CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 2 mai 2024, n° 23/14784
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Arcades Ponthieu (SAS)
Défendeur :
Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Lebée
Avocats :
Me Herman, Me Camboulive, Me Etevenard, Me Blatter, Me Teytaud, Me Malka
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 30 mars 1995, la société Auxiliaire pour l'exploitation de concessions, ci-après désignée SAPEC, a donné à bail commercial à la société Esso Sa Française, ci-après désignée Esso Saf, aux droits de laquelle se présente désormais la société Arcades Ponthieu, des locaux commerciaux dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1]-[Adresse 2] à [Localité 7], pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 1995 pour se terminer le 31 mars 2004, pour l'exercice de tous commerces ou activités quelconques.
Par avenant des 3 avril et 7 mai 2008, le bail initial du 30 mars 1995 a été renouvelé par la SAPEC au profit de la société Esso Saf, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2008 pour se terminer le 31 mars 2017, moyennant un loyer principal annuel fixé à 70.516 euros.
Par acte sous seing privé du 29 décembre 2009, la société Esso Saf a cédé son droit au bail à la société Arcades Ponthieu.
Par acte sous seing privé du 1er avril 2010, la SAPEC et la société Arcades Ponthieu ont conclu un avenant au bail stipulant un loyer annuel augmenté de 70.516 euros à 100.000 euros, applicable de manière rétroactive à compter du 29 décembre 2009, prévoyant que les locaux pourront être utilisés à l'exercice de tous commerces ou activités quelconques, et stipulant un pacte de préférence. Aux termes de cet avenant, le bailleur s'est engagé à offrir au preneur le renouvellement du bail commercial à son expiration, moyennant un loyer en renouvellement fixé en fonction de la variation de l'indice INSEE du coût de la construction, entre le 29 décembre 2009 (indice du 2ème trimestre 2009 : 1.498) et la date de prise d'effet du bail renouvelé, ladite variation s'appliquant au loyer de base fixé à 100.000 euros.
Par avenant du 26 janvier 2018, le bail initial du 30 mars 1995 a été renouvelé entre la SAPEC et la société Arcades Ponthieu, pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2017 pour se terminer le 31 mars 2026, moyennant un loyer annuel selon la formule prévue à l'avenant du 1er avril 2010, soit de 110.146,86 euros.
Il a été stipulé que « le preneur aura librement la faculté, en tout ou en partie, de céder son bail ainsi que de sous-louer les lieux, objets des présentes, ou de mettre en gérance libre le fonds qu'il exploitera dans lesdits lieux, en restant envers le bailleur garant en cas de cession ou débiteur principal en cas de sous-location ou gérance libre, de l'exécution des obligations mises à sa charge par le bailleur ».
Par ailleurs, par acte sous seing privé du 25 janvier 2012, intitulé « contrat de vente d'usufruit sur des titres et convention de garantie », la Société d'exploitation [Localité 8], ci-après désignée SESH, actionnaire unique de la société Arcades Ponthieu, a cédé à la société Balenciaga, l'usufruit de 474 actions, sur 500 actions formant le capital social de la société Arcades Ponthieu, pour une durée de dix années à compter du 25 janvier 2012 pour se terminer le 24 janvier 2022, ainsi que la pleine propriété d'une action qu'elle détenait dans la société Arcades Ponthieu, pour le prix de 11.520.000 euros.
Ce contrat a été prorogé par avenant du 17 juillet 2015 pour trois années, soit jusqu'au 24 janvier 2025, puis par avenant du 15 mai 2018 qui a prolongé la durée de l'usufruit jusqu'au 24 janvier 2026.
Par courrier du 17 mai 2021, la SAPEC a indiqué à la société Arcades Ponthieu avoir découvert l'existence d'un montage assimilable à une sous-location illicite des locaux loués entre les sociétés Arcade Ponthieu et Balenciaga et l'a mise en demeure de lui régler sous huitaine la somme à parfaire de 11.995.650 euros, à majorer au taux légal à compter du 25 janvier 2012, outre l'indemnisation d'un certain préjudice subi par le bailleur.
Par acte extrajudiciaire du 13 août 2021, la SAPEC a fait assigner la société Arcades Ponthieu devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles de voir juger que la cession temporaire de l'usufruit de 95 % des parts sociales de la société Arcades Ponthieu à la société Balenciaga constitue une sous-location déguisée, conclue en fraude des droits de la société bailleresse, de voir prononcer la résiliation du bail du 26 janvier 2018 consenti par la SAPEC à la société Arcades Ponthieu, en raison du manquement de cette dernière à son obligation d'appeler le bailleur à concourir à l'acte de sous-location, et de voir condamner la société Arcades Ponthieu à payer à la SAPEC la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la fraude alléguée, outre la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Arcades Ponthieu a notifié par voie électronique, le 10 mars 2022, des conclusions d'incident aux fins de voir juger que la demande de requalification formulée par la SAPEC est prescrite sur le fondement de l'article L.145-60 du code de commerce.
Par ordonnance du 3 juin 2022, le juge de la mise en état a :
- débouté la société Arcades Ponthieu de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Auxiliaire pour l'exploitation de concessions ;
- enjoint la société Arcades Ponthieu à produire l'acte sous seing privé du 25 janvier 2012, intitulé « contrat de vente d'usufruit sur des titres et convention de garantie », son avenant du 17 juillet 2015, et son avenant du 15 mai 2018, dans un délai d'un mois à compter de la décision ;
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;
- réservé les dépens, ainsi que les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 7 octobre 2022 à 11h30 pour conclusions en réponse de la société Arcades Ponthieu ;
- rappelé que sauf convocation spécifique à l'initiative du juge de la mise en état ou d'entretien avec ce dernier sollicité par les conseils, les audiences de mise en état se tiennent sans présence des conseils, par échange de messages électroniques via le RPVA ; que les éventuelles demandes d'entretien avec le juge de la mise en état doivent être adressées, par voie électronique, au plus tard la veille de l'audience à 12h00 en précisant leur objet, l'entretien se tenant alors le jour de l'audience susvisée à 11h30.
Par déclaration du 5 juillet 2022, la société Arcades Ponthieu a interjeté appel de l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Arcades Ponthieu de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action initiée à son encontre par la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC).
Par conclusions déposées le 5 janvier 2023, la société SESH est intervenue volontairement à l'instance et a interjeté appel incident partiel de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré que l'action de la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC), engagée par assignation du 13 août 2021, n'était pas prescrite.
L'affaire, inscrite sous le numéro RG 22/12599 devant la chambre 5-3 de la cour, a été fixée à l'audience du 22 mars 2023 et, à l'issue des plaidoiries, mise en délibéré au 24 mai 2023.
Par ordonnance du 12 avril 2023 (RG 22/17680), le Premier président de la cour d'appel de Paris, saisi par assignation de la SAPEC du 24 octobre 2022, a radié l'affaire pour défaut de communication de la convention et de ses avenants.
La société Arcades Ponthieu a sollicité la réinscription au rôle du dossier après avoir communiqué la convention, ses avenants et annexes à la SAPEC.
L'affaire RG 22/12599 a été réinscrite au rôle sous le RG 23/14784 le 20 septembre 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 janvier 2024, la société Arcades Ponthieu, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la cour de :
Sur l'appel principal formé par la société Arcades Ponthieu :
- réformer l'ordonnance du 3 juin 2022 en ce qu'elle a débouté la société Arcades Ponthieu de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action initiée à son encontre par la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) ;
Statuant à nouveau,
- juger que la demande de requalification formulée par la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) est prescrite sur le fondement des articles L. 145-60 du code de commerce et 2224 du code civil ;
En conséquence,
- juger la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) irrecevable en ses demandes et prétentions ;
En toute hypothèse,
- débouter la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) de ses autres demandes, fins et prétentions ;
- condamner la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) à verser à la société Arcades Ponthieu la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société Arcades Ponthieu fait valoir :
- sur l'action en requalification, que la procédure initiée par la SAPEC est une action en requalification en sous-location commerciale, soumise au délai biennal de l'article L. 145-60 du code de commerce, applicable aux actions fondées sur les dispositions du statut des baux commerciaux ; que solliciter du tribunal la requalification d'une convention constitue une prétention, c'est-à-dire une demande et non un moyen ;
- sur l'acquisition de la prescription, que, sur le fondement de l'article 2224 du code civil, la SAPEC connaissait ou aurait dû connaître les faits qu'elle invoque depuis 2012 en ce que le mode de détention et le changement de dirigeants opéré depuis 2012 apparaissaient expressément dans les comptes sociaux publiés par les sociétés Arcades Ponthieu et Balenciaga, lesquels étaient accessibles auprès du greffe du tribunal de commerce ; que la société Arcades Ponthieu exploite au vu et au su de tous un magasin Balenciaga dans le cadre de son bail « tous commerces » depuis 2012, soit depuis plus de neuf années à la date de l'assignation, sans que la SAPEC ne le conteste ; que la connaissance de l'existence de la cession temporaire d'usufruit par la SAPEC depuis 2012 est démontrée, « tant par l'évolution des versions qu'elle a successivement données de la découverte de son existence, que par son aveu final, dans ses conclusions d'appel, de l'absence de dissimulation de cette cession » ;
- subsidiairement, sur l'absence de suspension de la prescription du fait d'une fraude, que la convention prétendument frauduleuse a été enregistrée et a fait l'objet d'informations fidèles et régulières dans les comptes des sociétés AP et Balenciaga depuis 2012 ; que faute d'apporter la preuve d'une dissimulation de l'opération de cession d'usufruit, la SAPEC n'est pas fondée à revendiquer un report du point de départ de la prescription ; que l'élément matériel, à savoir l'utilisation d'un mécanisme permettant d'échapper à une règle impérative n'est pas rapportée dès lors que la cession d'usufruit n'a pas été consentie par la concluante ; que l'élément intentionnel, à savoir l'intention d'éluder ladite règle par le moyen de l'acte matériel, n'est pas prouvé, de sorte que la fraude n'est pas caractérisée ;
- sur l'absence d'incidence de la production de la convention et de ses avenants, que les faits dont la connaissance était nécessaire à l'exercice par la SAPEC de son action en requalification étaient publics depuis 2012 et connus de l'intimée, de sorte que la communication de la convention et des avenants n'a aucune influence sur l'examen de la prescription de l'action de la SAPEC.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 23 janvier 2024, la société Auxiliaire pour l'exploitation de concessions (SAPEC), intimée, demande à la cour de :
- débouter la société Arcades Ponthieu de son appel en ce qu'il a pour objet, à titre principal, de demander à la cour de « juger que la demande de requalification formulée par la Société auxiliaire pour l'exploitation de concessions (SAPEC) est prescrite sur le fondement des articles L. 145-60 du code de commerce et 2224 du code civil » ;
À titre subsidiaire,
- juger que la demande formulée par la société Auxiliaire pour l'exploitation de concessions (SAPEC) n'est pas prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil et la déclarer recevable ;
- juger plus subsidiairement encore que le délai de prescription a commencé à courir le 18 avril 2023, date de communication du contrat de vente d'usufruit sur des titres et conventions de garanties ;
- confirmer en conséquence l'ordonnance du 3 juin 2022 en ce qu'elle a débouté la société Arcades Ponthieu de la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société auxiliaire pour l'exploitation de concessions (SAPEC) ;
- juger la société d'Exploitation [Localité 8] SESH mal fondée en ses demandes, l'en débouter ;
- débouter la société Arcades Ponthieu de ses demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter la société d'Exploitation [Localité 8] SESH de sa demande en paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile « ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître [R] [J] » ;
- condamner la société Arcades Ponthieu aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés directement contre elle par maître Frédérique Etevenard, avocat à la cour soussignée, ainsi qu'au paiement de la somme de 30 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, la SAPEC fait valoir :
- sur la communication des pièces, que le contrat de vente d'usufruit sur des titres, la convention de garantie en date du 25 janvier 2012 ainsi que l'avenant n° 1 à la convention, en date du 17 juillet 2015 n'ont pas été versés aux débats par la société AP, alors qu'ils constituent le c'ur du litige.
- sur la prescription,
- sur la dissimulation de la fraude, que la seule connaissance de l'existence d'une cession temporaire d'usufruit ne pouvait suffire à SAPEC pour identifier la sous-location dissimulée sous couvert de cet acte, seuls les éléments financiers figurant dans les seules annexes aux comptes de Balenciaga étant de nature à permettre l'identification d'une sous-location ; que cette cession temporaire d'usufruit s'assimile, dans les relations entre Arcades Ponthieu et la société Balenciaga, à une sous-location qui ouvre droit au réajustement du loyer correspondant à la différence entre le montant du loyer principal et la somme versée par la société Balenciaga à Arcades Ponthieu ou à son associée principale ;
- sur l'application de l'article L. 145-60 du code de commerce, que cette prescription ne concerne que les actions fondées sur le statut des baux commerciaux engagées entre un bailleur et son locataire (ou réciproquement) et ne concernent nullement les actions fondées sur le droit commun qui, quant à elles, sont soumises aux dispositions du droit commun de la prescription, telles que l'action visant à juger de la fraude intervenue lors de la signature de la convention litigieuse ; que la fin de non-recevoir fondée sur les dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce est mal fondée dès lors que, du fait de la dissimulation décrite ci-dessus, SAPEC n'a pu identifier la possibilité d'une fraude à ses droits au mieux le 18 janvier 2021, en prenant connaissance du rapport du cabinet FIP ; que la concluante a pu prendre pleinement connaissance de l'étendue des droits dont elle dispose en vertu du contrat de cession temporaire d'usufruit qui a été produit le 18 avril 2023 ;
- sur l'application de l'article 2224 du code civil, que la SAPEC ne pouvait avoir connaissance d'un sous-loyer supérieur au loyer sur le fondement des seules informations figurant à l'annexe aux comptes annuels au 31 décembre 2012 de Arcades Ponthieu ; qu'il n'appartenait nullement à SAPEC d'aller consulter les comptes sociaux et encore moins les annexes à ceux-ci de Balenciaga à l'effet d'y rechercher une trace d'une fraude quelconque, alors qu'elle n'a aucun lien de droit ou de fait avec elle ; que la fraude ainsi commise justifie bien que le point de départ du délai de prescription se situe à la date de la révélation des éléments essentiel à l'identification de la fraude, comme en a jugé la troisième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt du 12 novembre 2020 (n° 19-17156) ; qu'une connaissance incomplète, non pertinente, à raison d'une information délivrée de manière parcellaire, ne peut être la connaissance utile visée par l'article 2224 du code civil.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 janvier 2024, la société d'Exploitation Saint Honoré, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- recevoir la société d'Exploitation Saint Honoré SESH en son intervention volontaire à titre accessoire ;
- faire droit aux demandes d'Arcades Ponthieu tendant à voir la cour :
- infirmer l'ordonnance du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris du 3 juin 2022 en ce qu'elle a déclaré que l'action de la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC), engagée par assignation du 13 août 2021, n'était pas prescrite ;
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable l'action de la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) engagée par assignation du 13 août 2021 ;
- condamner la Société Auxiliaire pour l'Exploitation de Concessions (SAPEC) à payer la somme de 30.000 euros à la société d'Exploitation Saint Honoré (SESH) en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître François Teytaud, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, SESH oppose :
- sur son intervention volontaire, que sur le fondement des articles 325 et 330 du code de procédure civile la SESH a intérêt, pour la conservation de ses droits à soutenir la position d'Arcades Ponthieu dès lors que la cession d'usufruit litigieuse a été consentie par la SESH à Balenciaga ; que la cession d'usufruit étant temporaire, la SESH est appelée à recouvrer à terme l'intégralité du capital d'Arcades Ponthieu et a intérêt à ce que le bail de cette dernière n'ait pas été résilié comme le demande la SAPEC ; que son intervention se rattache par un lien suffisant aux prétentions des parties ; que l'objet de l'intervention de la SESH est de solliciter de la cour qu'elle fasse droit aux demande d'Arcades Ponthieu de réformer ladite ordonnance en ce qu'elle a déclaré l'action de la SAPEC non prescrite, alors que l'objet de la présente instance est l'infirmation de l'ordonnance ;
- sur la prescription de l'action de la SAPEC,
- sur la fraude, qu'il n'existe pas de convention de sous-location déguisée dès lors que la locataire n'a consenti aucun droit de jouissance et que la cession d'usufruit a été consentie par SESH qui n'est pas locataire mais actionnaire d'Arcades Ponthieu ;
- sur la prescription, que l'action de la SAPEC n'est pas une action en réajustement de loyer mais une action en requalification de la convention de cession temporaire d'usufruit en sous-location puis, cette requalification opérée, une action en résiliation du bail pour défaut d'appel du bailleur à cette convention en application de l'article L. 145-31 alinéa 2 du code de commerce, de sorte que ces demandes sont soumises à la prescription biennale de l'article L. 145-60 du code de commerce ; que l'action de la SAPEC n'est pas une action visant à constater une prétendue fraude, étant précisé que la fraude n'est pas une demande mais un moyen ; que l'action de la SAPEC est prescrite dès lors que le point de départ de son action était la date de la conclusion de la convention de cession d'usufruit, soit le 25 janvier 2012, conformément à la jurisprudence en la matière, de sorte que l'action introduite 13 août 2021 était prescrite ; que dès 2013, la SAPEC avait connaissance ou ne pouvait ignorer les éléments qu'elle prétend être révélateurs de la sous-location déguisée ; que la SAPEC avait connaissance de la cession temporaire d'usufruit dès 2013 ; que, surabondamment, la SAPEC pouvait avoir connaissance du prix de la cession temporaire d'usufruit dès 2013 dès lors que le prix de cession était publié et résultait des comptes de Balenciaga déposés au greffe du tribunal de commerce en 2013 ; qu'à titre très surabondant, la SAPEC pouvait commander le rapport FIP dès 2013 ;
- sur l'effet de la fraude alléguée, que la fraude alléguée vise ici, non pas le caractère prétendument frauduleux de l'acte mais la dissimulation de cet acte ; que cette dernière ne caractérise pas en soi une fraude de nature à reporter le point de départ de la prescription (C. Cass. 8 déc. 2021, n° 20-18432) ; que ni la SESH, ni Balenciaga, ni la société Arcades Ponthieu n'ont accompli une quelconque man'uvre destinée à dissimuler l'acte de cession temporaire d'usufruit.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de l'appelant.
SUR CE,
Conformément aux dispositions des articles 4 et 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'donner acte' ou de 'dire et juger', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert mais ne sont en réalité que de simples allégations ou un rappel des moyens invoqués.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la Société d'exploitation [Localité 8]
Il ressort de la lecture combinée des articles 327, 328 et 330 du code de procédure civile que l'intervenant volontaire, qui vient en appui des prétentions d'une partie, est recevable s'il a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
L'article 554 du même code dispose que peuvent intervenir en cour d'appel dès lors qu'elles y ont un intérêt les personnes qui n'ont notamment été ni parties, ni représentées en première instance.
En l'espèce, en sa qualité d'associé unique de la société Arcades Ponthieu et de cédant de l'usufruit des titres de cette société au bénéfice de la société Balenciaga, la SESH justifie d'un intérêt à agir dans le cadre de la présente instance pour la conservation de ses droits. Au demeurant les prétentions formulées aux termes de ses dernières conclusions tendent à voir « faire droit aux demandes d'Arcades Ponthieu » et viennent donc en soutien des prétentions de l'appelante principale.
Son intervention volontaire sera déclarée recevable.
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
L'article 789 du code de procédure civile prévoit notamment que lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Lorsqu'elles nécessitent que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
Aux termes de l'article L. 145-31 du code de commerce, « Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite.
En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l'acte.
Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d'exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale, augmentation qui, à défaut d'accord entre les parties, est déterminée selon une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat, en application des dispositions de l'article L. 145-56.
Le locataire doit faire connaître au propriétaire son intention de sous-louer par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Dans les quinze jours de la réception de cet avis, le propriétaire doit faire connaître s'il entend concourir à l'acte. Si, malgré l'autorisation prévue au premier alinéa, le bailleur refuse ou s'il omet de répondre, il est passé outre. »
L'article L. 145-60 du même code prévoit que « Toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans. »
Aux termes de l'article 2224 du code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
En l'espèce, la faculté de sous-louer les locaux pris à bail est reconnue au preneur aux termes du bail initial en date du 30 mars 2015.
Nonobstant, la SAPEC soutient, aux termes du dispositif de l'assignation délivrée à la société Arcades Ponthieu, que « la cession temporaire de l'usufruit de 95 % des parts sociales de la société Arcades Ponthieu à la société Balenciaga SAS pour une durée prenant fin en même temps que le bail consenti à la société arcades Ponthieu et moyennant un prix payable par annuités, correspondant à la valeur locative, constitue une sous-location déguisée, conclue en fraude des droits de la société bailleresse et que le manquement de la société Arcades Ponthieu à l'obligation, en cas de sous-location autorisée, d'appeler le bailleur à concourir à l'acte constitue un manquement grave aux obligations du locataire justifiant la résiliation du bail » et, par voie de conséquence, requiert du tribunal que soient prononcées la résiliation du bail consenti par la SAPEC à la société arcades Ponthieu par acte sous seing privé du 26 janvier 2018 portant sur les locaux 6 à [Localité 7], [Adresse 1]/[Adresse 2], l'expulsion de la société arcades Ponthieu et de tous occupants dans les lieux de son chef avec l'assistance de la force publique s'il y a lieu ;[...] ».
Contrairement à ce que soutiennent la société Arcades Ponthieu et SESH et à ce qu'a considéré le premier juge, la SAPEC ne pouvait saisir ce dernier d'une demande de requalification du contrat de cession d'usufruit en contrat de sous-location dans la mesure où cette voie de droit ne lui est pas ouverte en qualité de tiers au contrat litigieux, conclu entre la SESH, associée unique de la société Arcades Ponthieu, et la société Balenciaga, parties avec lesquelles elle n'a aucun lien de droit direct.
En revanche, la démonstration que ce contrat constitue une sous-location déguisée à laquelle le bailleur n'a sciemment pas été appelé à concourir par le preneur dans le seul but de frauder ses droits est un moyen au soutien de sa demande de résiliation du contrat de bail en ce que la dissimulation par le preneur de la finalité réelle du contrat consenti par son associé, constitutif de la fraude, caractérise le manquement grave du locataire à ses obligations.
Il s'en déduit que la demande de résiliation du contrat de bail ne relève pas des dispositions de l'article L. 145-60 du code de commerce mais est fondée sur le droit commun de la responsabilité contractuelle et soumise à la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, dont le point de départ se situe au jour où le demandeur a eu connaissance ou ne pouvait ignorer les faits lui permettant de faire valoir ses droits.
Contrairement à ce que soutiennent la société Arcades Ponthieu et SESH, la publication en annexe des comptes de la société Arcades Ponthieu et de la société Balenciaga du contrat de cession d'usufruit consenti, d'une part, ne rend pas ce contrat opposable au bailleur mais n'est destinée qu'à en assurer la publicité légale, d'autre part, comme l'a à juste titre relevé le juge de la mise en état, il n'est pas d'usage que le bailleur consulte par principe les comptes sociaux de ses locataires et leurs annexes et l'eut-il fait, le contrat portant sur une cession d'usufruit de parts sociales, il était légitime, comme soutenu, à croire à une prise de contrôle de la société Balenciaga sur la société Arcades Ponthieu et donc à une opération de nature purement capitalistique, et, enfin, les informations publiées ne contenaient aucune information précise sur le montant du contrat permettant de suspecter une fraude et de ce fait privait de tout effet utile ladite publication pour les tiers au contrat mais surtout pour le bailleur.
L'occupation publique et continue depuis 2012 des lieux par la société Balenciaga n'était pas davantage de nature à éveiller les soupçons, la société Arcades Ponthieu ayant pour objet social « la création, l'acquisition et l'exploitation, sous toutes ses formes, de fonds de commerce de type « magasins à comptoirs multiples » avec une ou plusieurs destinations, notamment : prêt-à-porter haut de gamme[...] et généralement toutes opérations commerciales, industrielles, immobilières, financières et de services se rattachant directement ou indirectement à ce qui précède ou susceptibles de favoriser le développement et l'extension des affaires sociales » et qu'elle avait notamment conclu un contrat de franchise avec la société Balenciaga, connu du bailleur lors du renouvellement du bail.
Il s'en déduit que le point de départ du délai de prescription ne peut être considéré comme étant le jour de la signature du contrat litigieux ou de la publication des comptes sociaux mais, comme le soutient le bailleur et l'a retenu le juge de la mise en état, le jour de la révélation du montage au bailleur par le rapport de la société FIP, soit le 18 janvier 2021, de sorte que, lors de l'introduction de l'instance au fond les 4 et 13 août 2021, l'action de la SAPEC en résiliation du bail du bail n'était pas prescrite.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée de ce chef par motifs substitués.
Sur la communication des documents
La cour relève qu'en absence de prétention de ce chef de la part des parties l'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée de ce chef bien que cette demande soit devenue sans objet du fait de la communication du document litigieux par la société Arcades Ponthieu le 18 avril 2023.
Sur les demandes accessoires
L'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée en ses dispositions relatives aux dépens.
La société Arcades Ponthieu et la SESH succombant en leurs prétentions seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
L'appelante sera condamnée à verser à la SAPEC la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;
Déclare recevable l'intervention volontaire de la Société d'exploitation [Localité 8] ;
Confirme l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire le 3 juin 2022 (RG 21/10513) en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes des sociétés Arcades Ponthieu et SESH au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Arcades Ponthieu à payer à la Société auxiliaire pour l'exploitation de concession - SAPEC ' la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Arcades Ponthieu à supporter la charge des dépens d'appel.