CA Paris, Pôle 4 ch. 6, 3 mai 2024, n° 21/00136
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
VLV Orfila (SAS), Baignas (SAS), VLV (SAS)
Défendeur :
GCG Architectes (SAS), Mutuelle des Architectes Français (Sté), Dupouy-Flamencourt (SARL), MMA Iard (SA), MMA Iard Assurances Mutuelles (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tardy
Conseillers :
Mme Szlamovicz, Mme Chretiennot
Avocats :
Me Grappotte-Benetreau, Me Pinder, Me Peltier, Me Lesenechal, Me Casanova, Me Thai Thong
Exposé du litige
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV exercent l'activité de marchand de biens.
La société VLV Orfila a été créée le 7 octobre 2013 en vue de la construction d'un immeuble de logements collectifs ; elle est une filiale de la société Baignas, société familiale dont les parts sont détenues par des membres de la famille [B].
Pour réaliser cette opération, la société VLV Orfila, alors en formation, a signé le 27 février 2013 avec la société GCG Architectes (la société GCG), assurée auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF), un contrat d'architecte pour travaux sur existants en vue de la transformation d'un local commercial en logements collectifs.
Dans le cadre de sa mission, la société GCG a déposé le 2 avril 2013, un permis de construire qu'elle a complété par des plans les 17 mai et 31 juillet 2013.
Le 4 avril 2013, la société VLV Orfila a chargé le cabinet Dupouy-Flamencourt, géomètre-expert, syndic de la copropriété du [Adresse 12], assurée auprès de la société MMA IARD et la société MMA IARD assurance mutuelles (les sociétés MMA), de la réalisation d'un relevé de la structure du bâtiment en rez-de-chaussée et en étage, pour un montant de 5 457 euros TTC.
Le 10 septembre 2013, la société VLV Orfila s'est substituée à Mme [J] [B], au profit de qui avait été signée une promesse de vente portant sur le lot n°100 d'un immeuble en copropriété situé [Adresse 12] à [Localité 11], ladite promesse de vente comprenant plusieurs conditions suspensives et notamment l'obtention du permis de construire et celui du financement.
Le 2 janvier 2014, la banque populaire Val de France a adressé à la société VLV Orfila un accord pour un découvert en compte de 1 700 000 euros en vue de la réalisation de 15 logements répartis sur trois étages.
Le 4 février 2014, la société GCG a émis une note d'honoraires à destination de la société Baignas au titre de la représentation graphique du PLU sur le terrain pour la construction d'un bâtiment neuf et la proposition d'implantation du bâti en plans et volumes et évaluation sommaire des surfaces de plancher, pour 2 520 euros TTC.
Le 13 mai 2014, un nouveau contrat d'architecte portant sur des travaux sur neufs a été conclu entre la société VLV Orfila et la société GCG, à la suite duquel cette dernière a déposé un second permis de construire le 30 juin 2014.
Le 30 mars 2015, un permis a été accordé à la société VLV Orfila pour la construction d'un bâtiment de 15 logements en R+7, emportant démolition du lot n°100, avec une surface créée de 917,90 m².
Le 20 octobre 2015, la société VLV Orfila a signé avec la société Agence d'architecture et de conseils un contrat d'architecte pour travaux sur neufs.
Le 2 novembre 2015, la société VLV Orfila a mis fin à ses relations contractuelles avec la société GCG, l'informant avoir choisi un nouvel architecte.
Le 11 janvier 2016, la banque populaire Val de France a adressé à la société VLV Orfila un accord pour un découvert en compte de 2 400 000 euros en vue de la réalisation de 15 logements répartis sur sept étages.
Le 3 mars 2016, la société VLV Orfila est devenue propriétaire du lot 100 de la copropriété du [Adresse 12].
Au cours des années 2013 à 2015, différents recours gracieux et contentieux ont été dirigés contre les permis de construire précités.
Estimant que les plans élaborés par la société GCG étaient faux en ce qu'ils indiquaient une superficie de l'ensemble des 15 lots commercialisables supérieure à la réalité du terrain de 94,40 m² en loi Carrez et de 97,49 m² en surface pondérée, la société VLV Orfila a mandaté M. [M], géomètre-expert foncier, pour qu'il procède à un mesurage, réalisé le 25 mars 2016.
Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 13 janvier 2017, le conseil de la société VLV Orfila a sollicité de la société GCG de formaliser un accord amiable au plus tard le 30 mars 2017, en vain, en indiquant que sa cliente subissait un double préjudice lié à la perte de gain sur la surface commerciale d'environ 1 000 000 euros, outre l'augmentation du coût de la construction.
Considérant qu'il résultait du mesurage de M. [M] une surface d'emprise foncière du terrain de 349 m², alors que la société GCG Architectes avait élaboré le projet de construction en prenant en compte une emprise foncière de 360 m², soit une différence de 11 m², la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV ont, par exploit d'huissier des 20 et 21 février 2018, fait assigner la société d'architecture GCG, la MAF, la société Dupouy-Flamencourt, les sociétés MMA aux fins de les voir condamnées in solidum à les indemniser au titre de ses différents préjudices.
Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a statué en ces termes :
Déboute la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Déboute la société VLV Orfila de sa demande de voir condamner la société GCG Architectes à lui rembourser les honoraires d'un montant de 70 821,80 euros HT ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV aux entiers dépens en ce compris ceux de la procédure de référé et d'expertise ;
Autorise le recouvrement direct des dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du présent jugement.
Par déclaration en date du 23 décembre 2020, la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV ont interjeté appel du jugement, intimant devant la cour :
- la société GCG
- la MAF
- la société Dupouy-Flamencourt
- les sociétés MMA
EXPOSE DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 septembre 2021, la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV demandent à la cour de :
Recevoir les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV en leurs présentes écritures ;
Les y déclarer bien fondées ;
Y faisant droit :
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société GCG a été défaillante dans l'exécution des deux contrats d'architecture, en établissant et en produisant des plans prévoyant un immeuble surdimensionné par rapport à la réalité du terrain ;
Débouter les sociétés GCG, Dupouy-Flamencourt, la MAF, les sociétés MMA de leurs appels incidents ;
Infirmer le jugement pour le surplus.
Statuant de nouveau :
Juger que la société Dupouy-Flamencourt a été défaillante dans l'exécution du contrat en n'établissant pas de relevés des murs intérieurs avec épaisseur et en n'informant pas la société VLV Orfila des erreurs de cotation des plans qu'elle avait reçus de la société GCG ;
Juger que les fautes révélées engagent la responsabilité civile contractuelle des sociétés GCG et Dupouy-Flamencourt à l'égard de la société VLV Orfila, et délictuelle à l'égard des sociétés Baignas et VLV ;
Condamner in solidum les sociétés GCG, Dupouy-Flamencourt, la MAF, les sociétés MMA à verser, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure d'avoir à déclarer le sinistre, et avec le bénéfice de l'anatocisme prévu à l'article 1343-2 du code civil :
- société VLV Orfila''''424 659 euros
- société VLV''''''...194 400 euros
- Société Baignas'''''479 504 euros
Reconnaissant la réalité des préjudices annexes,
Condamner in solidum les sociétés GCG, Dupouy-Flamencourt, la MAF, les sociétés MMA à verser aux sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts ;
Débouter les sociétés GCG, Dupouy-Flamencourt, la MAF, les sociétés MMA de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées contre les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV ;
Condamner in solidum les sociétés GCG, Dupouy-Flamencourt, la MAF, les sociétés MMA à verser aux sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV la somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens, tant de 1ère instance que d'appel, en ceux compris le coût des actes de Maître [T] et des rapports de Mme [R] et de M. [O], dont distraction au profit de Maître Anne Grapotte Benetreau, avocat au Barreau de Paris.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2023, la MAF demande à la cour de :
Juger l'appel des sociétés VLV Orfila, la société Baignas et la VLV mal fondé,
Juger l'appel incident de la MAF autant recevable que bien-fondé ;
Statuant à nouveau ;
Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de la faute de la société GCG ;
Confirmer le jugement en ce qu'il a écarté toute condamnation à l'encontre de la MAF ;
Débouter en conséquence les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV de l'intégralité de leurs demandes en l'absence d'une faute démontrée à l'encontre de la société GCG, d'un préjudice direct en résultant et du lien de causalité,
Subsidiairement,
Juger qu'aucune condamnation solidaire ou in solidum ne pourra être prononcée à l'encontre de la MAF en application de la clause d'exclusion de solidarité insérée aux contrats de maîtrise d''uvre et en application de l'article 1202 ancien - 1310 du code civil,
Fixer la part de responsabilité maximum de l'architecte à hauteur de 20%,
En tout état de cause,
Juger que la garantie de la MAF s'appliquera dans les limites et conditions de la police qui contient une franchise ainsi qu'un plafond de garantie au titre des dommages immatériels non consécutifs d'un montant de 500 000 euros hors actualisation, tous deux opposables aux tiers lésés,
Juger par voie de conséquence que toute condamnation à l'encontre de la MAF ne saurait excéder ledit plafond de 500 000 euros hors actualisation,
Condamner la société Dupouy-Flamencourt, les sociétés MMA à relever et garantir la MAF de toute condamnation prononcée à son encontre en application de l'article 1382 ancien - 1240 du code civil,
Condamner solidairement la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV à 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Les condamner en tous les dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 2 février 2022, la société GCG demande à la cour de :
Infirmer le jugement en ce qu'il a retenu par dénaturation des faits et erreur de droit une faute personnelle de l'agence d'architecture GCG, et statuant à nouveau,
Rejeter les demandes issues des " rapports de Mme [R] " et " rapport de Monsieur [O] " produits pour la première fois en cause d'appel en pièces 1 et 2 de Maître Grappotte Benetreau comme constituant des demandes nouvelles ;
Subsidiairement constater que ces " rapports " représentent strictement les allégations des appelantes sans caractère contradictoire ni démonstratif à l'égard des intimées,
Et statuant à nouveau,
En Principal :
Juger que les revendications des sociétés Baignas, VLV Orfila, VLV ne caractérisent aucune obligation indemnitaire certaine,
Dans l'analyse de la causalité adéquate, débouter les sociétés Baignas, VLV Orfila, VLV, en toutes leurs demandes fins et conclusions,
Juger qu'aucune preuve n'est rapportée d'une faute personnelle de l'agence d'architecture GCG dans la limite de son propre contrat,
Juger que l'agence d'architecture GCG n'est tenue à aucune garantie à l'égard de quiconque d'aucune sorte, spécialement relativement à tel résultat en termes de superficie commercialisable, rapporté à tel investissement et à tel préjudice prévisible et légitime,
Juger par application de la clause contractuelle d'exclusion de solidarité, que l'agence GCG n'est tenue d'aucune solidarité avec quiconque,
A titre subsidiaire :
Dans l'analyse de la causalité adéquate, juger que le géomètre-expert Dupouy-Flamencourt est exclusivement responsable de l'erreur de mesurage qu'il a commise spécialement dans le mesurage des épaisseurs des maçonneries dans la largeur de la parcelle, et de ses conséquences,
Débouter toutes les demandes à l'égard de l'agence GCG relativement à une prétendue obligation de contrôle du mesurage de superficie du géomètre-expert ;
Condamner le cabinet de géomètre-expert Dupouy-Flamencourt avec la garantie de son assureur MMA à relever et garantir l'agence GCG intégralement indemne,
En tout état de cause :
Condamner la MAF à garantir l'agence GCG dans les conditions et limites de sa police,
Condamner tout succombant à indemniser l'agence GCG de ses frais irrépétibles à hauteur de 10 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile, et admettre Maitre Peltier à recouvrer ses dépens au visa de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Dupouy-Flamencourt et les sociétés MMA demandent à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 24 novembre 2020 (RG 18/03793),
En cela,
Rejeter toute demande de condamnation dirigée à l'encontre de la société Dupouy-Flamencourt, et les sociétés MMA,
Condamner la société VLV Orfila, la société Baignas et la société VLV au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2023 et l'affaire a été appelée à l'audience du 15 février 2024, à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré.
Motivation
MOTIVATION
Sur la demande de la société GCG de voir rejeter les demandes issues des " rapports de Mme [R] " et " rapport de Monsieur [O] " produits pour la première fois en cause d'appel en pièces 1 et 2 de Maître Grappotte Benetreau comme constituant des demandes nouvelles
La société GCG soutient que ces rapports présentent de nouvelles argumentations et constituent autant de demandes nouvelles qui échappent au double degré de juridiction.
Aux termes de l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
L'article 565 du même code dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En vertu de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Au cas d'espèce, la société GCG fait grief aux appelantes de produire de nouvelles pièces en appel et de se fonder sur ces pièces pour invoquer des moyens nouveaux, mais sans soutenir qu'il s'agirait de prétentions nouvelles.
Il n'y a donc pas lieu de rejeter les demandes issues des "rapports de Mme [R]" et "rapport de Monsieur [O]" produits pour la première fois en cause d'appel en pièces 1 et 2 de Maître Grappotte Benetreau.
Sur les fautes commises par la société GCG et la société Dupouy-Flamencourt
Moyens des parties
Les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV soutiennent que la société GCG, dans le cadre du premier contrat, était chargée d'une mission " PRE : relevé et diagnostic " et que, dans ce cadre, elle était tenue de se rendre sur place et de procéder au mesurage des existants. Elles soulignent que suite à la réception le 29 avril 2013 du plan du géomètre, la société GCG devait modifier son projet, si elle l'estimait nécessaire. Elles ajoutent que la société GCG était tenue d'établir des plans exempts de vice et de vérifier l'adéquation de l'enveloppe de son projet par rapport au programme défini par la société VLV Orfila.
Elles font valoir que la société Dupouy-Flamencourt a manqué à ses obligations contractuelles en fournissant un plan sans relevé des murs périphériques avec épaisseur ni cote.
Elles ajoutent que la société Dupouy-Flamencourt, eu égard à sa parfaite connaissance de la parcelle en sa qualité de syndic et étant détenteur de documents d'arpentage, aurait dû prévenir la société VLV Orfila et la société GCG des erreurs de cotes sur les plans de l'architecte, qu'elle a reçu le 29 avril 2013, afin de préparer le modificatif de copropriété.
La société GCG soutient qu'elle ne peut être tenue pour responsable de l'erreur de mesure commise en avril 2013 par le géomètre expert, sa mission étant distincte de celle du géomètre expert. Elle expose qu'elle n'avait pas à contrôler le travail de celui-ci, d'autant plus que ce dernier était également syndic de l'immeuble et connaissait donc ses particularités. Elle souligne que le maître d'ouvrage lui avait demandé de déposer le permis de construire avant de disposer des relevés de la parcelle et que par conséquent il avait nécessairement pris le risque de devoir modifier la demande de permis suite à ces relevés.
La MAF soutient qu'il ne peut être reproché une quelconque faute à l'architecte dès lors que le document de l'expert géomètre est lui-même erroné et qu'il ne lui appartenait pas de contrôler le relevé effectué par le géomètre.
La société Dupouy-Flamencourt et les MMA soutiennent que la société Dupouy-Flamencourt n'a pas commis de faute en réalisant une prestation sans relevé d'épaisseurs des murs, le plan qui était demandé ayant seulement pour but de visualiser la structure porteuse du bâti en ses cotes intérieures. Elles exposent que la société Dupouy-Flamencourt ne pouvait réaliser la prestation de relevé d'épaisseur des murs à ce state du projet alors que les limites séparatives avec les fonds voisins n'avaient pas été déterminées. Elles soulignent que l'architecte a reporté la cote erronée de 14,54 m en se fondant sur le plan cadastral, alors que ce plan a un caractère purement indicatif.
Elles font valoir qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir contrôlé le travail de l'architecte qui lui a remis des plans comportant des cotes erronées le 20 mai 2013 aux fins de réaliser un modificatif de copropriété et que le fait qu'elle dispose d'un plan d'arpentage ne suffisait pas à en déduire que ce dernier correspondait à la surface réelle de la parcelle.
Elles précisent que le fait que la société Dupouy-Flamencourt soit également le syndic de copropriété est sans incidence, sa mission de syndic étant sans lien avec le présent litige.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable aux faits eu égard à la date des contrats litigieux, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il est établi que l'architecte, tenu que d'une obligation de moyens dans l'exécution de ses missions (3e Civ., 3 octobre 2001, pourvoi n° 00-13.718), est responsable envers le maître de l'ouvrage de ses fautes dans la conception de l'ouvrage et dans l'exécution de son obligation de conseil (3e Civ., 30 novembre 2011, pourvoi n° 10-21.273) dont l'étendue est à la mesure de la mission à lui confiée (3e Civ., 11 juillet 2012, pourvoi n° 11-17.434 ; 3e Civ., 5 janvier 2017, pourvoi n° 15-26.167).
Au cas d'espèce, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, la société GCG était chargée, aux termes de l'article G3 du contrat du 27 février 2013, de procéder à un état des lieux et un relevé des ouvrages existants par mesurage dans la limite des informations nécessaires pour établir le projet, le cas échéant avec le concours d'un géomètre expert. Ils ont également, à juste titre, observé que l'architecte a commis une faute en utilisant, pour remplir sa mission, le plan du géomètre expert qui ne comportait pas de cotes. Il convient d'ajouter que la société GCG a commis une erreur en reportant, elle-même sur les plans, des cotes qui se sont avérées erronées, sans s'assurer de l'exactitude des limites mitoyennes, sur lesquelles elle se fondait, et sans solliciter auprès du géomètre expert les informations sur l'épaisseur des murs, qui lui étaient nécessaires pour remplir correctement sa mission.
La société Dupouy-Flamencourt s'était engagée, selon le devis du 4 avril 2013 à fournir une prestation de relevé de la structure du bâtiment et un relevé des murs périmétriques avec épaisseur. Elle a, par conséquent, manqué à son obligation contractuelle en délivrant un plan sans cote et sans relevé des murs périmétriques avec épaisseur.
Elle ne peut s'exonérer de sa responsabilité en faisant valoir qu'elle ne connaissait pas les limites séparatives du terrain et que la société GCG n'avait émis aucune critique à la réception de ses plans, dès lors qu'il lui appartenait d'attirer l'attention du maître d'ouvrage qui l'avait mandaté sur le fait qu'elle n'avait pu réaliser la prestation prévue et des motifs pour lesquels elle n'avait pas été réalisée.
La société GCG et la société Dupouy-Flamencourt ont, toutes les deux, commis des fautes de nature à engager leur responsabilité, sous réserve que soit établie l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice.
Sur les préjudices subis par les VLV Orfila, Baignas et VLV et le lien de causalité avec les fautes des société GCG et Dupouy-Flamencourt
Pour justifier de leurs préjudices et du lien de causalité, les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV se réfèrent à une analyse de M. [O], expert-comptable ainsi qu'à l'avis de Mme [R], architecte, nouvelles pièces produites dans le cadre de l'instance d'appel.
Elles estiment que les préjudices financiers s'élèvent à un montant total de 1 098 563 euros ainsi détaillé :
- frais pour l'obtention d'un permis de construire modificatif : 120 592 euros
- charges financières supportées : 123 120 euros
- gains manqués : 375 347 euros
- perte sur l'opération de [Localité 14] : 479 504 euros
Quant au lien de causalité, elles soutiennent que si l'erreur n'avait pas été commise ou si elle avait été découverte pendant les recours contre les permis de construire, la société VLV Orfila n'aurait jamais subi de préjudices puisqu'elle aurait renoncé à investir dans ce projet.
Sur le principe du préjudice, elles font valoir que la perte de surface Carrez a dégradé de façon rédhibitoire la rentabilité de l'opération qui aurait été ramenée à un taux de rentabilité d'environ 16 à 17%. Elles soulignent que l'erreur de mesurage a imposé le dépôt d'un permis de construire modificatif et qu'elles ne pouvaient poursuivre la commercialisation de cette opération en VEFA dès lors que les contrats de réservation doivent mentionner la superficie Carrez des lots et que les plans du permis de construire doivent y être annexés.
Elles exposent qu'il en est résulté un retard de 18 mois dans la pré-commercialisation des lots, entre le 30 mars 2016 et le 2 octobre 2017 et qu'elles ont dû engager des fonds propres pour poursuivre l'opération immobilière, ce qui n'était pas prévu puisque l'opération devait être à l'équilibre lorsque les premières pré-commercialisations représenteraient environ 30% du prix de commercialisation, soit fin mars 2016.
Elles soutiennent que pour obtenir un financement de l'opération, la société VLV a dû céder à un prix réduit un bien immobilier situé [Adresse 13] et que plusieurs lots ont été cédés à la société Cresden'home pour un prix inférieur à leur valeur. Elles ajoutent que la société Baignas a dû renoncer à une autre opération immobilière pour obtenir une trésorerie immédiate.
La société GCG fait valoir que les réclamations de la société VLV Orfila sont fondées sur le rapport de M. [O], qui est contredit par le rapport de M. [V], également expert-comptable.
Concernant la charge financière liée au retard de commercialisation, elle soutient que la société VLV Orfila ne produit pas les éléments financiers justifiant le préjudice allégué.
Quant aux autres préjudices, elle conteste l'authenticité de l'attestation de Mme [K] concernant le préjudice lié à la vente de l'appartement de la [Adresse 13], soutient que la réalisation de l'opération immobilière sur le terrain de [Localité 14] était soumise à un aléa judiciaire et conteste que la vente des lots Cresden'home ait eu lieu à un prix inférieur à celui qui pouvait être espéré.
Elle expose que les préjudices allégués ne revêtent pas les conditions nécessaires de prévisibilité et de légitimité du dommage.
La société Dupouy-Flamencourt et les MMA font valoir que le retard du projet immobilier est essentiellement dû aux recours exercés à l'encontre des permis de construire et que l'insuffisance de rentabilité de l'investissement immobilier ne constitue pas un préjudice réparable.
Elles soulignent que le géomètre-expert ne peut être tenu pour responsable de surfaces qui auraient été promises par le maître d''uvre et qu'il ne peut être déduit de l'erreur de cotation une impossibilité de réaliser le projet immobilier, la conséquence de cette erreur n'étant qu'une réduction des surfaces des lots à vendre, entraînant une réduction de prix, sous réserve du seuil d'un vingtième prévu par l'article 1619 du code civil.
La MAF fait valoir que le projet a pris du retard en raison des recours successifs des voisins et s'approprie les motivations du jugement, quant à la réalisation finale d'un projet différent de ceux de la société GCG, à l'absence de preuve de la non-faisabilité du projet le plus avantageux en termes de surface de vente et à l'absence de lien de causalité entre le surcoût de la construction et la faute de l'architecte.
Elle conteste les préjudices allégués par les appelantes en raison du caractère non contradictoire de l'analyse de M. [O] et de l'analyse de M. [V] aboutissant à des conclusions différentes. Elle se réfère à cette dernière analyse pour en déduire l'absence de preuve de préjudice subi par les appelantes.
Réponse de la cour
Ainsi qu'il résulte de la comparaison des projets résultant des plans de la société GCG et de ceux résultant des plans du nouvel architecte, réalisée par les premiers juges, qu'il n'est pas établi que le nouveau projet serait plus risqué financièrement que celui initialement prévu.
Les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV n'apportent donc pas la preuve que, si elles avaient connu l'erreur de métrage, elles n'auraient pas investi dans le projet.
Concernant le préjudice lié au nouveau permis de construire, l'affirmation de Mme [R], architecte, selon laquelle le projet ne pouvait être réduit en diminuant la taille des pièces et qu'il était nécessaire de "reprendre le projet à zéro et de refaire toutes les études" n'est corroborée par aucun élément de preuve technique, de telle sorte qu'il convient d'approuver les premiers juges en ce qu'ils ont estimé qu'il n'était pas établi que le projet le plus avantageux en termes de surface de vente n'était pas réalisable et ce d'autant plus que le permis de construire définitif n'est pas produit aux débats, alors même que le tribunal notait dans son jugement que l'absence de production de cette pièce ne lui permettait pas de s'assurer que le projet final du maître d'ouvrage avait prospéré.
Les appelantes se fondent sur le rapport de M. [O] qui indique en page 7 "la commercialisation a été brutalement stoppée le 30 mars 2016 par l'annulation des premières réservations VEFA en raison des plans erronés" et sur l'annexe 4 du rapport de M. [O]. Cette annexe 4 est cependant constituée uniquement d'une facture de la société Agence d'architecture et de conseil du 27 octobre 2016 d'un montant de 2820 euros pour le dépôt d'un permis modificatif.
Par ailleurs aucune pièce n'est produite aux débats quant à la commercialisation qui aurait eu lieu avant le 30 mars 2016 ni concernant l'annulation de réservations VEFA effectuées avant cette date.
Enfin, les dispositions de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965, issues de la loi " carrez " et celles de l'article 4-1 du décret du 17 mars 1967, relatives à la vente des lots de copropriété après achèvement, ne sont pas applicables à la vente d'immeuble à construire (3e Civ., 11 janvier 2012, pourvoi n° 10-22.924, Bull. 2012, III, n° 5) et en vertu de l'article R. 261-25 du code de la construction et de l'habitation le contrat de " réservation ", qui peut précéder la vente authentique, ne doit indiquer que la surface habitable approximative de l'immeuble faisant l'objet de ce contrat, le nombre de pièces principales et l'énumération des pièces de service, dépendances et dégagement et s'il s'agit d'une partie d'immeuble, la situation de cette partie dans l'immeuble.
Au surplus pour justifier d'un coût de 120 592 euros au titre des frais, études et honoraires pour déposer un permis de construire modificatif et des coûts de l'arrêt du chantier et de sa reprise, les appelantes se fondent uniquement sur une estimation réalisée par M. [O] et l'annexe 3 du rapport de ce dernier qui consiste en une facture de 17 820 euros, datée du 21 juin 2016 établie par la société Agence d'architecture et de conseil au titre de la reprise de conception. Aucune autre pièce n'est invoquée à l'appui de ces prétentions.
Par conséquent les appelantes ne rapportent la preuve ni de la réalité des préjudices allégués au titre des frais engagés pour un permis de construire modificatif et l'arrêt du chantier ni du lien de causalité entre ces préjudices allégués et les fautes commises par les intimés.
Quant aux charges financières supplémentaires alléguées en raison des retards de commercialisation, les appelantes n'invoquent aucune pièce comptable à l'appui de leurs prétentions, se référant uniquement au rapport de M. [O], qui affirme avoir eu plein accès à la documentation comptable et avoir pu faire des contrôles, sans que les pièces comptables, sur lesquelles il se fonde, n'aient cependant été soumises à un débat contradictoire.
Concernant la période de retard de commercialisation qui est évaluée à 18 mois entre le 30 mars 2016 et le 2 octobre 2017, les sociétés appelantes n'apportent pas la preuve qu'un tel délai était nécessaire pour reprendre la commercialisation après rectification des plans erronés.
Concernant le préjudice résultant de la cession de biens par la société par la société VLV et la société VLV Orfila ainsi que le gain manqué concernant l'opération immobilière de la société Baignas sur le terrain à [Localité 14], il convient d'approuver les premiers juges qui ont conclu que la preuve de l'augmentation du coût du projet n'était pas en lien avec les fautes commises par les intimés ainsi qu'il résulte des échanges entre les appelantes et la banque populaire Val de France.
Il convient d'ajouter qu'aucun document comptable ne permet d'établir la preuve des flux financiers entre les sociétés VLV, Baignas et la société VLV Orfila, établissant que les sociétés VLV, Baignas auraient financé l'opération immobilière de la société VLV Orfila, ni dans quelle mesure.
En outre, concernant la vente de l'immeuble du [Adresse 13] par la société VLV, la promesse de vente a été conclue antérieurement à la découverte de l'erreur de cote. Les appelants expliquent, eux-mêmes, le besoin de réaliser rapidement la vente par le fait que, suite à la contestation des permis de construire par les voisins, la famille [B] a utilisé les fonds propres du groupe sur d'autres opérations. Elles indiquent que, suite à la confirmation à l'automne 2015 de la validité des premiers permis de construire, elles ne détenaient plus de fonds propres suffisants pour financer l'opération de la [Adresse 12].
Concernant la perte alléguée sur la cession de cinq lots à la société Crescend'home, l'analyse financière de M. [O] est contredite par celle M. [V], qui souligne que les données prises en compte par M. [O] pour effectuer son calcul ne sont ni fiables ni cohérentes et que la perte alléguée a en outre été compensée en partie par les hausses des tarifs, dont a pu bénéficier le programme, en raison du report de la commercialisation.
La cour ne peut se fonder uniquement sur le rapport non contradictoire de M. [O] dès lors que la charge de la preuve d'établir l'existence de leur préjudice repose sur les appelantes.
Il en est de même pour la perte alléguée sur l'opération de la rue [Localité 14], M. [V] soulignant qu'aucune pièce comptable concernant la société Baignas n'a été communiquée, de sorte que les montants retenus par M. [O] ne sont pas vérifiables. Les difficultés rencontrées dans l'opération immobilière de la rue [Localité 14] s'expliquent en outre par les contestations des locataires concernant leur éviction.
Le jugement sera donc entièrement confirmé, en raison de l'absence de preuve suffisante de l'existence des préjudices allégués par les appelantes et de leur lien de causalité avec les fautes imputées aux intimés.
Sur les frais du procès
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur la condamnation aux dépens et sur celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En cause d'appel, les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV, parties succombantes, seront condamnées in solidum aux dépens et à payer à la société Dupouy-Flamencourt et aux sociétés MMA la somme de 5000 euros, à la société GCG la somme de 10 000 euros et in solidum à la MAF la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles.
Les demandes de ce chef formées par les sociétés VLV, VLV Orfila et Baignas seront rejetées.
Le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
Dit n'y avoir lieu de rejeter les demandes issues des "rapports de Mme [R]" et "rapport de Monsieur [O]" produits pour la première fois en cause d'appel en pièces 1 et 2 de Maître Grappotte Benetreau ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV aux dépens ;
Admet les avocats qui en ont fait la demande et peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés VLV Orfila, Baignas et VLV, les condamne in solidum à payer à la Mutuelle des architectes français la somme de 4 000 euros, les condamne à payer à la société Dupouy-Flamencourt et aux sociétés MMA la somme de 5 000 euros et à la société GCG Architectes la somme de 10 000 euros.