Livv
Décisions

Cass. soc., 7 mai 2024, n° 22-22.357

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Monge

Rapporteur :

Mme Cavrois

Avocat :

SARL Cabinet Rousseau et Tapie

Aix en Provence, du 4 mars 2022

4 mars 2022

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 4 mars 2022), M. [J] a été engagé en qualité de chef de projet, niveau 240, par la société Nhéolis (la société), à compter du 12 février 2007.

2. Par jugement du 14 octobre 2013, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'égard de la société, convertie en liquidation judiciaire le 25 février 2014.

3. Le contrat de travail du salarié a été transféré au profit de la société IDSUD, repreneur de la société à compter du 20 décembre 2013.

4. Le 6 novembre 2014, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes.

5. L'association Unédic AGS-CGEA de [Localité 4] est intervenue à l'instance.

6. Le 20 octobre 2022, la société BR associés a été désignée en qualité de mandataire ad hoc de la société Nhéolis, aux fins de représentation de cette société dans la procédure devant la Cour de cassation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors « que les clauses statutaires limitant les pouvoirs des dirigeants sociaux sont inopposables aux tiers ; que le salarié peut donc se prévaloir de l'engagement signé par le dirigeant de la société qui l'emploie de lui céder une partie du capital de la société en reconnaissance du travail effectué et de le faire bénéficier de stock-options, nonobstant les limitations statutaires des pouvoirs du signataire inopposables au salarié ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a refusé à M. [J] le bénéfice du document du 15 novembre 2016 (en réalité 15 décembre 2006) signé par le gérant majoritaire de la Sarl Nhéolis, motif pris que l'accord était inopposable aux organes de la procédure collective puisqu'il n'avait pas été soumis au comité de suivi statutairement compétent pour autoriser tout acte relatif au capital ni soumis à l'ensemble des actionnaires ; qu'en refusant d'appliquer l'engagement dont elle constatait l'existence au motif erroné qu'il relevait statutairement d'un autre organe, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1134 devenu 1103 du code civil et l'article 223-18 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 et l'article L. 223-18 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 :

9. Aux termes du premier de ces textes, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

10. Selon le second, dans les rapports avec les tiers, le gérant de la société à responsabilité limitée est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. La société est engagée même par les actes du gérant qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve. Les clauses statutaires limitant les pouvoirs des gérants qui résultent du présent article sont inopposables. aux tiers.

11. Pour rejeter les demandes du salarié fondées sur l'accord du 15 décembre 2006, l'arrêt, après avoir relevé que cet accord était signé par le gérant majoritaire de la société, retient qu'il est inopposable aux organes de la procédure collective, dès lors qu'il n'a pas été soumis à l'ensemble des actionnaires et validé par le comité de suivi prévu par l'article 17-5 des statuts de la société qui donne compétence au comité de suivi pour autoriser tout acte relatif au capital de la société et notamment l'octroi de stock-options au profit du personnel salarié ou des dirigeants.

12. En statuant ainsi, alors, d'abord, que la société était engagée par l'acte signé par son dirigeant, ensuite, que la limitation statutaire des pouvoirs de celui-ci, n'était pas opposable à un tiers à la société, enfin, que les actes engageant la société étaient opposables aux organes de la procédure collective, en particulier au liquidateur chargé de la représenter, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée est sans incidence sur les chefs de dispositif de l'arrêt déboutant le salarié de ses demandes relatives au statut de cadre, à la discrimination syndicale, au travail dissimulé et au harcèlement moral, qui ne s'y rattachent ni par un lien d'indivisibilité, ni par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. [J] fondées sur l'accord du 15 décembre 2006 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 4 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.