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Cass. crim., 7 mai 2024, n° 23-82.628

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. crim. n° 23-82.628

7 mai 2024

N° P 23-82.628 FS-B

N° 00482

MAS2
7 MAI 2024

CASSATION

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2024

M. [X] [W] et Mme [T] [W] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 mars 2023, qui, dans la procédure suivie des chefs d'organisation frauduleuse d'insolvabilité et recel, a confirmé l'ordonnance de saisie pénale rendue par le juge des libertés et de la détention.

Les pourvois sont joints en raison de la connexité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Ascensi, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [X] [W] et de Mme [T] [W], et les conclusions de M. Petitprez, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mars 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Ascensi, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, M. Wyon, Mme Piazza, MM. Pauthe, de Lamy, Mmes Jaillon, Clément, conseillers de la chambre, Mme Fouquet, M. Gillis, Mme Chafaï, conseillers référendaires, M. Petitprez, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. M. [G] [W] a été mis en cause dans le cadre de l'enquête préliminaire diligentée des chefs susvisés pour avoir organisé son insolvabilité en procédant à la donation à deux de ses enfants, M. [X] et Mme [T] [W], de la nue-propriété d'un immeuble lui appartenant situé [Adresse 1], à [Localité 2] (13), dans la perspective de son éventuelle condamnation de nature patrimoniale au terme d'une procédure pénale distincte dans le cadre de laquelle il a été mis en examen, renvoyé devant le tribunal correctionnel et condamné en première instance.

2. Par ordonnance du 7 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention a ordonné la saisie de l'immeuble dont sont désormais
nus-propriétaires, chacun pour moitié, M. [X] et Mme [T] [W], et usufruitiers, également chacun pour moitié, M. [G] [W] et son épouse Mme [Y] [J].

3. MM. [G] et [X] [W] et Mme [T] [W] ont interjeté appel de la décision.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

4. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Mais sur le moyen, pris en ses autres branches

Enoncé du moyen

5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé l'ordonnance de saisie pénale immobilière, alors :

« 1°/ que l'objet du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité, susceptible d'être saisi sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, correspond au produit de ce délit, qui consiste dans l'économie que sa commission a permis de réaliser et dont le montant est équivalent à celui de la condamnation patrimoniale à laquelle son auteur a été condamné ; qu'en retenant, pour confirmer l'ordonnance de saisie pénale immobilière prise sur le fondement de l'article 131-21, alinéa 3, du code pénal, que l'immeuble saisi, dont la nue-propriété a été donnée à [T] et [X] [W] par [G] [W] et son épouse, « constitue l'objet même » du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité dont ce dernier est suspecté, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 131-21, alinéa 3, et 314-7 du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale, ensemble les articles 591 et 593 du code de procédure pénale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 131-21, alinéas 1 et 3, du code pénal et 706-150 du code de procédure pénale :

6. Selon le deuxième de ces textes, au cours de l'enquête de flagrance ou de l'enquête préliminaire, le juge des libertés et de la détention, saisi par requête du procureur de la République, peut ordonner par décision motivée la saisie, aux frais avancés du Trésor, des immeubles dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal.

7. Il résulte du premier que la confiscation est encourue de plein droit pour les crimes et pour les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, à l'exception des délits de presse, et porte notamment sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime.

8. Pour confirmer la saisie, l'arrêt attaqué relève notamment, après avoir analysé les pièces de la procédure, qu'en l'état d'un appauvrissement de son patrimoine par M. [G] [W] dans l'intention d'échapper à son obligation à réparation à la suite de sa mise en examen dans une affaire distincte, il existe à l'encontre de ce dernier des indices de participation à l'infraction d'organisation frauduleuse d'insolvabilité qui lui est reprochée.

9. Les juges ajoutent que Mme [Y] [J], M. [X] [W] et Mme [T] [W] ne pouvaient ignorer l'intention, au travers de la donation consentie, de M. [G] [W] d'échapper à son obligation, de sorte qu'ils ne peuvent être considérés comme tiers de bonne foi.

10. Ils en déduisent qu'il y a lieu de confirmer la saisie de l'immeuble qui constitue l'objet même de l'infraction aux fins de garantir la peine complémentaire de confiscation encourue.

11. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction, qui aurait dû rechercher si l'immeuble était saisissable à un autre titre, notamment en tant qu'instrument de l'infraction, comme ayant permis sa commission, a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.

12. En effet, l'immeuble dont la propriété a été frauduleusement transférée à un tiers ne constitue pas l'objet du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité par diminution de l'actif du patrimoine de son auteur, dès lors que ce bien n'est pas un élément constitutif du délit d'organisation frauduleuse d'insolvabilité.

13. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il y ait lieu d'examiner le quatrième grief.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 23 mars 2023, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-quatre.