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Décisions

CA Orléans, ch. des retentions, 6 mai 2024, n° 24/00997

ORLÉANS

Ordonnance

Autre

CA Orléans n° 24/00997

6 mai 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

Rétention Administrative

des Ressortissants Étrangers

ORDONNANCE du 6 MAI 2024

Minute N°

N° RG 24/00997 - N° Portalis DBVN-V-B7I-G7KL

(1 pages)

Décision déférée : Juge des libertés et de la détention d'Orléans en date du 4 mai 2024 à 20h25

Nous, Ferréole Delons, conseiller à la cour d'appel d'Orléans, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Hermine Bildstein, greffier stagiaire en pré-affectation sur poste, aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT :

M. X se disant [H] [I]

né le 22 novembre 2001 à [Localité 1] (Maroc), de nationalité marocaine,

actuellement en rétention administrative dans des locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire du centre de rétention administrative d'[Localité 2],

comparant par visioconférence, assisté de Me Charlotte Tournier, avocat au barreau d'Orléans,

INTIMÉ :

LA PRÉFECTURE DE L'ORNE

non comparante, non représentée ;

MINISTÈRE PUBLIC : avisé de la date et de l'heure de l'audience ;

À notre audience publique tenue en visioconférence au Palais de Justice d'Orléans, conformément à l'article L. 743-8 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le 6 mai 2024 à 14 heures ;

Statuant en application des articles L. 743-21 à L. 743-23 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et des articles R. 743-10 à R. 743-20 du même code ;

Vu l'ordonnance rendue le 4 mai 2024 à 20h25 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire d'Orléans ordonnant la prolongation du maintien de M. X se disant [H] [I] dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de trente jours à compter du 4 mai 2024 à 9h36 ;

Vu l'appel de ladite ordonnance interjeté le 5 mai 2024 à 11h34 par Me Charlotte Tournier pour le compte de M. X se disant [H] [I] ;

Vu les observations et pièces de la préfecture de l'Orne reçues au greffe le 6 mai 2024 à 12h22 ;

Après avoir entendu :

- Me Charlotte Tournier, en sa plaidoirie,

- M. X se disant [H] [I], en ses observations, ayant eu la parole en dernier ;

AVONS RENDU ce jour, publiquement et contradictoirement, l'ordonnance suivante :

Aux termes de l'article L. 742-4 du CESEDA : « Le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :

1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;

2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;

3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :

a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement

b) de l'absence de moyens de transport.

L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.

Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours ».

Selon l'article L. 741-3 du CESEDA, « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps nécessaire à son départ, l'administration étant tenue d'exercer toutes diligences à cet effet, dès le placement en rétention ».

Il convient de considérer que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs particulièrement pertinents qu'il y a lieu d'adopter que le premier juge a statué sur les moyens de fond soulevés devant lui et repris devant la cour, étant observé, au vu des termes de la déclaration d'appel du retenu du 5 mai 2024 et des moyens repris lors des débats de ce jour :

Sur le moyen tiré de l'absence de menace à l'ordre public, le conseil de M. [H] [I] conteste l'analyse retenue par le premier juge, qui a prolongé sa rétention pour une durée de 30 jours au motif qu'il représente une menace pour l'ordre public. Il indique notamment que l'intéressé a purgé sa peine et qu'il n'existe donc pas « d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public », au visa des dispositions de l'article L. 742-4 1° du CESEDA.

Pour l'application des dispositions précitées, il appartient à l'administration de caractériser la menace pour l'ordre public. Dans le cadre adopté par le législateur, la notion de menace à l'ordre public a pour objectif manifeste de prévenir, pour l'avenir, les agissements dangereux commis par des personnes en situation irrégulière sur le territoire national.

Le juge apprécie in concreto la caractérisation de la menace pour l'ordre public, au regard d'un faisceau d'indices permettant, ou non, d'établir la réalité des faits, la gravité, la récurrence ou la réitération, et l'actualité de la menace selon le comportement de l'intéressé et, le cas échéant, sa volonté d'insertion ou de réhabilitation.

Dans ce contexte, l'appréciation de cette menace doit prendre en considération les risques objectifs que l'étranger en situation irrégulière fait peser sur l'ordre public, et il y a lieu de considérer que la commission d'une infraction pénale n'est pas de nature, à elle seule, à établir que le comportement de l'intéressé présenterait une menace pour l'ordre public.

En l'espèce, il ressort des pièces transmises à l'appui de la requête préfectorale du 3 mai 2024 que l'intéressé a été condamné à six reprises entre 2020 et 2022. De plus, les pièces produites font état de plusieurs infractions tenant aux atteintes aux personnes, à savoir extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien, et violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours.

En ce sens, il y a lieu de souligner que l'une des condamnations porte sur une peine de quatre ans avec maintien en détention et interdiction définitive du territoire français par jugement du tribunal correctionnel de Nantes pour des faits de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité supérieure à huit jours.

En outre, il sera également relevé que la période de détention de M. [H] [I] a été marquée par plusieurs incidents disciplinaires qui ont donné lieu à sept décisions de retrait de crédits de réductions de peines.

Ces éléments témoignent d'un ancrage dans la délinquance de nature à caractériser la menace à l'ordre public au sens des dispositions de l'article L. 742-4 du CESEDA.

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de diligence, il sera relevé que les diligences ont été accomplies auprès des autorités algériennes à compter du 16 février 2024, et que ces dernières ont été recontactées le 8 mars 2024, ainsi que les 4 et 5 avril 2024.

En parallèle, les autorités consulaires marocaines ont été saisies par l'intermédiaire de la Direction Générale des Étrangers en France (DGEF) le 19 février 2024, et ont été informées du placement en rétention de l'intéressé par courriel du 4 avril 2024. Toutefois, la DGEF a dores et déjà informé les services préfectoraux qu'une précédente demande d'identification effectuée auprès de ce pays n'avait pu aboutir. Il est cependant proposé de formuler une nouvelle demande avec des empreintes plus lisibles, le retenu indiquant à l'audience qu'il accepterait une telle prise d'empreinte. En tout état de cause, M. [H] [I] affirme être de nationalité marocaine et souhaiter retourner dans son pays dés la levée de sa rétention, et retourner ainsi auprès de sa famille qu'il n'a pas vu depuis quatre ans.

L'autorité prefectorale s'est également rapprochée des autorités algériennes, qui ont accepté de recevoir l'intéressé dans le cadre d'une audition consulaire qui a eu lieu le 23 avril 2024. Cette audition n'a pas permis de confirmer la nationalité algérienne de l'intéressé, et une instruction plus poussée est de cette situation auprès des autorités centrales de ce pays, ce qui ne peut, en l'état se traduire par un refus de la part des autorités consulaires algériennes de reconnaitre l'intéressé.

Dans ce contexte, la prefecture a également saisi le consulat de Tunisie le 2 mai 2024, sans qu'il soit démontré que l'intégralité des pièces utiles n'aient pas été transmises à cette autorité étrangère ou aux autres.

Il sera donc considéré que l'autorité administrative a effectué de nombreuses diligences dans cette affaire et a répondu à son obligation de moyens, conformément aux dispositions de l'article L. 741-3 du CESEDA.

Sur la demande d'assignation à résidence, l'intéressé ne produit aucun élément nouveau tenant à ses garanties de représentation, étant en outre précisé qu'un hébergement par son cousin ou par une ancienne compagne avec qui il ne peut justifier de ses liens n'est pas suffisant pour caractériser l'existence d'un domicile stable, effectif et pérenne au sens du risque de fuite face à la mise en 'uvre de son éloignement. De plus, l'intéressé étant dépourvu de document de voyage en cours de validité, il ne peut être fait droit à une demande d'assignation à résidence judiciaire.

Étant observé qu'en cause d'appel, la requête du préfet tendant à la prolongation motivée tant en droit qu'en fait a été réitérée et en l'absence de toute illégalité susceptible d'affecter les conditions découlant du droit de l'Union, de la légalité de la rétention et à défaut d'autres moyens présentés en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance attaquée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS recevable l'appel de M. X se disant [H] [I] ;

DÉCLARONS non fondés l'ensemble des moyens et les rejetons ;

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 4 mai 2024 ayant ordonné la prolongation de la rétention administrative pour une durée de trente jours.

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor ;

ORDONNONS la remise immédiate d'une expédition de la présente ordonnance à la préfecture de l'Orne, à M. X se disant [H] [I] et son conseil, et au procureur général près la cour d'appel d'Orléans ;

Et la présente ordonnance a été signée par Ferréole Delons, conseiller, et Hermine Bildstein, greffier présent lors du prononcé.

Fait à Orléans le SIX MAI DEUX MILLE VINGT QUATRE, à heures

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Hermine BILDSTEIN Ferréole DELONS

Pour information : l'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien la rétention et au ministère public. Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification. Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

NOTIFICATIONS, le 6 mai 2024 :

La préfecture de l'Orne, par courriel

Monsieur le procureur général près la cour d'appel d'Orléans, par courriel

M. X se disant [H] [I] , copie remise par transmission au greffe du CRA

Me Charlotte Tournier, avocat au barreau d'Orléans, copie remise en main propre contre récépissé

L'avocat de l'intéressé