240 et suivants, 2288 et suivants du code civil, prie la cour :

de débouter la société Fiduciaire et Immobilière de Montmartre de son appel et la déclarer mal fondée,

de confirmer en toutes ses dispositions le jugement (entrepris),

y ajoutant

de condamner la société Fiduciaire et Immobilière de Montmartre à (lui) régler la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont le montant sera recouvré par maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 06 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'action en paiement contre la caution

Il convient de rappeler que pour rejeter la demande de la SCI, le tribunal, visant les anciens articles 1134 (sur la force obligatoire du contrat et son exécution de bonne foi) et 1162 (sur l'interprétation de la convention), a considéré qu'en raison des procédures collectives à l'encontre de la preneuse, le bail a été résilié en juillet 2020, que la clause du contrat de cautionnement (accepté par la bailleresse et non imposé, comme prétendu) doit être interprétée en faveur de la banque qui a contracté l'obligation de cautionner, de sorte que celle-ci a pris fin le 1er juillet 2020.

Ajoutant qu'une mise en demeure n'est pas interruptive de prescription, que l'assignation est intervenue postérieurement à la période d'engagement de la caution et qu'au surplus la SCI ne produit aucune déclaration de créance au passif de la société Sub-Ary pour ses créances postérieures à l'ouverture de la procédure, comme prévu à l'article L 641-13 du code de commerce.

La SCI appelante critique d'abord le tribunal en sa motivation relative à la déclaration de créance en faisant valoir que la créance qu'elle détient contre la preneuse, en sa majeure partie postérieure au jugement d'ouverture, est établie dans son principe et dans son montant (déterminé par un expert-comptable selon sa pièce n° 6) et que la banque ne peut valablement opposer un défaut de déclaration entre les mains du liquidateur judiciaire pour refuser l'exécution de ses engagements, observant d'ailleurs que l'article L 641-13 précité n'a pas vocation à trouver application et que la banque ne s'en prévaut pas.

Elle ajoute que la caution ne peut de bonne foi requérir des justificatifs et qu'elle est, en outre, irrecevable à opposer un défaut de déclaration de créance.

S'agissant de la clause relative à l'extinction de la caution, elle reproche au tribunal d'avoir omis de statuer sur son moyen selon lequel cette clause n'avait vocation à jouer qu'en cas de survenue du terme contractuel du bail au 31 octobre 2020 et invoque les articles 1110 et 1190 (nouveaux) du code civil relatifs au contrat d'adhésion et 1162 du code civil dont les dispositions ont été, à son sens, dénaturées par le tribunal rejetant implicitement la qualification de contrat d'adhésion pour dire qu'elle doit s'interpréter contre celui qui l'a proposée, à savoir la banque.

Elle affirme, par ailleurs, que cette clause contient une obligation de couverture pour la durée du bail mais n'enferme pas l'obligation de paiement jusqu'au terme contractuel, d'autant que le loyer était dû 'trimestriellement à terme échu' .

A titre subsidiaire, elle reproche au tribunal d'avoir jugé que le liquidateur judiciaire a 'résilié' le contrat de bail en méconnaissance de l'article L 145-45 du code de commerce et fait valoir que le terme contractuel n'a jamais été atteint de sorte que n'a jamais pris effet la clause relative à l'extinction de la créance' qui avait vocation à s'appliquer à compter du 31 octobre 2020, à supposer même qu'elle concerne l'obligation de règlement.

Elle incrimine enfin, à titre plus subsidiaire, la 'stratégie malicieuse' de la caution qui n'a répondu à ses deux demandes en paiement de juillet et septembre 2020, pour s'y refuser, qu'une fois passé le terme contractuel du bail, seul ce refus justifiant son assignation en paiement.

De même qu'elle lui reproche de faire montre de mauvaise foi, en se déliant de l'engagement pris dans un courrier (non daté et produit en pièce n° 11) par lequel elle se prévalait de la nécessité de recueillir l'accord de la société cautionnée (au demeurant aucunement stipulé) et poursuivait en ces termes : 'à réception de son accord écrit, nous ne manquerons pas d'honorer notre engagement de caution en nous exécutant dans les plus brefs délais'.

C'est ce défaut d'exécution de son propre engagement, à la faveur de ce que la SCI qualifie de volte-face, qui motive sa demande indemnitaire formée à titre 'plus subsidiaire'.

L'intimée rétorque que son cautionnement bancaire est éteint par l'effet de la résiliation (ou de la non-poursuite) du bail au 1er juillet 2020 ou, au plus tard, à son terme contractuel le 31 octobre 2020 et qu'il prive ainsi la bailleresse de toute action à son encontre.

Pour ce faire, elle soutient que la durée du bail conditionnait contractuellement la validité du cautionnement ('La présente caution restera valable pendant toute la durée du bail'), qu'il n'est pas contesté, selon elle, que le liquidateur y a mis un terme le 1er juillet 2020, peu important la terminologie employée, et qu'elle-même n'a été assignée que le 15 février 2022.

Elle s'approprie la motivation des premiers juges sur l'interprétation du contrat en sa faveur et réfute l'argumentation adverse relative à la qualification de contrat d'adhésion du cautionnement dans lequel cette clause aurait été insérée ; elle objecte que les articles 1110 et 1190 (nouveaux) du code civil ne sont pas applicables, que rien ne vient démontrer que cette clause était imposée à la bailleresse, qu'il n'est nullement établi que cette garantie à durée déterminée, d'usage habituel et au demeurant particulièrement longue, serait déséquilibrée ou disproportionnée et qu'il ne peut lui être reproché quelque atermoiement dans ses réponses pour échapper à la mise en jeu de la garantie alors que rien n'empêchait la SCI de l'assigner en paiement avant l'expiration de son terme.

En tout état de cause, même à considérer pour les besoins du raisonnement que le cautionnement a pris fin le 31 octobre 2020, poursuit-elle, l'assignation a été signifiée hors délai dès lors qu'une mise en demeure ne constitue pas un acte de poursuite et que l'assignation, seule constitutive d'une action en paiement, a été délivrée alors que la garantie était éteinte.

Se réclamant de diverses jurisprudences, elle soutient par ailleurs que si les parties ont prévu un aménagement contractuel du délai pour engager l'action en paiement et stipulé qu'au delà de ce délai l'acte sera éteint et qu'aucune poursuite ne pourra être engagée contre la caution, le créancier ne peut invoquer le bénéfice d'un délai de prescription qui lui serait plus favorable.

Et répondant, enfin, aux demandes subsidiaires de l'appelante, elle fait valoir que la clause contenue dans l'acte de cautionnement qui emploie le terme général d'extinction ne fait aucune distinction entre les cas de résiliation du bail et que celle-ci ne peut se prévaloir de l'inopposabilité de la décision du liquidateur pour soutenir que l'obligation de règlement de la caution doit s'étendre jusqu'au 31 octobre 2020.

Elle dénie, par ailleurs, au courrier que lui oppose l'appelante, toute valeur d'engagement, celui-ci ayant pour finalité de recueillir des informations et justificatifs sur le passif déclaré de la société Sub Ary cautionnée et n'interrompant pas, au demeurant, le délai de forclusion de l'obligation de règlement.

Ceci étant rappelé et sur le sort de la créance garantie du fait de l'existence d'une procédure collective, il est constant que la loi du 26 juillet 2005 a supprimé la sanction de l'extinction de la créance en l'absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective.

En toute hypothèse, tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il est justifié de la déclaration de la créance de loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure par la SCI et que les loyers afférents à la période s'étendant depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire jusqu'à ce que le liquidateur renonce au contrat de bail, le 1er juillet 2020, relèvent des dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce qui vise 'les créances (...) pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période' et n'ont pas à être déclarées, selon l'article L 622-24 du même code, mais seulement notifiées au mandataire.

En outre, il ne résulte pas de la procédure ou des débats que la créance garantie ait fait l'objet d'un rejet par le juge commissaire en application de l'article L 624-2 du même code, que, par ailleurs, le juge du cautionnement ne fait pas application de cette disposition, de sorte que la créance cautionnée n'est pas éteinte et que subsiste la sûreté qui la garantit.

S'agissant de l'exigibilité de cette garantie, ne peut prospérer la demande formée à titre subsidiaire par la SCI tendant à voir considérer que la lettre (non datée) de la caution qu'elle produit en pièce n° 11 peut s'analyser en un engagement unilatéral de lui payer la somme réclamée.

En effet, si les mentions requises par l'article 1326 (devenu 1376) du code civil ne sont pas exigées de celui qui s'engage lorsqu'il a, comme en l'espèce, la qualité de commerçant, il n'en demeure pas moins que faute de détermination de la date de cette lettre, il ne peut être retenu que le contrat de cautionnement n'avait plus vocation à produire ses effets lorsqu'elle a été rédigée et que, par ailleurs, la banque, quelle que soit la pertinence de son propos, se soit engagée de manière non équivoque, écrivant :

' Dans la mesure où notre engagement de caution solidaire ne constitue que l'accessoire d'une obligation principale, nous ne pouvons, sans accord écrit de notre client, Sarl Sub Ary, procéder à aucun règlement à votre profit. C'est la raison pour laquelle nous l'avons interrogé à ce sujet.

A réception de son accord écrit, nous ne manquerons pas d'honorer notre engagement de caution en nous exécutant dans les plus brefs délais.

Ceci étant, nous nous interrogeons concernant le montant de 14.424,77 euros pour lequel vous mettez en jeu notre établissement au titre d'un reliquat de la garantie (...)'

A s'en tenir, par conséquent, au contrat liant les parties et à la clause d'extinction de la caution (reproduite ci-avant), l'appelante ne peut être suivie en son argumentation selon laquelle le contrat s'analyserait en un contrat d'adhésion dans la mesure où l'objet principal de ce contrat unilatéral porte sur l'adoption et les modalités d'une garantie de paiement, et, au surplus, du fait qu'il n'est pas démontré qu'il comporterait un ensemble de clauses non négociables entre les parties créant entre elles un déséquilibre.

Partant, ne saurait prospérer son argumentation tendant à voir juger que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, cette clause devrait s'interpréter contre celui qui l'a proposée, à savoir la société Banque Populaire Val de France du fait qu'il s'agit d'un contrat d'adhésion.

Ceci d'autant plus que le tribunal, jugeant qu'il y avait lieu à interprétation, s'est fondé sur les dispositions de l'article 1162 (ancien) du code civil, devenu 1190 de ce code qui concerne les contrats de gré à gré alors que le contrat de cautionnement est un contrat unilatéral dont l'interprétation ne fait pas l'objet de dispositions spécifiques.

S'agissant de la distinction entre l'obligation de couverture et l'obligation de règlement qui divise les parties, il est constant que lorsque le cautionnement est conclu à terme, la garantie de la caution porte sur les dettes nées entre le débiteur principal et le créancier durant la période de couverture et la caution n'est donc plus tenue aux dettes nées postérieurement à la survenance du terme.

En principe, le fait que la caution soit appelée postérieurement à la date limite de son engagement est sans incidence sur son obligation de couverture.

Toutefois et par exception, les parties peuvent convenir, par une stipulation expresse (comme cela résulte de la doctrine de la Cour de cassation, notamment Cass com 1er juin 2023, pourvoi n° 21- 23-850, publié au bulletin) de la restriction dans le temps du droit de poursuite du créancier et tel est le cas en l'espèce dès lors que la clause litigieuse stipule :

'La présente caution restera valable pendant toute la durée du bail, soit jusqu'au 31/10/2020. En conséquence, passé cette date, aucune somme ne pourra plus être réclamée à la Banque ni aucune poursuite exercée contre elle'.

S'agissant des effets juridiques des deux lettres de mises en demeure invoquées par l'appelante, ne peut être regardée comme une interpellation suffisante, au sens de l'article 1139 (devenu 1344) du code civil, dès lors qu'elle n'indiquait pas à la caution qu'elle s'exposait à des poursuites judiciaires, la lettre de mise en demeure du 09 juillet 2020.

Même si la seconde lettre de mise en demeure du 24 septembre 2020 contient en revanche une telle mention, elle est postérieure, comme la première, à la date du 1er juillet 2020.

Or, ne peut être retenue la durée conventionnelle du bail mentionnée dans la clause en cause (soit le 31/10/2020) mais la durée effective du bail dont le terme doit être fixé au 1er juillet 2020, le mandataire liquidateur ayant notifié à cette date à la bailleresse qu'il mettait fin au contrat (pièce n° 8 de l'appelante) et cette dernière en ayant pris acte dans les deux mises en demeure précitées par lesquelles elle écrivait semblablement, par son gérant puis par son avocat : 'le bail commercial pour lequel la Banque Populaire s'est portée caution n'ayant à ce jour pas été repris, ...' (pièces n° 9 et 10 de l'appelante).

De sorte qu'il y a lieu de considérer que l'assignation en paiement de la caution du 15 février 2022, a été délivrée à une date excédant le délai durant lequel la caution pouvait être poursuivie.

Il en résulte que le jugement doit être confirmé en ce qu'il rejette l'action aux fins de mise en oeuvre de la garantie exercée par la SCI bailleresse à l'encontre de la caution.

Sur la demande indemnitaire de la créancière

Se prévalant de la mauvaise foi de la caution pour exécuter son engagement alors même que les impayés de loyers de la société preneuse la plaçaient dans une situation financière difficile, la SCI poursuit, 'en tout état de cause' , la condamnation de la banque à lui verser la somme de 3.000 euros à compter du 24 septembre 2020, outre intérêts et anatocisme.

Mais la solution donnée au présent litige ne permet pas de retenir la mauvaise foi de la caution de sorte que, comme en première instance, elle sera déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de condamner l'appelante à verser à la banque intimée la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboutée de cette dernier chef , l'appelante qui succombe supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe ;

CONFIRME le y jugement entrepris et, y ajoutant ;

Déboute la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre de ses demandes subsidiaires ;

Condamne la société civile immobilière Fiduciaire et Immobilière de Montmartre à verser à la société anonyme coopérative Banque Populaire Val de France la somme complémentaire de 3.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du même code;

Arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,