CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 3 mai 2024, n° 22/05127
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Talent Club (SAS)
Défendeur :
Eco-Adapt (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Ardisson
Conseillers :
Mme L'Eleu de la Simone, Mme Guillemain
Avocats :
Me Reingewirtz, Me Tellini, Me Molaye
FAITS ET PROCEDURE
La société Talent Club, créée en 2016, exploite une plateforme de recrutement, dédiée au marché des nouvelles technologies, en ligne, à l'adresse www.talent.io.
La société Eco-Adapt, créée en 2012, commercialise des produits et services qui permettent de mesurer et d'analyser les consommations énergétiques afin d'aider les acteurs économiques à améliorer leur consommation.
Le 21 septembre 2018, la société Talent Club a adressé à la société Eco-Adapt une facture d'un montant de 16.500 euros HT soit 19.800 euros TTC correspondant à une commission de 15 % sur le recrutement de M. [F] [A] à compter du 30 juillet.
Le 23 avril 2019, la société Talent Club a mis en demeure la société Eco-Adapt de régler la somme de 19.840 euros TTC.
Suivant exploit du 5 novembre 2019, la société Talent Club a fait assigner en référé la société Eco-Adapt puis a bénéficié d'une « passerelle » le 25 février 2020. Après radiation de l'affaire, la société Talent Club a sollicité le rétablissement de l'instance en mai 2021.
Par jugement du 26 janvier 2022, le tribunal de commerce de Paris a :
- débouté la société Talent Club de l'ensemble de ses demandes fins et prétentions,
- condamné la société Talent Club à payer à la société Eco-Adapt la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Talent Club aux dépens de l'instance.
La société Talent Club a formé appel du jugement par déclaration du 9 mars 2022 enregistrée le 23 mars 2022.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 1er juin 2022, la société Talent Club demande à la cour :
- d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 26 janvier 2022 en ce qu'il a débouté Talent Club de sa demande de paiement de la somme de 19.840 euros assortie des intérêts de retard au taux contractuel ;
En conséquence,
- de condamner la société Eco-Adapt à régler à la société Talent Club la somme de 19.840 euros, assortie des intérêts de retard au taux contractuel à compter du 21 octobre 2018 ;
En tout état de cause :
- de condamner la société Eco-Adapt à régler à la société Talent Club la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Eco-Adapt aux entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 9 août 2022, la société Eco-Adapt demande à la cour, au visa des articles 1119, 1121 et 1315 du code civil, L. 442-1 du code de commerce et de l'article 873 du code de procédure civile :
- de juger que la société Talent Club ne rapporte pas la preuve que le recrutement de M. [A] par la société Eco-Adapt a été réalisé grâce à son intervention,
- de rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de Talent Club,
- En tout état de cause,
- de condamner la société Talent Club à payer la somme de 5.000 euros à Eco-Adapt au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de la condamner aux dépens.
* La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 8 février 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur la demande en paiement
La société Talent Club soutient qu'un contrat a été conclu avec la société Eco-Adapt, matérialisé par l'acceptation de ses conditions générales. Elle fait valoir qu'il est impossible d'accéder à sa plateforme sans avoir accepté ses conditions générales. Elle indique que la société Eco-Adapt a, après avoir utilisé la plateforme en 2017 pour le recrutement de M. [H], de nouveau fait appel à la société Talent Club début 2018 pour un second recrutement, qui a abouti à l'embauche de M. [F] [A].
La société Eco-Adapt explique avoir accepté les conditions générales de la société Talent Club à l'occasion du précédent recrutement de M. [D] [H], embauche pour laquelle elle a d'ailleurs réglé la facture de la société Talent Club en 2017. Elle soutient qu'aucun contrat n'existe en revanche concernant le recrutement de M. [F] [A]. Elle soutient en outre que l'appelante ne démontre pas que M. [A] faisait partie de sa base de candidats et que Talent Club l'a mis en relation avec Eco-Adapt. A l'inverse, elle fait valoir qu'elle a recruté M. [A] grâce à son propre réseau. Le contrat de travail conclu entre la société Eco-Adapt et M. [F] [A], engagé en qualité de Directeur Technique R&D, a été signé le 4 mai 2018.
Aux termes de l'article 1353 du code civil :
« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
La société Talent Club verse aux débats les échanges intervenus en 2017 avec la société Eco-Adapt. Ceux-ci n'évoquent cependant pas le recrutement de M. [A] mais celui de M. [H], embauché en 2017 par l'intermédiaire de Talent Club à compter du 17 juillet 2017, et dont la facture à hauteur de 9.180 euros TTC a été réglée par Eco-Adapt.
Les commentaires faits par la société Eco-Adapt début 2018 confirment qu'elle n'a pas trouvé via la plateforme d'autre profil que celui de M. [H].
La société Talent Club produit ensuite :
- un fichier édité par elle-même selon lequel la société Eco-Adapt aurait accepté pour la première fois les conditions générales de Talent Club le 15 mai 2017 puis le 14 mai 2018 (M. [C] [U]) et le 8 janvier 2018 (M. [O] [W]),
- une succession de messages au mois de mars 2018 entre Mme [T] [Z] de Talent Club et M. [F] [A] dont il résulte que Talent Club a présenté le fonctionnement de sa plateforme à M. [A] qui y aurait adhéré sans que cette adhésion ne soit effectivement démontrée,
- une sorte de capture d'écran non datée d'échanges qui auraient eu lieu entre M. [C] [U] et M. [F] [A] en mars 2018, comportant une fenêtre d'échanges en superposition d'une page Eco-Adapt,
- un procès-verbal de constat par un huissier de justice daté des 13 janvier et 14 février 2020 à l'initiative de la société Talent Club.
Par ce dernier constat, la société Talent Club entendait faire constater qu'il était impossible de s'inscrire en qualité de recruteur sans avoir préalablement accepté les Conditions Générales d'Utilisation. Elle souhaitait également faire constater la façon dont elle générait le fichier mentionnant pour chaque personne la date de la dernière acceptation des Conditions Générales d'Utilisation.
Nonobstant les constatations par huissier sur la constitution dudit fichier, celui-ci émane de l'appelante exclusivement et la date à laquelle il a été édité n'est pas prouvée, le constat ne portant que sur le processus permettant de le générer. Le document produit ne démontre donc pas que la société Eco-Adapt aurait accepté les conditions générales de la société Talent Club pour le recrutement de M. [A].
Si de nombreux échanges sont produits entre Talent Club et Eco Adapt en 2017 sur ses besoins et le profil de M. [D] [H], aucun échange n'est produit entre ces deux sociétés évoquant le nom de M. [A]. Le seul message interne daté du 16 avril 2018 émanant de M. [M] [G] (Talent Club), sans destinataire indiqué, est insuffisant à prouver la mise en relation de M. [A] avec Eco-Adapt par son entremise.
Si la société Talent Club tire ensuite argument de la production de sa pièce n° 8 pour soutenir que la société Eco-Adapt, en la personne de M. [U], et M. [F] [A] auraient échangé via la plateforme talent.io, force est de constater que ce document, produit tardivement, non daté et non vérifié par huissier, ne démontre pas l'existence d'un contrat conclu entre Eco-Adapt et elle-même pour ce recrutement et la mise en relation qu'elle aurait réalisée.
Pour démontrer le recrutement par ses soins et sans l'intermédiaire de la société Talent Club, la société Eco-Adapt verse aux débats une discussion via LinkedIn entre M. [C] [U], président de la société Eco-Adapt, et M. [I] [J], une de ses connaissances, sollicitant le 2 avril 2018 des informations sur M. [F] [A] en vue d'un éventuel recrutement. Si ce simple échange ne permet pas d'écarter un recrutement via Talent Club, il montre cependant la démarche de renseignement effectuée par Eco-Adapt quant à un candidat potentiel.
La plupart des pièces produites par la société Talent Club résultent d'échanges internes et ont été générées par ses soins. Elle ne verse pas aux débats de discussions extérieures avec la société Eco-Adapt comme pour le recrutement précédent, non contesté, de M. [D] [H]. Elle échoue ainsi à démontrer l'existence d'un contrat conclu entre elle et la société Eco-Adapt quant à l'embauche de M. [F] [A].
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Talent Club de toutes ses demandes.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,
La société Talent Club succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens. Il apparaît en outre équitable de condamner la société Talent Club à verser à la société Eco-Adapt la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,
CONDAMNE la société Talent Club aux dépens ;
CONDAMNE la société Talent Club à payer à la société Eco-Adapt la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.