Décisions
CA Bordeaux, 4e ch. com., 2 mai 2024, n° 22/01929
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 02 MAI 2024
N° RG 22/01929 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVBY
Monsieur [N] [J]
c/
Monsieur [G] [Z]-[L]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mars 2022 (R.G. 2021.1691) par le Tribunal de Commerce de PÉRIGUEUX suivant déclaration d'appel du 15 avril 2022
APPELANT :
Monsieur [N] [J], né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] (08), de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représenté par Maître David CORVEE de la SELARL G & C AVOCATS, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉ :
Monsieur [G] [Z]-[L], né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] (87), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Maître Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
Par contrat du 25 avril 2019, Monsieur [G] [Z]-[L] a cédé à Monsieur [N] [J] 333 parts, sur un total de 1000 parts, de la société à responsabilité limitée [Z] Construction au prix total de 50.000 euros.
M. [J] a également été engagé à compter du 23 avril 2019 par la société [Z] Construction en qualité de conducteur de travaux par contrat à durée indéterminée à temps complet.
Par jugement du 2 février 2021, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Z] Construction.
M. [J] a, par acte du 22 avril 2021, fait assigner Monsieur [Z]-[L] devant le tribunal de commerce de Périgueux, en annulation de l'acte de cession et paiement de dommages-intérêts.
Par jugement prononcé le 21 mars 2022, le tribunal de commerce de Périgueux a statué ainsi qu'il suit :
- déboute Monsieur [N] [J] de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées ;
- condamne Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamne Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
- dit que tous les frais et dépens engagés restent à la charge de Monsieur [J].
M. [J] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 15 avril 2022.
***
Par dernières conclusions notifiées le 26 février 2024, Monsieur [N] [J] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux le 21 mars 2022 en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [N] [J] de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées,
- condamné Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit que tous les frais et dépens engagés restaient à la charge de Monsieur [N] [J] ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Vu les articles 1137 et 1139 du code civil,
- annuler l'acte de cession de parts sociales signé le 25 avril 2019 entre Monsieur [G] [Z]-[L] et Monsieur [N] [J] pour dol ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros en remboursement du prix de cession des parts sociales, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021
A titre subsidiaire,
Vu les articles 1132 et 1133 du code civil,
- annuler l'acte de cession de parts sociales signé le 25 avril 2019 entre Monsieur [G] [Z]-[L] et Monsieur [N] [J] pour erreur ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros en remboursement du prix de cession des parts sociales, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021
A titre infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1112-1 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
- juger que Monsieur [G] [Z]-[L] a manqué à l'obligation précontractuelle d'information prévue par l'article 1112-1 du code civil et qu'il engage, de ce fait, sa responsabilité délictuelle ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021 ;
En tout état de cause,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J], à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :
- 31.742,52 euros au titre des sommes apportées en compte courant par Monsieur [J] et non remboursées par la société [Z] Construction,
5.027,84 euros arrêtée au mois de mars 2024, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, au titre des intérêts payés par Monsieur [J] à la Caisse d'Epargne afin de financer l'acquisition des parts sociales et les apports en compte courant,
- 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 1.270 euros au titre des droits d'enregistrement exposés ;
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 1.298,83 euros au titre des frais de mesures conservatoires qu'il a exposés ;
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [N] [J] :
- la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
- la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
- débouter Monsieur [G] [Z]-[L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de son appel incident.
***
Par dernières écritures notifiées le 15 septembre 2022, Monsieur [G] [Z]-[L] demande à la cour de :
Vu notamment les dispositions des articles 1137, 1139 et 1240 du code civil,
- débouter purement et simplement Monsieur [N] [J] de son appel et de toutes prétentions comme étant radicalement mal fondées ;
- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement entrepris rendu le 21 mars 2022 par le tribunal de commerce de Périgueux et, y ajoutant en cause d'appel,
A titre reconventionnel,
- condamner Monsieur [J] à verser à Monsieur [Z]-[L] les sommes de :
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris l'émolument prévu à l'article A 444-32 du code de commerce.
***
L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la demande en nullité
1. L'article 1137 du code civil dispose :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.»
L'article 1139 du même code énonce :
«L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.»
Selon les articles 1132 et 1133 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.
2. Au visa de ces textes, M. [J] fait grief au jugement déféré de l'avoir débouté de sa demande en nullité de la cession de parts du 25 avril 2019 et d'avoir renversé la charge de la preuve ; il fait valoir qu'il est de principe que doit être considéré comme nécessairement intentionnel, et ainsi constitutif d'une réticence dolosive justifiant l'annulation d'une cession de titres sociaux, le silence gardé par le cédant sur des informations dont il ne pouvait ignorer l'importance pour le cessionnaire dans la mesure où elles faisaient peser un aléa sur la pérennité de la société cédée.
L'appelant explique que M. [Z]-[L] lui a dissimulé la situation réelle de la société [Z] Construction et notamment l'existence d'une assemblée générale antérieure ayant décidé de ne pas dissoudre la société malgré le fait que le montant des capitaux propres était très largement inférieur à la moitié du capital social ; il ajoute que l'intimé lui a également dissimulé l'existence d'un abus de biens sociaux couvert par le prix de cession versé par l'acquéreur.
M. [J] explique que, au moment de l'acquisition litigieuse, il était en situation de grande fragilité psychologique, ce qui avait conduit son médecin à le placer en arrêt de travail ; que, par ailleurs, il est peu au fait du monde des affaires et que M. [Z]-[L], auquel il était lié par des relations amicales, l'a convaincu d'entrer au capital social de l'entreprise qu'il gérait, sans cependant attirer son attention sur la situation catastrophique de cette société qui a d'ailleurs été placée en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
L'appelant indique que, de plus, M. [Z]-[L] disposait dans la société [Z] Construction d'un compte courant débiteur d'un montant de 47.503,02 euros au 31 décembre 2018, soit quelques semaines avant la cession de parts sociales ; qu'il est manifeste que l'intimé a couvert cette situation, qui peut être qualifiée d'abus de bien de bien sociaux, par l'apport financier de M. [J] d'un montant d'ailleurs sensiblement égal à celui du débit du compte courant de l'intimé.
M. [J] fait valoir qu'un tel comportement de M. [Z]-[L] caractérise des manoeuvres dolosives en ce que ce stratagème lui a permis, à l'insu du cessionnaire, de couvrir des faits d'abus de bien sociaux, mais également une réticence dolosive dès lors que M. [J] n'aurait de toute évidence pas contracté s'il avait été informé de l'existence de cet abus de biens sociaux et de l'intention de son cocontractant de couvrir ces faits grâce au prix de cession, dont il soutient enfin qu'il était exorbitant alors que les parts sociales n'avaient aucune valeur.
3. L'intimé répond que M. [J] a été l'initiateur de cette cession de parts qui l'intéressait d'autant plus qu'il souhaitait également bénéficier d'un contrat de travail ainsi que d'un véhicule de fonction ; que l'acquéreur a été informé de la situation de la société par sa secrétaire, qui en atteste, ainsi que par son expert comptable, qui en atteste également ; que la preuve du dol n'est donc pas rapportée, étant rappelé que l'erreur sur le prix des parts ne peut être invoquée.
M. [Z]-[L] ajoute que la fragilité psychologique de l'appelant est d'autant moins démontrée qu'il a subi une visite médicale avant son embauche par la société.
L'intimé estime que M. [J] a engagé cette action afin de contourner les règles de la procédure collective pour reprendre possession des fonds investis dans l'entreprise.
Sur ce,
4. Il est constant en droit, par application de l'article 1112-1 du code civil, que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; que les informations qui ont une importance déterminante sont celles qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. C'est celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
5. En l'espèce, M. [J] soutient que M. [Z]-[L] était débiteur d'une obligation d'information à son égard dans la mesure où il n'était pas rompu aux affaires. L'intimé ne discute pas ce fait et indique que, lors de la conclusion de la cession de parts litigieuse, l'appelant était conducteur de travaux.
Il apparaît donc que ce dernier est fondé à exciper de son ignorance légitime des éléments relatifs à la situation économique de l'entreprise, de sorte que le cédant des parts de la société [Z] Construction était tenu de le renseigner à cet égard, la situation financière de la société devant être considérée comme une information dont l'importance est déterminante pour l'acquéreur.
6. Or M. [Z]-[L] verse à son dossier tout d'abord le témoignage de Madame [K] [I], secrétaire au sein de la société [Z] Construction, qui atteste le 15 mai 2021 du fait que M. [J] est venu quotidiennement dans son bureau pendant un mois avant la cession des parts et la conclusion de son contrat de travail ; que, à la demande du gérant, elle lui a expliqué le fonctionnement de la société et lui a remis 'le dernier bilan' pour une demande de prêt bancaire.
Il est également produit par l'intimé une attestation établie le 10 novembre 2021 par Monsieur [P] [H], expert comptable de la société [Z] Construction, qui mentionne avoir reçu notamment M. [J] « avant la cession des parts sociales pour parler des comptes et de la situation de la SARL [Z] Construction ».
Le dernier bilan remis au cessionnaire par Mme [I] avant la cession de parts sociales était nécessairement la comptabilité de l'exercice 2018 (clos le 31 décembre), qui présente un résultat de 3.374,66 euros pour un chiffre d'affaires de 582.210,88 euros en baisse de 13,44 % par rapport à l'année précédente.
Ces comptes annuels mentionnent au passif du bilan que le capital social est de 15.244,90 euros tandis que les capitaux propres de la société sont de -58.184,83 euros (et qu'ils étaient de -61.559,49 euros en 2017) et que le compte courant d'associé de M. [Z]-[L] est débiteur de 47.503,02 euros.
Ainsi, M. [J] ne peut soutenir qu'il lui avait été dissimulé le fait que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social et que le compte courant d'associé de M. [Z]-[L] était débiteur.
7. La situation de l'entreprise n'a donc pas été cachée à M. [J], qui n'établit par ailleurs l'existence d'aucune manoeuvre déployée avant la date de cession par son co-contractant dans le but de le tromper pour l'amener à contracter, aucune certification ni aucun document comptable trompeurs ne lui ayant été remis.
Le moyen tiré du dol ayant vicié le consentement du cessionnaire sera donc écarté.
8. Pour tendre à l'annulation de la cession de parts, M. [J] excipe subsidiairement de l'erreur ayant vicié son consentement et précise que cette erreur a porté sur la situation économique de l'entreprise dont il acquérait des parts, laquelle n'était plus en mesure de se redresser et de remplir durablement son objet social, donc d'être rentable.
9. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le bilan détaillé de l'exercice comptable 2018 de la société [Z] Construction ainsi que les explications données tant par Mme [I], secrétaire, que par l'expert-comptable de la société étaient suffisamment éclairants pour que le cessionnaire soit suffisamment informé.
M. [J] ne peut par ailleurs se prévaloir de sa situation personnelle à cet égard puisque le certificat médical produit à son dossier, relatif aux soins reçus en raison d'une dépression, est contrebattu par le certificat de la médecine du travail en date du 6 mai 2019 qui ne relève aucune contre indication à l'embauche de l'intéressé en qualité de conducteur de travaux.
Enfin, le prononcé de la liquidation judiciaire de la société le 2 février 2021 doit être rapproché, ainsi que le rappelle M. [Z]-[L], de la période particulière liée à la situation sanitaire du pays au cours de l'année 2020, étant observé que l'activité de la société [Z] Construction telle que mentionnée à l'extrait Kbis délivré le 26 avril 2020 est 'maçonnerie, couverture, travaux du bâtiment'.
10. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en nullité de la convention du 25 avril 2019.
2. Sur les demandes en dommages et intérêts
11. L'article 1240 du code civil dispose :
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
12. Au visa de ce texte, l'appelant poursuit très subsidiairement la responsabilité extra-contractuelle de M. [Z]-[L] en faisant valoir que celui-ci a manqué à son obligation précontractuelle d'information, telle que rappelée par l'article 1112-1 du code civil.
M. [J] soutient que l'intimé avait l'obligation d'attirer son attention sur l'existence de capitaux propres négatifs et sur l'existence de la dette de 47.503,02 euros contractée par M. [Z]-[L] vis à vis de la société, informations déterminantes que le cessionnaire ignorait légitimement au sens de l'article 1112-1 du code civil.
Toutefois, ces informations ont été fournies à l'appelant avant la conclusion du contrat et celui-ci, qui envisageait un investissement d'un montant de 50.000 euros dans cette petite société ainsi qu'un apport en compte courant de 30.000 euros, s'est manifestement estimé suffisamment renseigné puisqu'il n'a pas sollicité d'autre éclairage que celui de l'expert-comptable de l'entreprise.
13. M. [J] tend également à l'indemnisation du préjudice qui résulte de l'irrecouvrabilité de sa créance sur la société, constituée de son apport en compte courant, dont il fait valoir qu'il est le fruit de la tromperie de M. [Z]-[L].
Mais il a été jugé supra que ni le dol, ni l'erreur ni le manquement à l'obligation d'information précontractuelle n'étaient établis.
La cause de la perte des sommes apportées à la société ne peut donc être imputée à l'intimé.
14. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes en dommages et intérêts, y compris la demande en indemnisation du préjudice moral de l'appelant et la demande en remboursement des intérêts du crédit souscrit pour financer l'entrée de celui-ci au capital de la société.
3. Sur les autres demandes
15. C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le tribunal de commerce a condamné M. [J] à payer à M. [Z]-[L] une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Ce chef de dispositif sera confirmé, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.
16. La cour déboutera M. [Z]-[L] de sa demande en dommages et intérêts pour abus de procédure en appel, cet abus n'étant pas démontré, et condamnera M. [J] à payer les dépens de l'appel et à verser à l'intimé la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celui-ci.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 21 mars 2022 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [G] [Z]-[L] de sa demande en dommages et intérêts.
Condamne Monsieur [N] [J] à payer à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [N] [J] à payer les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 02 MAI 2024
N° RG 22/01929 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVBY
Monsieur [N] [J]
c/
Monsieur [G] [Z]-[L]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 21 mars 2022 (R.G. 2021.1691) par le Tribunal de Commerce de PÉRIGUEUX suivant déclaration d'appel du 15 avril 2022
APPELANT :
Monsieur [N] [J], né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 6] (08), de nationalité française, demeurant [Adresse 4]
Représenté par Maître David CORVEE de la SELARL G & C AVOCATS, avocat au barreau de PERIGUEUX
INTIMÉ :
Monsieur [G] [Z]-[L], né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 5] (87), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Maître Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MASSON, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
* * *
Par contrat du 25 avril 2019, Monsieur [G] [Z]-[L] a cédé à Monsieur [N] [J] 333 parts, sur un total de 1000 parts, de la société à responsabilité limitée [Z] Construction au prix total de 50.000 euros.
M. [J] a également été engagé à compter du 23 avril 2019 par la société [Z] Construction en qualité de conducteur de travaux par contrat à durée indéterminée à temps complet.
Par jugement du 2 février 2021, le tribunal de commerce de Périgueux a prononcé la liquidation judiciaire de la société [Z] Construction.
M. [J] a, par acte du 22 avril 2021, fait assigner Monsieur [Z]-[L] devant le tribunal de commerce de Périgueux, en annulation de l'acte de cession et paiement de dommages-intérêts.
Par jugement prononcé le 21 mars 2022, le tribunal de commerce de Périgueux a statué ainsi qu'il suit :
- déboute Monsieur [N] [J] de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées ;
- condamne Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamne Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;
- dit que tous les frais et dépens engagés restent à la charge de Monsieur [J].
M. [J] a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 15 avril 2022.
***
Par dernières conclusions notifiées le 26 février 2024, Monsieur [N] [J] demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Périgueux le 21 mars 2022 en ce qu'il a :
- débouté Monsieur [N] [J] de l'intégralité de ses demandes comme mal fondées,
- condamné Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamné Monsieur [N] [J] à verser à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
- dit que tous les frais et dépens engagés restaient à la charge de Monsieur [N] [J] ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
Vu les articles 1137 et 1139 du code civil,
- annuler l'acte de cession de parts sociales signé le 25 avril 2019 entre Monsieur [G] [Z]-[L] et Monsieur [N] [J] pour dol ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros en remboursement du prix de cession des parts sociales, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021
A titre subsidiaire,
Vu les articles 1132 et 1133 du code civil,
- annuler l'acte de cession de parts sociales signé le 25 avril 2019 entre Monsieur [G] [Z]-[L] et Monsieur [N] [J] pour erreur ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros en remboursement du prix de cession des parts sociales, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021
A titre infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1112-1 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
- juger que Monsieur [G] [Z]-[L] a manqué à l'obligation précontractuelle d'information prévue par l'article 1112-1 du code civil et qu'il engage, de ce fait, sa responsabilité délictuelle ;
En conséquence,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation le 22 avril 2021 ;
En tout état de cause,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J], à titre de dommages et intérêts, les sommes suivantes :
- 31.742,52 euros au titre des sommes apportées en compte courant par Monsieur [J] et non remboursées par la société [Z] Construction,
5.027,84 euros arrêtée au mois de mars 2024, somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir, au titre des intérêts payés par Monsieur [J] à la Caisse d'Epargne afin de financer l'acquisition des parts sociales et les apports en compte courant,
- 15.000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 1.270 euros au titre des droits d'enregistrement exposés ;
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] à payer à Monsieur [N] [J] la somme de 1.298,83 euros au titre des frais de mesures conservatoires qu'il a exposés ;
- condamner Monsieur [G] [Z]-[L] aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Monsieur [N] [J] :
- la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
- la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en appel ;
- débouter Monsieur [G] [Z]-[L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de son appel incident.
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Par dernières écritures notifiées le 15 septembre 2022, Monsieur [G] [Z]-[L] demande à la cour de :
Vu notamment les dispositions des articles 1137, 1139 et 1240 du code civil,
- débouter purement et simplement Monsieur [N] [J] de son appel et de toutes prétentions comme étant radicalement mal fondées ;
- confirmer en l'ensemble de ses dispositions le jugement entrepris rendu le 21 mars 2022 par le tribunal de commerce de Périgueux et, y ajoutant en cause d'appel,
A titre reconventionnel,
- condamner Monsieur [J] à verser à Monsieur [Z]-[L] les sommes de :
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, en ce compris l'émolument prévu à l'article A 444-32 du code de commerce.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur la demande en nullité
1. L'article 1137 du code civil dispose :
« Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.»
L'article 1139 du même code énonce :
«L'erreur qui résulte d'un dol est toujours excusable ; elle est une cause de nullité alors même qu'elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat.»
Selon les articles 1132 et 1133 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. Les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
L'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie. L'acceptation d'un aléa sur une qualité de la prestation exclut l'erreur relative à cette qualité.
2. Au visa de ces textes, M. [J] fait grief au jugement déféré de l'avoir débouté de sa demande en nullité de la cession de parts du 25 avril 2019 et d'avoir renversé la charge de la preuve ; il fait valoir qu'il est de principe que doit être considéré comme nécessairement intentionnel, et ainsi constitutif d'une réticence dolosive justifiant l'annulation d'une cession de titres sociaux, le silence gardé par le cédant sur des informations dont il ne pouvait ignorer l'importance pour le cessionnaire dans la mesure où elles faisaient peser un aléa sur la pérennité de la société cédée.
L'appelant explique que M. [Z]-[L] lui a dissimulé la situation réelle de la société [Z] Construction et notamment l'existence d'une assemblée générale antérieure ayant décidé de ne pas dissoudre la société malgré le fait que le montant des capitaux propres était très largement inférieur à la moitié du capital social ; il ajoute que l'intimé lui a également dissimulé l'existence d'un abus de biens sociaux couvert par le prix de cession versé par l'acquéreur.
M. [J] explique que, au moment de l'acquisition litigieuse, il était en situation de grande fragilité psychologique, ce qui avait conduit son médecin à le placer en arrêt de travail ; que, par ailleurs, il est peu au fait du monde des affaires et que M. [Z]-[L], auquel il était lié par des relations amicales, l'a convaincu d'entrer au capital social de l'entreprise qu'il gérait, sans cependant attirer son attention sur la situation catastrophique de cette société qui a d'ailleurs été placée en liquidation judiciaire quelques mois plus tard.
L'appelant indique que, de plus, M. [Z]-[L] disposait dans la société [Z] Construction d'un compte courant débiteur d'un montant de 47.503,02 euros au 31 décembre 2018, soit quelques semaines avant la cession de parts sociales ; qu'il est manifeste que l'intimé a couvert cette situation, qui peut être qualifiée d'abus de bien de bien sociaux, par l'apport financier de M. [J] d'un montant d'ailleurs sensiblement égal à celui du débit du compte courant de l'intimé.
M. [J] fait valoir qu'un tel comportement de M. [Z]-[L] caractérise des manoeuvres dolosives en ce que ce stratagème lui a permis, à l'insu du cessionnaire, de couvrir des faits d'abus de bien sociaux, mais également une réticence dolosive dès lors que M. [J] n'aurait de toute évidence pas contracté s'il avait été informé de l'existence de cet abus de biens sociaux et de l'intention de son cocontractant de couvrir ces faits grâce au prix de cession, dont il soutient enfin qu'il était exorbitant alors que les parts sociales n'avaient aucune valeur.
3. L'intimé répond que M. [J] a été l'initiateur de cette cession de parts qui l'intéressait d'autant plus qu'il souhaitait également bénéficier d'un contrat de travail ainsi que d'un véhicule de fonction ; que l'acquéreur a été informé de la situation de la société par sa secrétaire, qui en atteste, ainsi que par son expert comptable, qui en atteste également ; que la preuve du dol n'est donc pas rapportée, étant rappelé que l'erreur sur le prix des parts ne peut être invoquée.
M. [Z]-[L] ajoute que la fragilité psychologique de l'appelant est d'autant moins démontrée qu'il a subi une visite médicale avant son embauche par la société.
L'intimé estime que M. [J] a engagé cette action afin de contourner les règles de la procédure collective pour reprendre possession des fonds investis dans l'entreprise.
Sur ce,
4. Il est constant en droit, par application de l'article 1112-1 du code civil, que celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ; que les informations qui ont une importance déterminante sont celles qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties. C'est celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
5. En l'espèce, M. [J] soutient que M. [Z]-[L] était débiteur d'une obligation d'information à son égard dans la mesure où il n'était pas rompu aux affaires. L'intimé ne discute pas ce fait et indique que, lors de la conclusion de la cession de parts litigieuse, l'appelant était conducteur de travaux.
Il apparaît donc que ce dernier est fondé à exciper de son ignorance légitime des éléments relatifs à la situation économique de l'entreprise, de sorte que le cédant des parts de la société [Z] Construction était tenu de le renseigner à cet égard, la situation financière de la société devant être considérée comme une information dont l'importance est déterminante pour l'acquéreur.
6. Or M. [Z]-[L] verse à son dossier tout d'abord le témoignage de Madame [K] [I], secrétaire au sein de la société [Z] Construction, qui atteste le 15 mai 2021 du fait que M. [J] est venu quotidiennement dans son bureau pendant un mois avant la cession des parts et la conclusion de son contrat de travail ; que, à la demande du gérant, elle lui a expliqué le fonctionnement de la société et lui a remis 'le dernier bilan' pour une demande de prêt bancaire.
Il est également produit par l'intimé une attestation établie le 10 novembre 2021 par Monsieur [P] [H], expert comptable de la société [Z] Construction, qui mentionne avoir reçu notamment M. [J] « avant la cession des parts sociales pour parler des comptes et de la situation de la SARL [Z] Construction ».
Le dernier bilan remis au cessionnaire par Mme [I] avant la cession de parts sociales était nécessairement la comptabilité de l'exercice 2018 (clos le 31 décembre), qui présente un résultat de 3.374,66 euros pour un chiffre d'affaires de 582.210,88 euros en baisse de 13,44 % par rapport à l'année précédente.
Ces comptes annuels mentionnent au passif du bilan que le capital social est de 15.244,90 euros tandis que les capitaux propres de la société sont de -58.184,83 euros (et qu'ils étaient de -61.559,49 euros en 2017) et que le compte courant d'associé de M. [Z]-[L] est débiteur de 47.503,02 euros.
Ainsi, M. [J] ne peut soutenir qu'il lui avait été dissimulé le fait que les capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social et que le compte courant d'associé de M. [Z]-[L] était débiteur.
7. La situation de l'entreprise n'a donc pas été cachée à M. [J], qui n'établit par ailleurs l'existence d'aucune manoeuvre déployée avant la date de cession par son co-contractant dans le but de le tromper pour l'amener à contracter, aucune certification ni aucun document comptable trompeurs ne lui ayant été remis.
Le moyen tiré du dol ayant vicié le consentement du cessionnaire sera donc écarté.
8. Pour tendre à l'annulation de la cession de parts, M. [J] excipe subsidiairement de l'erreur ayant vicié son consentement et précise que cette erreur a porté sur la situation économique de l'entreprise dont il acquérait des parts, laquelle n'était plus en mesure de se redresser et de remplir durablement son objet social, donc d'être rentable.
9. Toutefois, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, le bilan détaillé de l'exercice comptable 2018 de la société [Z] Construction ainsi que les explications données tant par Mme [I], secrétaire, que par l'expert-comptable de la société étaient suffisamment éclairants pour que le cessionnaire soit suffisamment informé.
M. [J] ne peut par ailleurs se prévaloir de sa situation personnelle à cet égard puisque le certificat médical produit à son dossier, relatif aux soins reçus en raison d'une dépression, est contrebattu par le certificat de la médecine du travail en date du 6 mai 2019 qui ne relève aucune contre indication à l'embauche de l'intéressé en qualité de conducteur de travaux.
Enfin, le prononcé de la liquidation judiciaire de la société le 2 février 2021 doit être rapproché, ainsi que le rappelle M. [Z]-[L], de la période particulière liée à la situation sanitaire du pays au cours de l'année 2020, étant observé que l'activité de la société [Z] Construction telle que mentionnée à l'extrait Kbis délivré le 26 avril 2020 est 'maçonnerie, couverture, travaux du bâtiment'.
10. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de sa demande en nullité de la convention du 25 avril 2019.
2. Sur les demandes en dommages et intérêts
11. L'article 1240 du code civil dispose :
« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
12. Au visa de ce texte, l'appelant poursuit très subsidiairement la responsabilité extra-contractuelle de M. [Z]-[L] en faisant valoir que celui-ci a manqué à son obligation précontractuelle d'information, telle que rappelée par l'article 1112-1 du code civil.
M. [J] soutient que l'intimé avait l'obligation d'attirer son attention sur l'existence de capitaux propres négatifs et sur l'existence de la dette de 47.503,02 euros contractée par M. [Z]-[L] vis à vis de la société, informations déterminantes que le cessionnaire ignorait légitimement au sens de l'article 1112-1 du code civil.
Toutefois, ces informations ont été fournies à l'appelant avant la conclusion du contrat et celui-ci, qui envisageait un investissement d'un montant de 50.000 euros dans cette petite société ainsi qu'un apport en compte courant de 30.000 euros, s'est manifestement estimé suffisamment renseigné puisqu'il n'a pas sollicité d'autre éclairage que celui de l'expert-comptable de l'entreprise.
13. M. [J] tend également à l'indemnisation du préjudice qui résulte de l'irrecouvrabilité de sa créance sur la société, constituée de son apport en compte courant, dont il fait valoir qu'il est le fruit de la tromperie de M. [Z]-[L].
Mais il a été jugé supra que ni le dol, ni l'erreur ni le manquement à l'obligation d'information précontractuelle n'étaient établis.
La cause de la perte des sommes apportées à la société ne peut donc être imputée à l'intimé.
14. Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté M. [J] de ses demandes en dommages et intérêts, y compris la demande en indemnisation du préjudice moral de l'appelant et la demande en remboursement des intérêts du crédit souscrit pour financer l'entrée de celui-ci au capital de la société.
3. Sur les autres demandes
15. C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le tribunal de commerce a condamné M. [J] à payer à M. [Z]-[L] une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Ce chef de dispositif sera confirmé, ainsi que les chefs de dispositif relatifs aux frais irrépétibles des parties et à la charge des dépens.
16. La cour déboutera M. [Z]-[L] de sa demande en dommages et intérêts pour abus de procédure en appel, cet abus n'étant pas démontré, et condamnera M. [J] à payer les dépens de l'appel et à verser à l'intimé la somme de 3.000 euros en indemnisation des frais irrépétibles de celui-ci.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme le jugement prononcé le 21 mars 2022 par le tribunal de commerce de Périgueux.
Y ajoutant,
Déboute Monsieur [G] [Z]-[L] de sa demande en dommages et intérêts.
Condamne Monsieur [N] [J] à payer à Monsieur [G] [Z]-[L] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur [N] [J] à payer les dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président