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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 2 mai 2024, n° 22/03008

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 22/03008

2 mai 2024

N° RG 22/03008 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LPMX

C4

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY

la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC,

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 02 MAI 2024

Appel d'une décision (N° RG 2020J00204)

rendue par le Tribunal de Commerce de VIENNE

en date du 16 juin 2022

suivant déclaration d'appel du 02 août 2022

APPELANTS :

M. [Y] [W]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Société NORIS DIFFUSION immatriculée au RCS de Vienne sous le n° 530 256 254, représentée par son liquidateur judiciaire Me [T] [B],

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentés par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Sandrine MOLLON, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS et APPELANT suivant assignation en date du 28 février 2023:

S.A. LE DAUPHINE LIBERE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Grenoble, sous le numéro B 057.502.742, représentée par Monsieur [T] [F], en sa qualité de Président Directeur Général, domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me DELSART, avocat au barreau de PARIS

INTERVENANT FORCÉ :

Me [T] [B] ès qualité de mandataire liquidateur de la SOCIETE NORIS DIFFUSION, société par actions simplifiée unipersonnelle au capital de 5.000,00 €, immatriculée au R.C.S de Vienne sous le numéro 530 256 254, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Vienne du 30 août 2022

[Adresse 6]

[Localité 4]

non représenté,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 février 2024, M. BRUNO, Conseiller, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure :

1. Par contrat du 1er avril 2011, la société Le Dauphiné Libéré a conclu avec [Y] [W], président de la société Noris Diffusion, un contrat de dépositaire de presse. Ce contrat couvrait un large secteur autour de [Localité 4].

2. Au début du dernier trimestre 2019, les parties ont convenu de mettre fin à ce contrat. Par courrier du 19 décembre 2019, la société Le Dauphiné Libéré a rappelé qu'il a été convenu de mettre fin au contrat au 30 avril 2020.

3. Au cours du premier trimestre 2020, la société Le Dauphiné Libéré a constaté que la société Noris Diffusion et [Y] [W] ne reversaient plus les sommes encaissées auprès des détaillants. En conséquence, par courrier de son avocat du 9 juin 2020, la société Le Dauphiné Libéré a mis en demeure monsieur [W] de régler la somme de 460.703,95 euros. Ce dernier n'a pas contesté sa dette mais a indiqué avoir été victime de manoeuvres frauduleuses sur le marché spéculatif de la crypto monnaie. La société Le Dauphiné Libéré a déposé une plainte pour abus de confiance entre les mains du procureur de la République de Bourgoin-Jallieu, estimant que l'utilisation des fonds lui appartenant constitue un tel délit.

4. Le 23 novembre 2020, la société Le Dauphiné Libéré a sollicité du président du tribunal de commerce de Vienne l'autorisation d'assigner à jour fixe [Y] [W] et la société Noris Diffusion. Par ordonnance du 26 novembre 2020, le président du tribunal a fait droit à cette requête. Par exploit d'huissier du 2 décembre 2020, la société Le Dauphiné Libéré a assigné devant le tribunal de commerce de Vienne la société Noris Diffusion et [Y] [W], afin d'obtenir notamment le paiement de 454.951,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020.

5. Par jugement du 16 juin 2022, le tribunal de commerce de Vienne a :

- condamné conjointement et solidairement la société Noris Diffusion et [Y] [W] à payer à la société Le Dauphiné Libéré la somme de 454.051,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;

- débouté la société Noris Diffusion et [Y] [W] de leur demande de compensation et de délais ;

- condamné conjointement et solidairement la société Noris Diffusion et [Y] [W] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;

- dit qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement ;

- condamné conjointement et solidairement [Y] [W] et la société Noris Diffusion aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure.

6. [Y] [W] et la société Noris Diffusion ont interjeté appel de cette décision le 2 août 2022, en toutes ses dispositions reprises dans leur déclaration d'appel.

7. Par jugement du 30 août 2022, le tribunal de commerce de Vienne a prononcé la liquidation judiciaire de la société Noris Diffusion, et a désigné maître [B] aux fonctions de liquidateur judiciaire.

L'instruction de cette procédure a été clôturée le 11 janvier 2024.

Prétentions et moyens de [Y] [W] et de la société Noris Diffusion :

8. Selon leurs conclusions n°4 remises par voie électronique le 10 janvier 2014, ils demandent à la cour, au visa des articles 1289, 1134 (ancien), 1240 et 1244-1 du code civil, des articles 564 et suivants du code de procédure civile, des articles L.225-251 et L.225-254 du code de commerce :

- de déclarer recevable et bien fondé leur appel ;

- de déclarer irrecevable la demande nouvelle formée en cause d'appel par la société Le Dauphiné Libéré sur le fondement des dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce ;

- par conséquent, de débouter la société Le Dauphiné Libéré de sa demande en condamnation formée à l'encontre de [Y] [W] aux fins d'indemnisation de son préjudice sur le fondement des dispositions de l'article L.225-251 du code de commerce ;

- à titre très subsidiaire, si la cour devait déclarer recevable la demande la société Le Dauphiné Libéré comme n'étant pas une demande nouvelle sur le fondement de l'article L.225-251 du code de commerce, de déclarer irrecevable cette demande comme étant prescrite en application des dispositions de l'article L.225-254 du code de commerce ;

- de débouter en conséquence la société Le Dauphiné Libéré de sa demande indemnitaire pour préjudice subi ;

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

- statuant à nouveau, de déclarer irrecevables et infondées les demandes formées par Le Dauphiné Libéré à l'encontre de [Y] [W] à titre personnel et individuel sur les anciennes dispositions de l'article 1134 du code civil ;

- de donner acte à la société Le Dauphiné Libéré qu'elle ne fonde plus en cause d'appel sa demande contre [Y] [W] à titre personnel et individuel sur les anciennes dispositions de l'article 1134 du code civil ;

- de débouter l'intimée de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions comme étant infondées et injustifiées dirigées contre monsieur [W] ;

- à titre infiniment subsidiaire, d'autoriser [Y] [W] à bénéficier de délais de paiement et à s'acquitter de toute dette qui serait retenue selon échéancier d'une durée de 24 mois ;

- de dire et juger que les mensualités s'imputeront sur le capital et que les intérêts seront réduits au taux légal ;

- en tout état de cause, de condamner l'intimée à payer à monsieur [W] la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la société Le Dauphiné Libéré aux entiers dépens de procédure dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de maître Alexis Grimaud, avocat sur son affirmation de droit.

Les appelants exposent :

9. - concernant le rejet des demandes formées par l'intimée sur le fondement de l'ancien article 1134 du code civil, que si le tribunal a retenu que [Y] [W] a reconnu sa dette et a utilisé les fonds appartenant à l'intimée afin de réaliser une opération spéculative, engageant ainsi sa responsabilité personnelle en faisant commettre à la société Noris Diffusion un délit pénal, [Y] [W] n'a cependant jamais reconnu devoir à la société Le Dauphiné Libéré la somme de 454.051,70 euros, alors qu'il a été victime d'un système organisé l'ayant conduit à prélever des fonds sur la société Noris Diffusion, faits pour lesquels il a été condamné pénalement ;

10. - qu'il n'a pas fait commettre à la société Noris Diffusion un délit pénal, puisque le contrat invoqué par l'intimée n'a été conclu qu'avec la société Noris Diffusion, de sorte qu'il n'existe aucun engagement contractuel de [Y] [W] justifiant sa condamnation solidaire avec la société dont il était le président ; que la plainte déposée par la société Le Dauphiné Libéré contre [Y] [W] pour abus de confiance ne peut servir de fondement à une condamnation, ce qui a conduit le procureur de la République à le poursuivre pour abus de biens sociaux en sa qualité de dirigeant de la société Noris Diffusion ;

11. - que dans ses conclusions n°1, l'intimée a invoqué la responsabilité personnelle de [Y] [W] sur le fondement de l'article 1240 du code civil et de l'article L225-251 du code de commerce, de sorte qu'elle reconnaît expressément que cette responsabilité ne peut être recherchée sur un fondement contractuel contre cet appelant ; que la société Le Dauphiné Libéré reconnaît désormais la pertinence de ce moyen, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être réformé ;

12. - concernant l'irrecevabilité des demandes de la société Le Dauphiné Libéré formées en application des articles 1240 du code civil et L225-251 du code de commerce, qu'elles le sont pour la première fois devant la cour, en contradiction avec l'article 564 du code de procédure civile, puisque antérieurement, la responsabilité des concluants était recherchée sur le fondement de l'article 1134 du code civil, en leur qualité de mandataires, et en invoquant la violation de leur obligation contractuelle de restituer les sommes recueillies pour son compte; qu'il s'agissait ainsi d'obtenir le remboursement de sommes prétendument détenues en vertu de l'exécution du contrat ;

13. - que le nouveau fondement invoqué par l'intimée est différent puisqu'il repose sur une infraction aux dispositions législatives et réglementaires, sinon aux statuts d'une société et à une faute commise dans sa gestion ; qu'il s'agit désormais d'une demande indemnitaire fondée sur la responsabilité civile délictuelle totalement distincte, constituant ainsi une prétention nouvelle;

14. - que si l'intimée soutient que cette demande ne serait pas nouvelle, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, et en raison de la compétence du tribunal de commerce pour soutenir que la responsabilité de [Y] [W] n'était pas recherchée sur un fondement contractuel, cependant, la société Le Dauphiné Libéré n'a visé au dispositif de ses conclusions de première instance que l'article 1134 du code civil ;

15. - subsidiairement, sur la prescription de l'action fondée sur l'article L225-251 du code de commerce, que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable, ou s'il a été dissimulé, à compter de sa révélation, sauf lorsque le fait est qualité de crime, auquel cas le délai de la prescription est de dix ans ;

16. - que c'est par conclusions notifiées le 30 janvier 2023 que l'intimée a invoqué pour la première fois ce fondement, alors qu'elle a été informée du fait dommageable avant le 30 janvier 2020, puisque c'est la connaissance des déboires rencontrés par [Y] [W] qui a entraîné la résiliation du contrat actée le 19 décembre 2019; que c'est par courrier du 22 juillet 2019 que [Y] [W] a informé la société Le Dauphiné Libéré, laquelle a cessé alors d'effectuer les prélèvements automatiques mensuels de 25.000 euros sur le compte de la société Noris Diffusion, afin de la soutenir ;

17. - que si la société Le Dauphiné Libéré soutient que son assignation du 2 décembre 2020 aurait interrompu la prescription, cette argumentation est sans effet, puisque la demande visait alors l'exécution du contrat, et ne tendait pas à mettre en jeu une responsabilité contractuelle alors que la demande formée sur l'article L225-251 du code de commerce est délictuelle;

18. - concernant le montant des demandes indemnitaires, qu'il est injustifié ; que devant le tribunal, la société Le Dauphiné Libéré s'est seulement fondée sur un relevé de compte arrêté au 1er août 2020 et une reconnaissance de dette de [Y] [W] ; que ce dernier ne peut être condamné qu'à hauteur des sommes qu'il a détournées, la différence ne concernant que la société Noris Diffusion ; qu'il n'a pas admis dans la reconnaissance de dette devoir la somme de 454.051,70 euros, mais a seulement indiqué qu'il était redevable d'une somme correspondant au solde qui sera fixé le 10 mai 2020 après la dernière facturation ;

19. - qu'il appartient à l'intimée de produire les annexes du contrat signé le 1er avril 2011, afin d'apprécier le montant des commissions dues au dépositaire ;

20. - en outre, que la société Le Dauphiné Libéré a accepté de compenser certaines des conséquences de la fin du contrat, alors qu'il n'est pas tenu compte des frais réels engendrés du fait des licenciements et de la régularisation de tous les salaires ; que le total de ces frais représente 272.421 euros, alors que l'intimée n'a payé que 259.589 euros, soit un manque de 12.832 euros ; qu'une commission de 1.515,68 euros a été omise sur le relevé de juillet 2020 ;

21. - qu'il avait été également convenu que le successeur de la société Noris Diffusion reprenne les contrats de location de véhicules Crédipar ; que monsieur [P], successeur de la société Noris Diffusion, a pris la décision de ne pas régler les factures de location au profit de la société Noris Diffusion, de sorte que celle-ci a supporté un coût financier de 24.204,48 euros en raison de l'arrêt de la location de ces trois véhicules ;

22. - qu'il avait été convenu que les commissions soient ajustées en fonction des fermetures inopinées de diffuseurs, puisque dans un tel cas la société Noris Diffusion ne pouvait récupérer le paiement des factures, alors que cet ajustement n'a pas eu lieu ; que le montant de ces impayés s'est élevé à 32.107 euros ;

23. - que pour justifier le montant de sa demande, la société Le Dauphiné Libéré produit des décomptes unilatéraux et aucun document comptable certifié ; que l'intimée admet l'incertitude de sa créance puisqu'elle demande subsidiairement la somme de 237.899,71 euros ;

24. - que les intérêts légaux ne peuvent courir qu'à compter de la décision judiciaire, puisqu'il s'agit d'une demande indemnitaire du chef d'une responsabilité délictuelle ;

25. - subsidiairement, si [Y] [W] reste débiteur, que des délais de paiement doivent lui être accordés, puisqu'étant retraité, il ne perçoit qu'une pension annuelle de 18.518 euros, alors que le montant des revenus du couple formé avec son épouse est de 31.836 euros au titre de l'année 2020 ; que le ménage doit supporter le remboursement d'un prêt par mensualités de 1.199,19 euros devant se terminer en 2030 ; que le ménage est propriétaire d'un bien immobilier grevé de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par la société Le Dauphiné Libéré.

Prétentions et moyens de la société Le Dauphiné Libéré :

26. Selon ses conclusions n°3 remises par voie électronique le 3 janvier 2024, elle demande à la cour, au visa des articles L225-251, L225-254 et L227-8 du code de commerce, 1240, 1347 et 1348, 1984 et suivants du code civil, 564 et 565 du code de procédure civile :

- de débouter monsieur [W] de ses exceptions d'irrecevabilité et de prescription ;

- de confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Vienne le 16 juin 2022 et en conséquence:

- de condamner [Y] [W] à payer à la concluante la somme de 454.051,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;

- de dire que la créance de la concluante sera portée au passif de la liquidation judiciaire de la société Noris Diffusion à ce montant de 454.051,70 euros outre intérêts au taux légal ;

- à titre subsidiaire, de condamner [Y] [W] à payer à la concluante la somme de 237.899,71 euros outre intérêts au taux légal ;

- de condamner monsieur [W] au paiement d'une somme supplémentaire de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner monsieur [W] et la société Noris Diffusion représentée par son liquidateur judiciaire aux entiers dépens.

L'intimée soutient :

27. - que la société Noris Diffusion était le dépositaire de presse de la concluante, chargée de recevoir les exemplaires livrés par la concluante, pour ensuite les répartir auprès des détaillants et reprendre les invendus afin de les restituer ; que ce dépositaire encaissait le prix de vente des journaux auprès des détaillants et restituait mensuellement les encaissements, déduction faite de sa commission ; que la société Noris Diffusion était ainsi mandataire-commissionnaire, et ducroire des détaillants, de sorte que si l'un d'eux ne restituait pas le prix du journal, cette société en était responsable à l'égard de la concluante ;

28. - que l'activité de la société Noris Diffusion consistait également à animer le réseau de portage, consistant à livrer les journaux à domicile par le recours à des travailleurs indépendants recrutés par la société Noris Diffusion, et payés par des commissions versées par celle-ci, la société Noris Diffusion recevant en contrepartie une commission par exemplaire livré, et n'ayant pas à gérer les invendus ;

29. - concernant l'exception tirée d'une demande nouvelle formée devant la cour, que la responsabilité personnelle de [Y] [W] a toujours été recherchée sur un fondement délictuel, ou quasi délictuel en sa qualité de dirigeant de la société Noris Diffusion, ce que visait l'assignation du 2 décembre 2020 et les conclusions de première instance; que [Y] [W] avait d'ailleurs soulevé l'incompétence du tribunal de commerce au profit du tribunal judiciaire au motif qu'il n'était pas commerçant, ce que le tribunal de commerce a rejeté puisque les actions visant à sanctionner la responsabilité personnelle d'un dirigeant d'une société commerciale relèvent de sa compétence ; que la demande présentée devant la cour n'est donc pas nouvelle ; que le dispositif de l'assignation a visé « notamment » l'article 1134 du code civil, ce qui n'exclut pas l'article 1382, d'autant que devant le tribunal de commerce, la procédure est orale ;

30. - en tout état de cause, que les demandes reposant sur les articles L225-251 et L227-8 du code de commerce et 1240 du code civil ne constituent qu'un fondement juridique nouveau tendant aux mêmes fins, et sont ainsi recevables au sens des articles 564 et 565 du code de procédure civile ;

31. - que les demandes de la concluante ne sont pas prescrites, puisque l'assignation du 2 décembre 2020 a interrompu la prescription ; qu'il appartient à [Y] [W] de démontrer que la concluante savait, avant le 20 janvier 2020, que les difficultés financières de la société Noris Diffusion résultaient d'une faute commise par l'appelant ; que la lettre du 22 juillet 2018 invoquée par [Y] [W] est inopérante à cet égard ;

32. - concernant la responsabilité personnelle de [Y] [W], que le dirigeant d'une société qui commet une faute constitutive d'une infraction pénale intentionnelle, détachable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile vis-à-vis des tiers auxquels cette faute a porté préjudice ; que tel est le cas de cet appelant, qui a utilisé les fonds que la société Noris Diffusion avait recueillis en qualité de mandataire auprès des détaillants afin de spéculer ; qu'il ne peut soutenir que sa responsabilité est limitée au montant des sommes prélevées par lui qui seraient limitées à 237.899,71 euros ;

33. - concernant le montant des sommes réclamées, que celui retenu par le tribunal correspond au relevé de compte du 6 août 2020, lequel n'a pas été contesté par les appelants, alors qu'il s'agit du relevé mensuel des ventes et autres produits pour le mois précédent ;

34. - que si les appelants invoquent des différences de 273 euros et de 1.515.,68 euros entre plusieurs relevés, la première somme s'explique par le retour d'invendus, alors que la seconde somme figurant sur le relevé du mois de juin 2020 n'a pas disparu de celui de juillet 2020 et a bien été portée au crédit de la société Noris Diffusion ; que c'est ainsi un total de 454.051,70 euros qui doit être retenu ;

35. - que la demande de compensation des appelants n'est fondée sur aucune stipulation et est contraire à l'esprit du mandat ; que les sommes invoquées ne sont pas justifiées d'autant que [Y] [W] ne produit aucun bilan de la société Noris Diffusion ; que cette dernière est un commerçant indépendant, de sorte que la concluante n'avait pas à s'immiscer dans sa gestion même si la concluante ajustait le montant des commissions afin de tenir compte de l'activité de distribution des journaux ;

36. - que la société Noris Diffusion ne peut imputer sur la concluante les difficultés qu'elle aurait rencontrées avec son successeur ; que cependant, en raison des difficultés de la société Noris Diffusion, la concluante a accepté de compenser des charges pour 110.592 euros ;

37. - que s'il n'appartenait pas à la concluante d'assumer le risque de défaillance de certains détaillants, puisque le dépositaire supportait le risque d'impayés, la concluante a néanmoins accepté de supporter les dépôts de bilan des revendeurs, si ce fait était prouvé et si le dépositaire justifiait de la mise en place d'un suivi des paiements des détaillants en quatre acomptes mensuels, afin de limiter ce risque, et d'une action en recouvrement mise en place avant le dépôt de bilan ; que les appelants ne justifient pas avoir mené ces actions, alors que certains impayés remontent à plus de quatre ans sans avoir fait l'objet d'une demande de prise en charge par la concluante ;

38. - que si les appelants invoquent un manque à gagner de 143.667 euros, la concluante n'avait pas à assurer l'équilibre financier de la société Noris Diffusion ;

39. - subsidiairement, que [Y] [W] reconnaît devant la cour avoir prélevé sur le compte de la société Noris Diffusion un total de 237.899,71 euros ; que les sommes détournées du compte de la société Noris Diffusion n'appartenaient pas à cette société mais devaient revenir à la concluante ; que [Y] [W] doit ainsi être condamné au paiement de cette sommes ;

40. - que la demande de délais de [Y] [W] est mal fondée, puisqu'il n'est pas un débiteur de bonne fois alors qu'il n'a réglé aucun acompte.

*****

41. Maître [B], ès-qualités de liquidateur de la société Noris Diffusion, a été assigné en intervention forcée le 23 février 2023 par la société Le Dauphiné Libéré, et a indiqué, par courrier adressé à la cour le 7 mars 2023, ne pas intervenir, en raison de l'impécuniosité du dossier. Il a précisé que la société Le Dauphiné Libéré a déclaré sa créance de 462.018,76 euros à titre chirographaire échu.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

1) Sur la recevabilité des demandes de la société Le Dauphiné Libéré formées contre [Y] [W] au regard des articles 564 et 565 du code de procédure civile :

42. Il résulte de l'assignation délivrée par la société Le Dauphiné Libéré le 2 décembre 2020 qu'elle a fondé ses demandes « notamment » sur les articles 1134 et suivants du code civil. L'exposé des moyens de l'intimée indique que si [Y] [W] a utilisé l'argent lui appartenant pour se livrer à titre personnel à des spéculations sur le marché de la crypto monnaie, il n'est pas contestable que les appelants ont commis une faute grave en violant, de façon pénalement répréhensible, leur obligation contractuelle de restituer les sommes recueillies. Dans ses secondes puis troisièmes conclusions, l'intimée a visé les mêmes textes. Si elle a maintenu sa demande de condamnation de la société Noris Diffusion sur un fondement contractuel, elle a modifié son argumentation contre [Y] [W], en précisant qu'il a engagé sa responsabilité personnelle en commettant une faute intentionnelle d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normale de ses fonctions sociales. Il s'agit désormais de la faute visée par l'article L225-251 du code de commerce, quoique ce texte n'ait pas été visé.

43. Il en résulte que si la société Le Dauphiné Libéré a bien fondé sa demande en paiement devant le tribunal sur un fondement contractuel contre la société Noris Diffusion, elle a modifié, en cours de procédure, son fondement pour l'action dirigée contre [Y] [W], pour retenir cette fois un fondement délictuel, rappelant le principe de la responsabilité personnelle des dirigeants des sociétés commerciales (la société Noris Diffusion ayant la forme d'une société par actions simplifiées). Il s'agit d'un moyen nouveau, et la cour n'est pas ainsi saisie d'une demande nouvelle concernant [Y] [W].

2) Sur le moyen tiré de la prescription de l'action de la société Le Dauphiné Libéré formée contre [Y] [W] :

44. Ce moyen ne peut que concerner [Y] [W], puisqu'il s'agit de l'application des articles L225-251 et L225-254 du code de commerce. Selon le premier de ces textes, les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. Si plusieurs administrateurs ou plusieurs administrateurs et le directeur général ont coopéré aux mêmes faits, le tribunal détermine la part contributive de chacun dans la réparation du dommage. Selon le second texte, l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans.

45. S'agissant en premier lieu du point de départ de cette prescription triennale, à savoir la date à laquelle la société Le Dauphiné Libéré a eu connaissance de la faute de [Y] [W], personnelle et détachable de ses fonctions de président de la société Noris Diffusion, la cour constate que selon lettre du 19 décembre 2019, l'intimée a fait savoir aux appelants qu'elle mettait fin à leurs relations commerciales à compter du 30 avril 2020, suite à un entretien du 17 décembre 2019. Ce courrier ne contient aucune référence à une faute personnelle de [Y] [W]. La reconnaissance de dette signée par ce dernier le 8 avril 2020 ne contient pas plus de précision, et il en est de même concernant la mise en demeure adressée aux appelants le 9 juin 2020. Ce n'est que dans son courrier du 11 juin 2020 que [Y] [W] explique avoir subi une escroquerie entre janvier et mai 2018, sans cependant préciser les dates des prélèvements effectués sur le compte de la société Noris Diffusion. La société Le Dauphiné Libéré a adressé sa plainte au procureur de la République de Bourgoin-Jallieu le 22 juillet 2020, dans laquelle elle a expliqué que c'est au cours du premier trimestre 2020 qu'elle a constaté que les appelants ne lui reversaient plus les sommes encaissées après des détaillants. Selon la plainte de [Y] [W] déposée devant la gendarmerie le 14 juin 2018, il a indiqué avoir commencé à investir dans les crypto monnaies en janvier 2018 et a effectué son dernier virement le 6 juin 2018. Il a confirmé ces déclarations le 27 octobre 2018, précisant avoir investi un total de 119.923,29 euros.

46. [Y] [W] exposant que ses prélèvements sur le compte de la société Noris Diffusion résultent de ces investissements, il en résulte que ces prélèvements ne sont pas intervenus avant le mois de janvier 2018. [Y] [W] ne produit aucun élément devant la cour permettant de certifier la date des prélèvements effectués, alors qu'il a précisé devant les enquêteurs que les investissements en crypto monnaies ont été réalisés par virements bancaires.

47. Il en ressort que ce n'est que lors de la réception du courrier de [Y] [W] du 11 juin 2020, dans lequel il explique avoir subi une escroquerie, que la société Le Dauphiné Libéré a connu les faits lui permettant de rechercher la responsabilité personnelle de cet appelant en sa qualité de dirigeant de la société Noris Diffusion.

48. Il a été relevé plus haut que dans son assignation du 2 décembre 2020, la société Le Dauphiné Libéré a visé contre [Y] [W] un fondement contractuel. Ce n'est que dans ses secondes conclusions que l'intimée a visé la faute délictuelle personnelle de cet appelant. Ces conclusions ont été reçues par le tribunal de commerce le 25 février 2021 selon le tampon du greffe.

49. Au regard du courrier du 11 juin 2020 marquant le point de départ du délai de prescription triennale, il en résulte que l'action engagée d'abord par l'assignation délivrée le 2 décembre 2020, modifiée dans son fondement par les secondes conclusions de l'intimée visées par le greffier du tribunal de commerce le 25 février 2021, n'était pas prescrite. Elle est ainsi recevable.

3) Sur les sommes dues par la société Noris Diffusion :

50. Selon le contrat signé le 1er avril 2021, la société Noris Diffusion est dépositaire des journaux et revues remises par la société Le Dauphiné Libéré, et en répartit la distribution auprès des détaillants. Il est expressément convenu qu'à ce titre, la société Noris Diffusion est mandataire-commissionnaire ducroire de la société Le Dauphiné Libéré. La société Noris Diffusion doit également, en sa qualité de dépositaire, entretenir et développer un réseau de colporteurs chargés notamment des livraisons à domicile.

51. Ce contrat prévoit que les commissions sont précisées en annexe 5, qu'elles sont révisables par courriers ou avenants en cas de modifications notamment des conditions économiques ou géographiques de la distribution, des quantités de titres distribués.

52. Les annexes produites par la société Le Dauphiné Libéré concernent les différents aspects des activités prévues au contrat, et l'annexe 4 prévoit que le dépositaire est responsable des invendus. Après les avoir repris auprès des détaillants et contrôle de leur état, il en informe l'éditeur, auquel il les renvoie. L'annexe 5 concerne les commissions et les modalités de règlement. L'éditeur rétrocède une commission de 2,34 % du prix facial des journaux vendus, outre une commission complémentaire forfaitaire au titre de sa participation aux frais de distribution égale à 1,53 % du prix facial des journaux vendus. Au début de chaque mois, l'éditeur adresse au dépositaire un relevé de compte comportant au débit les fournitures du mois écoulé, et au crédit les invendus retournés et contrôlés, ainsi que les commissions rétrocédées par le dépositaire aux diffuseurs et aux colporteurs de presse. Des frais et remboursements sont également portés au crédit du compte.

53. Dans son courrier du 8 avril 2020, [Y] [W] « ci-après dénommé le débiteur », a reconnu devoir à la société Le Dauphiné Libéré « une somme correspondant au solde qui sera fixé en date du 10 mai 2020 après la dernière facturation. Montant dû pour le compte de Noris Diffusion. Je m'engage expressément à lui rembourser cette somme en une seule fois, au plus tard fin mai 2020». La cour ne peut retirer aucune conséquence de ses passages sybillins et contradictoires, d'autant qu'aucune somme n'a été énoncée. Ce courrier ne peut être admis à titre de reconnaissance de dette.

54. La société Le Dauphiné Libéré produit les relevés de compte concernant la distribution des journaux et revues, et la cour relève que ces relevés n'ont jamais été contestés par la société Noris Diffusion. Les taux des commissions reversées à la société Noris Diffusion et figurant dans ces relevés sont notablement plus élevés que ceux prévus dans l'annexe 5 du contrat, puisqu'ils dépassent par période 20 %.

55. Suite à la mise en demeure adressée par la société Le Dauphiné Libéré le 9 juin 2020, pour 461.738,99 euros, [Y] [W] a répondu ne pas contester être redevable, mais pour la somme à finaliser après obtention de tous les éléments de recouvrement auprès des diffuseurs et des frais définitifs de la cessation d'activité.

56. La cour constate que si ce courrier fait état de frais définitifs de cessation de l'activité de la société Noris Diffusion, dont la société Le Dauphiné Libéré serait débitrice, cette affirmation n'est fondée sur aucun élément contractuel. Selon le document présenté par [Y] [W], ces frais concernaient notamment des indemnités de licenciement, des frais de comptable et liés à la liquidation de la société Noris Diffusion, alors qu'au titre du contrat, celle-ci était un mandataire indépendant. Il en est de même concernant des frais afférents à des locations de véhicules et à un litige intervenu avec le repreneur de l'activité de la société Noris Diffusion. En outre, le problème concernant la charge liée à la défaillance de certains détaillants a été débattu dans un échange de mails du mois d'avril 2020, dans lequel la société Le Dauphiné Libéré a indiqué que ce n'est pas à l'éditeur d'en supporter le coût, mais qu'il peut accepter de prendre en compte certains impayés selon le cas,

57. La société Le Dauphiné Libéré justifie en outre avoir crédité en faveur de la société Noris Diffusion 70.000 euros le 19 mai 2020 au titre d'aides non prévues contractuellement, et son décompte arrêté au 1er juin 2020 fait ainsi ressortir un solde de 460.703,96 euros à payer par la société Noris Diffusion. Ce solde a été actualisé le 1er août 2020 à 454.051,70 euros après l'imputation de 1.515,68 euros à titre d'avoirs au titre de la régularisation du compte arrêté le mois précédent. Les appelants ne produisent pas d'élément probant concernant leur contestation visant cette somme.

58. Enfin, la cour ne peut manquer de relever que selon le dispositif des dernières conclusions déposées par les appelants devant elle, qui seul détermine définitivement l'objet de l'appel, s'il est demandé l'infirmation de la totalité du jugement, il n'est sollicité de la cour que de statuer sur les demandes formées contre [Y] [W], afin de les rejeter. Il n'est pas ainsi demandé à la cour de rejeter les prétentions formées contre la société Noris Diffusion.

59. Il en résulte que la société Le Dauphiné Libéré justifie du solde de sa créance à hauteur de 454.051,70 euros sur la société Noris Diffusion. En conséquence, tenant compte de l'évolution du litige suite au prononcé de la liquidation judiciaire de la société Noris Diffusion, la cour fixera à ce montant la créance de la société Le Dauphiné Libéré au passif de la société Noris Diffusion. La cour fixera également la créance de la société Le Dauphiné Libéré, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la somme de 3.000 euros.

4) Sur la condamnation de [Y] [W] :

60. Il a été reconnu par cet appelant qu'il a utilisé des fonds figurant sur le compte de la société Noris Diffusion afin d'investir dans les crypto monnaies. En conséquence, cet usage constitue un abus de biens sociaux à l'égard de la société Noris Diffusion, et il s'agit d'une faute pénale intentionnelle d'une particulière gravité. Or, en sa qualité de commissaire ducroire, la société Noris Diffusion détenait une partie de ces fonds pour le compte de la société Le Dauphiné Libéré. Il en résulte qu'à l'égard également de la société Le Dauphiné Libéré, [Y] [W] a commis une faute, mais détachable de ses fonctions de président de la société Noris Diffusion, puisque le détournement des fonds a été commis dans l'unique intérêt de son président. En conséquence, il doit être tenu, solidairement avec la société Noris Diffusion, des conséquences de l'infraction d'abus de confiance commise au préjudice de la société Le Dauphiné Libéré, puisque la société Noris Diffusion détenait les fonds au titre de son mandat.

61. Concernant le montant des sommes détournées par [Y] [W], l'examen du compte de la société Noris Diffusion tenu au Crédit Mutuel, dont les relevés sont produits par l'appelant, ne permet pas de retrouver le montant des sommes détournés au préjudice de la société Noris Diffusion, alors que dans sa plainte, [Y] [W] a précisé le montant des sommes virées au profit des contacts dont il disposait pour ses opérations spéculatives. La cour relève qu'il a fait mention de nombreux virements portant unitairement sur des milliers d'euros, mais réalisés à partir de son compte

personnel tenu également au Crédit Mutuel, et il a reconnu, devant les enquêteurs, avoir prélevé 119.923,29 euros sur les comptes de la société Noris Diffusion. Cependant, comme soutenu par l'intimée, [Y] [W] reconnaît, dans ses conclusions, avoir détourné du compte de la société Noris Diffusion la somme de 96.717,71 euros, ainsi que celle de 141.728 euros à destination d'un intermédiaire, soit un total de 237.899,71 euros.

62. Il en résulte que si aucun élément ne vient confirmer que [Y] [W] ait détourné la totalité des fonds représentant le solde de la créance de l'intimée à l'encontre de la société Noris Diffusion, alors que la charge de la preuve du montant de ces détournements repose sur la société Le Dauphiné Libéré, au regard de l'article 1353 du code civil, puisqu'elle se prétend créancière, à l'égard de [Y] [W], de l'intégralité du solde de sa créance en raison de la faute du dirigeant détachable de ses fonctions, ce dernier reconnaît le détournement de la somme totale de 237.899,71 euros. Il en résulte que le montant de sa condamnation doit être réduit à ce montant.

63. En conséquence, la cour infirmera la condamnation solidaire prononcée par le tribunal de commerce à hauteur de la totalité des sommes dues à la société Le Dauphiné Libéré par la société Noris Diffusion, et ramènera le montant de cette condamnation solidaire à hauteur du montant reconnu par l'appelant.

64. En raison de la fixation de la créance de la société Le Dauphiné Libéré sur la société Noris Diffusion, il n'y a pas lieu d'ordonner une compensation avec des sommes que lui devrait l'intimée, qui ne sont pas justifiées. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

65. La somme au paiement de laquelle [Y] [W] est ainsi solidairement condamné avec la société Noris Diffusion portera intérêts au taux légal à compter du jugement déféré.

66. La cour ne peut que rejeter la demande de délais de paiement et d'imputation des paiements sur le capital, en raison de la mauvaise fois de [Y] [W], d'autant qu'il n'a procédé au paiement d'aucun acompte en cours de procédure, et que l'apurement de la créance est impossible dans le délai maximal de deux ans en raison de son montant.

*****

67. En raison de la nature des fautes commises par [Y] [W], ce dernier sera condamné à payer la somme complémentaire de 2.500 euros à la société Le Dauphiné Libéré sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en outre condamné solidairement avec la société Noris Diffusion aux dépens exposés en cause d'appel. Concernant la société Noris Diffusion, ces dépens seront portés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles 564 et 565 du code de procédure civile, les articles 1240, 1984 et suivants du code civil, les articles L225-251 et suivants du code de commerce ;

Déboute [Y] [W] et la société Noris Diffusion de leurs demandes tendant à déclarer la société Le Dauphiné Libéré irrecevable en ses demandes ;

Déclare les demandes de la société Le Dauphiné Libéré recevables ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné conjointement et solidairement la société Noris Diffusion et [Y] [W] à payer à la société Le Dauphiné Libéré la somme de 454.051,70 euros outre intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 ;

- condamné conjointement et solidairement la société Noris Diffusion et [Y] [W] au paiement d'une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure ;

- condamné conjointement et solidairement [Y] [W] et la société Noris Diffusion aux dépens prévus à l'article 695 du code de procédure civile et les a liquidés conformément à l'article 701 du code de procédure.

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour;

statuant à nouveau ;

Fixe la créance de la société Le Dauphiné Libéré au passif de la société Noris Diffusion à la somme de 454.051,70 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2020 jusqu'au 30 août 2022, date de l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Noris Diffusion ;

Fixe la créance de la société Le Dauphiné Libéré au passif de la société Noris Diffusion à la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles engagés devant le tribunal de commerce ;

Fixe au passif de la société Noris Diffusion les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, qui seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la société Noris Diffusion ;

Condamne [Y] [W], solidairement avec la société Noris Diffusion, à payer à la société Le Dauphiné Libéré la somme de 237.899,71 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 16 juin 2022 ;

Condamne [Y] [W], solidairement avec la société Noris Diffusion, à payer à la société Le Dauphiné Libéré la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, concernant les frais irrépétibles exposés en première instance ;

y ajoutant ;

Déboute [Y] [W] de sa demande de délais de paiement et d'imputation des paiements par priorité sur le capital ;

Condamne [Y] [W] à payer à la société Le Dauphiné Libéré la somme complémentaire de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, concernant les frais irrépétibles exposés en cause d'appel;

Condamne [Y] [W], solidairement avec la société Noris Diffusion, aux dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel ;

SIGNE par Madame FIGUET, Présidente et par Madame RICHET, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente