CA Bordeaux, 4e ch. com., 2 mai 2024, n° 23/05444
BORDEAUX
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Ganesh (SASU), Santhi Distribution (SAS)
Défendeur :
SCI HDP La Halle Boca
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Franco
Conseillers :
Mme Goumilloux, Mme Masson
Avocats :
Me Teynie, Me Varlet, Me Barast, Me Suay
Par acte sous seing privé en date du 1er mars 2018, la société civile immobilière HDP la Halle Boca a donné à bail à la société Bemitoro pour une durée de dix années des locaux à usage exclusif de commerce de restauration situés [Adresse 3].
La société par actions simplifiée Ganesh est venue aux droits de la société Bemitoro le 5 mai 2021 et, en considération des effets de la pandémie, les parties ont conclu le 22 juin 2021 un avenant prévoyant notamment la renonciation de la bailleresse aux loyers hors charges et hors taxes pour une période déterminée par cet avenant.
La société Santhi Distribution s'est, le même jour, engagée en qualité de caution solidaire des engagements de la société Ganesh dans la limite de 9 mois de loyers hors taxes et hors charges.
Par acte du 27 février 2023, la société HDP La Halle Boca a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme principale de 71.342, 33 euros visant la clause résolutoire ; cet acte a été dénoncé à la caution le 2 mars 2023.
La bailleresse a, par acte des 7 et 8 juin 2023, fait assigner les sociétés Ganesh et Santhi Distribution devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux aux fins d'acquisition judiciaire de la clause résolutoire et paiement de diverses sommes.
Les défenderesses n'ont pas comparu.
Par ordonnance réputée contradictoire prononcée le 30 octobre 2023, le juge des référés a statué ainsi qu'il suit :
- constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société Ganesh et la société HDP La Halle Boca ;
- dit qu'à compter du 1er avril 2023, la société Ganesh est devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation ;
- ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Ganesh, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 8], et ce avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier ;
- condamne solidairement la société Ganesh et la société Santhi Distribution à payer à la société HDP la Halle Boca, au titre des loyers, indemnités d'occupation ou charges dus au 1er octobre 2023, la somme provisionnelle de 99.853,98 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 30 mai 2023, échéance du 2ème trimestre 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 27 février 2023 sur la somme de 71.342,33 euros, et à l'échéance pour les sommes exigibles ultérieurement, la société Santhi distribution n'étant tenue qu'à hauteur de la somme de 85.534,95 euros qui représente la limite de son engagement ;
- condamne la société Ganesh à payer à la société HDP La Halle Boca, au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 9.503,88 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à libération effective des lieux ;
- autorise la société HDP La Halle Boca à faire transporter dans tout lieu qui lui plaira les meubles éventuellement laissés par le preneur dans les lieux loués après son départ et ce aux frais, risques et périls de la société Ganesh ;
- condamne la société Ganesh à payer à la société HDP la Halle Boca la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamne la société Ganesh aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 27 février 2023 et de sa dénonce à la caution.
Les sociétés Ganesh et Santhi Distribution ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe du 30 novembre 2023.
Par jugement du 12 décembre 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société Ganesh et désigné Maître [C] en qualité de mandataire judiciaire et la société Ajilink Vigreux en qualité d'administrateur avec mission d'assistance.
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Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2024, les sociétés Ganesh et Santhi Distribution ainsi que Maître [C] et la société Ajilink Vigreux intervenus volontairement à l'instance par conclusions notifiées le 15 janvier précédent, demandent à la cour de :
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les articles L622-7 et L622-21 du code de commerce,
Vu les articles 1103, 1343-5 et 2294 du code civil,
- infirmer l'ordonnance du 30 octobre 2023 en ce qu'elle a :
- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant la société Ganesh et la société HDP La Halle Boca,
- dit qu'à compter du 1er avril 2023, la société Ganesh était devenue redevable d'une indemnité mensuelle d'occupation,
- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la société Ganesh, de ses biens et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 8], et ce avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier,
- condamné solidairement la société Ganesh et la société Santhi Distribution à payer à la société HDP La Halle Boca, au titre de loyers, indemnités d'occupation ou charges dues au 1er octobre 2023, la somme provisionnelle de 99.853,98 euros au titre de loyers et charges impayés arrêtés au 30 mai 2023, échéance au 2ème trimestre 2023 incluse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 27 février 2023 sur la somme de 71.342,33 euros, et à l'échéance pour les sommes exigibles ultérieurement, la société Santhi distribution n'étant tenue qu'à hauteur de 85 534,95 euros qui représente la limite de son engagement,
- condamné la société Ganesh à payer à la société HDP La Halle Boca , au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 9.503,88 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux,
- condamné la société Ganesh à payer à la société HDP La Halle Boca la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Ganesh aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 27 février 2023 et de sa dénonce à la caution ;
Et, statuant à nouveau,
A titre principal,
- prononcer l'irrecevabilité des demandes de condamnation formulées par la société HDP La Halle Boca à l'encontre de la société Ganesh ;
- dire et juger le défaut d'acquisition de la clause résolutoire du bail ;
S'agissant de la société Santhi Distribution :
- dire et juger que la société Santhi Distribution est bien fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution tirée de la responsabilité de la société HDP La Halle Boca ;
A titre subsidiaire,
- débouter la société HDP La Halle Boca de toute demande de condamnation au paiement de loyers et charges au titre de la période du 22 juin 2021 au 1er février 2022 ;
- constater les paiements effectués par la société Santhi Distribution ;
- débouter la société HDP La Halle Boca de toute demande de condamnation à l'égard de la société Santhi Distribution au-delà du montant de son engagement de caution résiduel, correspondant à une somme de 62.014,32 euros (au 10 janvier 2024, à parfaire) ;
- ordonner, au regard de la situation de la société Santhi Distribution et en considération des besoins de la société HDP La Halle Boca, l'échelonnement du paiement des sommes auxquelles la société Santhi Distribution serait condamnée, conformément à l'échéancier proposé par celle-ci à la SCI dans son courrier du 1er décembre 2023, à savoir : en 21 mensualités de 3.000 euros et une dernière mensualité de 2.014,32 euros et ce, tous les 15 de chaque mois, à compter du 15 janvier 2024, dont il conviendra de déduire la somme de 6.000 euros versée en deux fois les 15 décembre 2023 et 15 janvier 2024 et toute somme que la société Santhi Distribution viendrait à régler ultérieurement à la SCI ;
En tout état de cause,
- débouter la société HDP La Halle Boca de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société HDP La Halle Boca à verser à la société Santhi Distribution et à la société Ganesh, chacune et respectivement, une somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers de première instance et d'appel.
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Par dernières écritures notifiées le 27 février 2024, la société HDP La Halle Boca demande à la cour de :
Vu les articles L.145-1 et suivants du code de commerce,
Vu l'article 835 du code de procédure civile,
- débouter la société Ganesh et la société Santhi Distribution de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
- confirmer l'ordonnance rendue le 31 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, en toutes ses dispositions ;
- condamner la société Santhi Distribution à payer à la société HDP la Halle Boca la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de la présente instance.
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L'ordonnance de clôture est intervenue le 28 février 2024.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
1. Sur les demandes formées contre la société Ganesh
1. L'article L.622-7 du code de commerce dispose :
« I. - Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17 (...)»
L'article L.622-21 du même code énonce :
« I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;
2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.
II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.»
2. La société Ganesh, qui a bénéficié d'un jugement prononçant l'ouverture, le 12 décembre 2023, d'une procédure de redressement judiciaire, est donc fondée à se prévaloir de l'application de ces textes et, au jour où la cour statue, de l'irrecevabilité de la demande en paiement de loyers antérieurs à l'ouverture de la procédure collective, ce qui est ici le cas puisque le commandement de payer délivré le 27 février 2023 porte sur des loyers dus à compter du troisième trimestre 2021.
Elle est donc également fondée à conclure à l'irrecevabilité de la demande en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire puisque, au jour où la cour statue, l'ordonnance de référé du 30 octobre 2023 n'est pas passée en force de chose jugée, précisément en raison du recours formé par la locataire devant la cour d'appel.
3. Il y a lieu en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevables les demandes formées par la société HDP La Halle Boca contre la société Ganesh, en ce compris la demande au titre des frais irrépétibles de l'intimée.
2. Sur la demande en paiement contre la société Santhi Distribution
a.) La mise en oeuvre du cautionnement
4. L'acte de cautionnement solidaire conclu le 22 juin 2021 entre la bailleresse et la société Santhi Distribution organise, à l'article 5, les conditions de la mise en oeuvre de ce cautionnement :
« Le présent engagement de caution pourra être mis en 'uvre en totalité ou par fractionnement, par simple lettre recommandée avec accusé de réception, délivrée à la caution dix jours au moins après mise en demeure infructueuse notifiée au preneur, d'avoir à payer les montants restant alors dus.»
5. Rappelant les termes de l'article 1103 du code civil et de l'article 2292 du même code dans sa version ici applicable, selon lesquels d'une part les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et, d'autre part, le cautionnement doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté, la société Santhi Distribution excipe du fait que son engagement n'a pas été mis en oeuvre dans les conditions contractuellement prévues.
6. L'intimée répond qu'elle a fait délivrer un commandement de payer à la société cautionnée le 27 février 2023, ce qui doit être regardé comme une mise en demeure au sens de l'article 1344 du code civil et de l'article 5 du contrat de cautionnement, et que ce commandement de payer a ensuite été dénoncé à la caution par acte extrajudiciaire en date du 2 mars 2023.
7. Le contrat de cautionnement précise que la mise en oeuvre de l'engagement de la caution doit être réalisée d'une part dix jours au moins après la mise en demeure du débiteur principal, d'autre part que cette mise en demeure doit être infructueuse.
Le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 27 février 2023 prévoyait un délai d'un mois pour que la société Ganesh satisfasse à ses obligations, de sorte que son caractère infructueux ne pouvait être acquis que le 28 mars suivant, ce qui devait conduire la bailleresse à ne mettre en oeuvre la garantie de la société Santhi Distribution qu'à compter du 7 avril 2023.
Le commandement de payer a été certes dénoncé à la caution le 2 mars 2023, étant observé que le non respect du délai contractuellement prévu ne peut avoir d'incidence sur le principe et le montant de l'obligation de la caution, mais il doit être rappelé que l'assignation en paiement délivrée le 8 juin 2023, qui doit être regardée comme un acte portant interpellation suffisante au sens l'article 1344 du code civil, obéit en tout état de cause aux conditions de forme et de délai prévues par le contrat de cautionnement.
Ce moyen sera donc écarté.
b.) L'exception tirée de la responsabilité du bailleur
8. L'article 1219 du code civil dispose :
« Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.»
9. Au visa de ce texte, la société Santhi Distribution, se prévalant du bénéfice de l'article 2298 du code civil qui permet à la caution d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur, oppose subsidiairement à la société HDP La Halle Boca le manquement de celle-ci à son obligation de délivrance telle que prévue par l'article 1719 du code civil.
L'appelante rappelle que l'article 2.1 du bail initial stipule que « les locaux seront mis à la disposition du preneur de telle sorte que celui-ci soit en mesure d'obtenir les autorisations administratives lui permettant d'exploiter les locaux en tant qu'établissement recevant du public de 2ème catégorie type N.»
La société Santhi Distribution fait valoir que, à la suite de la reprise du restaurant par la société Ganesh, la Commission d'accessibilité aux personnes handicapées lui a imposé d'accomplir les aménagements nécessaires à l'obtention de l'autorisation administrative.
La caution ajoute que la bailleresse était informée de la situation puisque c'est elle qui lui a transmis, en juillet 2021, le dossier déposé par le précédent exploitant en lui indiquant que toute ouverture ou réouverture des locaux nécessitait le dépôt d'un dossier d'aménagement et de travaux auprès des services de la mairie, après visa du bailleur.
La société Santhi Distribution fait valoir que le fait de donner à bail des locaux sans qu'ils bénéficient des autorisations requises pour les exploiter conformément à leur destination caractérise un manquement à l'obligation de délivrance de la chose louée ; que l'intimée n'est donc pas fondée à réclamer le paiement des loyers avant le 1er février 2022, date de délivrance de l'autorisation de la mairie de [Localité 6].
10. La société HDP La Halle Boca répond que la société Indiana, précédent exploitant des locaux, bénéficiait de toutes les autorisations requises pour exploiter son activité dans les locaux litigieux ; que la société Ganesh n'a jamais informé sa bailleresse des prétendues difficultés évoquées ici et qu'il n'est pas démontré que ces difficultés auraient été imputables à la société HDP La Halle Boca.
L'intimée ajoute que l'avis de la Commission de sécurité de la ville de [Localité 6] ne fait au demeurant aucune référence à des non-conformités des locaux, qui sont parfaitement en règle, mais aux projets d'aménagement de la société Ganesh.
La société HDP La Halle Boca mentionne les articles 4.1 et 10.3.1 du contrat de bail qui portent sur la charge de l'obtention des autorisations nécessaires à l'exploitation du local commercial.
Sur ce,
11. Le bail conclu le 1er mars 2018 comporte les stipulations suivantes :
« - Article 2.1 ' Définition des locaux loués
« (...) Le preneur déclare avoir une parfaite connaissance des plans et du CPTAE et reconnaît que les locaux permettront d'y exercer son activité.
Les locaux seront mis à disposition du preneur de telle sorte que celui-ci soit en mesure d'obtenir les autorisations administratives lui permettant d'exploiter les locaux (') »
- Article 4.1 ' Destination contractuelle
(...) Le preneur déclare faire son affaire personnelle des autorisations qui seraient, le cas échéant, nécessaires à l'exercice de son activité dans les locaux, notamment agréments et autres (')
- Article 10.3.1 ' Autorisations
Le preneur fera son affaire personnelle et ce, à ses frais exclusifs, de l'obtention de toutes autorisations administratives ou autres afférentes à l'utilisation des locaux pour l'exercice de son activité. Le bailleur ne pourra en conséquence encourir aucune responsabilité, en cas de refus ou de retard, dans l'obtention de ces autorisations. »
12. Il résulte de ces stipulations que la société Santhi Distribution n'est pas fondée à opposer à l'intimée une exception d'inexécution.
Au surplus, les termes de l'avis de la Commission de sécurité du 1er février 2022 mettent en évidence le fait que les aménagement demandés ne portaient pas sur la sécurité intrinsèque des locaux commerciaux mais sur les aménagements de sécurité commandés par le projet de la société Ganesh elle-même.
Ce moyen sera en conséquence écarté.
c.) La limite du cautionnement
13. La société Santhi Distribution réclame très subsidiairement que la société HDP La Halle Boca soit déboutée de toute demande en paiement qui excéderait la limite de son engagement, soit la somme de 65.014,32 euros. Elle rappelle qu'elle a déjà procédé au versement de la somme de 6.000 euros en exécution de l'ordonnance dont appel, de sorte qu'elle ne peut être condamnée au delà du montant résiduel de son engagement, soit 59.014,32 euros.
14. Toutefois, l'article 2 du contrat de cautionnement en date du 22 juin 2021, stipule :
« Cet engagement est limité à une somme équivalant à tout moment à neuf (9) mois de loyer hors taxes et hors charges, soit la somme initiale de 65.014,32 euros.
Ce montant évoluera en même temps que le loyer contractuel du par le preneur, dans les conditions visées au contrat de bail, de manière à être toujours égal à neuf (9) mois de loyer hors taxes et hors charges. La caution dispense à cet égard le bailleur de lui notifier le montant du loyer résultant chaque année de l'indexation.»
15. L'appel de fonds délivré le 15 novembre 2023 à la société Ganesh par sa bailleresse établit que le montant du loyer hors taxes et hors charges pour le premier trimestre 2024 est de 23.216,72 euros, ce qui porte la limite du cautionnement à la somme de 69.650,16 euros.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée quant au principe de la condamnation à paiement de la caution mais infirmée quant au quantum, le premier juge ayant retenu un loyer trimestriel de 28.511,65 euros.
d.) La demande en délais de paiement
16. Au visa de l'article 1343-5 du code civil, la société Santhi Distribution tend, très subsidiairement, au bénéfice de délais de paiement.
Elle explique qu'elle emploie 5 salariés, que sa marge est faible, qu'elle souffre de nombreux impayés et qu'elle ne dispose pas d'une trésorerie suffisante à régler en une seule fois les sommes réclamées par l'intimée.
Elle ajoute qu'elle est créancière de la société Ganesh, dont elle est fournisseur, à hauteur de 126.000 euros.
17. La société HDP La Halle Boca s'y oppose en relevant que le chiffre d'affaires de l'appelante est de l'ordre de 3.481.404 euros au 30 septembre 2023, date de clôture de son dernier exercice, tandis que son bénéfice net est de l'ordre de 241.298 euros, en augmentation de plus de 200 % par rapport à l'exercice précédent et que le montant des dettes a diminué de plus de 34 % et celui des capitaux propres a augmenté de plus de 111 %.
L'intimée observe que l'appelante ne justifie pas de la modicité alléguée de sa trésorerie et en particulier ne produit pas ses relevés de compte.
Sur ce,
18. En considération des éléments enregistrés au bilan de l'exercice clos au 30 septembre 2023 tels que rappelés par l'intimée et du fait que la caution ne produit pas ses relevés de compte, ce qui avait été relevé par la société HDP La Halle Boca dans ses précédentes conclusions, la demande en délais de grâce sera rejetée.
19. Il y a lieu enfin d'infirmer l'ordonnance du 30 octobre 2023 en ce qu'elle a condamné la société Ganesh au paiement des dépens et, statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant, d'ordonner l'emploi des dépens de première instance et d'appel en frais privilégiés de la procédure collective.
Enfin, il n'est pas contraire à l'équité de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles en appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance prononcée le 30 octobre 2023 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux quant au principe de l'obligation à paiement de la société Santhi Distribution à l'égard de la société HDP La Halle Boca.
Infirme l'ordonnance déférée pour le surplus.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes formées par la société HDP La Halle Boca contre la société Ganesh.
Condamne la société Santhi Distribution à payer à la société HDP La Halle Boca la somme de 69.650,16 euros.
Déboute la société Santhi Distribution de sa demande en délais de grâce.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.