Décisions
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 3 mai 2024, n° 23/04714
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 03 MAI 2024
N° RG 23/04714 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NO7W
S.A.S. DALTA
c/
S.A.R.L. FRANCE FLUIDES
Nature de la décision : AU FOND
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 septembre 2023 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 23/01374) suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2023
APPELANTE :
S.A.S. DALTA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Claire POIRSON de la SELEURL SELARLU FIRSH, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. FRANCE FLUIDES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siége social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Diane TRICOIRE, avocat au plaidant barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : M. Emmanuel BREARD
Conseiller : M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier : Madame Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.
La société France Fluides a quitté en septembre 2012 le groupe Sabe, auquel appartenait notamment la société Dalta ainsi que la société Quatris, selon un acte de cession de ses parts sociales par la société Dalta à la société Cordel comportant un engagement de non concurrence sur certaines marques pendant 3 ans.
Le 4 mai 2023, la société France Fluides a mis en demeure la société Quatris de cesser l'usage de deux marques sur son site : 'Ordax' que la société France Fluides a déposé le 5 septembre 2019 et 'Pat'Max' qu'elle a déposé le 31 mai 2022.
Le 19 mai 2023 une ordonnance sur requête de la société France Fluides a été délivrée.
Le 7 juin 2023, des opérations de saisie et de constat ont été réalisées par le commissaire de justice.
Le 16 juin 2023, la société France Fluides a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux la société Dalta pour actes de contrefaçon.
Le 27 juin 2023, par acte, la société Dalta a assigné la société France Fluides en référé devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins notamment d'obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 19 mai 2023.
Par ordonnance de référé du 4 septembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré la société Dalta recevable en ses demandes,
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dalta aux dépens.
La société Dalta a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a :
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dalta aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 30 novembre 2023, la société Dalta demande à la cour de :
- Réformer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a :
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- condamné la société Dalta aux dépens.
En conséquence, statuant de nouveau,
- juger que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, ne constituent pas un commencement de preuve de contrefaçon des marques françaises « ORDAX» n°4579249 et « PAT'MAX » n°4873222,
- juger que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, violent le principe de l'administration loyale de la preuve,
- juger que le président du tribunal judiciaire de Bordeaux n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation pour juger de la véracité, de la proportion et de la loyauté des pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n° 19 ;
- juger que l'ordonnance de référé rendue le 4 septembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société Dalta est entachée de disproportionnalité en ce sens que l'autorisation de saisie par le commissaire de Justice n'est pas limitée temporellement,
- juger que les pièces saisies à l'occasion de l'opération de saisie-contrefaçon en date du 7 juin 2023 et circonscrites par procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 12 juin 2023, datées d'avant le 5 septembre 2019 s'agissant du signe « ORDAX » et d'avant le 31 mai 2022 s'agissant du signe « PAT'MAX » sont irrecevables,
En conséquence,
- ordonner que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, soient déclarées irrecevables et écartées du débat,
- ordonner que les pièces saisies à l'occasion de l'opération de saisie-contrefaçon en date du 7 juin 2023 et circonscrites par procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 12 juin 2023, datées d'avant le 5 septembre 2019 s'agissant du signe « ORDAX » et d'avant le 31 mai 2022 s'agissant du signe « PAT'MAX », soient écartées du débat,
- rétracter totalement l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le président près le tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société France Fluides,
- constater la caducité et la nullité du procès-verbal subséquent du commissaire de Justice, la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans ayant effectué les opérations de constat,
- ordonner à la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans la restitution à la société Dalta saisie des documents appréhendés lors des opérations de constat.
A titre subsidiaire sur la mesure de cantonnement
- rétracter partiellement l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le président près le tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société France Fluides en ce qu'il n'a pas ordonné de mesures de séquestre des éléments saisis,
- faire restituer les documents saisis à la société Dalta sous 48 heures à compter de la signification assortie d'une astreinte de 250 euros par jour de retard,
- ordonner l'interdiction pour la société France Fluide d'en conserver copie et d'utiliser les documents saisis ou une quelconque information issue de ces documents après restitution,
- constater la caducité du procès-verbal subséquent du commissaire de Justice, la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans ayant effectué les opérations de constat,
- ordonner à la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans la restitution à la société Dalta saisie des documents appréhendés lors des opérations de constat.
En tout état de cause
- juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Dalta les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,
- condamner la société France Fluides à verser à la société Dalta la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société France Fluides à verser à la société Dalta la somme de 70 000 euros pour procédure abusive et violation du secret des affaires,
- condamner la société France Fluides aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Claire Poirson, avocate, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonner vu l'urgence, l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute.
Par dernières conclusions déposées le 6 décembre 2023, la société France Fluides, demande à la cour de :
- déclarer la société France Fluides recevable et bien fondée dans ses demandes,
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant en matière de référé, le 4 septembre 2023 en ce qu'il « Rejette les demandes de la société Dalta et condamne la société Dalta aux dépens. »,
- réformer ladite ordonnance en ce qu'elle « Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.»,
Et statuant à nouveau,
- déclarer mal fondée la société Dalta SA en ses demandes de rétractation totale et partielle, et de modification de l'ordonnance du 19 mai 2023 ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon ; par conséquent, l'en débouter,
- débouter en conséquence la société Dalta SA de sa demande tendant à voir constater la caducité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2023 et de sa demande de restitution des documents appréhendés lors des opérations de constat,
- à titre subsidiaire, dire que l'accès aux pièces saisies sera limité à l'avocat constitué de chaque partie (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce), et à une personne physique représentant chaque partie, informée des obligations découlant des articles L.153-2 du code de commerce et 226-13 du code pénal,
- débouter la société Dalta SA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Dalta SA à payer à la société France Fluides la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,
- condamner la société Dalta SA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience rapporteur du 19 février 2024, avec clôture de la procédure à la date du 5 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
I Sur la demande de rétractation totale de l'ordonnance du 19 mai 2023.
La société appelante entend, au visa de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, que les seules 3 pièces versées par son adversaire au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon soient déclarées insuffisantes pour rendre vraisemblable l'existence d'une contrefaçon.
Ainsi, s'agissant de deux captures d'écran relatives à son site internet en date du 30 août 2021 faisant apparaître respectivement une occurrence du terme 'ORDAX' et une occurrence du terme 'PAT'MAX' et une facture éditée par ses soins le 16 mai 2022 sur laquelle est mentionné la vente d'un produit, à savoir des galets de traitement des eaux de piscine référencée sous le terme 'ORDAX', elle relève que ces éléments ne sont corroborés par aucun produit argué de contrefaçon fabriqué ou commercialisé par ses soins.
Ainsi, elle met en avant qu'il n'est pas établi qu'elle a commercialisé les produits adverses depuis les dates de dépôt des marques concernées et qu'elle démontre qu'au 16 mai 2023, son site ne faisait plus référence aux produits revêtus des marques litigieuses.
Elle précise en outre qu'elle ne vend pas de produit par le biais de son site internet et qu'elle n'a donc pas pu commettre de contrefaçon à ce titre et qu'il n'existait pas de risque d'atteinte imminente aux marques concernées au vu des deux seules captures d'écran précitées.
Elle s'interroge également sur la réalité de la facture produite, sur la manière dont la partie adverse a pu se la procurer, alors qu'il ne s'agit pas d'une pièce publique et en ce qu'elle rapporte un commencement de preuve d'une contrefaçon de marque de produit, ce d'autant qu'elle ne commercialise pas de produit sous l'appellation 'ORDAX'.
Elle estime également, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, qu'il existe une présentation déloyale des faits et moyens au soutien de la requête en saisie contrefaçon. En effet, elle affirme que si les deux parties au litige ont fait partie du même groupe jusqu'en 2012, cela explique non seulement le fait qu'il apparaisse de manière unique les termes 'ORDAX' et 'PAT'MAX', qui ont été déposé en fraude par la suite, ces termes étant déjà utilisés au préalable. De même, l'absence d'éclaircissement sur les circonstances de la remise de la facture du 16 mai 2022 ne permet pas de retenir celle-ci.
En outre, elle avance que la présentation adverse est tronquée en ce que les marques relatives aux termes objets du présent litige n'ont été déposées qu'en 2019 et 2022, alors que le nom 'ORDAX' était précédemment utilisé dans le groupe avant sa scission en 2012. De même, elle observe que ce dépôt a eu lieu après l'introduction d'une première instance à l'encontre d'une société 'soeur' et qu'il s'agit de lui nuire.
Elle ajoute que les mesures ordonnées par l'ordonnance contestée sont disproportionnées en ce que les recherches admises par la décision du 19 mai 2023 ne sont pas limitées dans le temps, confèrent au commissaire de justice un pouvoir juridictionnel, faute de faire référence aux marques concernées, porte sur des éléments antérieurs à la date de dépôt des marques, laisse accès à tous supports.
Or, elle souligne qu'il existe un contexte judiciaire entre les deux parties, que les éléments recueillis peuvent être antérieurs aux dépôts des marques concernées, qui ont permis à l'intimée de fonder une action en contrefaçon de marques et de concurrence déloyale au fond.
***
En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il résulte de l'article 497 du code de procédure civile que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Il est constant qu'en application de ce texte, le juge saisi d'une demande de rétractation est investi des mêmes attributions que celles dont il disposait lorsqu'il a rendu la décision critiquée. Il doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête initiale et apprécier si les conditions de la saisie-contrefaçon étaient remplies au moment où il a statué.
L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que 'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés'.
La cour constate qu'il n'est pas remis en cause le fait que la société France Fluide soit titulaire de deux marques dénommées 'ORDAX' et 'PAT'MAX' déposées en 2019 et 2022.
De même, il n'est pas davantage remis en cause qu'une mention de chacune de ces marques ait été trouvée sur le site internet de la société Dalta. Mieux, il n'est pas contesté par l'appelante que ces dénominations, qui correspondraient selon elle à un usage ancien de celle-ci, y compris dans le groupe avant la scission de celui-ci en 2012, rapportent la preuve de la vraisemblance d'une atteinte aux droits liés aux marques objets du présent litige.
De plus, en ce que la facture précitée en date du 16 mai 2022 n'est pas déniée et fait référence à un produit 'ORDAX', elle permet de s'interroger sur la commercialisation sous la dénomination précitée d'une marchandise équivalente à celle de l'intimée, rendant là encore vraisemblable une atteinte aux droits liée à cette marque.
Aussi, la société France Fluides était-elle fondée à solliciter la mesure ordonnée le 19 mai 2023.
Par ailleurs, sur la question de l'existence d'une déloyauté, il apparaît que le contexte judiciarisé entre les deux sociétés parties à la présente instance a été signalé par la partie intimée dès sa requête sollicitant les mesures objet de la présente demande de rétractation. De même, en ce que l'acte de cession de part social intervenu le 10 septembre 2012 n'est pas relatif aux droits des marques objets du présent litige, il ne saurait, tout comme le fait que les parties aient fait partie du même groupe, avoir la moindre incidence sur l'issue de cette instance.
Aucune déloyauté n'est donc établie.
Sur la question de la proportionnalité des mesures autorisées, il sera relevé, comme l'a exactement fait le premier juge, que l'autorisation de saisie ne porte que sur les marques 'ORDAX' et 'PAT'MAX' et les produits y afférents, ainsi que sur les seuls supports informatiques utilisant ces termes, ce qui ne peut que limiter à la fois le champ de recherche et le rendre pertinent.
De même, le fait que les recherches s'étendent à des dates antérieures ou sans limitation de temps ne saurait établir un caractère disproportionné de la mesure en ce que la pertinence de son objet, lié au dépôt des marques, justifie l'exhaustivité des mesures. En outre, comme souligné par l'ordonnance attaquée, il n'appartient pas au juge de la rétractation de se prononcer sur les conditions d'exécution de la saisie.
Dès lors, aucune disproportion ne saurait être retenue.
Au final, il convient de rejeter la demande rétractation et de confirmer l'ordonnance objet du présent recours de ce chef.
II Sur la demande de rétractation partielle de l'ordonnance sur requête.
La société Dalta sollicite, au visa des articles L.151-1, R.153-1 du code de commerce, la modification de l'ordonnance objet du présent litige en ordonnant la restitution des documents saisis dont la date est antérieure au dépôt des marques litigieuses et en interdisant au commissaire de justice saisi de communiquer ces documents à la société France Fluides.
Elle rappelle que son adversaire a, suite à l'ordonnance attaquée, accès à des informations couvertes par le secret des affaires la concernant, alors qu'elle est concurrence avec elle. Elle indique, suite à la saisie du 7 juin 2023, qu'il s'agit de la liste de ses clients, des factures clients des produits 'Galet 4 en 1" et 'Pat Souricide', des captures d'écran de ses factures faisant apparaître les noms des clients depuis 2015, les quantités vendues et les prix de vente et de revient, la liste des VRP et agents vendant ses produits, le nom de ses fournisseurs et les factures d'achat, les prix d'achat et de vente de ses produits.
Elle souligne que l'ordonnance attaquée autorise la transmission de ces informations par le commissaire de justice saisi au conseil de la société intimée, alors que les éléments précités constituent des données stratégiques, non connues ou accessibles, couvertes par le secret des affaires. Elle considère que ces données revêtent une valeur commerciale effective, notamment en ce que le fichier clients et fournisseurs fait partie du fonds de commerce et présente une valeur certaine, révèlent les noms de ses agents et collaborateurs et sa stratégie commerciale, administrative et marketing.
Elle en déduit un préjudice à son détriment et entend qu'un séquestre de ces données soit ordonné.
Elle réclame également la restitution des documents saisis sous 48 heures sous astreinte de 250 € par jour de retard, une interdiction pour son adversaire d'en garder copie, de les utiliser après restitution, la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon établi par le commissaire de justice en date du 7 juin 2023.
***
L'article R.153-1 du code de commerce mentionne que 'Lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10".
L'article R.716-16 du code de la propriété intellectuelle ajoute que 'La saisie, descriptive ou réelle, prévue à l'article L. 716-7 est ordonnée par le président du tribunal judiciaire compétent pour connaître du fond.
Le président peut autoriser l'huissier à procéder à toute constatation utile en vue d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon.
Afin d'assurer la protection du secret des affaires, le président peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies, dans les conditions prévues à l'article R.153-1 du code de commerce'.
La cour observe en premier lieu que les données concernées ont fait l'objet d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2023 et qu'elles ont été transmises au conseil de la société France Fluides. De même, il n'est pas remis en cause que ces éléments ont été annexés à l'assignation par l'intimée à l'encontre de l'appelante lors de son action au fond en contrefaçon.
Il s'ensuit que la demande de séquestre est sans objet et sera rejetée.
Pour le surplus, s'agissant des demandes de modification, de restitution ou de condamnation, ces prétentions sont formulées dans des termes excédant les pouvoirs du juge de la rétractation et seront donc également rejetées.
La décision attaquée sera donc confirmée au vu de ce seul constat.
III Sur la demande de dommages et intérêts faite au titre de l'abus de droit.
La société Dalta soutient qu'il résulte de la présentation déloyale, des moyens d'une action artificielle pour obtenir une autorisation de saisie-contrefaçon et d'une administration déloyale de la preuve un abus de droit par la société France Fluides et réclame à ce titre la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 70.000 € à titre de dommages et intérêts.
Il ressort cependant de ce qui précède qu'aucun des griefs mis en avant par l'appelante n'est avéré, alors qu'il s'agit d'une condition posée par l'article 1240 du code civil pour qu'une condamnation pour abus de droit soit prononcée.
Par conséquent, la demande faite à ce titre sera rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef.
IV Sur les demandes annexes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Au vu de ce qui précède, l'équité exige que la société Dalta soit condamnée à verser à la société France Fluides la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel.
Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société Dalta qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 4 septembre 2023 ;
Y ajoutant,
Condamne la société Dalta à régler à la société France Fluides une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dalta aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 03 MAI 2024
N° RG 23/04714 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NO7W
S.A.S. DALTA
c/
S.A.R.L. FRANCE FLUIDES
Nature de la décision : AU FOND
APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 04 septembre 2023 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 23/01374) suivant déclaration d'appel du 19 octobre 2023
APPELANTE :
S.A.S. DALTA, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Claire POIRSON de la SELEURL SELARLU FIRSH, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE :
S.A.R.L. FRANCE FLUIDES, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siége social sis [Adresse 1]
représentée par Maître Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Diane TRICOIRE, avocat au plaidant barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 février 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Emmanuel BREARD, Conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Madame Paule POIREL
Conseiller : M. Emmanuel BREARD
Conseiller : M. Roland POTEE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier : Madame Véronique SAIGE
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE.
La société France Fluides a quitté en septembre 2012 le groupe Sabe, auquel appartenait notamment la société Dalta ainsi que la société Quatris, selon un acte de cession de ses parts sociales par la société Dalta à la société Cordel comportant un engagement de non concurrence sur certaines marques pendant 3 ans.
Le 4 mai 2023, la société France Fluides a mis en demeure la société Quatris de cesser l'usage de deux marques sur son site : 'Ordax' que la société France Fluides a déposé le 5 septembre 2019 et 'Pat'Max' qu'elle a déposé le 31 mai 2022.
Le 19 mai 2023 une ordonnance sur requête de la société France Fluides a été délivrée.
Le 7 juin 2023, des opérations de saisie et de constat ont été réalisées par le commissaire de justice.
Le 16 juin 2023, la société France Fluides a assigné devant le tribunal judiciaire de Bordeaux la société Dalta pour actes de contrefaçon.
Le 27 juin 2023, par acte, la société Dalta a assigné la société France Fluides en référé devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, aux fins notamment d'obtenir la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 19 mai 2023.
Par ordonnance de référé du 4 septembre 2023, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré la société Dalta recevable en ses demandes,
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dalta aux dépens.
La société Dalta a relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 19 octobre 2023, en ce qu'elle a :
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dalta aux dépens.
Par dernières conclusions déposées le 30 novembre 2023, la société Dalta demande à la cour de :
- Réformer l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a :
- rejeté les demandes de la société Dalta,
- condamné la société Dalta aux dépens.
En conséquence, statuant de nouveau,
- juger que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, ne constituent pas un commencement de preuve de contrefaçon des marques françaises « ORDAX» n°4579249 et « PAT'MAX » n°4873222,
- juger que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, violent le principe de l'administration loyale de la preuve,
- juger que le président du tribunal judiciaire de Bordeaux n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation pour juger de la véracité, de la proportion et de la loyauté des pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n° 19 ;
- juger que l'ordonnance de référé rendue le 4 septembre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société Dalta est entachée de disproportionnalité en ce sens que l'autorisation de saisie par le commissaire de Justice n'est pas limitée temporellement,
- juger que les pièces saisies à l'occasion de l'opération de saisie-contrefaçon en date du 7 juin 2023 et circonscrites par procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 12 juin 2023, datées d'avant le 5 septembre 2019 s'agissant du signe « ORDAX » et d'avant le 31 mai 2022 s'agissant du signe « PAT'MAX » sont irrecevables,
En conséquence,
- ordonner que les pièces versées au débat par la société France Fluides au soutien de sa requête, à savoir les pièces adverses n°15, n°16, n°17, n°18 et n°19, soient déclarées irrecevables et écartées du débat,
- ordonner que les pièces saisies à l'occasion de l'opération de saisie-contrefaçon en date du 7 juin 2023 et circonscrites par procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 12 juin 2023, datées d'avant le 5 septembre 2019 s'agissant du signe « ORDAX » et d'avant le 31 mai 2022 s'agissant du signe « PAT'MAX », soient écartées du débat,
- rétracter totalement l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le président près le tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société France Fluides,
- constater la caducité et la nullité du procès-verbal subséquent du commissaire de Justice, la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans ayant effectué les opérations de constat,
- ordonner à la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans la restitution à la société Dalta saisie des documents appréhendés lors des opérations de constat.
A titre subsidiaire sur la mesure de cantonnement
- rétracter partiellement l'ordonnance rendue le 19 mai 2023 par le président près le tribunal judiciaire de Bordeaux à la requête de la société France Fluides en ce qu'il n'a pas ordonné de mesures de séquestre des éléments saisis,
- faire restituer les documents saisis à la société Dalta sous 48 heures à compter de la signification assortie d'une astreinte de 250 euros par jour de retard,
- ordonner l'interdiction pour la société France Fluide d'en conserver copie et d'utiliser les documents saisis ou une quelconque information issue de ces documents après restitution,
- constater la caducité du procès-verbal subséquent du commissaire de Justice, la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans ayant effectué les opérations de constat,
- ordonner à la SCP Philippe Laporte-Florence Trinité-Schillemans la restitution à la société Dalta saisie des documents appréhendés lors des opérations de constat.
En tout état de cause
- juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Dalta les frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en justice aux fins de défendre ses intérêts,
- condamner la société France Fluides à verser à la société Dalta la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société France Fluides à verser à la société Dalta la somme de 70 000 euros pour procédure abusive et violation du secret des affaires,
- condamner la société France Fluides aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Claire Poirson, avocate, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonner vu l'urgence, l'exécution provisoire de l'ordonnance sur minute.
Par dernières conclusions déposées le 6 décembre 2023, la société France Fluides, demande à la cour de :
- déclarer la société France Fluides recevable et bien fondée dans ses demandes,
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, statuant en matière de référé, le 4 septembre 2023 en ce qu'il « Rejette les demandes de la société Dalta et condamne la société Dalta aux dépens. »,
- réformer ladite ordonnance en ce qu'elle « Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.»,
Et statuant à nouveau,
- déclarer mal fondée la société Dalta SA en ses demandes de rétractation totale et partielle, et de modification de l'ordonnance du 19 mai 2023 ayant autorisé les opérations de saisie-contrefaçon ; par conséquent, l'en débouter,
- débouter en conséquence la société Dalta SA de sa demande tendant à voir constater la caducité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2023 et de sa demande de restitution des documents appréhendés lors des opérations de constat,
- à titre subsidiaire, dire que l'accès aux pièces saisies sera limité à l'avocat constitué de chaque partie (et ses collaborateurs ou salariés du cabinet informés des obligations découlant des dispositions de l'article L.153-2 du code de commerce), et à une personne physique représentant chaque partie, informée des obligations découlant des articles L.153-2 du code de commerce et 226-13 du code pénal,
- débouter la société Dalta SA de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner la société Dalta SA à payer à la société France Fluides la somme de 8 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles,
- condamner la société Dalta SA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience rapporteur du 19 février 2024, avec clôture de la procédure à la date du 5 février 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION.
I Sur la demande de rétractation totale de l'ordonnance du 19 mai 2023.
La société appelante entend, au visa de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, que les seules 3 pièces versées par son adversaire au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon soient déclarées insuffisantes pour rendre vraisemblable l'existence d'une contrefaçon.
Ainsi, s'agissant de deux captures d'écran relatives à son site internet en date du 30 août 2021 faisant apparaître respectivement une occurrence du terme 'ORDAX' et une occurrence du terme 'PAT'MAX' et une facture éditée par ses soins le 16 mai 2022 sur laquelle est mentionné la vente d'un produit, à savoir des galets de traitement des eaux de piscine référencée sous le terme 'ORDAX', elle relève que ces éléments ne sont corroborés par aucun produit argué de contrefaçon fabriqué ou commercialisé par ses soins.
Ainsi, elle met en avant qu'il n'est pas établi qu'elle a commercialisé les produits adverses depuis les dates de dépôt des marques concernées et qu'elle démontre qu'au 16 mai 2023, son site ne faisait plus référence aux produits revêtus des marques litigieuses.
Elle précise en outre qu'elle ne vend pas de produit par le biais de son site internet et qu'elle n'a donc pas pu commettre de contrefaçon à ce titre et qu'il n'existait pas de risque d'atteinte imminente aux marques concernées au vu des deux seules captures d'écran précitées.
Elle s'interroge également sur la réalité de la facture produite, sur la manière dont la partie adverse a pu se la procurer, alors qu'il ne s'agit pas d'une pièce publique et en ce qu'elle rapporte un commencement de preuve d'une contrefaçon de marque de produit, ce d'autant qu'elle ne commercialise pas de produit sous l'appellation 'ORDAX'.
Elle estime également, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, qu'il existe une présentation déloyale des faits et moyens au soutien de la requête en saisie contrefaçon. En effet, elle affirme que si les deux parties au litige ont fait partie du même groupe jusqu'en 2012, cela explique non seulement le fait qu'il apparaisse de manière unique les termes 'ORDAX' et 'PAT'MAX', qui ont été déposé en fraude par la suite, ces termes étant déjà utilisés au préalable. De même, l'absence d'éclaircissement sur les circonstances de la remise de la facture du 16 mai 2022 ne permet pas de retenir celle-ci.
En outre, elle avance que la présentation adverse est tronquée en ce que les marques relatives aux termes objets du présent litige n'ont été déposées qu'en 2019 et 2022, alors que le nom 'ORDAX' était précédemment utilisé dans le groupe avant sa scission en 2012. De même, elle observe que ce dépôt a eu lieu après l'introduction d'une première instance à l'encontre d'une société 'soeur' et qu'il s'agit de lui nuire.
Elle ajoute que les mesures ordonnées par l'ordonnance contestée sont disproportionnées en ce que les recherches admises par la décision du 19 mai 2023 ne sont pas limitées dans le temps, confèrent au commissaire de justice un pouvoir juridictionnel, faute de faire référence aux marques concernées, porte sur des éléments antérieurs à la date de dépôt des marques, laisse accès à tous supports.
Or, elle souligne qu'il existe un contexte judiciaire entre les deux parties, que les éléments recueillis peuvent être antérieurs aux dépôts des marques concernées, qui ont permis à l'intimée de fonder une action en contrefaçon de marques et de concurrence déloyale au fond.
***
En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Il résulte de l'article 497 du code de procédure civile que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.
Il est constant qu'en application de ce texte, le juge saisi d'une demande de rétractation est investi des mêmes attributions que celles dont il disposait lorsqu'il a rendu la décision critiquée. Il doit, après débat contradictoire, statuer sur les mérites de la requête initiale et apprécier si les conditions de la saisie-contrefaçon étaient remplies au moment où il a statué.
L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que 'Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.
La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.
Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.
Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés'.
La cour constate qu'il n'est pas remis en cause le fait que la société France Fluide soit titulaire de deux marques dénommées 'ORDAX' et 'PAT'MAX' déposées en 2019 et 2022.
De même, il n'est pas davantage remis en cause qu'une mention de chacune de ces marques ait été trouvée sur le site internet de la société Dalta. Mieux, il n'est pas contesté par l'appelante que ces dénominations, qui correspondraient selon elle à un usage ancien de celle-ci, y compris dans le groupe avant la scission de celui-ci en 2012, rapportent la preuve de la vraisemblance d'une atteinte aux droits liés aux marques objets du présent litige.
De plus, en ce que la facture précitée en date du 16 mai 2022 n'est pas déniée et fait référence à un produit 'ORDAX', elle permet de s'interroger sur la commercialisation sous la dénomination précitée d'une marchandise équivalente à celle de l'intimée, rendant là encore vraisemblable une atteinte aux droits liée à cette marque.
Aussi, la société France Fluides était-elle fondée à solliciter la mesure ordonnée le 19 mai 2023.
Par ailleurs, sur la question de l'existence d'une déloyauté, il apparaît que le contexte judiciarisé entre les deux sociétés parties à la présente instance a été signalé par la partie intimée dès sa requête sollicitant les mesures objet de la présente demande de rétractation. De même, en ce que l'acte de cession de part social intervenu le 10 septembre 2012 n'est pas relatif aux droits des marques objets du présent litige, il ne saurait, tout comme le fait que les parties aient fait partie du même groupe, avoir la moindre incidence sur l'issue de cette instance.
Aucune déloyauté n'est donc établie.
Sur la question de la proportionnalité des mesures autorisées, il sera relevé, comme l'a exactement fait le premier juge, que l'autorisation de saisie ne porte que sur les marques 'ORDAX' et 'PAT'MAX' et les produits y afférents, ainsi que sur les seuls supports informatiques utilisant ces termes, ce qui ne peut que limiter à la fois le champ de recherche et le rendre pertinent.
De même, le fait que les recherches s'étendent à des dates antérieures ou sans limitation de temps ne saurait établir un caractère disproportionné de la mesure en ce que la pertinence de son objet, lié au dépôt des marques, justifie l'exhaustivité des mesures. En outre, comme souligné par l'ordonnance attaquée, il n'appartient pas au juge de la rétractation de se prononcer sur les conditions d'exécution de la saisie.
Dès lors, aucune disproportion ne saurait être retenue.
Au final, il convient de rejeter la demande rétractation et de confirmer l'ordonnance objet du présent recours de ce chef.
II Sur la demande de rétractation partielle de l'ordonnance sur requête.
La société Dalta sollicite, au visa des articles L.151-1, R.153-1 du code de commerce, la modification de l'ordonnance objet du présent litige en ordonnant la restitution des documents saisis dont la date est antérieure au dépôt des marques litigieuses et en interdisant au commissaire de justice saisi de communiquer ces documents à la société France Fluides.
Elle rappelle que son adversaire a, suite à l'ordonnance attaquée, accès à des informations couvertes par le secret des affaires la concernant, alors qu'elle est concurrence avec elle. Elle indique, suite à la saisie du 7 juin 2023, qu'il s'agit de la liste de ses clients, des factures clients des produits 'Galet 4 en 1" et 'Pat Souricide', des captures d'écran de ses factures faisant apparaître les noms des clients depuis 2015, les quantités vendues et les prix de vente et de revient, la liste des VRP et agents vendant ses produits, le nom de ses fournisseurs et les factures d'achat, les prix d'achat et de vente de ses produits.
Elle souligne que l'ordonnance attaquée autorise la transmission de ces informations par le commissaire de justice saisi au conseil de la société intimée, alors que les éléments précités constituent des données stratégiques, non connues ou accessibles, couvertes par le secret des affaires. Elle considère que ces données revêtent une valeur commerciale effective, notamment en ce que le fichier clients et fournisseurs fait partie du fonds de commerce et présente une valeur certaine, révèlent les noms de ses agents et collaborateurs et sa stratégie commerciale, administrative et marketing.
Elle en déduit un préjudice à son détriment et entend qu'un séquestre de ces données soit ordonné.
Elle réclame également la restitution des documents saisis sous 48 heures sous astreinte de 250 € par jour de retard, une interdiction pour son adversaire d'en garder copie, de les utiliser après restitution, la nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon établi par le commissaire de justice en date du 7 juin 2023.
***
L'article R.153-1 du code de commerce mentionne que 'Lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires.
Si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant.
Le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10".
L'article R.716-16 du code de la propriété intellectuelle ajoute que 'La saisie, descriptive ou réelle, prévue à l'article L. 716-7 est ordonnée par le président du tribunal judiciaire compétent pour connaître du fond.
Le président peut autoriser l'huissier à procéder à toute constatation utile en vue d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon.
Afin d'assurer la protection du secret des affaires, le président peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces saisies, dans les conditions prévues à l'article R.153-1 du code de commerce'.
La cour observe en premier lieu que les données concernées ont fait l'objet d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 juin 2023 et qu'elles ont été transmises au conseil de la société France Fluides. De même, il n'est pas remis en cause que ces éléments ont été annexés à l'assignation par l'intimée à l'encontre de l'appelante lors de son action au fond en contrefaçon.
Il s'ensuit que la demande de séquestre est sans objet et sera rejetée.
Pour le surplus, s'agissant des demandes de modification, de restitution ou de condamnation, ces prétentions sont formulées dans des termes excédant les pouvoirs du juge de la rétractation et seront donc également rejetées.
La décision attaquée sera donc confirmée au vu de ce seul constat.
III Sur la demande de dommages et intérêts faite au titre de l'abus de droit.
La société Dalta soutient qu'il résulte de la présentation déloyale, des moyens d'une action artificielle pour obtenir une autorisation de saisie-contrefaçon et d'une administration déloyale de la preuve un abus de droit par la société France Fluides et réclame à ce titre la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 70.000 € à titre de dommages et intérêts.
Il ressort cependant de ce qui précède qu'aucun des griefs mis en avant par l'appelante n'est avéré, alors qu'il s'agit d'une condition posée par l'article 1240 du code civil pour qu'une condamnation pour abus de droit soit prononcée.
Par conséquent, la demande faite à ce titre sera rejetée et la décision attaquée confirmée de ce chef.
IV Sur les demandes annexes.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Au vu de ce qui précède, l'équité exige que la société Dalta soit condamnée à verser à la société France Fluides la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel.
Aux termes de l'article 696 alinéa premier du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la société Dalta qui succombe au principal, supportera la charge des entiers dépens.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Confirme la décision rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux le 4 septembre 2023 ;
Y ajoutant,
Condamne la société Dalta à régler à la société France Fluides une somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dalta aux entiers dépens de la présente instance.
Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,