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Décisions

Cass. 2e civ., 8 juin 2023, n° 21-23.684

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Martinel

Rapporteur :

Mme Jollec

Avocat général :

M. Adida-Canac

Avocat :

SCP Alain Bénabent

Douai, du 30 août 2021

30 août 2021

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée (Douai, 30 août 2021), M. [U] et Mme [V] [U] ont relevé appel de deux ordonnances de taxe du 19 octobre 2020 rendues par un bâtonnier de l'ordre des avocats les ayant condamnés à payer à M. [Y], avocat, certaines sommes.

2. M. [Y] a soulevé l'irrecevabilité de l'appel sur le fondement de l'article 932 du code de procédure civile.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [U] et Mme [V] [U] font grief à l'ordonnance de taxe de déclarer irrecevable la déclaration d'appel qu'ils ont présentée à l'encontre de l'ordonnance de taxe du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lille du 19 octobre 2020 (procédure 10709/20) enrôlée en appel sous le n° RG 21/00376, alors « que dans le cadre d'une procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, l'article 932 du code de procédure civile instaure un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel ; que ce formalisme, qui impose notamment à l'appelant d'adresser son recours au « greffe de la cour », doit être appliqué sans excès qui risquerait de porter atteinte à l'équité de la procédure et restreindrait l'exercice du droit d'exercer un recours ; qu'en déclarant l'appel de M. [R] [U] et de Mme [V] [U] irrecevable, motifs pris que « la déclaration d'appel a été libellée (?) et adressée à : "Monsieur le Greffier en chef du tribunal d'instance [Adresse 2] de [Localité 5]" », avant d'être « transmise le 21 janvier 2021 par voie administrative au premier président de la cour d'appel de Douai », de sorte que « la déclaration d'appel querellée est nulle et ne peut saisir valablement la juridiction du premier président puisqu'elle n'a pas été déposée à la bonne juridiction d'appel » cependant que la déclaration d'appel avait en toute hypothèse été transmise au greffe de la cour dans le délai du recours et que les consorts [U], qui n'étaient pas assistés d'un avocat, avaient pu légitimement se méprendre sur le service du greffe destinataire de leur recours, les deux greffes du tribunal judiciaire et de la cour d'appel étant domiciliés à une même adresse, la cour d'appel a fait peser sur eux une charge procédurale excessive qui, faute de les mettre à même d'accomplir de façon effective les actes de la procédure d'appel, a eu pour effet de restreindre l'exercice de leur droit d'exercer un recours et de porter atteinte à l'équité de la procédure, en violation des articles 176 du décret n° 91-1197 et 932 du code de procédure civile, en semble l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article 932 du code de procédure civile, l'appel est formé par une déclaration que la partie ou tout mandataire fait ou adresse, par pli recommandé, au greffe de la cour.

4. En application de ce texte, est irrecevable la déclaration d'appel faite au greffe de la juridiction ayant rendu la décision.

5. Cet article n'impose pas une charge procédurale excessive à une partie qui n'est pas représentée par un avocat, et ne méconnaît pas les exigences du procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En effet, en premier lieu, la formalité, qui est énoncée clairement, peut être accomplie par une partie même non représentée par un avocat, qui doit faire toute diligence pour la défense de ses intérêts et se conformer aux exigences du texte. Elle n'a donc pas pour effet de priver les appelants de l'exercice de leur recours.

7. En deuxième lieu, cette exigence, dont la finalité est de s'assurer de l'intention de l'appelant de former appel en adressant sa déclaration au greffe de la cour d'appel, vise à assurer la bonne administration de la justice et poursuit un but légitime de sécurité juridique.

8. En troisième lieu, la transmission de la déclaration d'appel par le greffe du tribunal au greffe de la cour d'appel ne peut valoir saisine régulière de la cour d'appel, dès lors que celle-ci n'émane pas des parties mais serait tributaire d'initiatives du greffe dépourvues de fondement textuel et constituant une rupture d'égalité. Il existe, dès lors, un rapport raisonnable de proportionnalité entre l'exigence et le but visé.

9. Ayant constaté que la déclaration d'appel avait été adressée à « Monsieur le greffier en chef du tribunal d'instance [Adresse 2] de [Localité 5] » quand bien même elle aurait été transmise par voie administrative au premier président de la cour d'appel de Douai, le premier président en a exactement déduit que l'appel, qui ne respectait pas l'article 932 du code de procédure civile, était irrecevable.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.