CA Besançon, 1re ch., 23 avril 2024, n° 22/01217
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, Mme Willm
Avocats :
Me Pauthier, Me Dutel
Exposé du litige
Faits, procédure et prétentions des parties
La SAS Les Fils de [H] [U] et M. [P] [R] ont conclu plusieurs contrats de vente de bois.
Ainsi, ils ont par convention n° GD73 du 09 janvier 2017 dans le cadre de laquelle le vendeur était représenté par M. [K] [L], employé par ailleurs de l'Office national des forêts, une vente de bois sur pied portant sur un volume de 1 500 mètres cubes situés sur la parcelle dénommée [Adresse 4] (01), moyennant un prix estimé à 75 000 euros à parfaire à réception du lot après décompte de cubage exact.
Trois acomptes d'un montant de 19 000 euros chacun ont été réglés par la société Les Fils de [H] [U] aux mois de février, mai et août 2018, le solde étant exigible à la fin de l'exploitation fixée au 19 novembre 2019.
Au cours de l'automne 2019, la société Les Fils de [H] [U] a abattu un volume de bois de 475 mètres cubes appartenant à M. [I] [G], propriétaire voisin de M. [R], cette coupe ayant donné lieu à régularisation par contrat de vente du 27 février 2020 au prix de 32 000 euros.
Après cession de diverses parcelles, dont celles concernées par la vente de bois du 09 janvier 2017, intervenue le 14 juin 2019 au profit de Mme [W] [F], cette dernière a, par courrier du 05 mai 2020, interdit à la société Les Fils de [H] [U] de poursuivre les opérations d'abattage.
La société Les Fils de [H] [U] a, par acte signifié le 1er avril 2021, assigné M. [R] devant le tribunal judiciaire de Lons le Saunier en sollicitant, outre frais irrépétibles et dépens, que soit constatée la nullité du contrat de vente de bois, subsidiairement que la résolution dudit contrat soit prononcée et que M. [R] soit condamné à lui payer la somme de 57 000 euros correspondant au montant des acomptes perçus, avec compensation avec la somme de 27 800 euros qu'elle reconnaît devoir au titre de la restitution en valeur du volume de 556 mètres cubes de bois coupé.
M. [R] demandait en première instance, hors frais irrépétibles et dépens, que soit prononcée la résiliation aux torts de sa co-contractante d'une part du contrat de coupe de bois signé le 09 janvier 2017 avec condamnation de celle-ci à lui verser une indemnité de 18 000 euros, d'autre part des contrats de coupe de bois signés les 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 avec condamnation de cette dernière à lui payer une indemnité de 19 000 euros.
Par jugement rendu le 03 juin 2022, le tribunal a :
- débouté la société Les Fils de [H] [U] de sa demande de nullité du contrat signé le 09 janvier 2017 ;
- prononcé la résolution de la convention d'achat de bois conclue entre la société Les Fils de [H] [U] et M. [R] et ordonné les restitutions réciproques ;
- condamné en conséquence M. [R] à rembourser à la société Les Fils de [H] [U] la somme de 57 000 euros correspondant aux acomptes réglés ;
- condamné la société Les Fils de [H] [U] à payer à M. [R] la somme de 27 800 euros correspondant à la valorisation des 556 mètres cubes de bois coupés ;
- constaté la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
- rejeté les demandes de résiliation formées par M. [R] ;
- rejeté la demande d'expertise judiciaire ;
- condamné M. [R] à payer à la société Les Fils de [H] [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Pour parvenir à cette décision, le juge de première instance a considéré :
Sur la demande de nullité du contrat de vente de bois du 09 janvier 2017, au visa de l'article 1599 du code civil :
- qu'aux termes de la convention litigieuse, ont été cédés 1 473 arbres marqués à prendre sur la propriété de M. [R] désignée [Adresse 1] sur la commune de [Localité 3] ;
- qu'à défaut de précision de la référence cadastrale des parcelles, il ne peut être sérieusement soutenu qu'étaient inclus dans l'assiette de ladite vente des bois situés sur les parcelles d'autrui ;
- que la société Les Fils de [H] [U] n'établit pas que les bois qu'elle a coupé par erreur sur la propriété de M. [G] étaient marqués, de sorte que la vente de la chose d'autrui n'est pas démontrée ;
Sur la demande de résolution du contrat de vente de bois du 09 janvier 2017, au visa de l'article 1217 du code civil :
- que par acte du 14 juin 2019, M. [R] a cédé à Mme [F] les parcelles sur lesquelles portait l'assiette de la coupe de bois préalablement vendue à la société Les Fils de [H] [U] ;
- que le vendeur ne justifie pas que l'acte de cession réservait les droits de la société susvisée sur la coupe vendue ;
- qu'il a donc manqué à son obligation de délivrance dans la mesure où la société Les Fils de [H] [U] s'est trouvée dans l'impossibilité juridique de poursuivre l'exploitation ;
- que l'argument selon lequel la société Les Fils de [H] [U] aurait pu couper les arbres avant le terme fixé au contrat, soit le 19 novembre 2019, de sorte que jusqu'à cette date M. [R] aurait respecté son obligation de délivrance est inopérant, dès lors qu'il n'était pas en droit, et ce de son propre fait, de délivrer le bien d'autrui, peu important que la société Les Fils de [H] [U] ait été informée postérieurement de la cession ;
Sur la demande reconventionnelle en résiliation des contrats des 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 :
- que M. [R], procédant par affirmation concernant l'exécution tardive desdits contrats, ne produit aucun élément objectif au soutien de sa prétention ;
- que les deux conventions versées aux débats sont peu lisibles et ne permettent pas de déterminer avec certitude la date à laquelle la fin d'exploitation a été fixée ;
-que M. [R] échoue donc à établir la mauvaise exécution qu'il allègue ;
Sur la demande subsidiaire d'expertise :
- que celle-ci n'a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve.
Par déclaration du 20 juillet 2022, M. [R] a interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la société Les Fils de [H] [U] de sa demande de nullité du contrat signé le 09 janvier 2017 et, selon ses dernières conclusions transmises le 19 janvier 2024, il conclut à son infirmation et demande à la cour de :
- prononcer la résiliation du contrat de coupe de bois signé le 09 janvier 2017 aux torts exclusifs de la société Les Fils de [H] [U] ;
- en conséquence, condamner cette dernière à lui verser une indemnité de 18 000 euros ;
- prononcer la résiliation des contrats de coupe de bois des 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 aux torts exclusifs de la société Les Fils de [H] [U] ;
- débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- en conséquence, la condamner à lui verser une indemnité de 19 000 euros ;
- en tout état de cause, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- la condamner à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens au visa de l'article 699 du même code.
Il fait valoir :
Concernant le contrat de cession de bois signé le 09 janvier 2017 :
- qu'il a signé le 18 novembre 2017 une promesse unilatérale de vente avec la Safer de l'Ain portant sur diverses parcelles dont celles concernées par le contrat de vente de bois du 09 janvier précédent ;
- qu'après substitution par Mme [F], le contrat de cession a été signé le 14 juin 2019, opération au cours de laquelle il a informé les autres intervenants du contrat de vente de bois ce qui a conduit à la diminution du prix de cession initial de 170 000 euros à la somme de 100 000 euros, ainsi qu'il résulte de l'attestation de l'acquéreuse ;
- que tous les arbres concernés par la vente de bois ont été marqués ;
- qu'après interruption suite à l'incident lié à la coupe réalisée sur la parcelle appartenant à M. [G], l'exploitation n'a été reprise qu'au printemps 2020, soit postérieurement au délai contractuellement fixé ;
- qu'au mois de mai 2020, Mme [F] s'est opposée à la reprise des coupes en raison du dépassement du délai ferme, et non seulement indicatif, prévu au contrat, ce du seul fait de la société Les Fils de [H] [U] ;
- qu'alors que le terme extinctif du contrat était échu, il n'est pas établi qu'il a lui-même, sur la période du 14 juin au 19 novembe 2019, empêché la société Les Fils de [H] [U] d'exercer ses droits nés du contrat étant précisé que Mme [F] ne s'est opposée à la coupe qu'après expiration du délai contractuel ;
- que si les arbres sur pied deviennent propriété de l'acquéreur dès la signature du contrat de vente, ils redeviennent propriété du propriétaire de la parcelle au terme dudit contrat en application de l'article 1657 du code civil lequel dispose qu'en matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l'expiration du terme convenu pour le retirement ;
- qu'au contraire, la société Les Fils de [H] [U], seule responsable de l'exploitation des bois acquis, a commis diverses fautes dans l'exécution du contrat en débutant tardivement les opérations de coupe au mois d'août 2019, en laissant les bûcherons sans instruction précise, en abattant par erreur 500 arbres situés sur la parcelle appartenant à M. [G], dont le marquage préalable invoqué n'est pas établi et alors que la topographie des lieux permet aisément de distinguer les deux parcelles mitoyennes appartenant à des propriétaires distincts, et en ne l'informant pas du déroulement des opérations ;
- qu'il appartenait en tout état de cause à la société Les Fils de [H] [U] de solliciter, en sa qualité de professionnelle, toute précision utile concernant les arbres concernés par la cession si elle estimait ne pas être suffisamment informée, ce qu'elle n'a pas fait durant deux ans ;
- que dès lors, il est fondé à solliciter la résiliation du contrat aux torts exclusifs de sa co-contractante ainsi que l'indemnisation de son préjudice ;
- subsidiairement, si la résolution du contrat de vente à ses torts était confirmée, qu'il doit être retenu un décompte de bois vendu établi sur la base de 1 039,135 mètres cubes, soit 1 039,135 x 50 = 51 957 euros, du fait de l'absence de réalisation d'un cubage contradictoire ou d'un décompte de bûcheronage tels que prévus aux conditions générales du contrat, au demeurant non produites par la société Les Fils de [H] [U] ;
Concernant les contrats de vente de bois signés les 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 :
- qu'il a, toujours par l'intermédiaire de M. [L], signé ces deux autres de contrats de vente de bois sur pied avec la société Les Fils de [H] [U], le premier portant sur un volume de 1 180 mètres cubes avec versement d'un acompte de 49 500 euros et une fin d'exploitation au 30 juin 2018 et le second portant sur un volume de 260 mètres cubes avec versement d'un acompte de 10 500 euros et une fin d'exploitation au 19 septembre 2019 ;
- que les dates de fin d'exploitation de ces deux contrats n'ont pas été respectées, les parcelles ayant subi des attaques de Bostricht tandis que le solde du prix d'un montant cumulé de 19 000 euros n'a pas été versé ;
- qu'il est donc fondé à considérer ces contrats résolus en application de l'article 1657 du code civil, tandis qu'il a subi un préjudice du fait de la perte de valeur des arbres concernés en raison de la maladie.
La société Les Fils de [H] [U] a formé appel incident par conclusions transmises le 05 janvier 2023 en ce que le jugement critiqué a rejeté sa demande tendant à l'annulation du contrat de vente de bois du 09 janvier 2017 et a répliqué en dernier lieu par conclusions transmises le 17 janvier 2024 pour demander à la cour d'infirmer le jugement entrepris du chef susvisé et :
- statuant à nouveau, de prononcer la nullité dudit contrat ;
- subsidiairement, de confirmer le jugement en ce qu'il prononce la résolution dudit contrat de vente ;
- en toute hypothèse, de confirmer le jugement déféré en ses autres dispositions ;
- de condamner M. [R] à lui rembourser la somme de 57 000 euros correspondant aux acomptes réglés ;
- de lui 'donner acte' de ce qu'elle reconnaît devoir restituer en valeur les 556 mètres cubes de
bois coupés soit une somme de '25 800 euros' ;
- d'ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
- de débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- de le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle expose :
Concernant la nullité et subsidiairement la résolution du contrat de vente de bois du 09 janvier 2017 :
- qu'une partie des arbres cédés dans le cadre de cette convention, à savoir 500 pieds, étaient marqués sans appartenir au vendeur, de sorte que le contrat est nul en application de l'article 1599 du code civil prohibant la vente de la chose d'autrui ;
- qu'à défaut de précision dans le contrat concernant les parcelles et les arbres concernés et faute de remise d'un plan des lieux, le marquage réalisé par M. [L] revêtait un caractère particulièrement important ;
- que les bûcherons qui sont intervenus confirment d'une part ce marquage et d'autre part avoir fait le tour des lieux avec M. [L] avant l'abattage, le fait que le contrat ne mentionne pas que les arbres doivent être marqués et numérotés s'expliquant précisément par le fait que le marquage avait déjà été effectué ;
- que M. [L], invité à se rendre sur place au démarrage des travaux, n'a pas donné suite ;
- que dès lors, elle n'a commis aucune faute tandis que le vendeur a manqué à son obligation de délivrance en cédant les parcelles à un tiers ;
- que Mme [F] n'est pas devenue cessionnaire de la vente de bois suite au rachat des parcelles, de sorte qu'elle ne pouvait s'opposer à la coupe sur le fondement de l'article 1657 du code civil ;
- que par ailleurs cette disposition est inapplicable dès lors que l'exécution du contrat a débuté, ce qui était le cas en l'espèce ;
- que la durée d'exploitation mentionnée au contrat n'a qu'une valeur indicative, tandis qu'aucune contestation n'a été élevée suite à la poursuite des opérations au-delà de la date figurant dans celui-ci ;
- que Mme [F], en menaçant de déposer plainte pour vol en cas de poursuite de l'abattage des arbres, a démontré que le bois objet du contrat lui a été cédé étant observé que l'acte notarié ne mentionne aucune réserve sur ce point ;
- que le cubage du bois coupé a bien été effectué conformément aux dispositions contractuelles qu'elle a produit, de sorte que le jugement dont appel doit être confirmé concernant les montants des restitutions.
Concernant la résiliation des contrats de vente de bois des 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 :
- que les délais prévus aux contrats n'ont qu'une fonction indicative ;
- que M. [R] ne caractérise aucun préjudice ;
- que celui-ci ne peut demander à la fois que soit prononcée la résiliation de ces conventions et leur exécution forcée.
Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 janvier 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 13 février suivant et mise en délibéré au 23 avril 2024.
En application de l'article 467 du code de procédure civile, le présent arrêt est contradictoire.
Motivation
Motifs de la décision
A titre liminaire, la cour observe que l'appel interjeté initialement par M. [R] concernant le rejet de la demande d'expertise judiciaire n'est pas soutenu, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé sur ce point.
- Sur la demande formée par la société Les Fils de [H] [U] tendant à la nullité du contrat du 09 janvier 2017 au motif du défaut de délivrance,
En application de l'article 1599 du code civil, la vente de la chose d'autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages-intérêts lorsque l'acheteur a ignoré que la chose fût à autrui.
En l'espèce, le contrat d'achat de bois du 09 janvier 2017 a pour objet '1 473 arbres marqués et numérotés de [non complété]' pour un volume estimé de 1 500 mètres cubes.
Cette vente, à l'unité de produit et sur pied, est à prendre dans la propriété du vendeur 'de La Bretta' sur la commune de [Localité 3], moyennant un prix estimé à 75 000 euros à parfaire à réception du lot après décompte de cubage exact.
Il est constant entre les parties que la cession de parcelles entre M. [R] et Mme [F] n'est intervenue que le 14 juin 2019, soit près de deux ans et demi après le contrat de vente de bois susvisé.
Par ailleurs et tel que relevé par le juge de première instance, la société Les Fils de [H] [U] se borne à affirmer qu'une partie des arbres visés par la convention comme étant cédés appartenaient à M. [G] sans produire aucun élément sérieux de nature à l'établir.
A cet égard, les attestations établies par MM. [O] [U] et [V] [M], bûcherons, désignent à plusieurs reprises M. [L] comme 'l'acheteur de la scierie' ayant été présent à plusieurs reprises lors des travaux, alors qu'une telle qualité et que sa présence régulière lors de l
l'abattage sont contredites par l'attestation établie par ce dernier, qui précise que seuls les arbres propriété de M. [R] avaient été marqués préalablement à la vente.
Concernant la coupe de bois effectuée sur les parcelles de M. [G], la cour observe que ladite société a régularisé le 27 février 2020 un contrat d'achat de bois n° HD89 concernant 475 mètres cubes de bois sur pied situés sur sa propriété au [Adresse 5] sur la commune de [Localité 3], soit une localisation différente de celle du contrat du 09 janvier 2017 ainsi qu'il résulte par ailleurs de la note technique établie le 08 octobre 2019 par M. [Z] [J] et non sérieusement contestée.
En l'absence de preuve de la vente de la chose d'un tiers, le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la société Les Fils de [H] [U] de sa demande tendant à la nullité du contrat d'achat de bois signé le 09 janvier 2017.
- Sur les demandes formées par les parties tendant à la résolution et à la résiliation du contrat du 09 janvier 2017,
Aux termes des articles 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En application de l'article 1217 du code précité, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation, poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat et demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Enfin, l'article 1657 du même code prévoit qu'en matière de vente de denrées et effets mobiliers, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l'expiration du terme convenu pour le retirement.
Il est constant que cette dernière disposition est applicable aux coupes de bois, lorsqu'un terme a été contractuellement fixé pour procéder au retirement et qu'il y a défaut de retirement imputable à l'acheteur.
Concernant spécifiquement la vente de coupes de bois sur pied, l'enlèvement des marchandises ne résulte pas d'une simple prise de possession manifestée par un commencement d'abattage mais n'est caractérisé que par la vidange des produits de la coupe, étant précisé que lorsque le retirement n'est intervenu qu'en partie à l'échéance contractuelle, le vendeur peut se prévaloir de la résolution pour la partie non encore retirée.
En l'espèce, le contrat d'achat de bois du 09 janvier 2017 prévoit explicitement une durée d'exploitation expirant le 15 novembre 2019, cette date constituant donc sans ambiguïté le terme maximum de retirement, de sorte que la délivrance d'une mise en demeure n'est pas exigée.
Ce contrat, qui a opéré cession des arbres visés par celui-ci dès accord des parties sur la chose et sur le prix, n'a pas été remis en cause par la vente postérieure des parcelles à un tiers, cette cession immobilière n'ayant donc pu avoir pour effet de remettre en cause le transfert de propriété du bois indépendamment de l'absence de preuve de précision sur ce point dans l'acte notarié et de l'attestation de Mme [F] indiquant avoir été informée de la vente de bois préalable.
La cour relève à cet égard que la société Les Fils de [H] [U] fait valoir elle-même que Mme [F] n'est pas devenue cessionnaire de la vente de bois suite au rachat des parcelles.
Cette dernière n'ayant adressé à la société Les Fils de [H] [U] un courrier leur interdisant la poursuite de l'abattage que le 05 mai 2020, aucun défaut de délivrance, tant matériel que juridique, susceptible de conduire à une résolution du contrat sur le fondement de l'article 1217 du code civil n'est caractérisé entre la date de conclusion du contrat litigieux et la date de fin d'exploitation convenue entre les parties à savoir le 19 novembre 2019.
Cependant et indépendamment des fautes mutuellement invoquées par les parties, M. [R] est bien-fondé à invoquer le défaut de retirement du bois non abattu et évacué des lieux à la date du 19 novembre 2019 en application de l'article 1657 du code civil, lequel est sanctionné par la résolution du contrat et non par sa résiliation ainsi qu'il le mentionne lui-même dans les motifs de ses écritures.
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat, sauf à préciser que celle-ci ne s'opèrera que pour la partie non retirée, et en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation du contrat du 09 janvier 2017 formées par M. [R].
- Sur les demandes de restitution formées au titre du contrat du 09 janvier 2017,
Etant rappelé que le contrat prévoyait un décompte de cubage afin de permettre la fixation du prix définitif, la société Les Fils de [H] [U] produit l'ensemble des éléments relatifs aux mesures de cubage des bois coupés, lesquels ont été contradictoirement soumis aux débats sans que M. [R], qui se borne dans le cadre de sa demande subsidiaire à mettre en doute la sincérité du cubage réalisée par l'intimée, ne produise d'élément sérieux de nature à remettre en cause ces éléments.
La cour observe au demeurant qu'il résulte de la nature même de l'activité concernée que la mesure du cubage exact du bois ne peut être effectuée que par la société acquéreuse des arbres sur pied après leur abattage et leur débardage.
Le juge de première instance a donc, à bon droit, constaté la compensation entre les créances réciproques des parties, à savoir d'une part les acomptes, nécessairement prévisionnels, versés par la société Les Fils de [H] [U] et d'autre part la somme de 27 800 euros au titre de la valorisation des 556 mètres cubes de bois enlevés par cette dernière au prix de 50 euros par mètre cube.
Dès lors, le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.
- Sur la demande de résiliation des contrats des 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 formée par M. [R],
A titre liminaire, la cour observe que, de manière similaire que pour le contrat du 09 janvier 2017, les écritures déposées pour le compte de M. [R] opèrent une confusion entre la résolution des contrats, résultant de leurs motifs et du visa de l'article 1657 du code civil, et leur résolution telle que sollicitée dans leur dispositif.
Par ailleurs, comme relevé par le juge de première instance, les deux conventions référencées GC73 et GL01 versées aux débats sont illisibles, tant l'identité du co-contractant de la société Les Fils de [H] [U] que le volume de bois cédé, la date de fin d'exploitation et la date de signature des contrats ne pouvant être déterminés.
A défaut de tout élément probant relatif à l'objet de chacun des contrats et aux dates auxquelles la fin d'exploitation a été fixée, M. [R] échoue donc à établir la mauvaise exécution qu'il allègue de sorte que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de résiliation.
Le jugement dont appel sera par ailleurs complété en ce que M. [R] sera débouté de sa demande indemnitaire corrélative.
Dispositif
Par ces motifs,
La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique et en avoir délibéré conformément à la loi :
Constate que l'appel relatif au chef du jugement rendu entre les parties le 03 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Lons le Saunier ayant rejeté la demande d'expertise judiciaire n'est pas soutenu ;
Complète ledit jugement en ce que M. [P] [R] est débouté de sa demande indemnitaire formée au titre des contrats référencés GC73 et GL01 des 22 novembre 2017 et 17 mai 2018 ;
Confirme, dans les limites de l'appel, ledit jugement ainsi complété, sauf à dire que la résolution du contrat référencé GD73 du 09 janvier 2017 s'opère uniquement pour la partie non retirée ;
Condamne M. [P] [R] aux dépens d'appel ;
Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, le déboute de sa demande et le condamne à payer à la SAS Les Fils de [H] [U] la somme de 1 500 euros.