Décisions
CA Basse-Terre, ch. soc., 6 mai 2024, n° 23/00140
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
GB/LP
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°105 DU SIX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE
AFFAIRE N° : N° RG 23/00140 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DRD2
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section industrie - du 15 Décembre 2022.
APPELANT
Monsieur [Y] [J] [C]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Roland EZELIN (SELARL CABINET ROLAND EZELIN), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉE
S.A. ELECTRICITE DE FRANCE, prise en son établissement EDF ARCHIPEL GUADELOUPE, [Adresse 5], représentée par son directeur en exercice domicilié en cette qualité audit établissement
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Léa FERNANDEZ, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Romain ZANNOU
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE , conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 06 mai 2024
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Madame Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [C] a été embauché par Sa Edf Archipel Guadeloupe par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de technicien intervention clientèle.
Par lettre du 15 avril 2015, l'employeur convoquait M. [C] à un entretien préalable, dans le cadre d'une procédure disciplinaire (1ère phase) fixé le 27 avril 2015.
Par lettre du 13 mai 2015, l'employeur notifiait au salarié sa décision de le déférer devant la commission secondaire du personnel Edf Archipel Guadeloupe en vue de l'application d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office, l'examen de son dossier devant celle-ci étant prévu le 10 septembre 2015.
La commission précitée a émis lors de sa séance du 10 septembre 2015, un avis en faveur de la mise à la retraite d'office de M. [C].
Par lettre du 29 septembre 2015, l'employeur convoquait M. [C] à un entretien préalable, dans le cadre de la procédure disciplinaire (2ème phase), fixé le 12 octobre 2015.
Par lettre du 26 octobre 2015, notifiée le même jour à M. [C], l'employeur prononçait sa mise à la retraite d'office avec effet au 1er novembre 2015.
Par lettre du 1er avril 2016, l'employeur notifiait à M. [C] le maintien de la sanction de mise à la retraite d'office, suite à sa requête individuelle formulée à l'encontre de celle-ci devant la commission secondaire du centre Edf Archipel Guadeloupe qui s'était réunie le 4 mars 2016 pour examiner ladite requête.
Par courrier du 13 mai 2016, l'employeur accusait réception du courrier de M. [C] en date du 9 mai 2016, reçu le 13 mai 2016, par lequel le salarié demandait un nouvel examen de son dossier au niveau de la commission supérieure nationale du personnel.
Par lettre du 23 avril 2018, le directeur d'Edf Archipel Guadeloupe notifiait à M. [C] le maintien de la sanction disciplinaire, suite à l'examen de son dossier par la sous-commission de discipline de la commission supérieure nationale du personnel lors de sa séance du 14 février 2018.
Par lettre du 13 juin 2018 le directeur des systèmes énergétiques insulaires informait M. [C], après examen de son dossier par la sous-commission de discipline de la commission supérieure nationale du personnel, lors de sa séance du 14 février 2018, de la décision de rejet de son recours.
Par lettre du 3 février 2020, l'employeur notifiait à M. [C] le rejet de son recours gracieux, après examen de celui-ci en séance du 21 mai 2019 de la commission nationale du personnel (sous commission de discipline).
M. [C] saisissait le 13 octobre 2020 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :
- juger que sa mise à la retraite était une sanction disproportionnée et infondée,
- juger que la société Edf ne rapportait pas la preuve objective, réelle et exacte de l'existence de comportements inappropriés de sa part auprès d'une cliente,
- constater qu'il s'agissait d'une mise à la retraite s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la société Edf Archipel Guadeloupe à lui verser les sommes suivantes :
* 47461,14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5273,46 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 7910,19 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 791,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 35000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement rendu contradictoirement le 15 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
- débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la Sa Electricité de France Archipel Guadeloupe, en la personne de son représentant légal, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dit qu'il était équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 février 2023, M. [C] formait appel dudit jugement, dont le pli de notification est revenu avec la mention 'défaut d'accès ou d'adressage', en ces termes : 'L'appel tend à obtenir l'infirmation du jugement rendu le 15 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
- débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dit qu'il est équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés'.
Par ordonnance du 22 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 18 septembre 2023 à 14h30.
Par ordonnance du 18 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 22 juin 2023 et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 26 octobre 2023 à 9 heures.
Par ordonnance en date du 29 février 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 18 mars 2024 à 14 heures 30.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sa Electricité de France le 8 février 2024, M. [C] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- déclarer recevables ses demandes,
- annuler la sanction de mise à la retraite,
- débouter la société Edf de ses demandes et moyens produits en vue de rapporter la preuve objective, réelle et exacte de l'existence de comportements inappropriés de sa part auprès d'une cliente,
- déclarer que la mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'étant intervenu en l'absence de l'autorisation de l'inspecteur du travail, elle est nulle et de nul effet,
En conséquence,
- ordonner sa réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard de la société et le paiement des salaires et avantages qu'il aurait dû percevoir depuis sa mise à la retraite d'office,
Subsidiairement,
- condamner la société Edf Archipel Guadeloupe à lui verser les sommes suivantes :
* 47461,14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5273,46 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 7910,19 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 791,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 35000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
* 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. [C] soutient que :
- son action n'est pas prescrite dès lors que le point de départ du délai de prescription est la notification de la décision de rejet de son recours gracieux,
- la procédure protectrice des représentants du personnel n'ayant pas été mise en place, la sanction ne pourra qu'être annulée,
- le grief relatif au comportement inapproprié n'est pas établi par les pièces du dossier,
- le reproche afférent au non-respect de la procédure interne d'Edf ne justifie pas une telle sanction,
- ses demandes indemnitaires sont justifiées.
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société Edf demande à la cour de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevables les demandes nouvelles relatives à la nullité de la mise à la retraite d'office:
* annuler la sanction de la mise à la retraite de M. [C],
* déclarer que la mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'étant intervenu en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, elle est nulle et de nul effet,
En conséquence,
* ordonner la réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard de la société et le paiement des salaires et avantages qu'il aurait du percevoir depuis sa mise à la retraite d'office,
Au fond, à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
* débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe en la personne de son représentant légal de toutes ses demandes, fins et conclusions,
* dit qu'il est équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés,
Statuant à nouveau de ces chefs :
- condamner M. [C] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la première instance comme pour l'appel,
Au fond, à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris les demandes incidentes,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter les dommages et intérêts alloués à M. [C] au titre de la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une somme n'excédant pas trois mois de salaire brut,
En tout état de cause,
- débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamner M. [C] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la première instance comme pour l'appel.
La société Edf expose que :
- la demande d'annulation de la mise à la retraite d'office et de réintégration sont nouvelles en cause d'appel,
- l'action de M. [C] a été engagée plus de deux ans après la rupture de son contrat de travail,
- la décision rejetant le recours gracieux est sans incidence sur le délai de prescription, dans sa version applicable, qui détermine le point de départ de celle-ci à la date de rupture du contrat de travail,
- la procédure est régulière et ne contrevient pas aux dispositions de la Pers 846,
- les griefs reprochés au salarié sont matériellement établis et justifient le prononcé de la mise à la retraite d'office.
En application de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes :
Aux termes de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, M. [C] évoque pour la première fois en cause d'appel la nullité de son licenciement liée à la qualité de salarié protégé et de l'irrégularité de la procédure y afférente, en l'absence de saisine de l'inspecteur du travail. Il formule également pour la première fois en cause d'appel une demande de réintégration.
D'une part, en application de l'article 563 du code de procédure civile précité, M. [C] peut faire valoir le moyen nouveau tiré de sa qualité de salarié protégé au soutien de ses prétentions.
D'autre part, les demandes formées par le salarié, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'il estime injustifié. Il s'en déduit que ces demandes tendent aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement est recevable.
De même, la demande de réintégration, qui est l'accessoire de celle relative à la nullité du licenciement, est également recevable.
Par suite, la Sa Edf devra être déboutée de sa fin de non recevoir afférente aux demandes de M. [C] tendant au prononcé de la nullité de la rupture de son contrat de travail et à sa réintégration.
Sur la prescription :
Aux termes de l'article L. 1474-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
En l'espèce, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 13 octobre 2020 d'une action notamment en contestation de la rupture de son contrat de travail.
Il résulte des pièces du dossier que l'employeur lui a notifié par lettre du 26 octobre 2015, remise au salarié le même jour, sa mise à la retraite d'office. Cette lettre mentionnait la possibilité pour le salarié, en application du statut national, de présenter une requête individuelle pour solliciter un nouvel examen de son dossier par la commission secondaire.
Il est également établi que le rejet du recours gracieux exercé par le salarié, lui a été notifié par lettre du 3 février 2020. La cour observe que la date de notification de ce courrier n'est pas justifiée par les pièces du dossier et qu'il n'est ni allégué, ni établi que les recours intermédiaires exercés par le salarié auraient été tardifs, étant observé que les dates de notification des différentes décisions ne figurent pas au dossier.
Si l'article L. 1474-1, dans sa version applicable au présent litige prévoit que le délai de prescription d'un an court à compter de la rupture du contrat de travail, il convient de relever que l'exercice d'un recours gracieux a pour effet de revêtir à la sanction initiale, en l'espèce, en date du 26 octobre 2015, un caractère provisoire, dans l'attente de la nouvelle décision.
Dès lors, le délai de prescription, prévu à l'article L. 1471-1 du code du travail, de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail, engagée par M. [C] qui relevait du statut national du personnel des industries électriques et gazières, contre la décision de sanction prise par l'autorité compétente, court à compter de la notification de la nouvelle décision prise par le directeur général statuant sur le recours gracieux formé par le salarié.
La circonstance que la rupture du contrat ait été effective à compter du 1er novembre 2015 est sans incidence sur le délai de recours contentieux, étant précisé que le recours gracieux n'a d'autre effet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position.
Dans ces conditions, la Sa Edf ne saurait se prévaloir d'un point de départ dudit délai à compter de la lettre de notification du 26 octobre 2015 ou de la date de publication de l'ordonnance, le 23 septembre 2017, ayant ramené le délai de prescription à un an.
En saisissant le conseil de prud'hommes le 13 octobre 2020, alors que la décision de rejet du recours gracieux a été notifiée à M. [C] par lettre du 3 février 2020, l'action en contestation de la rupture du contrat de travail n'est pas prescrite.
La Sa Edf devra être déboutée de sa fin de non recevoir présentée à ce titre.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail :
En ce qui concerne la demande de nullité de la rupture du contrat de travail :
L'article L. 2411-3 du code du travail précise que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l' inspecteur du travail.
M. [C] se prévaut de sa qualité de délégué syndical et du défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail dans le cadre de la rupture de son contrat de travail.
Il verse aux débats, pour justifier de cette qualité :
- une lettre de la Cgt en date du 8 février 2012, informant l'employeur de sa désignation en tant que membre de la commission exécutive élue au 8ème congrès du 26 janvier 2012,
- une attestation de M. [V] [Z], secrétaire général du syndicat Cgt, en date du 1er février 2021, précisant que M. [C] était membre de la commission exécutive du syndicat See-Cgtg d'Edf et secrétaire de la section de l'agence Edf de Basse-Terre depuis le 8ème congrès du syndicat le 27 janvier 2012.
- deux courriels du 15 février 2022 émanant du secrétaire général du syndicat, adressés à plusieurs personnes, notamment au salarié, relatifs notamment à une convocation à une réunion du syndicat.
D'une part, ainsi que le souligne la Sa Edf, M. [C] ne justifie pas la qualité de délégué syndical dont il se prévaut. D'autre part, le salarié ne justifie pas davantage d'une autre qualité lui ouvrant droit à la protection accordée aux représentants du personnel.
Dans ces conditions, M. [C] ne pourra qu'être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de celle subséquente tendant à sa réintégration.
Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail :
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.
La mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement pour faute grave
En l'espèce, la lettre de notification de la mise à la retraite d'office de M. [C] en date du 26 octobre 2015 et celle de rejet de son recours gracieux du 3 février 2020, qui fixent les limites du litige, mentionnent les faits reprochés suivants : ' Non-respect des consignes et procédures de coupures clients, non-respect du 'bon de travail' consistant à effectuer une coupure pour impayés chez une cliente, comportement inapproprié avec une cliente sur le temps de travail étayé par différents témoignages'.
S'agissant des deux premiers griefs, l'employeur souligne à juste titre que le salarié ne conteste pas le défaut de respect de l'ordre de suspendre l'alimentation en électricité d'une cliente, précisant qu'il aurait fait le choix d'aider celle-ci, qui est une ex-compagne, en procédant au règlement de la facture en cause.
Il résulte des pièces du dossier, en particulier du reçu de paiement du 30 mars 2015, produit par l'employeur, qu'un paiement en espèces de 460 euros sur 496,35 euros dus a été effectué.
L'exposé du rapporteur devant la commission secondaire siégeant en matière de discipline le 10 septembre 2015, met en évidence la connaissance par M. [C] depuis le mois de juin 2014 de la procédure de coupure et de rétablissement, l'accumulation de 8 factures impayées de la cliente depuis le 12 septembre 2013, l'existence de rappels de sa hiérarchie à ce sujet et le non respect de la coupure programmée le 23 mars 2015 par M. [C] dans l'attente de la perspective de règlement de la part de la cliente, qui était une ancienne compagne ou par lui-même.
Il résulte des éléments repris ci-dessus, que M. [C] s'est soustrait à la consigne qu'il avait reçue, relative à la réalisation d'une coupure d'électricité chez une cliente. Les deux premiers griefs sont, par conséquent établis, étant observés qu'ils visent la même faute.
Il ressort des pièces du dossier que M. [C] a adressé le 23 mars 2015 à la cliente, Mme [D], les deux sms suivants :
- 'Tu m'as donné envie de toi ce matin'
- 'Je suis entrain de traité ton dossier excuse moi je appel après car je doit voir le directeur pour toi'.
Il résulte de l'exposé du rapporteur précité de la commission secondaire que, lors de l'entretien du 1er avril 2015, le salarié a reconnu être l'auteur de ces messages, envoyés respectivement le matin après une première visite chez cette cliente, puis l'après midi, alors qu'elle se trouvait dans les locaux de l'agence. Il avait également admis avoir eu un rapport intime avec Mme [D].
Ce même exposé du rapporteur précise que la cliente s'est présentée au sein de la société le même jour pour préciser à l'agent d'accueil qu'elle s'était sentie abusée, puisque le salarié lui avait proposé une telle relation en échange du paiement de sa facture, pourtant non-acquittée à ce jour, et également en contrepartie de la non-réalisation de la coupure.
Il appert que les messages adressés par le salarié à cette cliente étaient en lien avec l'exécution de son contrat de travail, dès lors qu'une intervention était programmée ce même jour en vue de procéder à une coupure d'électricité chez celle-ci.
Ces messages, dont le salarié a reconnu, au cours de la procédure conventionnelle être l'auteur, présentent une connotation sexuelle à l'égard de cette cliente et témoignent d'un comportement inapproprié du salarié à son endroit.
Ce comportement a eu pour conséquence de créer un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, puisque la cliente s'est présentée le même jour en agence pour arguer d'un chantage du salarié de nature sexuelle, situation qu'elle a présentée comme étant offensante.
La circonstance que la plainte de la cliente ait été classée sans suite, en raison de la prescription des faits d'après les observations du salarié lors de son audition téléphonique du 2 mars 2017, dans le cadre de son recours gracieux, est sans incidence, dès lors que la matérialité du comportement à connotation sexuelle du salarié envers un cliente est établie par les messages précités. L'absence de témoins et l'incapacité pour raisons médicales alléguée par le salarié d'avoir une relation intime sont également inopérants sur la réalité de la faute caractérisée par l'attitude inadaptée du salariée révélée par ces messages et la perturbation du fonctionnement de l'entreprise en résultant.
Il convient d'observer que le salarié ne critique plus la régularité de la procédure conventionnelle suivie par la Sa Edf, en particulier l'impartialité de la commission secondaire du personnel.
Il résulte de l'analyse menée ci-dessus que le non-respect d'une instruction dont avait été destinataire le salarié et son comportement inadapté à l'égard d'une cliente sont établis et justifient, eu égard aux incidences notables sur le fonctionnement de l'entreprise, la mise à la retraite d'office de M. [C], son maintien dans l'entreprise étant impossible.
Par suite, M. [C] devra être débouté de sa demande tendant à la requalification de sa mise à la retraite d'office en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que des demandes subséquentes de versement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral :
Le salarié, qui se prévaut de sa bonne foi dans le cadre de l'incident en cause avec la cliente, ne justifie pas, alors que la faute grave vient d'être retenue, de l'existence d'un préjudice moral.
Il convient de la débouter de sa demande formulée sur ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
Compte tenu de l'issue du présent litige, il convient d'accorder à la Sa Edf une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Par voie de conséquence, M. [C] sera débouté de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmant le jugement, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [C].
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 15 décembre 2022 entre M. [C] [Y], [J] et la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe,
Statuant à nouveau,
Déboute la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe de ses fins de non-recevoir,
Déboute M. [C] [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne M. [C] [Y] [J] à verser à la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. [C] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT N°105 DU SIX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE
AFFAIRE N° : N° RG 23/00140 - N° Portalis DBV7-V-B7H-DRD2
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre - section industrie - du 15 Décembre 2022.
APPELANT
Monsieur [Y] [J] [C]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Roland EZELIN (SELARL CABINET ROLAND EZELIN), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BARTH
INTIMÉE
S.A. ELECTRICITE DE FRANCE, prise en son établissement EDF ARCHIPEL GUADELOUPE, [Adresse 5], représentée par son directeur en exercice domicilié en cette qualité audit établissement
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Léa FERNANDEZ, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Romain ZANNOU
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Mars 2024, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle BUSEINE , conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente
Mme Gaëlle BUSEINE, conseillère,
Mme Annabelle CLEDAT, conseillère,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 06 mai 2024
GREFFIER Lors des débats Mme Lucile POMMIER, greffier principal.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Madame Rozenn Le GOFF, conseillère, présidente et par Mme Lucile POMMIER, greffier principal, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [C] a été embauché par Sa Edf Archipel Guadeloupe par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2006 en qualité de technicien intervention clientèle.
Par lettre du 15 avril 2015, l'employeur convoquait M. [C] à un entretien préalable, dans le cadre d'une procédure disciplinaire (1ère phase) fixé le 27 avril 2015.
Par lettre du 13 mai 2015, l'employeur notifiait au salarié sa décision de le déférer devant la commission secondaire du personnel Edf Archipel Guadeloupe en vue de l'application d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office, l'examen de son dossier devant celle-ci étant prévu le 10 septembre 2015.
La commission précitée a émis lors de sa séance du 10 septembre 2015, un avis en faveur de la mise à la retraite d'office de M. [C].
Par lettre du 29 septembre 2015, l'employeur convoquait M. [C] à un entretien préalable, dans le cadre de la procédure disciplinaire (2ème phase), fixé le 12 octobre 2015.
Par lettre du 26 octobre 2015, notifiée le même jour à M. [C], l'employeur prononçait sa mise à la retraite d'office avec effet au 1er novembre 2015.
Par lettre du 1er avril 2016, l'employeur notifiait à M. [C] le maintien de la sanction de mise à la retraite d'office, suite à sa requête individuelle formulée à l'encontre de celle-ci devant la commission secondaire du centre Edf Archipel Guadeloupe qui s'était réunie le 4 mars 2016 pour examiner ladite requête.
Par courrier du 13 mai 2016, l'employeur accusait réception du courrier de M. [C] en date du 9 mai 2016, reçu le 13 mai 2016, par lequel le salarié demandait un nouvel examen de son dossier au niveau de la commission supérieure nationale du personnel.
Par lettre du 23 avril 2018, le directeur d'Edf Archipel Guadeloupe notifiait à M. [C] le maintien de la sanction disciplinaire, suite à l'examen de son dossier par la sous-commission de discipline de la commission supérieure nationale du personnel lors de sa séance du 14 février 2018.
Par lettre du 13 juin 2018 le directeur des systèmes énergétiques insulaires informait M. [C], après examen de son dossier par la sous-commission de discipline de la commission supérieure nationale du personnel, lors de sa séance du 14 février 2018, de la décision de rejet de son recours.
Par lettre du 3 février 2020, l'employeur notifiait à M. [C] le rejet de son recours gracieux, après examen de celui-ci en séance du 21 mai 2019 de la commission nationale du personnel (sous commission de discipline).
M. [C] saisissait le 13 octobre 2020 le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :
- juger que sa mise à la retraite était une sanction disproportionnée et infondée,
- juger que la société Edf ne rapportait pas la preuve objective, réelle et exacte de l'existence de comportements inappropriés de sa part auprès d'une cliente,
- constater qu'il s'agissait d'une mise à la retraite s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la société Edf Archipel Guadeloupe à lui verser les sommes suivantes :
* 47461,14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5273,46 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 7910,19 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 791,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 35000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
* 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par jugement rendu contradictoirement le 15 décembre 2022, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :
- déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
- débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la Sa Electricité de France Archipel Guadeloupe, en la personne de son représentant légal, de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dit qu'il était équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 6 février 2023, M. [C] formait appel dudit jugement, dont le pli de notification est revenu avec la mention 'défaut d'accès ou d'adressage', en ces termes : 'L'appel tend à obtenir l'infirmation du jugement rendu le 15 décembre 2022 par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
- débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- dit qu'il est équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés'.
Par ordonnance du 22 juin 2023, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 18 septembre 2023 à 14h30.
Par ordonnance du 18 septembre 2023, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture prononcée le 22 juin 2023 et renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 26 octobre 2023 à 9 heures.
Par ordonnance en date du 29 février 2024, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction et renvoyé la cause à l'audience du lundi 18 mars 2024 à 14 heures 30.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique à la Sa Electricité de France le 8 février 2024, M. [C] demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré,
- déclarer recevables ses demandes,
- annuler la sanction de mise à la retraite,
- débouter la société Edf de ses demandes et moyens produits en vue de rapporter la preuve objective, réelle et exacte de l'existence de comportements inappropriés de sa part auprès d'une cliente,
- déclarer que la mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'étant intervenu en l'absence de l'autorisation de l'inspecteur du travail, elle est nulle et de nul effet,
En conséquence,
- ordonner sa réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard de la société et le paiement des salaires et avantages qu'il aurait dû percevoir depuis sa mise à la retraite d'office,
Subsidiairement,
- condamner la société Edf Archipel Guadeloupe à lui verser les sommes suivantes :
* 47461,14 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 5273,46 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
* 7910,19 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 791,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
* 35000 euros au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi,
* 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
M. [C] soutient que :
- son action n'est pas prescrite dès lors que le point de départ du délai de prescription est la notification de la décision de rejet de son recours gracieux,
- la procédure protectrice des représentants du personnel n'ayant pas été mise en place, la sanction ne pourra qu'être annulée,
- le grief relatif au comportement inapproprié n'est pas établi par les pièces du dossier,
- le reproche afférent au non-respect de la procédure interne d'Edf ne justifie pas une telle sanction,
- ses demandes indemnitaires sont justifiées.
Selon ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 16 janvier 2024, la société Edf demande à la cour de :
A titre liminaire,
- déclarer irrecevables les demandes nouvelles relatives à la nullité de la mise à la retraite d'office:
* annuler la sanction de la mise à la retraite de M. [C],
* déclarer que la mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu'étant intervenu en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, elle est nulle et de nul effet,
En conséquence,
* ordonner la réintégration sous astreinte de 100 euros par jour de retard de la société et le paiement des salaires et avantages qu'il aurait du percevoir depuis sa mise à la retraite d'office,
Au fond, à titre principal,
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* déclaré irrecevable l'action introduite par M. [C] [Y] en raison de sa prescription,
* débouté M. [C] [Y] du surplus de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
* débouté la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe en la personne de son représentant légal de toutes ses demandes, fins et conclusions,
* dit qu'il est équitable dans le cas d'espèce que chaque partie conserve à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés,
Statuant à nouveau de ces chefs :
- condamner M. [C] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la première instance comme pour l'appel,
Au fond, à titre subsidiaire,
- juger que le licenciement de M. [C] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, en ce compris les demandes incidentes,
A titre infiniment subsidiaire,
- limiter les dommages et intérêts alloués à M. [C] au titre de la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une somme n'excédant pas trois mois de salaire brut,
En tout état de cause,
- débouter M. [C] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamner M. [C] à lui verser la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens pour la première instance comme pour l'appel.
La société Edf expose que :
- la demande d'annulation de la mise à la retraite d'office et de réintégration sont nouvelles en cause d'appel,
- l'action de M. [C] a été engagée plus de deux ans après la rupture de son contrat de travail,
- la décision rejetant le recours gracieux est sans incidence sur le délai de prescription, dans sa version applicable, qui détermine le point de départ de celle-ci à la date de rupture du contrat de travail,
- la procédure est régulière et ne contrevient pas aux dispositions de la Pers 846,
- les griefs reprochés au salarié sont matériellement établis et justifient le prononcé de la mise à la retraite d'office.
En application de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des demandes :
Aux termes de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Aux termes de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, M. [C] évoque pour la première fois en cause d'appel la nullité de son licenciement liée à la qualité de salarié protégé et de l'irrégularité de la procédure y afférente, en l'absence de saisine de l'inspecteur du travail. Il formule également pour la première fois en cause d'appel une demande de réintégration.
D'une part, en application de l'article 563 du code de procédure civile précité, M. [C] peut faire valoir le moyen nouveau tiré de sa qualité de salarié protégé au soutien de ses prétentions.
D'autre part, les demandes formées par le salarié, au titre d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, puis d'un licenciement nul, tendent à l'indemnisation des conséquences de son licenciement qu'il estime injustifié. Il s'en déduit que ces demandes tendent aux mêmes fins et que la demande en nullité de licenciement est recevable.
De même, la demande de réintégration, qui est l'accessoire de celle relative à la nullité du licenciement, est également recevable.
Par suite, la Sa Edf devra être déboutée de sa fin de non recevoir afférente aux demandes de M. [C] tendant au prononcé de la nullité de la rupture de son contrat de travail et à sa réintégration.
Sur la prescription :
Aux termes de l'article L. 1474-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Les deux premiers alinéas ne sont toutefois pas applicables aux actions en réparation d'un dommage corporel causé à l'occasion de l'exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7, L. 1237-14 et L. 1237-19-8, ni à l'application du dernier alinéa de l'article L. 1134-5.
En l'espèce, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 13 octobre 2020 d'une action notamment en contestation de la rupture de son contrat de travail.
Il résulte des pièces du dossier que l'employeur lui a notifié par lettre du 26 octobre 2015, remise au salarié le même jour, sa mise à la retraite d'office. Cette lettre mentionnait la possibilité pour le salarié, en application du statut national, de présenter une requête individuelle pour solliciter un nouvel examen de son dossier par la commission secondaire.
Il est également établi que le rejet du recours gracieux exercé par le salarié, lui a été notifié par lettre du 3 février 2020. La cour observe que la date de notification de ce courrier n'est pas justifiée par les pièces du dossier et qu'il n'est ni allégué, ni établi que les recours intermédiaires exercés par le salarié auraient été tardifs, étant observé que les dates de notification des différentes décisions ne figurent pas au dossier.
Si l'article L. 1474-1, dans sa version applicable au présent litige prévoit que le délai de prescription d'un an court à compter de la rupture du contrat de travail, il convient de relever que l'exercice d'un recours gracieux a pour effet de revêtir à la sanction initiale, en l'espèce, en date du 26 octobre 2015, un caractère provisoire, dans l'attente de la nouvelle décision.
Dès lors, le délai de prescription, prévu à l'article L. 1471-1 du code du travail, de l'action en contestation de la rupture du contrat de travail, engagée par M. [C] qui relevait du statut national du personnel des industries électriques et gazières, contre la décision de sanction prise par l'autorité compétente, court à compter de la notification de la nouvelle décision prise par le directeur général statuant sur le recours gracieux formé par le salarié.
La circonstance que la rupture du contrat ait été effective à compter du 1er novembre 2015 est sans incidence sur le délai de recours contentieux, étant précisé que le recours gracieux n'a d'autre effet que d'inviter l'auteur de la décision à reconsidérer sa position.
Dans ces conditions, la Sa Edf ne saurait se prévaloir d'un point de départ dudit délai à compter de la lettre de notification du 26 octobre 2015 ou de la date de publication de l'ordonnance, le 23 septembre 2017, ayant ramené le délai de prescription à un an.
En saisissant le conseil de prud'hommes le 13 octobre 2020, alors que la décision de rejet du recours gracieux a été notifiée à M. [C] par lettre du 3 février 2020, l'action en contestation de la rupture du contrat de travail n'est pas prescrite.
La Sa Edf devra être déboutée de sa fin de non recevoir présentée à ce titre.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur la rupture du contrat de travail :
En ce qui concerne la demande de nullité de la rupture du contrat de travail :
L'article L. 2411-3 du code du travail précise que le licenciement d'un délégué syndical ne peut intervenir qu'après autorisation de l' inspecteur du travail.
M. [C] se prévaut de sa qualité de délégué syndical et du défaut d'autorisation de l'inspecteur du travail dans le cadre de la rupture de son contrat de travail.
Il verse aux débats, pour justifier de cette qualité :
- une lettre de la Cgt en date du 8 février 2012, informant l'employeur de sa désignation en tant que membre de la commission exécutive élue au 8ème congrès du 26 janvier 2012,
- une attestation de M. [V] [Z], secrétaire général du syndicat Cgt, en date du 1er février 2021, précisant que M. [C] était membre de la commission exécutive du syndicat See-Cgtg d'Edf et secrétaire de la section de l'agence Edf de Basse-Terre depuis le 8ème congrès du syndicat le 27 janvier 2012.
- deux courriels du 15 février 2022 émanant du secrétaire général du syndicat, adressés à plusieurs personnes, notamment au salarié, relatifs notamment à une convocation à une réunion du syndicat.
D'une part, ainsi que le souligne la Sa Edf, M. [C] ne justifie pas la qualité de délégué syndical dont il se prévaut. D'autre part, le salarié ne justifie pas davantage d'une autre qualité lui ouvrant droit à la protection accordée aux représentants du personnel.
Dans ces conditions, M. [C] ne pourra qu'être débouté de sa demande de nullité du licenciement et de celle subséquente tendant à sa réintégration.
Sur le bien fondé de la rupture du contrat de travail :
La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et il appartient à l'employeur d'en démontrer l'existence.
La mise à la retraite d'office s'analyse en un licenciement pour faute grave
En l'espèce, la lettre de notification de la mise à la retraite d'office de M. [C] en date du 26 octobre 2015 et celle de rejet de son recours gracieux du 3 février 2020, qui fixent les limites du litige, mentionnent les faits reprochés suivants : ' Non-respect des consignes et procédures de coupures clients, non-respect du 'bon de travail' consistant à effectuer une coupure pour impayés chez une cliente, comportement inapproprié avec une cliente sur le temps de travail étayé par différents témoignages'.
S'agissant des deux premiers griefs, l'employeur souligne à juste titre que le salarié ne conteste pas le défaut de respect de l'ordre de suspendre l'alimentation en électricité d'une cliente, précisant qu'il aurait fait le choix d'aider celle-ci, qui est une ex-compagne, en procédant au règlement de la facture en cause.
Il résulte des pièces du dossier, en particulier du reçu de paiement du 30 mars 2015, produit par l'employeur, qu'un paiement en espèces de 460 euros sur 496,35 euros dus a été effectué.
L'exposé du rapporteur devant la commission secondaire siégeant en matière de discipline le 10 septembre 2015, met en évidence la connaissance par M. [C] depuis le mois de juin 2014 de la procédure de coupure et de rétablissement, l'accumulation de 8 factures impayées de la cliente depuis le 12 septembre 2013, l'existence de rappels de sa hiérarchie à ce sujet et le non respect de la coupure programmée le 23 mars 2015 par M. [C] dans l'attente de la perspective de règlement de la part de la cliente, qui était une ancienne compagne ou par lui-même.
Il résulte des éléments repris ci-dessus, que M. [C] s'est soustrait à la consigne qu'il avait reçue, relative à la réalisation d'une coupure d'électricité chez une cliente. Les deux premiers griefs sont, par conséquent établis, étant observés qu'ils visent la même faute.
Il ressort des pièces du dossier que M. [C] a adressé le 23 mars 2015 à la cliente, Mme [D], les deux sms suivants :
- 'Tu m'as donné envie de toi ce matin'
- 'Je suis entrain de traité ton dossier excuse moi je appel après car je doit voir le directeur pour toi'.
Il résulte de l'exposé du rapporteur précité de la commission secondaire que, lors de l'entretien du 1er avril 2015, le salarié a reconnu être l'auteur de ces messages, envoyés respectivement le matin après une première visite chez cette cliente, puis l'après midi, alors qu'elle se trouvait dans les locaux de l'agence. Il avait également admis avoir eu un rapport intime avec Mme [D].
Ce même exposé du rapporteur précise que la cliente s'est présentée au sein de la société le même jour pour préciser à l'agent d'accueil qu'elle s'était sentie abusée, puisque le salarié lui avait proposé une telle relation en échange du paiement de sa facture, pourtant non-acquittée à ce jour, et également en contrepartie de la non-réalisation de la coupure.
Il appert que les messages adressés par le salarié à cette cliente étaient en lien avec l'exécution de son contrat de travail, dès lors qu'une intervention était programmée ce même jour en vue de procéder à une coupure d'électricité chez celle-ci.
Ces messages, dont le salarié a reconnu, au cours de la procédure conventionnelle être l'auteur, présentent une connotation sexuelle à l'égard de cette cliente et témoignent d'un comportement inapproprié du salarié à son endroit.
Ce comportement a eu pour conséquence de créer un trouble caractérisé au sein de l'entreprise, puisque la cliente s'est présentée le même jour en agence pour arguer d'un chantage du salarié de nature sexuelle, situation qu'elle a présentée comme étant offensante.
La circonstance que la plainte de la cliente ait été classée sans suite, en raison de la prescription des faits d'après les observations du salarié lors de son audition téléphonique du 2 mars 2017, dans le cadre de son recours gracieux, est sans incidence, dès lors que la matérialité du comportement à connotation sexuelle du salarié envers un cliente est établie par les messages précités. L'absence de témoins et l'incapacité pour raisons médicales alléguée par le salarié d'avoir une relation intime sont également inopérants sur la réalité de la faute caractérisée par l'attitude inadaptée du salariée révélée par ces messages et la perturbation du fonctionnement de l'entreprise en résultant.
Il convient d'observer que le salarié ne critique plus la régularité de la procédure conventionnelle suivie par la Sa Edf, en particulier l'impartialité de la commission secondaire du personnel.
Il résulte de l'analyse menée ci-dessus que le non-respect d'une instruction dont avait été destinataire le salarié et son comportement inadapté à l'égard d'une cliente sont établis et justifient, eu égard aux incidences notables sur le fonctionnement de l'entreprise, la mise à la retraite d'office de M. [C], son maintien dans l'entreprise étant impossible.
Par suite, M. [C] devra être débouté de sa demande tendant à la requalification de sa mise à la retraite d'office en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ainsi que des demandes subséquentes de versement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés y afférents.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral :
Le salarié, qui se prévaut de sa bonne foi dans le cadre de l'incident en cause avec la cliente, ne justifie pas, alors que la faute grave vient d'être retenue, de l'existence d'un préjudice moral.
Il convient de la débouter de sa demande formulée sur ce chef de demande.
Sur les autres demandes :
Compte tenu de l'issue du présent litige, il convient d'accorder à la Sa Edf une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Le jugement sera infirmé sur ce point.
Par voie de conséquence, M. [C] sera débouté de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Infirmant le jugement, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de M. [C].
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 15 décembre 2022 entre M. [C] [Y], [J] et la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe,
Statuant à nouveau,
Déboute la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe de ses fins de non-recevoir,
Déboute M. [C] [Y] [J] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne M. [C] [Y] [J] à verser à la Sa Electricité de France Sces Archipel Guadeloupe la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Condamne M. [C] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, La présidente,